Approche thérapeutique des diarrhées chez le cheval - Pratique Vétérinaire Equine n° 165 du 01/03/2010
Pratique Vétérinaire Equine n° 165 du 01/03/2010

Article de synthèse

Auteur(s) : Marie Nolf*, Isabelle Desjardins**

Fonctions :
*DMV
**DMV, Dipl. ACVIM
VetAgro Sup, Campus vétérinaire de Lyon
Pôle équin
1, av. Bourgelat
69280 Marcy-l’Étoile

Lors de diarrhée chez le cheval, la prise en charge est en priorité symptomatique. Bien souvent, un traitement étiologique peut être proposé.

Les causes des diarrhées chez le cheval adulte et le poulain sont multiples et demeurent souvent non déterminées (plus de 60 % des cas) [12].

Les mécanismes pathogéniques aboutissant à une diarrhée sont fréquemment mixtes, et impliquent une malabsorption et une hypersécrétion [12]. L’augmentation de la perméabilité de la paroi intestinale en raison de l’inflammation entraîne une élévation de la sécrétion des fluides et des électrolytes, des pertes protéiques dans la lumière intestinale et une absorption d’endotoxines bactériennes dans la circulation sanguine. Les endotoxines stimulent alors la cascade de l’inflammation systémique et de la coagulation.

Le traitement de la diarrhée est essentiellement symptomatique et vise à rétablir la volémie et l’équilibre électrolytique, à diminuer l’inflammation locale et systémique, à lutter contre les endotoxines, à protéger, voire à réparer la muqueuse intestinale, et à rétablir une flore intestinale physiologique. Contrairement à d’autres espèces, l’hyperpéristaltisme intestinal n’est pas traité spécifiquement en raison de l’efficacité souvent médiocre des molécules thérapeutiques et de la contre-indication absolue constituée par la présence d’une occlusion intestinale, qu’il n’est pas toujours facile d’exclure.

L’intensité et la nature du traitement symptomatique dépendent du caractère aigu ou chronique de la diarrhée, et de sa sévérité. Dans les cas où une cause a été identifiée, un traitement spécifique étiologique est à entreprendre.

Rétablir l’équilibre hydro-électrolytique

Les chevaux en diarrhée perdent de l’eau, des électrolytes et des protéines. La quantité d’eau est variable selon la consistance des crottins et le caractère profus de la diarrhée, mais peut atteindre 40 à 90 l/j chez un adulte. La déshydratation (perte d’eau corporelle totale) et l’hypovolémie (perte de volume circulant) coexistent fréquemment (figure, photo 1) [12].

Les déséquilibres électrolytiques les plus fréquents correspondent à une hyponatrémie, à une hypochlorémie et à une hypokaliémie, généralement associées à une acidose métabolique (par pertes de bicarbonates et installation d’une acidose lactique).

Lors de diarrhée légère à modérée, certains chevaux maintiennent leur état d’hydratation et un équilibre électrolytique correct par leur consommation volontaire d’eau et de sel. Il est donc conseillé de laisser à disposition une pierre à sel et un seau d’eau contenant des électrolytes. Si les chevaux mangent, le fourrage étant riche en potassium, la kaliémie se maintient en général dans des valeurs acceptables sans supplémentation [8].

Dans de nombreux cas, l’administration d’eau et d’électrolytes par une intubation nasogastrique périodique est suffisante pour maintenir l’état d’hydratation. Lorsque le volume requis est plus élevé, des tubes de gavage de petit diamètre peuvent être laissés en place et, au maximum, 8 à 16 l/h sont administrés par gravité en continu (ou, de façon discontinue, 4 l toutes les 30 minutes pour un cheval adulte).

La réhydratation orale volontaire ou passive est à proscrire lors d’iléus ou de reflux gastrique.

Dans le cas de diarrhée aiguë profuse, l’administration intraveineuse de fluides est préférée, en raison de la mauvaise absorption intestinale des gros volumes nécessaires. Les besoins d’un cheval à l’entretien sont de 50 ml/kg/j en moyenne, auxquels il convient d’ajouter les pertes dues à la diarrhée (difficiles à apprécier), ainsi que le volume correspondant à la déshydratation. Le volume à perfuser est donc conséquent pour un cheval adulte (de 25 à 120 l par 24 heures).

