La biomécanique du pied du cheval - Pratique Vétérinaire Equine n° 163 du 01/07/2009
Pratique Vétérinaire Equine n° 163 du 01/07/2009

Article de synthèse

Auteur(s) : Henry Chateau*, Damien Robin**, Philippe Pourcelot***, Sylvain Falala****, Laurène Holden*****, Pierre Estoup******, Christophe Degueurce*******, Jean-Marie Denoix********, Nathalie Crevier-Denoix*********

Fonctions :
*UMR Inra/ENVA de biomécanique et pathologie locomotrice du cheval
ENV d’Alfort
7, avenue du Général-de-Gaulle 94704 Maisons-Alfort Cedex
**UMR Inra/ENVA de biomécanique et pathologie locomotrice du cheval
ENV d’Alfort
7, avenue du Général-de-Gaulle 94704 Maisons-Alfort Cedex
***UMR Inra/ENVA de biomécanique et pathologie locomotrice du cheval
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****UMR Inra/ENVA de biomécanique et pathologie locomotrice du cheval
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******UMR Inra/ENVA de biomécanique et pathologie locomotrice du cheval
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*******UMR Inra/ENVA de biomécanique et pathologie locomotrice du cheval
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*********UMR Inra/ENVA de biomécanique et pathologie locomotrice du cheval
ENV d’Alfort
7, avenue du Général-de-Gaulle 94704 Maisons-Alfort Cedex

L’interaction du pied avec le sol lors des déplacements est un phénomène complexe et impliquant de nombreuses structures anatomiques.

Le pied du cheval au sens de l’extérieur et de la maréchalerie est formé du sabot et de son contenu (photo).

Le pied est particulièrement sollicité aux allures, dans les phases d’appui. À l’impact, le sabot se comporte comme une masse ayant acquis une vitesse et décélérant brutalement. La pression exercée au sol est contrebalancée par une force de réaction du sol s’exprimant sous forme d’un vecteur à orientation proximo-caudale. Le sabot se déforme, et la surface d’engrènement du corium parietis (podophylle) avec le stratum internum de la paroi (kéraphylle) supporte des tractions et des cisaillements tandis que l’articulation interphalangienne distale fléchit.

La biomécanique du pied est envisagée avec la description :

– des sollicitations du pied lors de l’appui ;

– des différents mécanismes qui permettent au pied de jouer un rôle dans l’amortissement ;

– des sollicitations ostéo-articulaires.

Sollicitations mécaniques du pied lors de l’appui

De nombreuses techniques ont été utilisées pour mettre en évidence la mécanique du pied. Parmi celles-ci, la cinématique (étude des mouvements que décrit le sabot) et la dynamique (étude des forces exercées sur le pied) ont permis de souligner l’importance du pied dans les mécanismes d’amortissement.

Contact initial

Dans le plan sagittal, le contact initial du sabot s’effectue le plus souvent par les talons (surtout à vitesse rapide) ou à plat, et plus rarement par la pince. La fréquence de ce dernier type d’abord augmente pour un sabot dont la pince est longue. Ce paramètre dépend donc à la fois de la vitesse, de l’allure, du parage et de la ferrure. Au petit trot (4 m/s) et pour des chevaux parés de façon standard, Clayton a observé que l’impact se produit soit à plat (57 %), soit par les talons (43 %) [9]. Les chevaux touchent le sol par les talons d’autant plus que ceux-ci sont hauts, et l’emploi de talonnettes entraîne une augmentation de l’amplitude de la bascule du sabot après contact [17]. À l’inverse, une diminution de 10° de l’angle de pince se traduit par l’apparition d’une proportion plus élevée d’impacts en pince [9]. La nature de l’impact conditionne la partie du sabot qui subira le choc, donc la décélération, ainsi que le type de mouvement de bascule du sabot. Lorsque les talons sont hauts, le contact s’effectue principalement par l’arrière du pied. L’utilisation de talonnettes majore donc la sollicitation de cette région du pied. Dans ce mouvement, le sabot subit une brusque bascule vers l’avant qui s’accompagne d’une flexion brutale de l’articulation interphalangienne distale.

