Utilisation de la puce à ADN dans le dépistage des avortements infectieux - Pratique Vétérinaire Equine n° 164 du 01/10/2009
Pratique Vétérinaire Equine n° 164 du 01/10/2009

Article original

Auteur(s) : Albertine Léon*, Audrey Rousseau**, Béatrice Blanchard***, Tony Rouillard****, Stéphane Pronost*****, Christine Fortier******, Guillaume Fortier*******

Fonctions :
*Laboratoire Frank Duncombe, 14053 Caen Cedex 4
**Laboratoire Frank Duncombe, 14053 Caen Cedex 4
***Adiagène, 38, rue de Paris, 22000 Saint-Brieuc
****AES Chemunex, rue Maryse-Bastié, Kerlann-CS 17219, 35172 Bruz
*****Laboratoire Frank Duncombe, 14053 Caen Cedex 4
******Laboratoire Frank Duncombe, 14053 Caen Cedex 4
*******Laboratoire Frank Duncombe, 14053 Caen Cedex 4

La technologie des biopuces a permis de développer une méthode de détection rapide et sensible des agents pathogènes abortifs chez la jument.

Après avoir décrit la diversité des micro-organismes responsables d’avortements et l’implication de nouveaux agents pathogènes dans les avortements équins(1), nous avons mené une réflexion sur la meilleure façon d’exploiter ces données en termes de comportement à adopter face à un avortement.

L’avènement dans la dernière décennie des puces à ADN (acide désoxyribonucléique) offre la possibilité de réaliser en parallèle de nombreuses analyses fondées sur la détection de fragments de génomes (encadré 1). Après les avancées technologiques de la polymerase chain reaction (PCR) et PCR temps réel, les puces à ADN sont les prochains outils à la disposition des laboratoires.

Principe de la biopuce

Le principe général utilisé dans l’élaboration d’une puce à ADN repose sur la détection d’un agent pathogène donné par la fixation de son ADN sur une cible définie appelée “sonde spécifique”, préalablement fixée sur un support. Les ADN sont extraits des cellules et subissent une amplification, qui permet d’obtenir une quantité de matériel biologique suffisant pour être détecté par la révélation sur puce à ADN.

La collaboration de notre laboratoire avec les sociétés AES-Chemunex/ Adiagène (France) et DR Chip Biotechnologies (Taïwan) a permis le développement “à façon” d’une biopuce dédiée à la détection de pathogènes abortifs. Cette réalisation, de l’élaboration de la puce jusqu’à la lecture du résultat, ne nécessite aucun automate. La détection est fondée sur un principe de révélation par colorimétrie. Elle se déroule en 4 étapes principales (encadré 2) :

– la fixation des sondes spécifiques et complémentaires des fragments d’ADN amplifiés d’intérêts, à la surface d’une macropuce selon un plan de dépôt préétabli, facilitant la lecture ultérieure ;

– l’appariement des produits d’amplification marqués à la biotine (l’ADN des agents pathogènes amplifiés par PCR) ;

– la fixation d’un conjugué (la streptavidine) couplé à une enzyme (la phosphatase alcaline) à la biotine ;

– la formation d’un précipité bleu-mauve, après ajout du substrat lorsque l’enzyme est présente. Pour les contrôles d’hybridation, c’est le même principe. La sonde spécifique de ce contrôle est fixée par la société DR Chip Biotechnologies aux quatre coins du support de 1 cm2. Le produit amplifié marqué à la biotine correspondant se trouve dans le tampon d’hybridation, dans lequel seront ajoutés nos produits amplifiés, avant la mise en contact avec la puce. Le profil obtenu est différent selon les agents pathogènes présents ou non dans les échantillons analysés (figure 2).

À l’heure actuelle, la puce dédiée à la détection des agents pathogènes abortifs comprend 28 sondes spécifiques. Notre prototype comporte quatre spots correspondant au contrôle d’hybridation et deux au contrôle d’amplification dans l’objectif de valider les différentes étapes du protocole d’analyse. Elle permet de détecter 11 agents pathogènes différents.

