Examen radiographique et phlébogramme : intérêt dans l’évaluation de la fourbure - Pratique Vétérinaire Equine n° 163 du 01/07/2009
Pratique Vétérinaire Equine n° 163 du 01/07/2009

Article de synthèse

Auteur(s) : Sébastien Caure

Fonctions : Clinique équine Cour Samson 14140 Saint-Michel-de-Livet

Associé aux autres examens, le phlébogramme est un outil précieux pour l’évaluation et la gestion de la fourbure.

La fourbure se caractérise par l’absence de support de la troisième phalange due à la séparation des lamina dermiques et des lamina épidermiques, au niveau de la membrane basale. Les causes en sont les maladies inflammatoires systémiques, les changements de pratique alimentaire, la surcharge en glucides et le report d’appui [2, 3].

L’obésité est une des principales causes de fourbure. Selon les études, elle touche entre 4,5 % et 35 % des chevaux et poneys. Elle crée un syndrome inflammatoire général, dénommé “syndrome métabolique équin”, qui peut induire une fourbure. Il existe un phénotype spécifique pour ce syndrome, avec une prédisposition à l’obésité et à l’insulino-résistance (dartmoor, welsh, fjord, arabes, etc.). Ce sont des animaux qui ont été sélectionnés naturellement sur leurs aptitudes à s’adapter à de grandes amplitudes alimentaires saisonnières, avec des capacités de stockage importantes. Une alimentation riche toute l’année leur est préjudiciable [7].

La pathophysiologie de la fourbure est encore mal connue [2, 12]. Lors de fourbure aiguë, un œdème, des microthrombi et une nécrose dans le derme sont observés, puis survient la séparation entre lamina épidermiques et dermiques [2]. Une augmentation de la pression hydrostatique dans les vaisseaux, une majoration de l’ischémie et de l’œdème, en plus de l’ouverture des shunts dans les lamina dermiques, surviennent également [12]. L’activation primaire des plaquettes a été suspectée, sans élément de preuve, d’être un élément déclencheur de la formation des microthrombi au niveau de la lamina dermique. Seule la réduction de la demi-vie plaquettaire, d’environ 75 %, a été démontrée lors de fourbure débutante [20]. Une des principales hypothèses de la fourbure par report d’appui est la réduction du flux sanguin en face dorsale des lamina, qui favorise la fragilisation de la jonction entre lamina dermique et épidermique [3].

Des études angiographiques ont démontré la réduction du flux sanguin dans l’arc terminal lors de fourbure aiguë [1, 4, 20]. Les études histologiques de la vascularisation à la suite de l’injection de latex montrent des lésions vasculaires marquées dans les vaisseaux coronaires, de la lamina dorsale et de la sole chez les chevaux fourbus, leur gravité augmentant significativement avec la sévérité des cas [9].

Cet article ne présente pas tous les symptômes et le traitement de la fourbure. Il propose quelques éléments permettant d’estimer la gravité d’une fourbure, avec des moyens accessibles en pratique courante.

La fourbure se traduisant par un défaut de soutien de la troisième phalange dans la boîte cornée, il convient d’apprécier au mieux la position de la troisième phalange par rapport à la boîte cornée. De plus, le défaut de vascularisation est un élément important de la pathophysiologie de la fourbure. Nous verrons dans quelles mesures l’examen radiographique et le phlébogramme permettent d’évaluer ces deux points.

Examen radiographique : technique et interprétation

Pour juger de la relation entre les structures ostéo-articulaires du pied et la boîte cornée, il convient de standardiser l’examen radiographique et d’utiliser des outils maximisant les renseignements qu’il est possible d’en obtenir [5].

Technique

Choix des cales à pied

Le cheval doit être en appui bipodal sur des cales de même hauteur.

Comme Parks et O’Grady, nous préférons utiliser des cales plus hautes que les cales classiques de manière à mieux visualiser la troisième phalange [15]. Les cales classiques permettent un centrage des rayons X sur l’articulation interphalangienne distale, et les cales plus hautes, un centrage des rayons X sur la surface solaire de la troisième phalange (photos 1a et 1b). Ce n’est cependant pas une constante des protocoles d’examen radiographique des chevaux fourbus, Koblik et coll. utilisant des cales classiques avec un centrage des rayons sur la couronne [11].