Le choix du fluide à perfuser est fonction de la nature des déséquilibres électrolytiques et acido-basiques.

Il est possible d’administrer dans un premier temps du chlorure de sodium hypertonique (7,5 %) aux chevaux sévèrement hypovolémiques et/ou sévèrement hyponatrémiques (à raison de 2 à 4 ml/kg en bolus), en prenant le relais dans les 30 minutes suivantes avec des fluides cristalloïdes isotoniques.

Le Ringer lactate et le chlorure de sodium isotonique constituent les fluides de réhydratation de premier choix. L’emploi du Ringer lactate n’est déconseillé que lors d’hyperkaliémie (rare en cas de diarrhée). Si l’hypokaliémie est sévère (surtout en raison de l’anorexie et du manque d’apport), du chlorure de potassium peut être ajouté au soluté de réhydratation, à raison de 20 mEq/l de perfusion (ou de 0,5 mg/kg de poids vif par heure).

Les paramètres de l’hydratation (humidité des muqueuses, temps de remplissage capillaire et jugulaire, mictions, etc.), associés au suivi des variations de la concentration en protéines totales sanguines et de l’hématocrite permettent d’ajuster le débit de fluides à perfuser au fur et à mesure de la réponse organique.

Il convient de vérifier que le cheval urine de façon régulière, particulièrement lors d’insuffisance rénale secondaire à la déshydratation (origine prérénale), car, en cas d’oligo-anurie, les fluides perfusés s’accumulent dans le compartiment interstitiel et peuvent engendrer un œdème pulmonaire aigu.

L’acidose métabolique accompagnant souvent les diarrhées chez le cheval répond en général rapidement à l’administration de solutés isotoniques intraveineux. Si elle persiste, une solution de bicarbonate de sodium peut être ajoutée (avec modération, particulièrement chez le poulain nouveau-né) [8].

Lutter contre l’hypoprotéinémie

De nombreux chevaux sont hypoprotéinémiques et hypoalbuminémiques en raison des pertes intestinales associées à la diarrhée. La pression oncotique plasmatique est ainsi diminuée, en même temps que la perméabilité vasculaire augmente. La formation d’œdèmes interstitiels s’ensuit. La réhydratation par les fluides cristalloïdes y contribue aussi par hémodilution.

L’administration de solutés colloïdes permet de maintenir la pression oncotique, ce qui améliore la perfusion périphérique et l’oxygénation tissulaire.

Les colloïdes “naturels”, soit le plasma, sont utilisés couramment en médecine équine et leurs effets sont extrêmement bénéfiques (photo 2). De grands volumes sont à transfuser dans la plupart des cas pour maintenir la pression oncotique (4 à 8 l/j pour un cheval adulte), ce qui rend cette thérapeutique coûteuse.

Des solutions colloïdes synthétiques (Hetastarch®, Pentastarch®, etc.) sont aussi disponibles chez le cheval. Le volume requis est plus faible que celui du plasma (8 à 15 ml/kg/j d’Hetastarch®), mais le coût est significativement plus élevé. De plus, Hetastarch® prolonge le temps de saignement par altération du fonctionnement du facteur Van Willebrand, ce qui rend son emploi délicat chez les chevaux à coagulopathies [8].

Lutter contre l’inflammation

Le contrôle de l’inflammation intestinale et de l’hypersécrétion est un aspect peu étudié des colites chez le cheval. La libération des médiateurs inflammatoires est activée par les endotoxines (tableau). Par exemple, les prostaglandines exercent leurs effets délétères multiples sur les cellules intestinales en activant la sécrétion de chlore et d’eau et en inhibant la réabsorption de sodium et de chlore [10]. Les anti-inflammatoires non stéroïdiens inhibent la production des prostaglandines par leur effet sur la cyclo-oxygénase et possèdent des propriétés antisécrétoires au niveau du côlon [8].