Poser du pied

Immédiatement après le contact et la rotation initiale, le sabot subit un choc puis décélère rapidement sous l’influence des forces verticales liées au poser et des forces horizontales dues au freinage qui réduisent sa vitesse à une valeur nulle. Ces forces et ces décélérations peuvent être mesurées par des plateformes de forces, des fers instrumentés et des accéléromètres.

Récemment, l’UMR de biomécanique et pathologie locomotrice du cheval de l’ENV d’Alfort a développé un projet, baptisé Sequisol (pour sécurité, équidés et sol), ayant pour objectif de déterminer quelles doivent être les caractéristiques des sols équestres pour obtenir une plus grande sécurité et un meilleur confort du cheval athlète [10]. Une première étude a été mise en place pour quantifier les sollicitations de l’appareil locomoteur (pied, tendon fléchisseur superficiel du doigt, dos) d’un cheval trotteur français lancé à 35 km/h (figure 1). Un accéléromètre triaxial fixé sur la paroi du sabot a permis de caractériser le choc du pied sur le sol et les vibrations générées par ce choc [7]. La mesure des forces qui s’exercent sous le pied constitue également un paramètre essentiel pour étudier les interactions entre le sabot et le sol. Le plus souvent, cette mesure est effectuée par l’intermédiaire d’une plateforme de forces (qui mesure la force de réaction du sol), mais celle-ci impose de travailler dans des conditions de laboratoire car elle est nécessairement fixée dans le sol à un endroit donné, et ne permet pas d’effectuer des mesures à grande vitesse, ni sur différents types de sols. Un fer instrumenté, qui mesure directement cette force sous le sabot, permet de pallier cet inconvénient. Un prototype a récemment été développé par l’UMR BPLC [8]. Cet instrument permet la mesure des forces verticale, horizontale (longitudinale : freinage/propulsion) et transversale (par exemple lors de virages serrés) exercées sous le pied du cheval. Le dispositif, aussi appelé “fer dynamométrique”, donne également des informations concernant la répartition des efforts sur la paroi du sabot et la trajectoire du centre de pression. L’appareil se compose de quatre capteurs de forces pris en sandwich entre deux pièces en aluminium usinées à la forme d’un fer classique. Cet instrument est broché de façon traditionnelle sous le sabot et le matériel nécessaire au traitement des signaux est embarqué sur une selle équipée ou sur un sulky.

Les résultats obtenus avec ces deux instruments permettent d’illustrer la dynamique du pied à l’impact.

Choc initial

Deux périodes distinctes peuvent être décrites lors de la phase de poser du pied au sol. La première est passive. Le sabot se comporte comme une masse heurtant le sol en pleine vitesse. Ce phénomène engendre un choc dont l’amplitude est directement liée aux caractéristiques mécaniques des matériaux entrant en contact (fer et couche superficielle du sol).

Chez un cheval de 550 kg, se déplaçant à 35 km/h (environ 10 m/s), la vitesse du pied juste avant l’impact a été mesurée à environ 2 m/s verticalement et 5 m/s horizontalement. L’amplitude du choc initial du pied à l’impact (mesuré par la décélération verticale maximale) varie très largement en fonction des caractéristiques du sol et du fer. À titre d’exemple, avec le même fer, ce pic de décélération verticale est d’environ 80 g sur une surface considérée comme amortissante (piste en sable fibré-huilé) et peut atteindre plus de 500 g sur une surface fortement damée (figure 2) [10]. L’amplitude de ce choc dépend aussi des conditions d’entretien et de la teneur en eau des pistes (figure 3). De plus, ce choc résulte du contact entre deux matériaux : le sol mais aussi le pied (par l’intermédiaire du fer). La ferrure influence donc également l’amplitude de ce phénomène. Dans une étude accélérométrique similaire, l’amplitude de ce choc à l’impact a été comparée chez cinq trotteurs français courant pieds déferrés, avec une ferrure acier standard ou avec des semelles synthétiques collées (Top Gum®). Les résultats obtenus ont montré que sur un terrain dur (type asphalte) à 20 km/h, la semelle synthétique, à l’instar du pied déferré, réduit significativement les décélérations subies par le sabot à l’impact (d’environ 25 %, par rapport au fer standard en acier). Cependant, sur une piste d’entraînement de bonne qualité (piste en sable concassé régulièrement travaillée) et à grande vitesse (40 km/h), cet effet amortissant de la semelle synthétique (ou du pied déferré) par rapport au fer standard n’est plus observé. Il est probable que, dans ces conditions, la nature de la piste ait alors plus d’influence que la ferrure sur ces phénomènes d’amortissement.