Il convient de marquer radiographiquement la face supérieure de la cale, ce qui favorise la visualisation du contact entre le pied et le sol, et facilite les échanges avec le maréchal [5, 8]. Des barres métalliques sont moulées dans la cale et permettent ainsi de visualiser le contact pied-sol avec précision.

Introduction d’une échelle de mesure

En radiographie conventionnelle, la distance pied-film n’est pas toujours standardisable, surtout chez un cheval fourbu qui se déplace difficilement. La magnification peut donc varier énormément entre les chevaux, ce qui rend les mesures aléatoires [14].

À la clinique, deux marqueurs radio-opaques sont intégrés à la cale dont l’épaisseur et la hauteur sont connues. Une pièce métallique de dimension déterminée peut aussi être posée sur la cale ou sur la face dorsale [5, 8].

Les marqueurs doivent être positionnés dans le même plan que les mesures à effectuer. Le marqueur visant à corriger la magnification doit se situer dans le même plan que les mesures, donc centré sur le pied. Pour cette raison, il peut être plus pratique de positionner ce marqueur sur la face dorsale du pied plutôt que de l’inclure dans la cale.

Marquage de la boîte cornée pour la vue latéro-médiale

Le pied doit être curé et la fourchette parée proprement en pointe. Classiquement, la pointe de la fourchette est marquée, ainsi que la face dorsale du sabot jusqu’au périople.

Il est possible d’utiliser des marqueurs métalliques ou des marqueurs radio-opaques de type pâte barytée (Microtrast®) déposée à la seringue de 5 ml pour avoir un marquage fin (photo 2) [5, 8].

Les systèmes de radiographie numérique offrent une meilleure visualisation des tissus mous et de la boîte cornée, et rendent ainsi la lecture des radiographies plus facile.

Incidences réalisées

Trois incidences sont mises en œuvre :

– la vue latéro-médiale ;

– la vue dorso-palmaire à l’horizontale ;

– la vue dorso-palmaire à 65°.

Protocole de lecture des clichés

Après la lecture classique des structures ostéo-articulaires (structure, contour et relation entre les os), une attention particulière est accordée à l’évaluation de la boîte cornée.

Vue latéro-médiale

De nombreux paramètres sont mesurés sur une radiographie d’incidence latéro-médiale (photo 3). Des normes de ces données sur les pieds antérieurs et postérieurs de chevaux sains sont disponibles (tableau) :

– l’angle S est formé par le bord dorsal de la boîte cornée et le sol ;

– l’angle T est déterminé par le bord dorsal de la troisième phalange sur sa partie rectiligne et le sol ;

– l’angle U est formé par la droite passant par le centre articulaire des articulations interphalangiennes distales et proximales et le sol ;

– l’angle H mesure la bascule de la troisième phalange et est égal à : angle T – angle S. Les mesures des angles sont réalisées sur des clichés de profil avec des incidences optimales, sur lesquelles une superposition des condyles à la fois de la première et de la deuxième phalange est observée. Elles ne sont pas toujours faciles à réaliser chez un cheval fourbu. Une obliquité dorso-latérale palmaro-médiale supérieure à 5° ou une obliquité palmaro-distale dorso-latérale supérieure à 10° conduit à surestimer l’angle de bascule chez des chevaux fourbus ;

– l’angle R mesure l’alignement des phalanges et est égal à : angle T – angle U ;

– la distance verticale est la distance qui sépare deux droites horizontales passant respectivement par le sommet du processus extensorius et le périople. La mesure de cette distance dépend de l’opérateur, de la hauteur de centrage des rayons et de leur incidence (descendante ou ascendante) [5]. Une bonne maîtrise de la technique est donc requise pour obtenir des mesures répétables. Cette distance est un peu plus grande chez les pur-sang (5,2 +/- 1,97 mm pour les antérieurs et 6 +/- 1,29 mm pour le postérieurs) comparés aux poneys et aux chevaux de selle, qui présentent des mesures proches de celles qui sont décrites dans le tableau ;

– l’épaisseur de la paroi dorsale varie avec la race et le poids. Chez les poneys, les pur-sang et les chevaux de selle, l’épaisseur de la paroi dorsale est respectivement d’environ 13, 16 et 18 mm, que ce soit sur les antérieurs ou les postérieurs [5] ;

