Bruit respiratoire et intolérance à l’effort : quel est votre diagnostic ? - Pratique Vétérinaire Equine n° 166 du 01/06/2010
Pratique Vétérinaire Equine n° 166 du 01/06/2010

Cas clinique

Auteur(s) : Emmanuelle van Erck-Westergren*, Valeria Busoni**

Fonctions :
*Equine Sports Medicine, 13 avenue de
l’Équinoxe, 1200 Bruxelles, Belgique
**Service d’imagerie, Faculté de médecine
vétérinaire, Université de Liège, bd Colonster,
Sart Tilman, Belgique

Lors de bruit respiratoire et d’intolérance à l’effort, un examen endoscopique dynamique réalisé avant toute intervention chirurgicale peut mettre en évidence une obstruction complexe impliquant à la fois le larynx et le pharynx.

Les cas de chevaux présentant un bruit respiratoire à l’effort sont fréquents et moins fréquemment associés à de l’intolérance à l’effort chez les chevaux de sport que chez les chevaux de course. Le cas présenté dans cet article met en évidence que sous un symptôme de cornage « classique » chez un cheval de dressage, récalcitrant malgré deux interventions chirurgicales consécutives, se cache une affection plus rare à l’origine d’une véritable intolérance à l’effort.

Cas clinique

Anamnèse

Un étalon KWPN âgé de 5 ans destiné à une carrière de dressage de haut niveau est référé pour l’investigation d’une intolérance à l’effort, associée à un bruit respiratoire.

Le cheval a déjà subi deux interventions chirurgicales successives l’année précédente : la pose d’une prothèse laryngée (tie-back) pour réduire une hémi-parésie laryngée gauche et la réalisation d’un tie-forward. Malgré ces opérations, le bruit respiratoire persiste à l’effort et l’animal ne peut soutenir un travail de plus de 10 minutes. Le bruit respiratoire est audible uniquement au trot et au galop, et augmente avec l’intensité du travail ou la fatigue. Le bruit à l’effort s’est manifesté dès la mise au travail progressive du cheval. Son apparition n’a pas été associée à une circonstance particulière. Le propriétaire rapporte que le cheval tousse sporadiquement lors des repas ou du travail. Aucune autre affection médicale n’est rapportée.

Examen général

Le cheval, de grande taille, est en bon état général. Ses paramètres cliniques généraux sont normaux.

L’animal présente des adhérences cutanées dans l’espace intermandibulaire, principalement le long de la ligne médiane. Les nœuds lymphatiques sous-mandibulaires sont hypertrophiés. À la palpation du larynx, un réflexe de toux est facilement induit. Les muscles crico-aryténoïdiens sont symétriques, mais les articulations crico-thyroïdiennes ne le sont pas.

L’auscultation respiratoire révèle des crépitements dans la trachée et la région bronchique hilaire. Les auscultations pulmonaire et cardiaque sont normales.

Endoscopie respiratoire au repos

L’examen s’effectue sans sédation préalable.

Les cavités nasales, l’ethmoïde et les zones de drainage sinusales sont normaux.

Le cheval présente une pharyngite folliculaire de grade II/IV. Un prolapsus de la muqueuse palato-pharyngée (piliers caudaux du voile du palais) est visible, recouvrant partiellement la partie dorsale des processus corniculés des deux aryténoïdes (photo 1). Une parésie du cartilage aryténoïde droit de grade III-2/IV est notée : une abduction partielle de l’aryténoïde peut être obtenue mais non maintenue. Le cartilage aryténoïde gauche est immobile, en position d’abduction intermédiaire. Une hyperventilation transitoire induite par obstruction des naseaux provoque un collapsus dorso-ventral du plafond du nasopharynx.

Quelques rares sécrétions muqueuses sont visibles dans la trachée. Le cheval est alimenté avec une poignée de foin au cours de l’endoscopie afin de vérifier que la déglutition s’effectue normalement. Aucune anomalie n’est mise en évidence dans les poches gutturales.

Examen à l’effort

Un examen endoscopique est réalisé à l’effort initialement sur tapis roulant, avec et sans rênes latérales, puis ultérieurement à la piste avec le cheval monté par son cavalier habituel. Les bruits respiratoires sont similaires lors des épreuves sur tapis et sous la selle. À la détente au pas et au trot, le cheval est monté avec l’encolure en extension et ne présente pas de bruit respiratoire. Après 5 minutes, le cavalier rassemble le cheval et travaille avec un enrênement de type gogue. Un bruit inspiratoire se manifeste alors, dont l’intensité s’amplifie au fil de l’exercice, jusqu’à devenir maximale lorsque le cheval est mis au galop. L’animal se fatigue rapidement et l’effort est interrompu au bout de quelques minutes. Il est en dyspnée inspiratoire et le bruit persiste encore une minute environ à l’arrêt de l’effort.