Le choix des agents pathogènes, pour cette première version de puce à ADN, résulte d’une réflexion qui nous a conduit à prendre en considération, d’une part, les données de la littérature (l’herpèsvirus équin de type 1 et Streptococcus equi subsp zooepidemicus sont 2 agents abortifs majeurs), et, d’autre part, notre étude expérimentale sur de nouveaux agents pathogènes présentée dans l’article précédent(1). Ainsi, les agents pathogènes retenus sont :

– HVE-1 ;

– HVE-2 ;

– HVE-4 ;

– HVE-5 ;

– les leptospires pathogènes ;

– Coxiella burnetii ;

– Chlamydophila abortus ;

– Streptococcus equi subsp zooepidemicus et subsp equi ;

– le virus de l’artérite virale équine (AVE) ;

– Neospora caninum.

À chaque agent pathogène correspondent deux spots spécifiques sur le support de la puce.

Quelques aspects de la validation technique de la puce

Dans le cadre de l’étude décrite dans l’article précédent(1), les détections par amplification des différents agents pathogènes ont été réalisées individuellement. Le développement, dans notre laboratoire, d’un système d’amplification simultané de plusieurs agents pathogènes (PCR multiplexe) a permis de rendre l’analyse sur puce à ADN envisageable. Cette optimisation a été réalisée sans perte de sensibilité ni de spécificité par rapport aux tests individuels.

La spécificité des systèmes d’amplification, puis de révélation a été d’abord vérifiée vis-à-vis des agents pathogènes ciblés (test d’inclusivité), puis d’une trentaine d’autres susceptibles d’être impliqués dans les avortements et pouvant donc interférer avec notre test (test d’exclusivité).

La comparaison de la sensibilité du système de révélation sur puce par rapport aux méthodes de biologie moléculaire actuellement utilisées au laboratoire, montre que ce nouveau système est aussi sensible.

La capacité de la puce à détecter des co-infections a également été validée avant de tester ce nouvel outil sur des échantillons cliniques.

L’utilisation du système de puce à ADN va permettre un gain de temps important face aux nombreux tests de PCR individuels.

Résultats d’une étude comparative sur 216 cas

Une étude comparative à été réalisée entre la détection par puce à ADN et les analyses réalisées en diagnostic de première intention (HVE-1, HVE-4, AVE et leptospire), sur 216 avortons parmi les 629 cas étudiés dans l’article précédent(1) (tableau).

Pour 157 cas sur 182, les résultats sont concordants entre les deux types d’analyses. Pour 25 cas, des différences ont été observées :

– un cas positif en diagnostic de première intention (PCR) est négatif à la suite de l’analyse sur puce. Cette dernière ayant été réalisée après conservation à - 80 °C, une possible dégradation des acides nucléiques est suspectée ;

– 24 cas négatifs en analyse de première intention sont positifs à la suite de l’analyse sur puce. L’essentiel de ces divergences s’explique par l’évolution des techniques PCR employées.

Ces résultats se traduisent par une sensibilité de 97 % et une spécificité de 83 % pour la puce à ADN. Pour 34 cas, la puce seule a été utilisée comme méthode de détection et a permis de mettre en évidence un agent pathogène supplémentaire non recherché en diagnostic de première intention, mais dont la présence a pu être ensuite confirmée par une PCR individuelle spécifique.

Ainsi, nous avons pu mettre en évidence :

– 22 cas d’échantillons positifs à Streptococcus zooepidemicus ;

– 2 cas d’échantillons positifs à Streptococcus equi ;

– 13 cas d’échantillons positifs à Coxiella burnetii ;

– 2 cas d’échantillons positifs à EHV-2. La révélation sur puce a permis aussi de mettre en évidence des codétections pour cinq échantillons. L’association la plus retrouvée est Staphylococcus zooepidemicus et EHV-2. La poursuite de cette validation “terrain” devrait permettre de confirmer ces résultats déjà prometteurs.