– l’angle palmaire est formé par la surface solaire de la troisième phalange, dans sa partie caudale au niveau des processus palmaires, et le sol. Certains auteurs parlent d’angle solaire [5]. La norme pour les chevaux de sport français est de 3 à 5°. Chez les chevaux de sport allemands et hollandais, cet angle varie entre 5 et 7°. Les pur-sang ont des pieds plus plats, donc des angles palmaires plus faibles [5] ;

– l’épaisseur de la sole doit être suffisante pour ne pas comprimer les tissus mous. Les vaisseaux solaires sont environ 6 mm sous la troisième phalange. Cette épaisseur est mesurée toujours au même endroit : à la verticale de l’apex de la troisième phalange ;

– la distance entre le point de bascule du pied et l’apex de la troisième phalange est une mesure objective de la facilité de départ du pied ;

– la forme et la densité de la paroi dorsale et de la sole sont également examinées. Une ligne opaque est présente à environ 7,5 mm de la troisième phalange et correspond à la jonction derme-épiderme. Il convient de rechercher aussi des déformations de la boîte cornée et du bourrelet coronaire, des défauts de densité, des zones aréiques au niveau de la paroi dorsale et de la sole [5, 11].

Vue dorso-palmaire à l’horizontale

Les espaces articulaires sont observés afin de déterminer s’il existe une compression et de quel côté elle se trouve.

Cette incidence permet également de visualiser les descentes de la troisième phalange. C’est parfois la seule vue qui permette de diagnostiquer cette affection [3].

La détection de zones aériques est également possible sur les parois.

Vue dorso-palmaire à 65°

C’est l’extrémité distale de la troisième phalange qui est plus particulièrement à examiner sur cette incidence [8]. Le réglage des constantes d’exposition et, éventuellement, le développement numérisé de l’image doivent être adaptés à la visualisation de l’apex de la troisième phalange. En effet, l’incidence dorso-palmaire à 65° classique surexpose l’extrémité distale de la troisième phalange pour visualiser l’os sésamoïde distal. Une réduction des constantes radiographiques est requise pour bien visualiser l’apex de la troisième phalange.

Phlébogramme

Pour estimer indirectement le flux sanguin dans un pied, il est possible d’utiliser la thermographie, la scintigraphie, l’écho-Doppler, le laser Doppler ou encore le scanner avec une dynamique de contraste augmenté. Cette dernière technique permet de calculer le flux sanguin et la résistance vasculaire, qui est plus élevée au niveau dorsal qu’au niveau dorso-médial ou dorso-latéral chez des chevaux sains [12]. Cependant, la mesure du flux sanguin n’apporte aucune information sur la conformation et la distribution des vaisseaux.

Les premières études in vivo de la vascularisation du pied ont été réalisées par angiographie chez un cheval sous anesthésie générale. Chez le cheval fourbu chronique, elles ont mis en évidence une réduction du contraste au niveau de l’arc terminal, mais aussi sur les vaisseaux lamellaires dorsaux, avec parfois des zones non vascularisées, et le caractère tortueux des vaisseaux coronaires [1, 4].

Toutes ces méthodes très précises sont lourdes à mettre en œuvre et nécessitent une anesthésie générale.

Quant au phlébogramme, il convient de tout d’abord souligner la pauvreté des données publiées à son sujet.

Par cette technique, en bloquant la circulation avec la pose d’un garrot à hauteur du boulet, l’injection d’un produit de contraste radio-opaque dans la veine digitale palmaire ou plantaire du paturon permet d’observer un remplissage rétrograde des artères. Cela permet donc de visualiser la vascularisation du pied chez un cheval debout par un examen radiographique facilement réalisable [17].

Technique

Le cheval est sédaté car le phlébogramme doit être effectué rapidement et requiert l’immobilité et la coopération du cheval. Trois personnes, en plus de celle qui tient l’animal, sont nécessaires pour réaliser cet examen dans de bonnes conditions. L’association de romifidine à la dose de 22 µg/kg (Sédivet®) et d’acépromazine à 0,05 mg/kg (Calmivet®) est classiquement utilisée. Une anesthésie locale abaxiale sésamoïdienne est réalisée avec de la lidocaïne à 2 % (Laocaïne®) pour insensibiliser le pied et le paturon. Cela permet au cheval fourbu dont les pieds sont très douloureux de se laisser faire, de supporter le garrot et de ne pas bouger pendant l’injection du produit et la prise des clichés radiographiques.

