La cytologie comme outil diagnostique en médecine équine - Pratique Vétérinaire Equine n° 163 du 01/07/2009
Pratique Vétérinaire Equine n° 163 du 01/07/2009

Article de synthèse

Auteur(s) : Benoît Rannou*, Christian Bédard**

Fonctions :
*DMV Dipl. ACVP (pathologie clinique)
Département de pathologie et de microbiologie
Service de diagnostic-Laboratoire de pathologie clinique
Faculté de médecine vétérinaire
Université de Montréal 3200 rue Sicotte, Saint-Hyacinthe
QC Canada J2S 7C6
**DMV MSc Dipl. ACVP (pathologie clinique)
Département de pathologie et de microbiologie
Service de diagnostic-Laboratoire de pathologie clinique
Faculté de médecine vétérinaire
Université de Montréal 3200 rue Sicotte, Saint-Hyacinthe QC Canada J2S 7C6

Lors d’affection articulaire, abdominale ou respiratoire, l’examen cytologique est une aide diagnostique intéressante.

La cytologie est un outil diagnostique dont l’utilisation a progressé en médecine vétérinaire au cours des 20 dernières années et qui est maintenant solidement établie. Elle permet l’évaluation cellulaire de nombreux tissus et fluides, et est mise en œuvre dans le diagnostic d’une très grande variété de lésions. Bien que l’examen histopathologique constitue la méthode diagnostique de référence, la cytologie est une technique fiable qui comporte de très nombreux avantages. En premier lieu, elle requiert peu de matériel, et est relativement plus économique que le prélèvement et l’examen histopathologiques. De plus, cette procédure est beaucoup moins invasive puisque la majorité des spécimens cytologiques sont obtenus sans anesthésie ni acte chirurgical.

En pratique équine, l’examen cytologique est indiqué en urgence, plus particulièrement lors d’affections articulaires ou abdominales, chez l’adulte et le poulain.

Il est également très utile dans la démarche diagnostique des affections respiratoires non infectieuses.

Cet article traite seulement de ces trois types de maladies afin de les aborder le plus complètement possible.

Valeur diagnostique de la cytologie

Il convient de considérer la valeur de la cytologie afin de déterminer son intérêt dans chaque démarche diagnostique. En médecine vétérinaire, plusieurs études ont ainsi comparé la cytologie à l’histopathologie ou à la bactériologie pour en définir l’exactitude(1) et les valeurs prédictives positive(2) et négative(3). Mais peu d’entre elles ont été effectuées chez le cheval. Des résultats obtenus chez le chien et le chat peuvent néanmoins être extrapolés à l’espèce équine.

Dans une étude effectuée sur 100 examens cytologiques (65 chiens, 30 chats et 5 animaux d’espèce exotique), Eich et coll. ont démontré que l’exactitude de la cytologie varie selon les organes aspirés [4]. La valeur diagnostique de cette procédure doit donc être évaluée en fonction du tissu et de la lésion aspirés.

Pour les masses provenant d’organes internes ou externes, ils rapportent une exactitude moyenne des diagnostics cytologiques de 83 %, avec une sensibilité et une spécificité de, respectivement, 89 % et 100 % pour les lésions néoplasiques. Une autre étude portant sur 269 cas a relevé une valeur prédictive négative de 70,2 % pour les lésions non néoplasiques et de 77,8 % pour les lésions néoplasiques [1].

Arthrites septiques

Dans une étude sur les arthrites septiques, la cytologie a permis de détecter la présence de bactéries dans seulement 58 % des cas en utilisant une coloration de Gram [9]. Un autre essai a rapporté la présence de bactéries dans seulement 24 % des frottis directs examinés, sans toutefois spécifier le type de coloration employée. Il est généralement difficile de détecter des bactéries par l’examen cytologique du liquide synovial d’animaux atteints d’arthrite septique car les micro-organismes sont plus souvent dans la membrane synoviale que dans la synovie, libres ou phagocytés. La sensibilité de la cytologie dépend également de la morphologie des bactéries, les bâtonnets étant parfois plus faciles à détecter que les coques. Cependant, même si cette procédure ne permet pas de détecter directement des bactéries, le comptage cellulaire, le taux de protéines ou le pourcentage de neutrophiles et leur morphologie (dégénérés en cas de sepsis) sont des éléments qui orientent dans bien des cas très fortement vers le diagnostic d’arthrite septique.

