L’entraînement du cheval d’endurance : notions fondamentales et évolution - Pratique Vétérinaire Equine n° 161 du 01/01/2009
Pratique Vétérinaire Equine n° 161 du 01/01/2009

Article original

Auteur(s) : Jean-Louis Leclerc

Fonctions : DMV, entraîneur national d’endurance
jeanlouis.leclerc2@orange.fr

De la compétence, de la sensibilité et beaucoup de patience sont les qualités requises pour mener à bien l’entraînement d’un cheval d’endurance jusqu’au plus haut niveau. L’exercice doit être mesuré, calculé et adapté selon les aptitudes de chaque animal au risque d’anéantir le travail accompli et l’espoir de progresser.

L’endurance équestre, discipline relativement récente, est regardée avec grand intérêt par un nombre croissant de pays. Ce sport se structure de plus en plus au niveau national comme international. Le nombre d’épreuves augmente de façon importante et les performances observées ne cessent de croître. La gestion et l’entraînement du cheval d’endurance sont nécessairement adaptés pour suivre l’évolution de cette discipline, dans le respect du cheval, dont le potentiel réel lors de ce type d’effort n’est pas encore connu.

L’entraînement tient d’abord compte de l’émotivité héréditaire particulièrement aiguë de cet animal, de son caractère propre et de sa façon d’interpréter les événements qui se présentent à lui. La mise en confiance grâce à un apprentissage raisonné de l’environnement prend, en endurance, une importance toute particulière, sans doute sans comparaison avec les autres disciplines. Les différentes phases de l’entraînement qui amènent un cheval au niveau d’un athlète doivent être progressives, sur plusieurs années, en respectant la croissance, le potentiel et les particularités de chaque individu (photo 1). Cette préparation vise à assurer une potentialisation du système musculosquelettique, mais aussi et surtout une adaptation physiologique à l’effort particulièrement intense effectué dans cette discipline.

Fondements de l’entraînement

Il convient d’aborder l’entraînement dans le calme et le respect de la monture car les champions sont souvent des chevaux de caractère. Ils présentent une particularité comportementale, presque une personnalité, particulièrement affirmée chez le cheval arabe. Pour pouvoir assurer un effort, dans l’intensité mais surtout dans la durée, le cheval d’endurance doit avant tout être un consommateur d’énergie très modéré. Une bonne préparation mentale dès son jeune âge lui permet d’intégrer naturellement le milieu extérieur et d’accepter peu à peu les efforts longs qui lui seront demandés, sans le stress qui brûle beaucoup d’énergie (photo 2). Des sorties régulières, un apprentissage progressif et en douceur de l’exercice “inhabituel”, ainsi que quelques randonnées calmes de plusieurs heures, qui assurent une bonne connaissance du travail dans la durée, permettent d’atteindre cet objectif.

Musculation et assouplissements

Un travail de musculation et d’assouplissement est fondamental et doit être entrepris dès l’âge de quatre ans. C’est un entraînement surtout au pas actif en dénivelé, pour protéger le système musculosquelettique, complété par un travail régulier en manège, qui permet au cavalier d’atteindre progressivement son objectif (photo 3). Cela diffère peu de l’entraînement des jeunes chevaux pour d’autres disciplines.

Durant cette phase de préparation, il est intéressant que le cheval participe à des épreuves de 20 km pour qu’il s’habitue à côtoyer ses congénères et à vivre le stress d’une manifestation publique.

Entraînement “métabolique”

Le passage du statut de cheval de loisirs de base à celui de cheval d’endurance de compétition demande une adaptation de l’ensemble de l’organisme à l’effort spécifique que suppose cette discipline.

L’entraînement métabolique permet cette transformation profonde. Il vise en premier lieu une adaptation du système cardiorespiratoire et une optimisation du système musculosquelettique. Une amélioration de la perfusion sanguine musculaire potentialise les performances et réduit le risque de myosite, favorise la digestion, prévient les coliques d’effort et optimise la vascularisation sous-cutanée pour assurer une bonne thermorégulation, essentielle en endurance.

Au fur et à mesure de l’évolution du cheval, ce travail lui permet de participer à des épreuves de 40 à 100 km.

Entraînement “résistance”

Après deux années d’effort durant lesquelles chevaux et cavaliers peuvent participer à des épreuves de vitesse limitée à 90 km au maximum, un entraînement plus spécifique à l’endurance permet au cheval, devenu alors un athlète, d’aller “plus vite et plus loin”. Il induit de nouvelles modifications physiologiques à l’origine d’une adaptation de l’organisme à ce type d’effort(1). Il implique d’avoir suivi au préalable les différentes phases de l’entraînement métabolique afin de prévenir les accidents. Ce travail spécifique s’adresse à des cavaliers confirmés qui possèdent une bonne expérience de la discipline à ce niveau.

Programme d’entraînement

Musculation et assouplissements

La musculation et les assouplissements entrent dans le cadre d’un travail classique en manège et en extérieur. Ce travail vise à instruire et à muscler en souplesse le cheval. Le travail en manège doit évoluer en exigence selon les résultats et les capacités du jeune cheval. L’entraînement doit améliorer la relation cheval-cavalier, permettre l’apprentissage des aides, et assurer un assouplissement et une musculation spécifique fort utiles sur la piste pour tolérer les mauvais chemins, sans incidences sur les performances (photo 4).

Le travail de longue durée peut être un véritable stress pour le jeune cheval, et il convient, durant cette période, de prévoir quelques randonnées de cinq à six heures, interrompues par de courtes périodes de repos.