L’animal est positionné sur les cales afin que les vues latéro-médiale et dorso-palmaires puissent être pratiquées facilement sans avoir à le bouger.

Un garrot est posé à hauteur du boulet et une injection de produit radio-opaque (Télébrix 30®) est réalisée dans une veine digitale au niveau du paturon. De 25 à 40 ml de produit de contraste sont injectés en fonction de la taille du pied [18]. Redden utilise des doses plus faibles mais avec un produit de contraste légèrement différent [17]. Juste après l’injection, trois ou quatre radiographies sont réalisées en 30 à 40 secondes : des incidences latéro-médiale, dorso-palmaire à l’horizontale, éventuellement dorso-palmaire à 65° et à nouveau un cliché latéro-médial en ayant soulevé légèrement les talons une fois au préalable par pression sur la face palmaire du genou (ce qui se dit “pomper au niveau du genou”). Redden “pompe” au cours de l’injection du produit de contraste, avant de réaliser les clichés [16, 17]. L’intérêt du pompage est de favoriser le remplissage vasculaire des vaisseaux lamellaires dorsaux, qui peuvent être artificiellement peu remplis dans le cas des pieds à pince longue, par exemple [16, 17, 18].

Images normales

Les données ci-dessous nous ont été fournies par Rucker [18].

Rappel d’anatomie

L’artère digitale palmaire (ou plantaire) présente des branches latérale et médiale, et des branches dorsales et palmaires (ou plantaires) à hauteur de chaque phalange.

Chaque région du pied a plus d’une source artérielle et plus d’une sortie veineuse. Si une voie est compromise, il en existe toujours une autre qui peut suppléer.

Le foramen de l’arc terminal se trouve juste sous la zone moyenne de la troisième phalange.

Vue de profil

Sur la vue de profil, il est possible d’observer (photo 4) :

– l’arc terminal, qui présente des vaisseaux homogènes en largeur. Les artères peuvent être distinguées des veines par la paroi musculeuse des artères. Les branches qui vont vers les vaisseaux lamellaires dorsaux et les vaisseaux circonflexes sont difficiles à distinguer ;

– les vaisseaux lamellaires dorsaux, qui sont situés à 3 mm de la face dorsale de la troisième phalange. Ils commencent juste en dessous du processus extensorius. Distalement, ils rejoignent les vaisseaux circonflexes 3 à 4 mm en avant de l’apex de la troisième phalange. Proximalement, ils rejoignent le plexus coronaire ;

– le plexus coronaire, qui est situé dorsalement et proximalement au processus extensorius. Les vaisseaux coronaires rejoignent les vaisseaux lamellaires dorsaux ;

– les vaisseaux circonflexes, qui sont visibles 5 à 10 mm sous la troisième phalange ;

– le plexus bulbaire, qui assure la perfusion des talons. Les veines ne peuvent être distinguées des artères à ce niveau.

Vues dorso-palmaires

Les incidences dorso-palmaires permettent d’observer (photo 5) :

– les branches médiales et latérales de la veine digitale à hauteur de la phalange moyenne, qui sont facilement reconnaissables à leurs anastomoses dorsales et palmaires (ou plantaires) ;

– l’arc terminal avec les anastomoses médiales et latérales ;

– les vaisseaux circonflexes, distalement à la troisième phalange ;

– les vaisseaux coronaires, de part et d’autre des branches latérales et médiales de la veine digitale palmaire (ou plantaire). Chez un cheval normal avec un pied équilibré, les côtés latéraux et médiaux sont similaires.

Principaux artefacts

Lors d’injection en partie extra-vasculaire ou d’une quantité de produit de contraste insuffisante, un défaut de perfusion des talons est observé et les vaisseaux bulbaires ont une apparence de tronc d’arbre inversé, en devenant de plus en plus fins en partie distale du pied (photo 6). Si le garrot n’est pas assez efficace, cela induit la même image que précédemment.

Si les clichés sont pris plus de 40 secondes après l’injection du produit de contraste, cela entraîne une perte de contraste dans le derme. Les vaisseaux circonflexes et lamellaires dorsaux ne sont alors pas très nets, et peuvent être confondus avec des tissus cicatriciels (aspect similaire).