Toutefois, les prostaglandines E2 et I2 sont aussi cytoprotectrices et indispensables au processus de cicatrisation de la muqueuse, si bien que les doses d’anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) antisécrétoires peuvent entraver la cicatrisation du côlon.

Les AINS favorisent également le développement d’ulcérations gastro-intestinales. Leur utilisation doit donc être raisonnée et leurs dosages sont adaptés au cas par cas.

Le métronidazole a montré expérimentalement un effet anti-inflammatoire sur la muqueuse gastro-intestinale, mais son efficacité in vivo n’est pas connue précisément.

Le subsalicylate de bismuth diminue aussi l’inflammation et l’hypersécrétion intestinales. Cette molécule peut s’employer plus facilement chez le poulain que chez l’adulte. Le subsalicylate de bismuth est disponible sur le continent nord-américain et dans certains pays européens, mais pas en France, sauf sous la forme de préparations magistrales. Une efficacité clinique n’est obtenue qu’avec des volumes importants et une administration fréquente (3 à 4 l toutes les 4 à 6 heures chez l’adulte). Une absence de régression de la diarrhée après 4 jours de traitement est une indication de son interruption.

Les radicaux libres libérés participent activement au mécanisme inflammatoire intestinal. Le diméthyl-sulfoxyde (DMSO) (1 g/kg dans une solution à 10 %, par voie intraveineuse lente, 1 ou 2 fois/j) exerce un effet anti-radicaux libres et est donc fréquemment employé lors d’entérocolite sévère chez le cheval [8].

La pentoxyfylline (méthylxanthine) est un inhibiteur de la phosphodiestérase. Elle diminue l’activation des neutrophiles et des cytokines, et ainsi la cascade de l’inflammation.

L’emploi des corticoïdes est à réserver à certaines causes spécifiques (voir, ci-dessous, “Traitements spécifiques”). Leur activité anti-inflammatoire puissante est avérée et leur effet clinique bénéfique a été démontré expérimentalement lors d’endotoxémie, mais à des doses supérieures à celles recommandées chez le cheval [11]. Leur utilisation est très controversée en raison de l’immunosuppression qu’ils induisent et de leur capacité à potentialiser les effets vasoconstricteurs des catécholamines (risque de fourbure, fréquente chez les chevaux en entérocolite) [11].

Lutter contre l’endotoxémie

Les endotoxines, composante lipopolysaccharidique de la membrane externe des bactéries à Gram négatif, induisent un processus inflammatoire systémique, ainsi que des perturbations de la coagulation (photo 3).

Il est possible de réduire l’absorption des endotoxines par l’administration de charbon activé ou d’huile de paraffine dans la phase aiguë d’une diarrhée. Le charbon activé adsorbe les toxines bactériennes, mais aucune étude ne confirme son efficacité.

La flunixine utilisée à quart de dose 4 fois par jour (soit 0,25 mg/kg, par voie intraveineuse, 4 fois/j) inhibe la synthèse d’écosanoïdes induite par les endotoxines et contribue à diminuer la réponse inflammatoire associée [8].

La polymixine B est un polypeptide antibiotique bactéricide cationique qui se lie à la portion anionique du lipide A du lipopolysaccharide (LPS) et empêche son action endotoxémique de façon dose-dépendante [1]. Cette molécule est très néphrotoxique et non disponible en France.

Le plasma hyperimmun (chevaux immunisés contre Salmonella typhimurium ou S. enteritidis ; disponible au Royaume-Uni et sur le continent nord-américain) contient des anticorps anti-LPS qui se lient aux lipides A des LPS et diminuerait les signes d’endotoxémie. Son bénéfice est peu démontré par rapport au plasma normal. La posologie varie de 2 à 10 ml/kg par voie intraveineuse [12].

Protéger la muqueuse intestinale et stimuler sa cicatrisation

Plusieurs molécules sont disponibles. Leur efficacité n’est pas toujours avérée et leur emploi dépend souvent de l’expérience clinique du praticien.