Liquide de paracentèse abdominale

La cytologie des liquides de paracentèse abdominale ne permet pas non plus toujours de détecter des bactéries lors de péritonite septique. La sensibilité varie selon la cause de la péritonite. Elle est généralement plus élevée lors de rupture gastrique qu’en cas de lésion ischémique. Cependant, même lors de rupture gastrique, il n’est pas toujours possible de détecter des bactéries. Ainsi, dans une étude portant sur 50 cas de rupture gastrique, aucune bactérie ni aucune substance végétale n’a été identifiée dans 6 des 33 analyses de liquide de paracentèse [6]. Toutefois, comme pour les arthrites septiques, le comptage cellulaire et le taux de protéines permettent d’orienter le diagnostic.

Cependant, lors d’inflammation aiguë très récente, les modifications du liquide ne reflètent pas dans tous les cas la sévérité des lésions intestinales. La cytologie ne permet pas non plus toujours de diagnostiquer des processus néoplasiques intra-abdominaux. Dans une étude portant sur 25 chevaux (12 atteints de lymphome, 9 de carcinome épidermoïde et 4 d’adéno-carcinome), l’examen du liquide de paracentèse a mis en évidence des cellules néoplasiques dans presque la moitié des cas de lymphome et dans la moitié des cas de carcinome épidermoïde [13]. La sensibilité de la cytologie est encore moins bonne pour des tumeurs qui exfolient peu, comme l’hémangiosarcome.

Lavage broncho-alvéolaire

La cytologie des lavages broncho-alvéolaires (LBA) est très intéressante dans le cas des affections respiratoires profondes non infectieuses car elle permet généralement de préciser l’étiologie de la maladie. Il existe, en effet, une bonne corrélation entre la cytologie des LBA et l’histopathologie des lésions obtenues par biopsie. En revanche, la cytologie ne rend pas toujours compte de la sévérité des lésions présentes. Pour les affections respiratoires septiques, elle est moins intéressante car le passage du tube dans les cavités nasales rend la contamination du tube par des bactéries de l’appareil respiratoire supérieur presque inévitable. Un lavage transtrachéal est alors plus indiqué. De plus, le foyer infectieux peut être localisé et le LBA ne permet de récolter les cellules que dans une partie seulement du poumon.

Lors de processus néoplasique pulmonaire (tumeur primaire ou métastase), l’aspiration à l’aiguille fine ou la biopsie sous contrôle échoguidé sont préférées à un LBA. En effet, la sensibilité de l’examen cytologique du LBA pour détecter un processus néoplasique est très faible.

Examen cytologique des liquides synoviaux

Le liquide synovial d’une articulation normale est un dialysat du plasma qui est modifié par la sécrétion d’acide hyaluronique, de glycoprotéines, d’immunoglobulines, d’enzymes lysosomiales et d’autres macromolécules. Ce liquide a deux fonctions principales : permettre un apport en éléments nutritifs au cartilage articulaire et assurer la lubrification en diminuant la friction entre les surfaces articulaires.

L’examen complet d’un liquide d’effusion comprend l’évaluation de son apparence et de ses propriétés physiques macroscopiques, la détermination de la concentration en protéines, le comptage et l’estimation de la proportion de chaque type cellulaire ainsi que la caractérisation de la morphologie des cellules.

Apparence et propriétés physiques

Le liquide synovial normal est jaune pâle et clair (tableau 1). Généralement, un liquide synovial de viscosité normale forme un filament de quelques centimètres qui se rompt lorsqu’il est étiré entre les doigts. À l’examen microscopique, l’arrière-plan est rosé et finement granulaire en raison de la présence de mucine.