Chez un cheval à pince longue, un défaut de perfusion des vaisseaux lamellaires dorsaux est présent. Il convient donc de pomper au niveau du genou. Cet artefact, difficile à induire chez le cheval sain, est plus fréquent chez l’individu fourbu. Il existe donc un risque d’exagération des lésions vasculaires si l’opérateur ne pompe pas au niveau du genou. Nous avons aménagé la technique de Redden en réalisant une vue latéro-médiale sans pomper (la première de la série) et une autre après pompage (la dernière de la série), de manière à obtenir une éventuelle information complémentaire [16, 17].

Évaluation de la fourbure et intérêt pronostique de la radiographie et du phlébogramme

À partir des informations issues de la radiographie classique

L’examen d’un cheval fourbu ne doit pas se limiter au pied boiteux. Il convient d’évaluer les quatre pieds, la radiographie n’étant qu’un des éléments permettant d’établir un pronostic [8].

Vue latéro-médiale

C’est la vue qui est la plus informative lors de fourbure débutante [8].

• Elle permet tout d’abord d’évaluer la bascule de la troisième phalange. À partir des mesures des angles S et T, l’angle H est calculé, qui définit le degré de bascule.

Dans une étude rétrospective sur 110 cas, Stick et coll. ont montré que :

– les poneys présentent des angles de bascule plus élevés que les chevaux, vraisemblablement en raison de soins plus tardifs et de leur propension à l’obésité ;

– chez les chevaux, il n’existe pas d’influence de la race sur l’angle de bascule ;

– pour les chevaux présentant des bascules inférieures à 5,5°, de 6,8 à 11,5° et supérieures à 11,5°, le pronostic de retour réussi à leur niveau de compétition initial est respectivement favorable, incertain et défavorable ;

– le degré de bascule est un bon élément pronostique, mais la possibilité de contrôle de la douleur est tout aussi importante à évaluer pour l’établissement d’un pronostic [19].

Dans une revue plus récente sur 216 cas, Cripps et Eustace ne considèrent pas le degré de bascule comme un bon critère pronostique [6]. Pour ces derniers, le meilleur critère radiographique pronostique est la distance verticale.

Il existe des bascules avec une conservation de l’axe phalangien et des bascules avec une flexion interphalangienne distale, qui révèle une contracture du fléchisseur profond chez des animaux fourbus chroniques [8]. La gestion de ces derniers cas est plus délicate.

La mesure de l’angle palmaire permet également de déterminer la bascule de la troisième phalange (photos 7a et 7b). Plus il est élevé, plus la compression est forte en regard de l’apex de la troisième phalange.

Selon Parks et O’Grady, le pronostic dépend plus de l’épaisseur de la sole, de l’angle palmaire, de la vitesse de rotation de la troisième phalange et de l’évolution clinique sur les 3 premières semaines que du degré de bascule de la troisième phalange [15].

• La vue latéro-médiale permet également d’évaluer l’effondrement de la troisième phalange (photos 8a et 8b). Le diagnostic radiographique de descente de la troisième phalange est souvent difficile, même si l’étude de Cripps et Eustace a permis de définir des normes de distance verticale [5, 8]. La comparaison des distances verticales des pieds controlatéraux est réalisée systématiquement, les distances verticales chez les chevaux sains n’étant pas significativement différentes entre les deux antérieurs et entre les deux postérieurs [5]. En revanche, la comparaison des distances verticales entre les antérieurs et les postérieurs montre des différences significatives chez les chevaux sains [5].

Selon Cripps et Eustace, si la distance verticale est inférieure à 8 mm, le pronostic est favorable [6]. Celui-ci est défavorable si la distance verticale est supérieure à 15 mm.

La mesure standardisée de l’épaisseur de la sole est un élément pronostique et permet un bon suivi de ces cas d’effondrement (photos 9a et 9b) [15].

• L’évaluation de la paroi dorsale et du point de bascule du pied est également réalisée sur la vue latéro-médiale.