Le sucralfate (sulfate d’aluminium) est un sucre réducteur qui apporte une aide à la cicatrisation de la muqueuse intestinale (20 mg/kg, per os, 4 fois/j), mais son efficacité sur le côlon est controversée [8]. Il augmente les facteurs de croissance fibroblastiques, ainsi que la production locale de prostaglandines [12].

Le misoprostol est une prostaglandine synthétique (PGE1) qui favorise la cicatrisation intestinale, mais dont le bénéfice clinique lors de colite demeure non exploré. Des effets secondaires (sudation, douleur abdominale, diarrhée, avortement) limitent parfois son utilisation [8]. Sa disponibilité dans les pays d’Europe est variable.

Les acides gras oméga 3 et oméga 6 sont des cytoprotecteurs qui inhibent les thromboxanes (TXA-2) et la production de TNF (tumor necrosis factor) par les macrophages [12]. Ils requièrent un traitement sur plusieurs semaines avant d’en observer les effets.

Le psyllium augmente la production d’acides gras à courte chaîne dans le côlon car cette molécule est hydrolysée par la flore en butyrate. Celui-ci favorise la maturation des cellules épithéliales et stimule l’absorption de sel par le côlon [8].

L’emploi de kaolin et de pectine est très fréquent chez les carnivores. Le kaolin adsorbe les toxines bactériennes, et diminue le flux d’eau et d’électrolytes dans la lumière intestinale. La pectine joue un rôle dans la protection de la muqueuse intestinale et ralentit le transit digestif. Mais aucune étude ne démontre l’efficacité de ces molécules chez le cheval.

Le di-tri-octahédral smectite (DTOS) est un silicate d’aluminium et de magnésium chargé négativement qui se lie aux toxines des bactéries chargées positivement (par exemple, les toxines A et B de Clostridium difficile ou les entérotoxines et les cytotoxines de Clostridium perfringens). Il procure ainsi une couche protectrice à la muqueuse.

La sulphasalazine est métabolisée en acide 5-amino-salicylique qui diminue l’inflammation locale et les sécrétions, mais cette molécule présente une faible biodisponibilité et est essentiellement transformée ailleurs que dans le côlon. Elle est plutôt utilisée dans les diarrhées chroniques [12].

Contrôler la douleur abdominale

Les colites, quelle qu’en soit l’origine, occasionnent souvent des signes de douleur abdominale, de légers à sévères. Ceux-ci résultent de la distension gazeuse et liquidienne du côlon et du processus ischémique intestinal.

Les AINS présentent des propriétés analgésiques qui s’observent dans la demi-heure suivant l’administration intraveineuse. La dipyrone est un AINS à effets antispasmodique, antipyrétique et anti-inflammatoire mineurs, qui peut être utilisé en première intention lors de colique modérée [15]. La flunixine est la molécule dont l’effet analgésique viscéral est le plus puissant.

La prescription des AINS dans le contrôle de la douleur doit être raisonnée, en raison des risques d’ulcérations gastro-intestinales (surtout pour les spécialités préférentiellement anti-COX1) et de néphrotoxicité (nécrose papillaire rénale chez les chevaux déshydratés).

Les molécules diminuant les spasmes intestinaux sont indiquées lors de coliques spasmodiques associées à une inflammation intestinale. La butylscopolamine est une substance anticholinergique qui diminue la motilité et les sécrétions intestinales. Elle est associée à de la dipyrone dans les préparations commerciales européennes [15].

La lidocaïne peut être utilisée lors de douleur abdominale aiguë et/ou durable chez les chevaux en entérocolite. Elle inhibe l’activation des neutrophiles, la phagocytose, la production de radicaux libres, et possède donc des propriétés anti-inflammatoires et un effet bénéfique sur les lésions d’ischémie-reperfusion, en plus de son action analgésique.

La lidocaïne s’emploie sous forme de perfusion continue. Celle-ci est précédée de l’administration d’un bolus intraveineux de 1,3 mg/kg sur 10 à 20 minutes, afin d’accélérer l’effet. Puis la molécule est perfusée à la dose de 50 µg/kg/min, mélangée à la perfusion de maintenance. Les signes de toxicité se limitent au système nerveux (anxiété, sudation excessive, fasciculations musculaires, ataxie ou troubles de la vision), sans modification des paramètres cardiovasculaires, et disparaissent rapidement à l’arrêt de l’administration (30 minutes environ) en raison de la courte demi-vie du principe actif [3].

