L’anesthésie jambière chez le cheval - Pratique Vétérinaire Equine n° 164 du 01/10/2009
Pratique Vétérinaire Equine n° 164 du 01/10/2009

Fiche technique

Auteur(s) : Mickaël Robert

Fonctions : DMV. Université de Lyon, ENV de Lyon, 1, avenue Bourgelat, 69280 Marcy-L’Étoile

→Objectifs et contre-indications

L’anesthésie jambière consiste à déposer un anesthésique local à proximité des nerfs tibial, péronier superficiel et péronier profond afin de désensibiliser la portion du membre pelvien située sous le tiers distal du tibia. Comme toute anesthésie tronculaire, elle peut être utilisée dans différentes situations :

– pour localiser le site d’une boiterie, (si les anesthésies plus distales se sont révélées négatives), évaluer cliniquement des découvertes radiographiques ou échographiques, distinguer une boiterie haute d’une affection située dans le jarret ou distalement à celui-ci ;

– afin de réaliser une chirurgie de la partie désensibilisée chez le cheval debout ;

– pour permettre une analgésie supplémentaire lors de chirurgie sous anesthésie générale ;

– pour soulager temporairement une douleur.

Il est parfois nécessaire de recourir en plus à une anesthésie des nerfs saphène et cutané sural caudal afin d’obtenir une désensibilisation complète, notamment des territoires cutanés.

L’anesthésie jambière est à proscrire lorsqu’une fracture ou une lésion tendineuse importante est suspectée dans la partie désensibilisée.

→Rappels anatomiques

Nerf tibial

Issu du nerf sciatique, le nerf tibial fournit des rameaux nerveux pour les muscles jambiers caudaux, accompagne le fléchisseur superficiel du doigt et longe la corde du jarret (ou tendon calcanéen commun) médialement (photo 1).

D’une taille de 6 mm, il est palpable sous la peau et le fascia jambier, surtout lors de la flexion du membre (photo 2). Il est responsable de la sensibilité cutanée de la face caudale de la jambe et du jarret, ainsi que de la face médiale de ce dernier et du métatarse proximal. Il se termine par les deux nerfs plantaires en regard de la pointe du jarret (ou tuber calcanei), le nerf plantaire latéral étant à l’origine des nerfs métatarsiens plantaires innervant le ligament suspenseur du boulet.

Nerf péronier superficiel (ou fibulaire superficiel)

Issu du nerf péronier commun, lui-même provenant du nerf sciatique, le nerf péronier superficiel innerve le muscle extenseur latéral du doigt, descend dans un sillon entre ce dernier et le muscle extenseur long du doigt, sous le fascia jambier, puis émerge sous la peau environ 10 cm proximalement à la pointe du jarret. Il est responsable de la sensibilité cutanée cranio-latérale de la jambe et dorso-latérale du tarse et du métatarse (photos 3a et 3b).

Nerf péronier profond (ou fibulaire profond)

Également issu du nerf péronier commun, le nerf péronier profond innerve les muscles de la face craniale de la jambe, à l’exception du muscle extenseur latéral du doigt. Il se situe sur la face cranio-latérale du tibia, sous l’extenseur long du doigt, avec l’artère et la veine tibiale craniale. Il se prolonge par les deux nerfs métatarsiens dorsaux en regard du tarse.

Nerf saphène

Dérivant du nerf fémoral, le nerf saphène est situé cranialement à la veine saphène, alors que son nerf accessoire chemine caudalement à celle-ci.

Il innerve la face cranio-médiale de la jambe et la face dorso-médiale du tarse et du métatarse.

Nerf cutané sural caudal

Le nerf cutané sural caudal se détache du nerf sciatique à mi-cuisse, longe le bord caudal du chef latéral du muscle gastrocnémien, atteint l’origine de la corde du jarret, puis passe sur la face latérale du jarret et du canon qu’il innerve.

Matériel

Le matériel nécessaire est constitué :

– d’une boîte de gants d’examen non stériles ;

– éventuellement d’un rasoir ou d’une tondeuse ;

– d’une brosse chirurgicale imprégnée de savon antiseptique ;

– d’une pissette d’alcool ;

– d’un flacon d’anesthésique local ;

– de deux seringues de 20 ml ;

– de deux aiguilles 21 G de 2 pouces ;

– d’une aiguille 18 G pour remplir les seringues de façon plus aisée ;

– d’un tord-nez ;

– éventuellement d’un α2-agoniste  + / – du butorphanol ;

À cela il convient d’ajouter pour anesthésier les nerfs saphène et cutané sural caudal :

– deux aiguilles 25 G de 5/8 pouce ;

– deux seringues de 5 ml d’anesthésique local (photo 4).

→Préparation

Dans le cas d’un diagnostic de boiterie, la contention physique est préférée à une contention chimique, afin de pouvoir évaluer la locomotion sans l’influence d’un sédatif. Un tord-nez, voire la prise du pied antérieur ipsilatéral sont souvent suffisants, même si certains chevaux difficiles nécessitent d’être contenus dans un travail afin de minimiser les risques pour l’opérateur.

Une contention chimique à l’aide d’un α2-agoniste et de butorphanol, afin de limiter l’hyperesthésie des membres postérieurs, est utilisable dans les autres cas.

La queue est nouée avant de préparer les sites, qui sont éventuellement tondus ou rasés (nous le conseillons), puis une asepsie chirurgicale est réalisée à l’aide d’un savon antiseptique.