Concentration en protéines

La plupart des protéines plasmatiques ne sont pas présentes dans le liquide synovial normal. Les valeurs de référence publiées varient légèrement d’une étude à l’autre. Au laboratoire du service de diagnostic de la faculté de médecine vétérinaire de Saint-Hyacinthe, un liquide synovial est considéré comme normal jusqu’à 25 g/l de protéines (déterminé par réfractométrie).

Comptage et proportion des différentes catégories cellulaires

Le comptage de cellules nucléées d’un liquide synovial normal varie avec les articulations. Cependant, en général et selon notre expérience, le comptage cellulaire du liquide synovial de chevaux sains ne dépasse pas 0,5 à 1 x 109/l. La composition cellulaire du liquide synovial normal varie également selon les références, mais, de façon générale, la proportion de granulocytes neutrophiles demeure très faible et ne dépasse pas 10 % des cellules nucléées [10]. La très grande majorité de la population cellulaire se compose de cellules mononucléaires (lymphocytes, macrophages et cellules de la membrane synoviale) (photo 1). Généralement, les macrophages dominent proportionnellement. Une variation dans la proportion des différents types de cellules mononucléaires apporte rarement des informations d’intérêt clinique. Des éosinophiles sont rarement observés (<1 % dans la majorité des cas). L’examen cytologique d’un liquide de viscosité normale est souvent délicat à réaliser car la segmentation des neutrophiles est alors peu apparente, ce qui complique la différenciation des polymorphonucléaires et des cellules mononucléaires.

Cytologie du liquide synovial lors d’arthrite septique

Les affections articulaires sont fréquentes en médecine équine. Les modifications de composition du liquide synovial sont généralement minimes lors d’ostéo-arthrose. L’examen cytologique du liquide synovial est surtout utilisée pour le diagnostic et le suivi d’une arthrite septique. Le diagnostic est alors essentiellement confirmé par le résultat positif d’une culture bactériologique. Cependant, l’analyse cytologique du liquide synovial permet d’obtenir un diagnostic préliminaire, souvent bien avant que les résultats de la culture soient connus. De plus, plusieurs études ont démontré la faible sensibilité de la culture pour la détection des bactéries. Dans un essai rétrospectif portant sur 64 cas d’arthrite septique, la culture du liquide synovial s’est révélée positive dans seulement 52 % des cas [9] En présence de signes cliniques compatibles, l’examen du liquide synovial est donc un outil diagnostique très utile.

Les manifestations cliniques lors d’une affection articulaire sont multiples : douleur, réduction de l’amplitude de mouvement au niveau de l’articulation, effusion et modification de la composition du liquide synovial. L’effusion est généralement bien visible dans les articulations distales. L’accumulation de liquide est le résultat d’une augmentation de la perméabilité dans les capillaires et les jonctions cellulaires au niveau de la membrane synoviale, secondaire à l’inflammation locale. Cette perte d’intégrité favorise le passage de protéines et l’accumulation de fluides par transsudation.

L’inflammation modifie également l’apparence et la composition du liquide synovial. Le liquide est de jaune à blanchâtre et de trouble à opaque. La perte de viscosité est due à une diminution de la quantité et de la qualité de l’acide hyaluronique. Lors d’arthrite septique, une augmentation légère à généralement marquée de la concentration en protéines et du nombre de cellules nucléées est observée. La numération cellulaire dépasse généralement 5 x 109/l et fréquemment 100 x 109/l [10].