Phase de freinage et de glissement du pied

La phase de poser du pied ne s’arrête pas au choc initial. Elle se poursuit par une phase active dans laquelle la mise en charge progressive du membre augmente les forces de frottement entre le pied et le sol, et conduit à l’arrêt complet du pied au sol. Sur une surface peu déformable, cette seconde phase est essentiellement caractérisée par un glissement longitudinal du pied vers l’avant qui précède son arrêt complet. Au trot, à 35 km/h et sur un terrain ferme, l’amplitude de ce glissement varie entre 5 et 10 cm et dure environ 30 ms (soit environ 20 % de la phase d’appui). Une décélération longitudinale progressive du pied est observée tandis que la force longitudinale de réaction au sol (force de freinage) augmente et atteint son maximum lorsque le pied s’arrête (figure 4). Ici encore, les caractéristiques mécaniques du sol (et plus généralement les interactions entre le pied et le sol en termes de friction et de déformation notamment) influent considérablement sur ce paramètre [15]. La force de freinage exercée sous le pied est ainsi atténuée sur un sol plus souple (comme une piste en sable fibré-huilé ou en herbe, par exemple) où les valeurs de ce maximum de force sont en deçà de 2 500 N alors qu’elles dépassent 3 000 N sur des pistes en sable concassé ou en mâchefer pour un cheval trottant à 35 km/h [10]. À titre de comparaison, cette force exprimée en Newton correspond à celle exercée par une masse de 300 kg soumise à la pesanteur (300 kg-force). Cette force se répercute par ailleurs à l’interface entre le fer et le sabot. Les 3 000 N précédemment évoqués sont alors transmis vers la paroi du sabot par l’intermédiaire des clous et du pinçon pour empêcher le glissement longitudinal du fer par rapport au sabot.

Vibrations générées par le choc et le glissement

Le choc initial et les frottements entre le pied et le sol lors de la phase de glissement génèrent des vibrations. L’analyse du spectre des fréquences de ces phénomènes vibratoires montre que plus le terrain est dur et rugueux et plus les composantes haute fréquence de ces vibrations sont fortement représentées (figure 5). Des travaux antérieurs ont montré que ces phénomènes vibratoires mesurés sur la boîte cornée sont rapidement atténués dans les parties plus proximales du membre, la jonction lamellaire entre le stratum internum de la paroi (kéraphylle) et le corium parietis (podophylle) jouant, à ce titre, un rôle fondamental de filtre passe-bas permettant d’atténuer la propagation de ces vibrations haute fréquence [12, 13, 18].

Phase de mise en charge et de propulsion

Au trot, pour un cheval de 550 kg lancé à 35 km/h, la composante verticale de la force de réaction au sol augmente progressivement jusqu’à atteindre quelque 10 000 N (force exercée par une masse d’environ 1 t soumise à la pesanteur) autour de 50 % de l’appui, puis décroît ensuite jusqu’au décollement du pied (figure 6). À 35 km/h, ces cycles de mise en charge de 0 à 1 t sont répétés environ deux fois par seconde. La force horizontale longitudinale est positive pendant la première moitié de l’appui. Le vecteur force est alors dirigé vers l’avant et traduit une phase de freinage. Comme observé précédemment, cette force de freinage atteint son maximum à la fin de la phase du glissement, mais celle-ci reste néanmoins positive (freinage) jusqu’à environ 60 % de l’appui. À ce stade, la direction de la force horizontale longitudinale s’inverse (la force devient négative). Cette force est alors dirigée vers l’arrière et devient donc propulsive.