À l’examen endoscopique dynamique, un collapsus dorso-ventral du nasopharynx, associé à une instabilité du voile du palais (sans déplacement dorsal concomitant) est observé dès la mise à l’effort. Le degré du collapsus nasopharyngé s’aggrave progressivement, en même temps que se manifeste le bruit respiratoire. Le degré de collapsus est beaucoup plus sévère lorsque le cheval est monté sur tapis roulant. Au galop, un collapsus axial de l’aryténoïde droit se produit rapidement, aggravant l’obstruction dynamique de l’entrée de la trachée (photo 2). Le débit d’air inspiratoire est très fortement réduit et le cheval ralentit son effort.

Examen radiographique

Deux clichés radiographiques latéro-latéraux de la tête, centrés l’un sur la région des sinus et l’autre sur le larynx, sont réalisés. Les structures anatomiques normales du larynx sont difficiles à délimiter : les processus corniculés des cartilages aryténoïdiens sont couverts par l’arc palato-pharyngé déplacé rostralement (photo 3). L’épiglotte apparaît hypoplasique : elle est courte, sa limite rostrale est difficile à identifier et sa concavité ventrale n’est pas visible.

Les cavités sinusales, la région de l’ethmoïde, les poches gutturales et la partie proximale de la trachée conservent un aspect normal.

Examen échographique du larynx

L’échographie permet de préciser les anomalies détectées à la palpation du larynx. Les images obtenues par une approche ventrale du larynx démarrant au ligament trachéal et remontant rostralement sont symétriques.

Les images obtenues par une approche latérale diffèrent : le rapport entre le cartilage thyroïde et le cartilage cricoïde est normal à gauche et un espace de 0,54 cm est mesuré entre le bord caudal du cartilage cricoïde et le bord rostral du cartilage thyroïde (photo 4). À droite, l’espace mesuré entre les deux cartilages est très nettement supérieur (2,04 cm) : le cartilage thyroïde est plus court en raison d’une atrophie de son aile caudale et de son bord ventral (photo 5). L’échogénicité des cartilages est comparable entre les côtés droit et gauche.

Diagnostic

Le diagnostic différentiel comprend :

– une lésion du nerf laryngé récurrent droit (traumatisme, hématome, abcès sur l’encolure ou intrathoracique) ;

– une infection virale ou bactérienne à l’origine d’un dysfonctionnement neuromusculaire local ;

– une chondrite impliquant plusieurs cartilages laryngés ;

– un remaniement des structures cartilagineuses et des lésions neuromusculaires postchirurgicales ;

– un empyème ou une mycose des poches gutturales ;

– un défaut du quatrième arc branchial.

Un diagnostic de défaut du quatrième arc branchial est établi (“fourth brachial arch defect” ou 4-BAD dans les publications anglo-saxonnes) en raison du déplacement de l’arc palato-pharyngé et de l’existence d’une hémiplégie laryngée droite, associée à des anomalies de structure des cartilages du larynx.

Discussion

Le déplacement rostral de l’arc palato-pharyngé est un signe fortement évocateur de défaut du quatrième arc branchial, mais il peut être absent ou intermittent. La palpation anormale et dissymétrique des cartilages laryngés est un signe pathognomonique. Le diagnostic peut être établi grâce aux examens clinique et endoscopique au repos. L’endoscopie d’effort permet de déterminer l’origine du bruit, de quantifier le degré d’obstruction et de détecter d’éventuelles autres affections concomitantes.

Étiopathogénie

Ce défaut congénital provient d’une anomalie de développement des structures anatomiques laryngées au cours de la vie embryonnaire. Il en résulte une hypoplasie des cartilages thyroïde et cricoïde (figure), ainsi que des ligaments et des muscles associés. Les anomalies anatomiques peuvent être uni- ou bilatérales, même si une prédominance des affections est constatée du côté droit. La parésie laryngée associée est liée à la dysplasie cartilagineuse et à la défaillance des muscles crico-aryténoïdiens consécutive [1]. Certains cas de défaut du quatrième arc branchial gauche peuvent être confondus avec une neuropathie laryngée récurrente du même côté. Des examens nécropsiques ont permis de mettre en évidence le caractère vestigial d’une ou des deux ailes du cartilage thyroïde, des muscles crico-thyroïdiens, crico- et thyro-pharyngiens [2].

Collapsus nasopharyngé

L’association d’un collapsus sévère du nasopharynx à l’effort avec le défaut du quatrième arc branchial, tel qu’observé dans le cas décrit, n’a jamais été rapportée. Néanmoins, dans les précédentes publications sur le sujet, les examens endoscopiques dynamiques ont été réalisés sur tapis roulant, principalement chez des pur-sang : ces examens ont donc été effectués sur des chevaux laissés avec l’encolure libre et sans cavalier. Le degré de flexion obtenu lors d’un effort monté et l’attitude “rassemblée” du cheval peuvent contribuer à augmenter significativement la résistance au débit d’air des voies respiratoires supérieures et favoriser ainsi l’instabilité des parois du nasopharynx [5]. Une augmentation des pressions négatives liées à l’obstruction laryngée concomitante et/ou d’éventuelles autres anomalies des structures cartilagineuses, musculaires ou nerveuses de la région ont également pu contribuer au collapsus nasopharyngé [3].