L’augmentation de la numération cellulaire est rapide et survient en moins de 24 à 48 heures après le début de l’infection. Une élévation du comptage de cellules nucléées, jusqu’à 100 x 109/l en moins de 24 heures après le début de l’infection, a été observée sur un modèle expérimental d’arthrite septique chez le cheval. La rapidité de la réponse peut être cependant retardée chez des animaux ayant reçu une injection articulaire de corticostéroïdes [7]. La population cellulaire est généralement composée d’un nombre élevé de neutrophiles dont la proportion atteint plus de 80 à 95 % dans la majorité des cas. Dans une étude effectuée chez des poulains, un pourcentage de neutrophiles supérieur à 95 % dans un liquide synovial septique semble être un facteur pronostique défavorable. Ce seuil de 95 % comme valeur pronostique n’est pas utilisé à la faculté vétérinaire de Saint-Hyacinthe. Les neutrophiles sont fréquemment dégénérés et présentent des signes de caryolyse : gonflement nucléaire et dispersion de la chromatine. Dans certains cas, des bactéries sont visualisées, libres ou phagocytées par les neutrophiles (photo 2). Cependant, il est souvent difficile de détecter les bactéries en raison de leur faible nombre, du grand nombre de débris cellulaires et de particules protéiques recouvrant l’arrière-plan.

Cytologie du liquide synovial lors de maladies articulaires dégénératives ou traumatiques

Lors d’arthropathie dégénérative ou traumatique, l’articulation est rarement gonflée car la quantité de liquide est généralement normale, voire diminuée.

Sa couleur varie de jaune clair à rouge suivant le degré de contamination sanguine. Cette dernière peut être d’origine iatrogène ou traumatique. L’examen cytologique permet parfois de décider entre ces deux causes car, dans le premier cas, des plaquettes sont présentes et aucune érythrophagocytose (si l’échantillon est analysé rapidement) n’est notée. Cependant, il n’est pas toujours possible de faire la différence, notamment lorsque l’hémorragie est récente. C’est alors surtout l’examen visuel de la récolte de liquide synovial qui est informatif. Lors d’hémorragie iatrogène, la contamination sanguine a surtout lieu au début du prélèvement alors que, lors d’hémorragie intra-articulaire, le liquide est uniformément teinté de sang pendant toute la procédure.

La concentration en protéines est généralement normale ou un peu augmentée. De même, la numération cellulaire est normale à modérément augmentée. Le nombre total de leucocytes ne dépasse pas 5 x 109/l et se situe le plus souvent entre 1 et 3 x 109/l. Enfin, le pourcentage de neutrophiles reste normalement inférieur à 25 %.

Lors d’arthrite traumatique aiguë, une numération cellulaire dépassant 10 x 109/l et un pourcentage de neutrophiles supérieur à 75 % sont parfois notés. Dans ce cas, les résultats de la bactériologie et la réponse au traitement sont déterminants pour différencier ce type d’arthrite traumatique d’une arthrite septique.

Cytologie lors d’arthrite à médiation immunitaire

Les causes d’arthrite à médiation immunitaire sont variées. Il peut s’agir, par exemple, d’une infection par Rhodococcus equi. Dans ce cas, une inflammation lymphocytaire et/ou plasmocytaire est généralement observée. Une synovite lympho-plasmocytaire a également été décrite chez un poney infecté par Borrelia burgdorferi et lors de lupus systémique érythémateux.

Examen cytologique des liquides de paracentèse

Le liquide péritonéal est un ultrafiltrat du plasma normalement présent en faible quantité, et est caractérisé par une composition pauvre en protéines et un faible comptage en cellules nucléées [3]. Un liquide normal contient très peu de fibrinogène et ne coagule pas. Sa fonction est de lubrifier la cavité abdominale et de minimiser la friction entre les organes et le péritoine.

Propriétés physiques

Un liquide de paracentèse normal est clair à légèrement turbide, jaune et sans odeur (tableau 2). Parfois, une légère consistance graisseuse est constatée lors du prélèvement. Entre 10 et 100 ml de fluide peuvent être recueillis en 5 à 10 minutes chez un cheval normal [3]. Si la paracentèse ne permet pas de récolter du liquide, il convient d’envisager un possible problème technique, la présence d’une quantité normale mais peu abondante de liquide, une déshydratation sévère ou une distension du côlon ventral repoussant le liquide vers la partie supérieure de la cavité abdominale. L’échographie peut être utilisée pour détecter des “poches” de liquides. La concentration en protéines mesurée par réfractométrie est généralement inférieure à 25 g/l. Cependant, certains considèrent comme anormale une concentration en protéines déterminée par la technique de Biuret supérieure à 15 g/l.