Adaptation de la boîte cornée et amortissement

Le mécanisme qui permet au sabot de participer à l’absorption des forces verticales lors de l’appui a fait l’objet de nombreux débats. Les théories anciennes accordaient un grand rôle au coussinet digital, aux cartilages ungulaires et à la fourchette. Elles supposaient que la fourchette entrait en contact avec le sol et transmettait l’effort au coussinet digital qui réalisait l’expansion des talons.

La thèse de la dépression réfute cette idée. Selon ses auteurs, l’écartement des talons serait simplement lié à leur orientation, qui permet leur déformation spontanée pendant l’appui. Il générerait, à l’inverse, une diminution des pressions entre les talons, entraînant l’expansion du coussinet digital. La fourchette agirait comme un soufflet, une réserve de matière permettant cet écartement. Ce n’est donc pas l’écrasement de la fourchette qui provoque l’écartement des talons, mais l’écartement des talons qui induit l’expansion transversale de la fourchette. Cette hypothèse a été exposée pour la première fois par Bracy-Clarck qui réfutait l’intervention déterminante d’une compression de la fourchette dans l’atténuation des chocs [1]. Ce sujet fut ensuite l’objet de débats passionnés et Cadiot, en 1895, relève douze théories venues s’ajouter à celle de Bracy-Clarck [2]. Plus récemment, Dyhre-Poulsen et coll. ont mesuré in vivo la pression dans le coussinet digital et ont observé que celle-ci diminue au cours de l’appui, traduisant ainsi un écartement des talons sans contrainte exercée sur le coussinet digital, ce qui corrobore la théorie de la dépression [12]. Cette capacité de déformation est considérée comme un élément déterminant de l’amortissement des chocs [14]. Les barres jouent, par leur disposition et leur continuité avec la paroi, un rôle de ressort à lames qui limite cet écartement lors de l’amortissement et favorise leur rapprochement en fin d’appui. L’écartement entre les deux talons lors de la mise en charge d’un membre déferré, sous presse, a été évalué à 1,27 ± 0,43 mm [16]. L’expansion est également marquée en couronne (+ 1,65 mm en moyenne par rapport au bord distal). Les déformations de la boîte cornée lors de l’amortissement se répercutent aux cartilages ungulaires. Ce mouvement chasse le sang des volumineux plexus veineux qui doublent leur faces médiale et latérale.

Lors de la mise en charge, la phalange distale descend légèrement dans la boîte cornée sous l’effet des pressions exercées sur sa surface articulaire. La majorité des forces qui s’appliquent sur la phalange est déviée vers la paroi par l’intermédiaire de l’engrènement des lamelles dermales du corium parietis (podophylle) et des lamelles épidermales du stratum internum (kéraphylle), qui réalise une véritable suspension de la phalange distale à l’intérieur de la boîte cornée. Le corium parietis subit un mouvement de cisaillement qui limite puis arrête la descente de la phalange. Le bourrelet coronal se trouve comprimé, tiré en dedans et distalement en raison de la descente relative de la face pariétale de la phalange le long de la paroi.

Contraintes ostéo-articulaires

L’anatomie fonctionnelle de l’articulation interphalangienne distale (AIPD) est conditionnée par la forme de ses surfaces articulaires. Le type condylaire de cette articulation rend prépondérant les mouvements de flexion et d’extension dans le plan sagittal.