Déplacement rostral de l’arc palato-pharyngé

Chez certains chevaux, le déplacement rostral de l’arc palato-pharyngé est associé parfois à une dysphagie ou à une aérophagie chronique qui peuvent régulièrement produire des signes d’éructation et/ou de coliques tympaniques récurrentes. La présence d’air dans l’œsophage proximal est alors généralement visible sur les clichés radiographiques.

La prévalence de cette malformation congénitale reste faible, même si une étude rapporte 68 cas sur 2 908 examens endoscopiques, principalement chez des pur-sang [2]. Ces chevaux ont été principalement référés pour l’investigation d’un bruit à l’exercice, mais, pour d’autres, l’affection a été diagnostiquée fortuitement lors d’une vente ou à l’occasion d’une visite d’achat.

Traitement du défaut du quatrième arc branchial

Dans le cas particulier de ce cheval, le diagnostic initial de l’affection responsable du bruit respiratoire à l’effort était erroné. Les deux interventions chirurgicales successives visant, pour la première, à poser une prothèse laryngée gauche et, pour la seconde, à réaliser un tie-forward ont échoué. Le cheval avait été initialement soumis à un examen endoscopique statique unique, à partir duquel la première opération a été décidée. La procédure de tie-forward a été entreprise uniquement en raison de la persistance du bruit respiratoire de type “vibrant”. Un examen endoscopique dynamique pratiqué avant la chirurgie aurait permis de mettre en évidence l’existence d’une obstruction complexe impliquant à la fois le larynx et le pharynx, et d’éviter deux interventions inappropriées. Des diagnostics erronés associés à des procédures chirurgicales inadaptées chez des chevaux présentant ce défaut sont également rapportés [2].

Les solutions chirurgicales pour un défaut du quatrième arc branchial restent très limitées. La morphologie anormale et la qualité altérée des tissus cartilagineux atteints empêchent la pose de prothèses laryngées stables et la reconstruction des structures anormales n’a jamais été envisagée faute de technique efficace. Une aryténoïdectomie partielle a été évoquée comme traitement possible de l’hémiplégie laryngée droite dans ces cas de défaut d’arc branchial [4]. Le pronostic sportif est toujours défavorable et une vigilance accrue est de mise pour exclure la présence de cette anomalie lors de visites d’achat.

Le cheval décrit dans ce cas clinique est toujours au travail, mais à un niveau inférieur à celui auquel il était destiné. Au vu de ses excellentes origines, le propriétaire envisage de le mettre à la reproduction. Bien que certaines races soient davantage atteintes que d’autres, aucune donnée n’existe sur le caractère héréditaire de cette anomalie.

Ce cas illustre l’importance d’un examen clinique soigneux chez les chevaux présentés pour bruit respiratoire à l’effort. Si l’endoscopie au repos, associée à la palpation du larynx, permettait d’établir le diagnostic de cette affection rare, l’endoscopie d’effort a permis de montrer que l’obstruction dynamique des voies respiratoires supérieures était plus complexe qu’il n’y paraissait. Un tel examen pratiqué avant toute intervention chirurgicale aurait permis d’éviter deux interventions inadéquates pour le cheval et des frais particulièrement élevés pour son propriétaire.

Références

  • 1 – Dixon PM, Mc Gorum BC, Else RW. Cricopharyngeal-laryngeal dysplasia in a horse with sudden onset of idiopathic laryngeal hemiparesis. N. Z. Vet. J. 1993;41:134-138.
  • 2 – Lane JG. Fourth branchial arch defects in Thoroughbred horses: a review of 60 cases. In: Proceedings of the 2nd World Equine Airways Symposium, Scotland. 2001.
  • 3 – Rakesh V, Ducharme NG, Cheetham J et coll. Implications of different degrees of arytenoid cartilage abduction on equine upper airway characteristics. Equine Vet. J. 2008;40:629-635.
  • 4 – Tulleners EP, Ross MW, Hawkins J. Management of right laryngeal hemiplegia in horses: 28 cases (1987-1996). In: Proceedings of the American College of Veterinary Surgeons Symposium. 1996:21.
  • 5 – Van Erck E, Votion D, Art T, Lekeux P. Qualitative and quantitative evaluation of equine respiratory mechanics by impulse oscillometry. Equine Vet. J. 2006;38:52-58.

Éléments à retenir

→ La palpation soigneuse du larynx est une étape essentielle de l’examen clinique lorsqu’une obstruction des voies respiratoires supérieures est suspectée.

→ Les anomalies structurelles ou fonctionnelles mises en évidence lors de l’endoscopie au repos ne permettent pas de prédire avec certitude les troubles fonctionnels se produisant à l’effort.

→ L’endoscopie dynamique permet de mettre en évidence des obstructions complexes et d’aider à la prise de décision chirugicale.

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