Comptage et composition cellulaires

Le comptage des cellules nucléées d’un liquide péritonéal normal varie d’une étude à l’autre. De façon générale, un comptage inférieur à 10 x 109/l est considéré comme normal bien que, dans la majorité des cas, il soit inférieur à 5 x 109/l. Le comptage cellulaire total apparaît légèrement inférieur chez le poulain [5].

L’examen cytologique met en évidence une population cellulaire mixte com-posée d’une proportion variable de neutrophiles, de lymphocytes, de macrophages, de cellules mésothéliales et, occasionnellement, d’éosinophiles et de mastocytes. Les macrophages et les cellules mésothéliales ont une apparence similaire, ils sont donc souvent regroupés sous l’appellation de grandes cellules mononucléaires.

Les neutrophiles sont généralement les cellules les plus nombreuses avec un pourcentage pouvant atteindre 90 %, mais leur aspect est conservé (cellules non dégénérées) [3].

Cytologie du liquide de paracentèse lors d’affections abdominales

L’examen cytologique du liquide de paracentèse est un outil diagnostique utile pour l’évaluation d’affections abdominales chez le cheval. Des modifications de l’apparence, de la quantité et de la composition du liquide péritonéal sont associées à différentes maladies, telles que des coliques, une péritonite, un traumatisme abdominal ou une néoplasie. L’analyse du liquide péritonéal obtenu par paracentèse est effectuée en routine chez les chevaux atteints d’une affection abdominale. Chez le cheval en colique, elle permet parfois de soutenir la décision de référer un cas ou de procéder à une laparotomie exploratoire. Cependant, l’analyse du liquide péritonéal doit être interprétée en fonction des résultats de l’examen clinique.

La formation de liquide péritonéal est un processus dynamique qui est le reflet des changements pathophysiologiques à la surface de la paroi viscérale et pariétale de la cavité abdominale. La composition du liquide change avec l’évolution de la maladie. Ainsi, l’examen répété du liquide péritonéal peut permettre une meilleure évaluation de la progression de la maladie ou de la réponse au traitement.

Interprétation de l’analyse du liquide péritonéal chez le cheval en colique

Lors d’une atteinte intestinale modérée (par exemple une impaction ou une entérite), la quantité de liquide et la concentration en protéines sont les premiers paramètres à subir une modification. La congestion et une augmentation de la perméabilité vasculaire permettent le passage de fluide riche en protéines (par exemple de l’albumine ou du fibrinogène). Le liquide devient alors légèrement trouble. La quantité de liquide et son taux en protéines augmentent, comparativement au liquide normal. Une concentration en protéines en hausse (sans augmentation du comptage cellulaire) dans le liquide péritonéal de chevaux en colique suggère que l’atteinte ne résulte pas d’une ischémie ou d’une nécrose intestinale.

La progression des lésions ischémiques dans l’intestin provoque la diathèse hémorragique des globules rouges, suivie du passage des globules blancs. Le liquide devient de plus en plus rosé et trouble. Si les dommages ischémiques évoluent, une quantité importante de protéines et de leucocytes passe dans le liquide péritonéal et, éventuellement, les bactéries traversent également la barrière intestinale et se retrouvent dans la cavité abdominale. Des bactéries libres et phagocytées sont alors visibles. Le comptage de cellules nucléées augmente de façon importante et des neutrophiles dégénérés sont visualisés. Si des neutrophiles dégénérés sont présents, le clinicien doit rechercher la présence de bactéries (photo 3). Même en faible nombre, la présence de bactéries phagocytées est généralement diagnostique d’une péritonite septique. Lors de rupture gastro-intestinale, le liquide est granuleux et de couleur brunâtre.