→Technique

Toutes les injections se font membre à l’appui. Il convient de toujours vérifier l’absence de sang ou de liquide synovial avant d’injecter.

Anesthésie du nerf tibial

Le nerf tibial s’anesthésie environ 10 cm (soit un travers de main) proximalement à la pointe du jarret. Il est palpable médialement, plus facilement lorsque le membre est fléchi, entre la corde du jarret et le muscle tibial caudal.

Deux voies d’abord sont possibles : latéralement ou médialement.

Lorsque le nerf tibial est approché médialement, l’opérateur se place latéralement au membre à anesthésier ou au membre opposé (photo 5). Après une préparation de la zone et un rinçage à l’alcool, il insère disto-proximalement une aiguille de 21 G de 1,5 pouce dans le fascia qui recouvre le muscle tibial caudal, et environ 20 ml d’anesthésique local sont déposés dans différents plans.

Lors de l’approche latérale, méthode que nous préférons pour des raisons de sécurité, une aiguille 21 G de 2 pouces est insérée entre le muscle tibial caudal et la corde du jarret (photos 6a et 6b). Celle-ci est avancée perpendiculairement au plan sagittal jusqu’à ce qu’elle soit perceptible en sous-cutané du coté médial, puis les 20 ml d’anesthésique local sont injectés dans différents plans tout en retirant l’aiguille.

L’anesthésie du nerf tibial seul peut permettre d’incriminer une desmopathie d’insertion du ligament suspenseur du boulet comme étant à l’origine de la boiterie lorsqu’elle est positive, et que, par ailleurs, l’anesthésie métatarsienne proximale était négative.

Anesthésie des nerfs péroniers profond et superficiel

Les nerfs péroniers profond et superficiel sont classiquement anesthésiés latéralement, environ 10 cm proximalement à la pointe du jarret, dans le sillon formé entre les muscles extenseur long du doigt et extenseur latéral du doigt.

Après avoir aseptisé la zone, une aiguille 21 G de 2 pouces est insérée légèrement cranio-caudalement jusqu’à entrer en contact avec le tibia. À cet endroit, 10 ml d’anesthésique local sont injectés pour bloquer le nerf péronier profond. Au préalable, il convient de vérifier que l’aiguille n’est pas dans un des vaisseaux tibiaux craniaux.

L’aiguille est ensuite retirée et 10 ml d’anesthésique local sont déposés plus superficiellement, en différents plans, pour anesthésier le nerf péronier superficiel (photo 7).

Anesthésie du nerf saphène

L’opérateur se place du côté opposé au membre à anesthésier. Il injecte 2,5 ml d’anesthésique local de part et d’autre de la veine saphène médiale avec une aiguille de 25 G de 5/8 pouces, à nouveau un travers de main au-dessus de la pointe du jarret (photo 8). Il convient de faire attention aux réactions du cheval lors de ces injections.

Anesthésie du nerf cutané sural caudal

Après préparation de la zone, 5 ml d’anesthésique local sont déposés cranialement à la corde du jarret, toujours 10 cm proximalement à la pointe du jarret.

Une aiguille de 25 G est utilisable à cet effet (photo 9). Ce nerf est également anesthésiable en retirant l’aiguille lorsque l’abord latéral est utilisé pour le nerf tibial.

→Délai d’action

À la différence des anesthésies tronculaires de la portion distale du membre qui agissent rapidement (5 à 10 minutes), celles de la portion proximale du membre, telle que l’anesthésie jambière, nécessitent plus de temps, en général 20 minutes. L’anesthésie peut être évaluée en testant la sensibilité cutanée locale. L’efficacité peut être diminuée, voire nulle, si les injections ne sont pas réalisées aux bons endroits en raison d’une erreur de localisation ou d’une variation anatomique, ou si les injections sont réalisées en intravasculaire.

→Complications

Il est possible que le cheval traîne le pied en pince une fois l’anesthésie jambière réalisée, à la suite d’une diffusion ascendante de la solution anesthésique. Il est alors nécessaire d’attendre la dissipation de l’effet du produit anesthésique. De plus, il est possible de ponctionner accidentellement les bourses gastrocnémienne (ou calcanéenne) et intertendineuse. C’est la raison pour laquelle une préparation aseptique des sites d’injections est fortement recommandée.

→Cas particulier de l’examen de boiterie

Si l’anesthésie jambière est positive (boiterie améliorée suite aux injections tronculaires), il convient d’envisager des examens radiographiques et/ou échographiques de la région jambière distale, du tarse et/ou du métatarse proximal.

Références

  • Collin B. Anatomie du cheval. 1ère ed. Derouaux Ordina, Liège. 2003.
  • Denoix JM. Anesthésie sémiologique nerveuse jambière chez le cheval. Recueil de médecine vétérinaire. 1995; 171(10/11): 757-765.
  • Post EM, Singer ER, Clegg PD. An anatomic study of the calcaneal bursae in the horse. Vet. Surg. 2007; 36: 3-9.
  • Schumacher J, Castro FA. Anesthesia of the limb. In: Doherty T, Valverde A. Manual of equine anesthesia and analgesia. 1st ed. Blackwell, Oxford. 2006; 260-274.
  • Stashak TS. Examination for lameness. In : Stashak TS. Adams’lameness in horses. 5th ed. Lippincott Williams and Wilkins, Philadelphia. 2001; 113-184.
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