Au cours de l’appui, au pas et sur terrain dur, l’AIPD fléchit précocement d’environ 15° [3]. La majorité de cette flexion intervient durant la phase d’impact initial du pied et participe aux phénomènes d’amortissement. L’AIPD atteint son maximum de flexion avant la verticalisation du canon, puis s’étend pendant le reste de la phase d’appui (d’environ 45° au pas). Cette extension s’accompagne d’une mise en tension du tendon fléchisseur profond du doigt, des ligaments sésamoïdiens collatéraux et du ligament sésamoïdien distal impair. Dans ce mouvement, la mise en tension de ces formations contribue à la compression de l’os sésamoïde distal à la face palmaire des condyles distaux de la phalange moyenne (figure 7).

Toute modification de l’orientation longitudinale du pied a des répercussions sur ces mouvements articulaires. De nombreuses études ont démontré l’influence de l’élévation de la pince et des talons sur le comportement de l’articulation interphalangienne distale. Au trot, il a notamment été démontré qu’une élévation de 6° des talons entraînait une augmentation d’environ 2° de l’angle de flexion maximale de l’AIPD et une diminution d’environ 2° de l’angle d’extension maximale de cette même articulation [6]. Une étude complémentaire, dans laquelle l’effet d’un fer en œuf a été testé, a également démontré qu’un fer dont l’épaisseur est homogène, mais dont la surface de contact avec le sol est modifiée, peut transformer la pénétration du pied dans le sol [5]. L’exemple du fer en œuf a mis en évidence que l’augmentation de surface portante de celui-ci dans la partie postérieure du pied limite l’enfoncement des talons dans le sol au début de la phase d’appui. Les conséquences articulaires de cette modification de l’orientation longitudinale du pied sont significatives, avec en particulier une augmentation des flexions interphalangiennes et une diminution de l’extension interphalangienne distale au moment du décollement des talons. Ce dernier effet est typiquement recherché dans le traitement du syndrome podotrochléaire qui se manifeste cliniquement par une intolérance à l’extension de cette articulation. Les effets du fer en œuf reproduisent donc, sur terrain meuble, ceux d’une talonnette utilisée sur terrain dur. Ce type de ferrure présente l’avantage de se manifester sur les aires d’exercice meubles, alors qu’aucune modification n’est obtenue sur terrain ferme, autorisant ainsi une réponse modulée du traitement selon la pénétrabilité du sol.

L’AIPD subit également des mouvements secondaires (et non accessoires) de latéralité et de rotation qui sont fondamentaux pour permettre au pied de se prêter aux irrégularités du sol. En 1987, Jean-Marie Denoix a été le premier à analyser ces mouvements grâce à l’injection intra-articulaire d’une solution colorante [11]. Ces derniers sont typiquement passifs, c’est-à-dire indirectement provoqués, car il n’existe aucun muscle ni tendon capable de les produire spontanément. Ils apparaissent lors d’appui dissymétrique du pied sur un sol irrégulier et sur le cercle, où le déplacement du centre de gravité vers le centre du cercle modifie l’orientation transversale du membre.

Ces mouvements articulaires ont ensuite été mesurés à l’aide de marqueurs cinématiques invasifs disposés sur le doigt antérieur gauche de 4 chevaux [4]. Des passages au pas en ligne droite ont été comparés à des passages au pas sur un cercle court à gauche (d’environ 1,5 m de diamètre).

Les répercussions majeures du déplacement sur le cercle ont été enregistrées sur les angles de rotation axiale et de collatéromotion des articulations interphalangiennes. Sur le cercle à gauche, le membre antérieur à l’intérieur du virage s’écarte du plan médian avant le poser du pied de façon à couvrir le terrain en direction du mouvement. Durant le reste de l’appui, la masse corporelle est ramenée au-dessus de ce membre alors que le sabot reste immobile au sol. Dans ce mouvement, le membre se rapproche du plan médian. Il subit une adduction d’environ 8° (figure 8). Ces modifications de l’orientation transversale du membre s’accompagnent de changements des comportements extrasagittaux des articulations digitales. L’AIPD subit sur le cercle court une rotation médiale d’environ 10° et une latéromotion (c’est-à-dire un pincement latéral de l’interligne articulaire) d’environ 2° (figure 9). Ces sollicitations extrasagittales des articulations interphalangiennes sont maximales à la fin de l’appui, juste avant le décollement des talons. Pendant cette phase de décollement, la diminution des contraintes exercées sur la partie palmaire du pied s’accompagne d’une brusque rotation latérale du sabot (d’environ 12°), conduisant au réalignement des rayons phalangiens.