En cas de rupture digestive, des particules végétales et une quantité importante de bactéries sont visibles à l’examen cytologique. Une suspicion de rupture gastro-intestinale doit toujours être confirmée en examinant deux ou trois échantillons récoltés sur différents sites pour exclure la possibilité d’une ponction accidentelle des intestins (entérocentèse).

Entérocentèse

Une ponction accidentelle des intestins lors d’une paracentèse est rarement à l’origine de complications significatives, mais peut entraîner une augmentation du comptage de cellules nucléées compatible avec un diagnostic de péritonite. Lors d’entérocentèse, le liquide est trouble et granuleux, de couleur brunâtre à verdâtre, avec une odeur de fermentation. L’examen cytologique révèle la présence d’une population mixte de micro-organismes et des particules végétales (photo 4). Des entérocentèses effectuées de façon expérimentale ont provoqué une légère augmentation du comptage de cellules nucléées seulement 4 heures après la ponction, pour atteindre un maximum après 48 heures (moyenne de 11,3 x 109/l cellules nucléées) [12].

Épanchements hémorragiques

La présence de sang dans le liquide péritonéal peut être secondaire à une rupture iatrogène de petits vaisseaux lors de la paracentèse, à une ponction de la rate, à une hémorragie intra-abdominale ou à la diapédèse de globules rouges due à une ischémie intestinale. Si le liquide semble contenir du sang, des paracentèses doivent être effectuées à des sites différents. Si tous les liquides sont hémorragiques, une hémorragie intra-abdominale doit être considérée. Une contamination sanguine iatrogène se caractérise par la présence de globules rouges et de plaquettes. Aucune érythrophagie ne doit être notée, à moins d’un délai dans la préparation des cytologies. Le surnageant est généralement clair, sans signes d’hémolyse. Une légère contamination par du sang périphérique ne devrait pas significativement modifier le comptage de cellules nucléées, mais peut augmenter légèrement la concentration en protéines [3].

Une ponction accidentelle de la rate se traduit également par la présence de globules rouges et de plaquettes. Le micro-hématocrite du liquide pourrait être plus élevé que dans le sang. Une population mixte de cellules lymphoïdes est parfois observée. Une hémorragie intra-abdominale se caractérise par la présence de globules rouges et une érythrophagie dans la majorité des cas. Celle-ci peut être absente si les saignements sont récents. La présence de plaquettes indique que les saignements sont récents ou toujours en cours. Un liquide hémorragique est parfois observé à la suite d’une hernie diaphragmatique.

Autres affections

Une augmentation du comptage de cellules nucléées est également observée après une chirurgie abdominale, une castration ou une parturition. En effet, à la suite d’une laparotomie, la numération cellulaire peut dépasser 150 x 109/l et rester encore supérieure à 25 x 109/l 7 jours après l’intervention chirurgicale. À la suite d’une castration, elle peut rester supérieure à 10 x 109/l pendant 5 jours. Un poulinage normal entraîne une légère augmentation du comptage de cellules nucléées et du taux de protéines, qui demeure généralement dans les limites des valeurs de référence pour un cheval adulte [3].

Utilité de l’analyse biochimique du liquide péritonéal

De nombreux paramètres biochimiques peuvent être mesurés dans le liquide péritonéal. Les plus informatifs sont la créatinine, le lactacte, le pH et le glucose.

La créatinine est mesurée lors de suspicion d’uropéritoine. Chez un cheval sain, la concentration en créatinine dans le liquide péritonéal est relativement similaire à celle dans le sérum. Lors d’uropéritoine, la concentration en créatinine dans le liquide d’épanchement augmente et le rapport de la créatinine péritonéale sur la créatinine sérique est alors supérieur ou égal à 2/1.

La mesure du lactate péritonéal est utilisée comme facteur pronostique chez les chevaux en colique. Sa concentration est un indicateur sensible d’une ischémie intestinale. De plus, une étude a démontré que cette concentration était plus élevée chez les chevaux qui présentent une ischémie intestinale secondaire à une obstruction étranglée que chez ceux atteints d’une obstruction non étranglée [8]. Chez un cheval sain, la concentration en lactate se situe entre 0,0038 et 0,0109 g/l.