La morphine est peu employée dans le traitement des colites du cheval, contrairement à ce qui se passe pour l’homme ou les carnivores, car l’iléus induit dans l’intestin grêle et le gros intestin par des doses répétées ou fortes est délétère dans cette espèce, avec un risque important de développement de coliques sévères secondaires.

Lutter contre l’infection

Des bactéries comme Salmonella spp., Echerishia coli, etc., peuvent envahir la muqueuse de la portion distale du petit intestin et du côlon, provoquant une entérocolite aiguë. Il en résulte une diarrhée accompagnée souvent de mucus et de sang. Si des micro-organismes traversent la barrière intestinale (translocation bactérienne), une bactériémie et/ou une septicémie se développent conjointement, avec la cohorte des répercussions systémiques qui en découle. Certaines bactéries entéropathogènes comme les clostridies et E. coli libèrent des cytotoxines qui lèsent les cellules intestinales épithéliales. De même, chez le jeune poulain, le rotavirus détruit les cellules des villosités intestinales. Le temps nécessaire à la restauration spontanée de l’épithélium intestinal est de plusieurs semaines.

La colonisation à long terme de la muqueuse intestinale est possible (salmonellose), prédisposant à une diarrhée chronique et/ou à un portage asymptomatique [2].

La prescription d’antibiotiques lors de diarrhée n’est pas indispensable, y compris lors d’entérocolite bactérienne (tableau).

En effet, il n’existe pas de preuve des bénéfices cliniques d’une antibiothérapie chez le cheval en entérocolite, mis à part dans les cas de clostridiose intestinale où un traitement à base de métronidazole augmente considérablement le pronostic vital.

Lors de salmonellose, l’emploi des antibiotiques n’accélère pas la guérison de l’animal et ne diminue pas l’excrétion de la bactérie dans les crottins [16].

Il est préférable de réserver l’usage des antibiotiques aux individus à haut risque de dissémination septique à la suite de la translocation bactérienne à travers la paroi intestinale enflammée (risque de bactériémie et de septicémie), c’est-à-dire aux poulains et aux chevaux adultes immunodéprimés. Une neutropénie aiguë et sévère est une indication d’antibiothérapie chez l’adulte en entérocolite.

De plus, l’utilisation des antibiotiques est parfois associée à une perturbation significative de la flore intestinale et, par conséquent, elle peut favoriser la diarrhée, un portage chronique de salmonelles, ainsi qu’une résurgence de salmonelles à la faveur d’un stress.

Les clostridies sont sensibles au métronidazole, Neorickettisa risticii (agent de la fièvre de Potomac) aux tétracyclines et au triméthoprime-sulfamide, et Lawsonia intracellularis (agent de l’entéropathie proliférative équine) à l’érythromycine et à la rifampicine.

Les salmonelles sont généralement sensibles aux associations de triméthoprime-sulfamides, à la gentamicine et à l’enrofloxacine. Lors de suspicion de péritonite septique et/ou de bactériémie accompagnant une entérocolite sévère, l’antibiotique de choix en première intention consiste en une association de pénicilline, de gentamicine et de métronidazole [8, 17].

Lutter contre les troubles de la coagulation

En plus du processus inflammatoire systémique, les endotoxines induisent des perturbations de la coagulation (état d’hypercoagulabilité).

L’administration d’héparine (20 à 80 UI/kg par voie sous-cutanée ou intraveineuse 2 à 4 fois/j) a une action préventive sur les thromboses. Son efficacité dépend de la présence en quantité adéquate d’antithrombine III plasmatique. Le plasma frais (ou plasma frais congelé dans les 6 heures de collection et utilisé dans les 12 mois, pour conserver les facteurs de coagulation) est très bénéfique par son apport de facteurs de coagulation et d’antithrombine III.