Étapes du protocole d’analyse

À partir des échantillons de tissus destinés à être analysés, les acides nucléiques (ADN et ARN ou acide ribonucléique) sont extraits. Les séquences d’acides nucléiques spécifiques des agents pathogènes cités précédemment sont ensuite amplifiées par PCR multiplexe. Les produits de PCR sont alors révélés directement sur la puce à ADN. Puis les résultats obtenus sont analysés : la présence de spots d’hybridation et d’amplification valide l’ensemble de l’analyse. L’obtention de deux spots spécifiques montre la présence de l’agent pathogène correspondant dans le tissu analysé (figure 3).

Perspectives

Les biopuces permettent la détection simultanée de plusieurs agents pathogènes. Toutefois, leur miniaturisation pourrait permettre une automatisation. L’amplification est le préalable obligatoire à toutes détections sur puce. En effet, le seuil de sensibilité de la technique ne permet pas encore de s’en affranchir. C’est cependant dans cette direction que convergent aujourd’hui les travaux de recherches dans ce domaine.

De plus, le caractère totalement évolutif de ce système permet d’envisager sans difficulté l’incorporation d’autres agents pathogènes à notre puce à ADN dédiée aux avortements équins, de même que la déclinaison de ce nouvel outil à d’autres maladies.

L’utilisation de la nanotechnologie dans le diagnostic vétérinaire n’en est qu’à ses débuts. À l’heure actuelle, le délai de réponse s’est considérablement réduit et des mesures sanitaires appropriées vont pouvoir être prises de plus en plus tôt, par le vétérinaire et le responsable du haras ou du centre équestre, pour prévenir toute contamination transversale ou épidémie au sein d’un effectif de juments.

  • (1) Voir l’article “Les avortements infectieux chez la jument : caractérisation de nouveaux agents pathogènes” du même auteur et coll., dans ce numéro.

Éléments à retenir

→ Les puces à ADN spécifiques des avortements équins offrent la possibilité de détecter simultanément les fragments de génomes d’une dizaine de d’agents pathogènes.

→ Les puces à ADN sont un outil fiable et rapide. Elles permettent un screening en quelques heures de ces agents pathogènes, ce qui est important lors d’avortements contagieux.

→ Les puces à ADN sont un système flexible et ouvert. Le caractère évolutif de ce système permet d’envisager demain, sans difficulté, l’incorporation d’autres agents pathogènes en fonction des publications et du terrain.

Encadré 1 : Définitions

→ Les nanotechnologies concernent la conception et la production de systèmes de caractérisation ou de détection, à l’échelle de l’infiniment petit.

→ Les puces à ADN sont des supports miniaturisés sur lesquels sont fixées des sondes d’ADN. Chaque sonde est spécifique de l’agent pathogène recherché. Les puces peuvent se distinguer par :

– leur support (polymère, bille, membrane, silice…) ;

– le mode de fixation des sondes : synthèse directe ou immobilisation après synthèse ;

– la méthode de lecture : fluorescence, colorimétrie, luminescence… ;

– le nombre de sondes fixées sur le support : haute, moyenne et basse densités.

Les principales applications des puces à ADN de basse densité (5 à 100 sondes par puce) vont s’effectuer dans le domaine du diagnostic médical ou vétérinaire. Ces puces s’utilisent après un test PCR pour détecter les fragments d’ADN amplifiés. Elles sont aussi dénommées biopuces, biochips, DNA-microarrays, microarrays ou macropuces.

Encadré 2 : Les 4 étapes principales de la détection sur biopuce

→ Dans un premier temps, les sondes, fragments d’ADN complémentaires spécifiques de chaque agent pathogène, sont fixées sur le support de la puce (figure 1).

→ D’un autre côté, les extraits d’ADN des échantillons à analyser sont amplifiés avec des amorces biotinylées spécifiques eux aussi de chaque agent pathogène (c’est une PCR classique, la seule différence est que les amorces utilisées sont marquées à la biotine).

→ Ces produits amplifiés sont ensuite mis en contact avec le support de la puce où sont fixées préalablement les sondes.

→ Le conjugué (la streptavidine) couplé à une enzyme (phosphatase alcaline) va se fixer uniquement là où les amorces marquées à la biotine ont reconnu leur sonde spécifique.

→ Ainsi, lorsque le substrat est ajouté, il ne se forme un précipité bleu-mauve, ou “ spot”, que lorsque l’enzyme est présente.

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