La mesure du pH et de la concentration en glucose péritonéal peut être utilisée pour renforcer une suspicion de péritonite septique. En effet, lors de péritonite septique, la concentration en glucose péritonéal et le pH sont significativement plus bas, comparativement à des chevaux atteints de péritonite non septique et sains. Ainsi, un pH péritonéal inférieur à 7,3 est en faveur d’une péritonite septique. Chez un cheval sain, la concentration en glucose péritonéal varie entre 0,89 et 1,15 g/l.

Examen cytologique du liquide de lavage broncho-alvéolaire

Le liquide de lavage broncho-alvéolaire (LBA) est obtenu après avoir introduit, via un double cathéter, 250 à 500 ml de NaCl 0,9 % qui sont ensuite rapidement aspirés. L’examen du LBA est surtout intéressant pour les affections respiratoires non infectieuses comme l’hémorragie pulmonaire induite par l’effort (HPIE) et les maladies inflammatoires chroniques des voies respiratoires (MICVR) [11]. Quand un agent infectieux (bactérie ou fungus) est recherché, il est préférable de réaliser un lavage transtrachéal, sauf pour Pneumocystis carinii qu’il est possible de retrouver dans les lavages trachéaux et broncho-alvéolaires.

Apparence

Le liquide de lavage est généralement clair à légèrement trouble. En cas d’inflammation, il est blanchâtre à jaunâtre et devient plus trouble. Il peut prendre une teinte rosée à rougeâtre lors de saignements.

Taux de protéines et comptage cellulaire

Les liquides de lavage étant obtenus après instillation de NaCl 0,9 % dans les voies respiratoires, ils contiennent généralement peu de protéines, à l’exception d’une faible quantité de mucus. La détermination du taux de protéines a donc peu de valeur diagnostique. De même, le comptage cellulaire est peu intéressant car il dépend en grande partie de la quantité de solution NaCl 0,9 % administrée puis aspirée. Il n’existe donc pas de valeur de référence pour le comptage cellulaire du LBA chez le cheval sain. Dans la majorité des études, le nombre de cellules est néanmoins inférieur à 1000 cellules/ml.

Composition cellulaire

Le liquide de LBA contient majoritairement des macrophages alvéolaires (60 à 80 %) qui sont souvent vacuolés. 20 à 35 % de lymphocytes, généralement moins de 5 % de neutrophiles et moins de 2 % de mastocytes sont également observés [14]. De rares amas de cellules respiratoires ciliées, quelques cellules caliciformes et du mucus sont notés (tableau 3).

Lors de contamination oropharyngée du liquide de lavage, la proportion de cellules respiratoires augmente, et des cellules épithéliales kératinisées squameuses ainsi que de volumineuses bactéries comme Simonsiella sp. provenant de l’oropharynx sont également observées. Des spores végétales et des grains de pollen peuvent être présents [14].

Cytologie du LBA lors d’HPIE

L’HPIE survient généralement après un exercice intense et se traduit par des saignements parfois localisés seulement dans les voies respiratoires profondes. À l’examen cytologique, les conséquences de ces derniers sont une érythrophagie qui témoigne de saignements récents, et une hémosidérophagie qui signale des saignements plus chroniques (photo 5). Il est également possible d’observer des cristaux d’hématoïdine qui sont l’un des catabolites de l’hémoglobine.

La présence d’hématies, même avec un antécédent d’exercice intense récent et des signes cliniques en faveur de cette maladie, ne permet pas de conclure à une HPIE car ils peuvent provenir d’un trauma provoqué par le cathéter ou l’endoscope.