Les mouvements de collatéromotion et de rotation axiale de ces articulations (y compris l’articulation interphalangienne proximale ou AIPP) peuvent être considérés comme des événements normaux, intervenant dans les circonstances habituelles de la locomotion. Cependant, lorsqu’ils sont excessifs, ils contribuent à augmenter les contraintes subies par le cartilage articulaire et les formations ligamentaires. Cela explique que les voltes courtes (y compris au pas) soient contre-indiquées chez les chevaux atteints d’arthropathies interphalangiennes, car ces activités sur le cercle tendent à augmenter l’amplitude des mouvements de collatéromotion et de rotation axiale.

De plus, ces sollicitations extrasagittales sont maximales à la fin de l’appui sur le cercle. À ce moment de la foulée, les formations ligamentaires s’opposant à ces mouvements sont donc particulièrement sollicitées. Aussi, dès que la charge diminue sur la partie palmaire du pied (au décollement des talons), la brusque rotation latérale du sabot autorise le réalignement des rayons phalangiens et diminue la tension des ligaments collatéraux. Dans cette circonstance, tout facteur qui s’oppose à ce mouvement (crampon, excès de garniture en mamelle externe du fer, etc.) amplifie ces contraintes, en augmentant artificiellement l’effet de “bras de levier” latéral imposé sur le pied qui se trouve à l’intérieur du cercle. À l’opposé, un fer dont les branches sont biseautées en mamelle externe est mieux toléré chez un cheval qui présente une arthrose interphalangienne, car il limite l’amplitude de ces mouvements extrasagittaux.

À l’interface entre le sol et l’appareil locomoteur, le pied et les formations ostéo-articulaires qui lui sont associées sont fortement sollicités pendant la locomotion. La majorité des lésions de l’appareil locomoteur sont liées à des sollicitations excessives sur les formations anatomiques qui le composent. La détection et le traitement des affections locomotrices ne cessent de s’améliorer au grès des développements des techniques d’imagerie. En synergie, la prévention et le traitement ciblé de ces affections ne peut se faire qu’à la lumière d’une compréhension toujours plus approfondie des sollicitations biomécaniques à l’origine de ces lésions.