Les thromboses veineuses sont fréquentes lors d’entérocolite et d’endotoxémie ; l’aspirine, qui inhibe de façon irréversible l’agrégation plaquettaire, peut être utilisée afin de réduire les thrombophlébites, à la dose de 15 mg/kg (per os toutes les 24 à 48 heures) [4, 8].

Restaurer la flore intestinale physiologique

Comme pour d’autres organes, la capacité d’une bactérie pathogène à initier une infection intestinale dépend de son aptitude à rompre la barrière muqueuse. La flore intestinale physiologique protège la paroi de l’intestin grâce à plusieurs mécanismes, par exemple en empêchant l’adhérence de ces micro-organismes à la muqueuse.

La flore physiologique produit aussi des sous-produits, comme des facteurs antibactériens, permettant une symbiose plutôt qu’une compétition entre les bactéries digestives physiologiques. Enfin, les micro-organismes digestifs engendrent des acides gras volatils (AGV) qui créent un environnement toxique pour d’autres bactéries, particulièrement pour les entérobactéries [10].

L’altération de la flore intestinale est impliquée dans la pathogénie de la clostridiose intestinale et de la salmonellose, ainsi que dans les diarrhées induites par les antibiotiques [8].

Les probiotiques sont des micro-organismes vivants qui sont bénéfiques à la santé de l’hôte [9], qui peuvent aider à restaurer la flore gastro-intestinale normale [12]. Ils correspondent à des bactéries comme Bifidobacterium spp., Lactobacillus spp. et Enterococcus spp., ainsi qu’à des levures comme Saccharomyces. Leur efficacité clinique véritable est inconnue à l’heure actuelle [12]. Une étude a montré que les produits commercialisés en médecine équine contenaient entre 3,6 x 103 et 6,4 x 106 CFU (colony forming unit)/g, alors que les doses efficaces préconisées en médecine humaine sont de l’ordre de 109 à 1010CFU/50 kg de poids vif [18].

Une étude prospective en double aveugle chez 186 chevaux en phase postopératoire de coliques recevant soit un probiotique, soit un placebo n’a pas montré de différence significative pour la prévalence de diarrhées postopératoires, la durée d’hospitalisation, l’excrétion de salmonelles ou l’administration d’antibiotiques [13].

Enfin, une étude conduite chez des poulains sains à qui un probiotique à base de Lactobacillus pentosus a été administré a révélé des effets secondaires indésirables d’anorexie, de colique et de diarrhée [19].

Saccharomyces boulardii est une levure non pathogène qui sécrète une protéase digérant les toxines clostridiennes chez l’homme. Elle aurait une efficacité contre Salmonella spp. et Escherichia coli, et diminue la durée et la sévérité de la diarrhée chez le cheval [5].

Les prébiotiques sont des compléments alimentaires non digestibles hautement fermentescibles qui augmentent l’absorption d’eau et de sel. Ils permettent également une croissance bactérienne sélective ainsi qu’une production d’acides gras volatils. L’iodochlorhydroxyquine, non commercialisée en France, en est un exemple.

La transfaunation peut également être tentée pour rétablir une flore normale, bien que des risques de transmission de maladie soient non négligeables (salmonellose, par exemple). Du contenu cæcal du cheval sain donneur (ou à défaut ses crottins) est administré par sondage nasogastrique au cheval en diarrhée. Il n’existe pas d’étude ayant analysé l’efficacité de la transfaunation chez le cheval [12].

Assurer une nutrition adéquate

Les entérocolites s’accompagnent d’une augmentation des besoins caloriques et d’un processus catabolique, et une nutrition adéquate est donc indispensable. Un fourrage de bonne qualité peut être laissé à disposition, sauf si une douleur abdominale est présente et contraint à la mise à jeun temporaire du cheval. Certains auteurs préconisent une alimentation exclusive à base de granulés complets contenant au moins 30 % de fibres, afin de réduire la charge mécanique du côlon.

Les granulés traditionnels, riches en glucides, favorisent les fermentations bactériennes et ne sont pas recommandés.

De l’huile végétale (huile de maïs de préférence) aide à apporter des calories supplémentaires sans augmenter la quantité d’hydrates de carbone. Celle-ci peut être accrue progressivement jusqu’à 250 ml/j, si la fonction hépatique est préservée.