Cytologie du LBA lors de MICVR

Le diagnostic des maladies inflammatoires du système respiratoire telles que la maladie obstructive des voies respiratoires profondes (MOVRP, également appelée pousse ou recurrent airway obstruction, RAO, chez les Anglo-Saxons) et la maladie inflammatoire des petites voies respiratoires (MIPVR, également appelée inflammatory airway obstruction, IAD, chez les Anglo-Saxons) repose en grande partie sur l’analyse du LBA.

Dans tous les cas, chez les chevaux symptomatiques, la proportion de neutrophiles est augmentée. Lors de MIPVR, une neutrophilie légère associée à la présence de nombreux petits lymphocytes et macrophages est généralement observée. Une augmentation de la proportion de mastocytes (>2 %) et d’éosinophiles (>0,1 %) peut également être notée, notamment chez les jeunes chevaux. Lors de MOVRP, une inflammation neutrophilique plus importante est observée (les neutrophiles représentent plus de 20 % des cellules), donc une moindre proportion de macrophages et de lymphocytes [2]. L’inflammation neutrophilique dans le LBA des chevaux atteints de MOVRP est généralement proportionnelle à la sévérité de l’obstruction aérienne.

La présence de neutrophiles dans un LBA n’est donc pas pathognomonique d’un processus septique. Afin de différencier un processus septique d’une hypersensibilité, se fonder sur l’aspect des neutrophiles (dégénérés ou non) n’est pas pertinent car ils dégénèrent très rapidement dans le liquide utilisé pour le LBA. À l’inverse, dans un liquide traité rapidement et contenant peu de bactéries, ils peuvent apparaître non dégénérés. En revanche, les principaux critères cytologiques en faveur d’un processus infectieux sont la présence d’un grand nombre de neutrophiles, de bactéries en position intracellulaire ou d’agents fongiques, et/ou une culture positive d’agents infectieux reconnus.

En raison du caractère chronique de l’affection, la production de mucus est augmentée, ce qui se traduit par la formation de spirales rosées à bleutées de mucus appelées spirales de Curschmann (photo 6).

L’inflammation chronique provoque également une hyperplasie de l’épithélium respiratoire, ce qui peut se traduire à l’examen cytologique par des amas de cellules épithéliales hyperplasiques et une augmentation du nombre de cellules caliciformes. Une métaplasie squameuse de l’épithélium est rarement observée.

En médecine équine, la cytologie présente un intérêt certain dans certaines affections, notamment articulaire, digestive et respiratoire. Cet examen complémentaire apporte des réponses rapides qui, en corrélation avec l’examen clinique, permettent généralement de préciser le diagnostic.

  • (1) L’exactitude d’un test diagnostique est définie comme la fréquence à laquelle il classifie correctement un animal pour être atteint ou non de la maladie recherchée.

  • (2) La valeur prédictive positive correspond à la probabilité qu’un test positif caractérise un animal atteint de la maladie recherchée.

  • (3) La valeur prédictive négative correspond à la probabilité qu’un test négatif caractérise un animal non atteint de la maladie recherchée.

Références

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  • 14 – Zinkl J. Lower respiratory tract. In: Diagnostic cytology and hematology of the horse. 2nd ed. Cowell R and Tyler R, ed. Mosby, Saint-Louis. 2002:73-86.

Éléments à retenir

• La cytologie est un outil diagnostique rapide et peu onéreux, mais qui requiert un cytologiste expérimenté.

• Ne pas trouver de bactéries à l’examen cytologique d’un liquide biologique ne permet pas de conclure à leur absence.

• Lors d’affection articulaire, la cytologie peut orienter rapidement le praticien vers un diagnostic d’arthrite septique.

• Chez le cheval en colique, l’examen cytologique du liquide de paracentèse abdominale peut permettre de prendre la décision de référer un cas ou de procéder à une laparotomie exploratrice.

• Lors d’hémorragie pulmonaire induite par l’effort, l’examen cytologique du liquide de lavage broncho-alvéolaire permet d’observer une érythrophagie et/ou une hémosidérophagie.

• Le lavage broncho-alvéolaire fait partie intégrante du diagnostic des maladies inflammatoires respiratoires.

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