Références

  • 1 – Bracy-Clarck FLS. Recherches sur la construction du sabot du cheval et suite d’expériences sur les effets de la ferrure, avec une dissertation sur quelques moyens que les Anciens employaient pour protéger les pieds de leurs chevaux et sur l’origine de la ferrure actuelle. Ed. Mme Huzard, Paris. 1817:191p.
  • 2 – Cadiot PJ. Leçons sur l’anatomie et la physiologie du pied du cheval. 1895:100p. et 48pl.
  • 3 – Chateau H, Degueurce C, Denoix JM. Evaluation of three-dimensional kinematics of the distal portion of the forelimb in horses walking in a straight line. Am. J. Vet. Res. 2004;65:447-455.
  • 4 – Chateau H, Degueurce C, Denoix JM. Three-dimensional kinematics of the equine distal forelimb: effects of a sharp turn at the walk. Equine Vet. J. 2005;37:12-18.
  • 5 – Chateau H, Degueurce C, Denoix JM. Effects of egg-bar shoes on the 3-dimensional kinematics of the distal forelimb in horses walking on a sand track. Equine Vet. J. Suppl. 2006;36:377-382.
  • 6 – Chateau H, Degueurce C, Denoix JM. Three-dimensional kinematics of the distal forelimb in horses trotting on a treadmill and effects of elevation of heel and toe. Equine Vet. J. 2006;38:164-169.
  • 7 – Chateau H, Robin D, Falala S et coll. Effects of a synthetic all-weather waxed track versus a crushed sand track on 3D acceleration of the front hoof in three horses trotting at high speed. Equine Vet. J. 2009;41:247-251.
  • 8 – Chateau H, Robin D, Simonelli T et coll. Design and validation of a dynamometric horseshoe for the measurement of three-dimensional ground reaction force on a moving horse. J. Biomech. 2009;42:336-340.
  • 9 – Clayton HM. The effect of an acute hoof wall angulation on the stride kinematics of trotting horses. Equine Vet. J. Suppl. 1990;9:86-90.
  • 10 – Crevier-Denoix N, Robin D, Pourcelot P et coll. Le projet Sequisol : évaluation biomécanique de l’effet des sols équestres sur l’appareil locomoteur du cheval. Bull. Acad. Vét. France. 2009;162:133-143.
  • 11 – Denoix JM. Étude biomécanique de la main du cheval : extensométrie des rayons métacarpo-phalangiens et surfaces articulaires de contact (sur membre isolé soumis à compression). PhD thesis, Univ. Claude-Bernard Lyon I, Lyon. 1987.
  • 12 – Dyhre-Poulsen P, Smedegaard HH, Roed J, Korsgaard E. Equine hoof function investigated by pressure transducers inside the hoof and accelerometers mounted on the first phalanx. Equine Vet. J. 1994;26:362-366.
  • 13 – Gustas P. A biomechanical study on the hoof impact at the trot. Doctoral thesis, Swedish University of Agricultural Sciences, Upssala, 2005:32 p.
  • 14 – Pollitt CC. Clinical anatomy and physiology of the normal equine foot. Equine Vet. Educ. 1992;4:219-224.
  • 15 – Robin D, Chateau H, Pacquet L et coll. Use of a 3D dynamometric horseshoe to assess the effects of an all-weather waxed track and a crushed sand track at high speed trot: Preliminary study. Equine Vet. J. 2009;41:253-256.
  • 16 – Roepstorff L, Johnston C, Drevemo S. In vivo and in vitro heel expansion in relation to shoeing and frog pressure. Equine Vet. J. Suppl. 2001;33:54-57.
  • 17 – Scheffer CJ, Back W. Effects of “navicular” shoeing on equine distal forelimb kinematics on different track surface. Vet. Q. 2001;23:191-195.
  • 18 – Willemen MA, Jacobs MWH, Schamhardt HC. In vitro transmission and attenuation of impact vibrations in the distal forelimb. Equine Vet. J. 1999;Suppl.30:245-248.

Éléments à retenir

• Le pic de décélération verticale du pied lors de l’impact varie entre environ 80 g et 500 g en fonction du sol et de la ferrure.

• A 35 km/h, le pied subit des cycles de mise en charge d’environ 1 tonne et des cisaillements longitudinaux d’environ 300 kg répétés autour de 2 fois par seconde.

• L’articulation interphalangienne distale participe à l’amortissement lors de sa flexion et se prête aux irrégularités du sol par des mouvements extrasagittaux de collatéromotion et de rotation axiale.

Remerciements

Les auteurs souhaitent remercier les membres de l’UMR 957 BPLC, le Conseil régional de Basse-Normandie, les Haras nationaux et le Fonds interministériel de compétitivité des entreprises pour leur soutien financier, MM. les maréchaux-ferrants de la Garde républicaine et du Haras du Pin, M.-C. Walazyc, M.-G. Ribot, J.-P. Viel, M.-J. Souloy, M.-C. De Lagarde, M.-S. Blondeau et J.-M. Bonneau, les entreprises Labosport et Normandie drainage, le pôle de compétitivité “Filière équine”, la DGER (ministère de l’Agriculture et de la Pêche) et l’Inra, tutelles de l’UMR 957 BPLC.

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