La mesure de la distance entre le point de bascule du pied et l’apex de la troisième phalange permet de quantifier la facilité de départ du pied (photos 10a et 10b). Si la pince est longue, la traction du fléchisseur profond sur la troisième phalange est élevée. La tension exagérée induite sur le fléchisseur profond est néfaste au cours de l’exercice mais également au repos [15]. L’épaisseur de la paroi dorsale peut se mesurer à différents endroits de la face dorsale. La mesure la plus courante est réalisée à mi-hauteur de la troisième phalange. Chez le pur-sang anglais, une épaisseur de paroi dorsale supérieure à 16,5 mm est indicatrice de fourbure [13]. Cependant, ce critère diagnostique ne doit pas être généralisé aux autres races de chevaux et aux poneys, car ce paramètre varie beaucoup en fonction des races et des formats [5, 14].

Les déformations du bourrelet coronaire lors de descente de la troisième phalange et le sabot chinois de l’individu fourbu chronique sont visualisables sur des radiographies de profil où les tissus mous sont bien exposés. L’examen clinique reste cependant le plus simple pour détecter les modifications morphologiques du sabot.

La densité de la paroi dorsale peut être modifiée par l’apparition de zones aréiques. Un très mauvais pronostic est associé à celles qui surviennent dans les 2 premiers jours de la maladie et qui se prolongent en couronne. Celles qui apparaissent en 10 à 14 jours ne sont pas toujours associées à un mauvais pronostic [8].

Vue dorso-palmaire à l’horizontale

Sur la vue dorso-palmaire, il est tout d’abord possible de diagnostiquer une descente de la troisième phalange qui se manifeste du côté atteint par un écartement de l’extrémité distale de cette phalange de la paroi et par son rapprochement de la sole, et qui est le plus souvent médiale (photo 11) [8].

De plus, une compression articulaire dissymétrique sans descente unilatérale de la troisième phalange est possible. Il convient de la corriger en maréchalerie, en abaissant les talons du côté de la compression.

Sans radiographie, il existe un moyen astucieux pour juger du parallélisme de la troisième phalange avec le sol : la partie la plus profonde des lacunes latérales et médiales des talons est très souvent parallèle à la troisième phalange. Si la lacune médiale est la plus profonde, il convient d’abattre le talon interne, et inversement.

Vue dorso-palmaire à 65°

Le cliché est examiné afin de détecter d’éventuels remodelés, ostéopénies, ostéites ou fractures de la troisième phalange (photo 12) [8]. L’ostéopénie de la troisième phalange indique une nécrose ischémique de celle-ci.

Limites de la radiographie par comparaison avec la résonance magnétique

L’imagerie par résonance magnétique (IRM) permet une détection précoce des lésions de fourbure, notamment au niveau de la lamina dorsale, avec le repérage de zones aréiques, de suppurations et de modifications organisationnelles des lamina [3, 14]. Des examens IRM expérimentaux avec des appareils de très hauts champs (4,7 T) apportent des informations presque aussi précises que les méthodes histologiques [2].

Il existe une bonne corrélation entre l’examen radiographique et l’IRM (1,5 T) pour les mesures des angles S, T et H. En revanche, la distance verticale et l’épaisseur de la paroi dorsale sont surestimées par l’examen radiographique [14]

Lors d’un examen IRM, la mesure du ratio épaisseur de la lamina sur épaisseur du derme (lamina plus chorion) permet de détecter précocement la fourbure aiguë, le ratio normal n’excédant pas 0,7 [2].

À partir des informations issues du phlébogramme

La lecture du phlébogramme s’effectue par zone : plexus coronaire, vaisseaux lamellaires dorsaux, plexus bulbaire, vaisseaux circonflexes et arc terminal. La perfusion est jugée normale, réduite ou encore avec une forte de réduction du contraste [17].

Pathophysiologie de la fourbure et phlébogramme

La compression mécanique des vaisseaux serait la cause la plus importante de la réduction du flux sanguin. La rotation de la troisième phalange réduirait l’apport de sang en face dorsale par deux mécanismes : compression des vaisseaux circonflexes par la pression de l’apex et réduction de l’apport sanguin par le plexus coronaire par compression du processus extensorius dorsalement et des cartilages ungulaires sur les côtés. Il en résulterait une réduction de perfusion dans les vaisseaux lamellaires dorsaux mais pas dans les vaisseaux bulbaires, sauf dans les cas extrêmes d’une phalange qui s’enfoncerait complètement. Dans ce cas, cela entraînerait une compression mécanique de la vascularisation, une traction sur les tissus et les vaisseaux, une augmentation de la pression interne des tissus avec un œdème et une stase veineuse, une stimulation sympathique, un spasme et une embolisation artériels, tous ces facteurs aggravant le phlébogramme [18]. Remarque : la théorie inflammatoire diffère de cette théorie mécanique. De nombreux points restent à élucider sur la physiopathologie de la fourbure.