Chez les poulains en diarrhée anorexiques ou en coliques, une nutrition parentérale partielle à totale doit être mise en place (au minimum avec une perfusion de glucose à 5 %). Celle-ci est rarement envisageable chez le cheval adulte en raison de son coût exorbitant [8].

Traitements spécifiques

Intoxications

Les intoxications peuvent entraîner des entérocolites. Elles sont d’origine soit iatrogène (AINS, antibiotiques, laxatifs) soit non iatrogène (plantes comme le laurier rose, le chêne, toxiques environnementaux comme le monensin, l’arsenic, etc.). Le retrait de l’accès à l’agent toxique constitue la première étape du traitement spécifique.

Anthelmintiques et diarrhées d’origine parasitaire

Les infestations à Strongylus vulgaris nécessitent un traitement susceptible d’éliminer les larves en migration. Le fenbendazole (7,5 à 10 mg/kg, per os, 1 fois/j pendant 5 jours consécutifs) et l’ivermectine (200 g/kg, per os, 1 fois) sont efficaces contre les stades larvaires L4 migratoires. L’effet des anthelmintiques contre les larves contenues dans des thrombus (anévrismes) est inconnu.

Le fenbendazole est aussi efficace contre les larves de cyathostomes. Des résistances des cyathostomes sont décrites contre le fenbendazole et l’ivermectine. La moxidectine (400 g/kg, per os, 1 fois) est active contre les cyathostomes adultes et les stades larvaires L4 et L5.

Lors d’infestation modérée à massive, il convient d’administrer du fenbendazole pendant 5 jours, associé à de l’ivermectine ou à de la moxidectine le sixième jour.

Le prétraitement par des corticoïdes (dexaméthasone) accroît l’efficacité des anthelmintiques dans les cas réfractaires et atténue la réaction inflammatoire systémique secondaire à la mort brutale et massive de nombreuses larves enkystées [8].

Mucilages et entéropathie par le sable

L’évacuation du sable occasionnant une entérocolite chronique est possible grâce à l’administration de poudre de graines de psyllium pendant plusieurs jours, voire plusieurs semaines, selon le volume de sable à évacuer. Il est possible de lui associer du sulfate de magnésium à effet laxatif [8].

Anti-ulcéreux et entérocolites ulcératives

Chez le poulain, les syndromes d’ulcérations gastro-intestinales peuvent entraîner une diarrhée. L’oméprazole constitue la molécule la plus efficace pour réduire l’acidité gastrique en bloquant la pompe à protons de façon irréversible. Le sucralfate (22 mg/kg, per os, 4 fois/j) aurait une action bénéfique sur la cicatrisation des ulcères intestinaux. Il est utilisé aussi chez les chevaux adultes présentant une colite du côlon dorsal droit, à la suite d’une intoxication aux AINS [7].

Corticostéroïdes et entéropathies infiltratives

Les maladies inflammatoires chroniques de l’intestin comme l’entérite granulomateuse, éosinophilique ou lympho-plasmocytaire, occasionnant une hypoalbuminémie, un amaigrissement chronique et souvent une diarrhée, répondent parfois à l’administration de corticostéroïdes. La prednisolone ou la dexaméthasone peuvent être employées. Une attention particulière doit être portée à la possibilité d’infections secondaires bactériennes et aux perturbations de l’axe hypothalamo-hypophysaire-surrénalien lorsque le traitement est prolongé [6].

Une corticothérapie peut aussi être envisagée lors de forme intestinale de lymphosarcome. Malgré ce traitement, le pronostic de survie reste sombre et est inférieur à 6 mois [14].

Soins complémentaires

Pour le confort du cheval, il est indispensable de laver quotidiennement les zones souillées par la diarrhée, de protéger la queue à l’aide d’un gant de fouille et d’appliquer un corps gras (vaseline) sur la région périnéale et les membres postérieurs, afin de prévenir une dermatite de contact et des dépilations.