Intérêts pronostique et diagnostique

Le phlébogramme est indiqué dans tous les cas de fourbure, qu’elle soit aiguë ou chronique (encadré). Il complète avantageusement les examens clinique et radiographique préalables [3]. Il permet également de réaliser le suivi des fourbures et de vérifier l’efficacité des traitements sur la vascularisation.

L’étude de la vascularisation par le phlébogramme est d’un grand intérêt pronostique [3].

Le pronostic d’une fourbure s’assombrit si une réduction de la perfusion dans les vaisseaux lamellaires dorsaux, les vaisseaux circonflexes et l’arc terminal est observée [16, 17]. La diminution de contraste de l’arc terminal est le facteur le plus défavorable car elle apparaît en dernier lors de l’évolution sévère d’une fourbure.

La prévalence des lésions d’élongation vasculaires du plexus coronaire, démontrée par des études histologiques chez des chevaux fourbus à la suite de l’injection de latex, est supérieure à celle des descentes de la troisième phalange diagnostiquées radiographiquement [9]. Les défauts de perfusion et l’élongation du plexus coronaire sont visualisables sur un phlébogramme, et permettent de diagnostiquer ou de confirmer une descente de la troisième phalange [18].

Remarque : le phlébogramme peut faciliter le diagnostic de maladies de la ligne blanche et du kératome [17]. De plus, il pourrait avoir un effet thérapeutique en réduisant les microthrombi et l’œdème grâce à la forte pression osmotique du produit de contraste. Il convient donc de pratiquer un phlébogramme également sur le pied controlatéral au pied boiteux, voire sur les quatre pieds [16]

Modulation du pronostic

La possibilité de gérer la douleur et l’évolution des signes cliniques sur les 3 premières semaines est à prendre en compte pour l’établissement du pronostic définitif [3, 6, 8, 15, 19].

Les pur-sang arabes, les croisés arabes et les pur-sang anglais atteints de fourbure présentent un moins bon pronostic que les autres races. Deux hypothèses sont émises pour expliquer cette différence. D’une part, leurs pieds plats et peu solides les rendent plus fragiles comparativement à des chevaux qui possèdent des pieds plus forts et des talons plus hauts. Chez ces derniers, la gestion en maréchalerie est facilitée. D’autre part, ils présenteraient un niveau de tolérance à la douleur inférieur [6].

Un examen radiographique standardisé et adapté permet de juger du soutien de la troisième phalange et d’établir un pronostic. Des limites existent, notamment pour le diagnostic de descente de la troisième phalange. Le phlébogramme permet de diagnostiquer ou de confirmer la descente de la troisième phalange et de compléter le pronostic. Cependant, un pronostic ne doit être émis qu’après évaluation clinique globale du cheval.

Enfin, en dehors de l’imagerie IRM, il serait intéressant de compléter l’évaluation clinique et radiographique, avec ou sans produit de contraste, des chevaux fourbus par un examen histologique de biopsies de la boîte cornée [8, 10].

Références

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Éléments à retenir

• L’examen radiographique évalue le positionnement de la troisième phalange dans la boîte cornée.

• Le phlébogramme permet de visualiser la vascularisation du pied chez un cheval debout.

• La distance verticale, l’angle de bascule et le phlébogramme permettent de définir un pronostic.

• Le phlébogramme a un intérêt diagnostique pour les effondrements de la troisième phalange.

• Le pronostic défini par l’examen radiographique avec ou sans produit de contraste doit être modulé en fonction des signes cliniques et de la race.

Encadré : Quelques exemples de phlébogramme

• Phlébogramme de la fourbure aiguë avec une faible rotation de la troisième phalange (photos 13a et 13b).

• Phlébogramme de la fourbure avec une rotation modérée à forte (photos 14a et 14b).

• Phlébogramme de la fourbure avec une descente de la troisième phalange (photos 15a et 15b).

• Phlébogramme d’un effondrement sévère de la troisième phalange avec une évolution défavorable (photos 16a, 16b et 16c).

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