Le traitement des diarrhées chez le cheval est le plus souvent difficile et le pronostic est réservé. L’objectif prioritaire est de mener à bien une thérapeutique symptomatique à la fois des effets secondaires (hypovolémie, hypoprotéinémie, pertes électrolytiques, douleur) et de l’atteinte intestinale (inflammation), tout en instaurant une alimentation adaptée. Le plus souvent, le traitement spécifique n’est pas facile à mettre en œuvre, un diagnostic étiologique n’étant obtenu que dans 20 à 40 % des cas. Ainsi, le praticien se fonde sur les suspicions cliniques les plus probables à partir de l’examen médical (infestation vermineuse, infection intestinale, septicémie du poulain, etc.).

La prise en charge des diarrhées tient compte du caractère aigu ou chronique du processus. Une fluidothérapie intraveineuse est plus souvent nécessaire lors de processus aigu. À l’inverse, l’usage des probiotiques est plutôt réservé aux phénomènes chroniques.

Le traitement spécifique de l’animal doit s’inscrire dans un contexte plus large, à visée sanitaire. Des précautions d’isolement et d’hygiène sont à respecter pour prévenir la transmission d’un entéropathogène à d’autres chevaux, voire à l’homme (salmonellose).

Références

  • 1 – Barton MH, Parviainen A, Norton N. Polymyxin B protects horses against induced endotoxæmia in vivo. Equine Vet. J. 2004;36(5):397-401.
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  • 3 – Cook VL, Blikslager AT. Use of systematically administered lidocaine in horses with gastrointestinal tract disease. JAVMA. 2008;8:1144-1148.
  • 4 – Dallap BL. Coagulopathy in the equine critical care patient. Vet. Clin. North Am. Equine Pract. 2004;20:231-251.
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  • 11 – Mendez J, Vilar P, Mudge M, Couto G. Thromboelastography for early detection of hemostatic abnormalities in horses with colic. Proceedings of the ACVIM forum, San Antonio, Texas, 4-8 juin 2008.
  • 12 – Naylor RJ, Dunkel B. The treatment of diarrhoea in the adult horse, Equine Vet. Educ. 2009;21(9):494-504.
  • 13 – Parraga ME, Spier SJ, Thurmond M, Hirsch D. A clinical trial of probiotic administration for prevention of Salmonella shedding in the postoperative period in horses with colic. J. Vet. Intern. Med. 1997;11:36-41.
  • 14 – Sellon DC. Disorders of the hematopoietic system. In: SM Reed, WM Bayly, DC Sellon, eds. Equine Internal Medicine. 2nd ed. Saunders. 2004:721-768.
  • 15 – Sellon DC. La gestion de la douleur chez le cheval en colique. PVE. 2008;158:25-33.
  • 16 – Slovis N. My horse has Salmonella. Now what? Prooceedings of the North American Veterinary Conference, Orlando, Florida, 2007.
  • 17 – Southwood LL. Principles of Antimicrobial Therapy: What Should We Be Using? Vet. Clin. Equine. 2006;22:279-296.
  • 18 – Weese JS. Microbiologic evaluation of commercial probiotics. JAVMA. 2002;220:794-797.
  • 19 – Weese JS, Rousseau J. Evaluation of Lactobacillus pentosus WE7 for prevention of diarrhea in neonatal foals. JAVMA. 2005;226:2031-2034.

Éléments à retenir

• L’origine de la diarrhée chez le cheval et le poulain demeure souvent indéterminée.

• Les pertes en eau et en électrolytes peuvent être très sévères chez le cheval. Une fluidothérapie intraveineuse constitue donc un aspect essentiel du traitement symptomatique.

• Le choix des solutés à perfuser dépend de la sévérité de l’hypoprotéinémie, de la nature des perturbations électrolytiques et acido-basiques.

• L’antibiothérapie devrait être réservée aux poulains, aux chevaux immuno-déprimés chez lesquels le risque de dissémination septique est élevé et aux cas cliniques de clostridiose.

• La lutte contre les cercles vicieux de l’inflammation et de l’endotoxémie est primordiale pour prévenir un syndrome de réaction inflammatoire systémique irréversible.

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