Entraînement “métabolique”

• La phase de l’entraînement métabolique dure environ deux ans. Le travail s’effectue surtout en extérieur au cours de sorties dont la durée varie de une heure et demie à trois heures au maximum, au risque de surentraînement. Le pas actif en dénivelé est le plus adapté. Il assure un bon développement musculaire, mais aussi cardiaque en travaillant à des fréquences élevées de 110 à 150 battements par minute.

Ces exercices de pas actif sont à compléter par des phases de trot d’une durée de 10 à 20 minutes et de galop d’une durée moyenne de 5 à 10 minutes.

Compte tenu de la distance parcourue et de la durée des sorties, il convient de choisir des terrains plats, sans trop de cailloux sur les temps de trot afin de protéger le système ostéoarticulaire. Lors des phases de pas, un sol un peu irrégulier n’est pas gênant, car il assure le développement de la proprioception, fort utile pour des courses rapides sur terrain accidenté.

• La régularité dans le travail est importante. Généralement, trois sorties par semaine ménagent cette transition vers le cheval athlète. Si pendant les premiers mois d’entraînement, quelques séances hebdomadaires suffisent, un travail plus fréquent et plus régulier est indispensable au bon développement du cheval. Une alternance de trois journées de travail consécutives et d’un jour de repos au paddock ou au box avec une petite sortie au pas ou en main est un bon compromis.

• L’intensité du travail doit être mesurée et progressive. La durée moyenne d’une séance reste de deux heures environ, mais celle des phases de trot, en particulier, peut être allongée au fur et à mesure de l’évolution du cheval. À la fin de cette phase, un cheval doit pouvoir trotter sans peine durant 45 à 50 minutes en terrain varié.

Le “marcheur” ne représente qu’un moyen complémentaire, et non un exercice de substitution à un entraînement classique, en particulier en endurance. Il peut faire gagner du temps pour échauffer un cheval avant de le travailler ou de le détendre en fin de travail, avant de le remettre au paddock ou au box.

• Durant cette phase, il convient de prendre garde au surentraînement car les sorties longues et intenses peuvent fatiguer le cheval à moyen terme. Les exercices doivent être modulés au cas par cas, en fonction de la réceptivité, et il convient d’éviter les exercices trop longs, trop fatigants ou trop répétitifs. Une nervosité inhabituelle, une rétivité ou un manque d’appétit sont souvent le signe d’un surentraînement.

• Cette organisation demande une exigence qui n’est pas évidente pour nombre de cavaliers non professionnels, dont ce n’est pas la seule activité.

En dehors des heures de travail et des périodes de compétition, le cheval peut être mis en pâture, avec les précautions alimentaires que cela impose, alors que, dans les périodes préparatoires aux compétitions, le paddock doit être préféré au box ou à la pâture.

Entraînement “résistance”

L’entraînement résistance se pratique à des vitesses moyennement élevées, voisines de 350 m/min, sur une longue durée. Il doit être réalisé sur un terrain plat, uniforme, qui amortit les chocs pour assurer une bonne protection des articulations du cheval. Les hippodromes, les plages ou de très bons chemins sont conseillés pour pratiquer cet exercice. Cet entraînement est mis en œuvre en période de compétitions, environ trois semaines à un mois avant une échéance, et peut être renouvelé tous les mois pour maintenir un cheval à haut niveau durant la saison sportive.

Préparation aux épreuves de 90 à 100 km (CEN1* et CEI1*)

L'allure retenue pour l’entraînement aux épreuves de 90 à 100 km est le galop. Celui-ci se pratique à la vitesse de 350 m/min sur deux phases de 45 minutes, séparées par une période de repos très courte qui ne dépasse pas 15 minutes. La période de repos permet d’abreuver le cheval, de le refroidir avec de l’eau, si nécessaire, et de l’examiner afin de vérifier s’il est apte à continuer son entraînement (fréquence cardiaque, contrôle des allures, couleur des muqueuses, durée du pli de peau, etc.).

Préparation aux épreuves de 120 à 140 km (CEN2* et CEI2*)

L'allure est toujours le galop, lequel se pratique à la vitesse de 350 m/min sur deux phases de une heure, séparées par une période de repos de 15 minutes environ. Durant la seconde phase de cet entraînement, il convient d’inclure deux ou trois périodes de 5 à 10 minutes (selon le niveau du cheval) à vitesse plus élevée, voisine de 450 m/min, pour habituer le cheval (et parfois aussi les cavaliers débutants à ce niveau de compétition) à ces rythmes devenus fréquents sur les épreuves internationales (photo 5).

La période de repos permet de prendre en considération la vitesse de récupération du cheval (durée pour un retour à 64 bpm), qui varie selon le niveau d’entraînement, et de noter les variations avec l’évolution de l’entraînement. Cet intermède doit servir à abreuver le cheval et à pratiquer un rapide examen médical. À la fin de l’exercice, l’animal est refroidi, si nécessaire, abreuvé et examiné pour vérifier qu’il est en bonne santé et qu’il ne présente aucune boiterie.

Préparation aux épreuves de 160 km (CEN3* et CEI3*)

Pour les épreuves de 160 km, les dispositions sont identiques à celles requises pour les courses de 120 à 140 km, mais les phases de galop passent à une heure et demie. Pendant la période de repos et à la fin de l’exercice, le cheval est refroidi, si nécessaire, abreuvé, nourri avec des aliments appétants, facilement digestibles, et examiné avec attention (contrôle de type vet-gate) pour s’assurer de sa capacité à poursuivre son entraînement.

La physiologie du cheval d’endurance est, à ce jour, mal déterminée. Cette méconnaissance contraint à faire évoluer l’entraînement vers de plus hauts niveaux de performance en aveugle, et c’est là une situation particulièrement inconfortable. Les récents résultats obtenus dans le désert sur terrain plat révèlent que la marge de progression possible est grande puisque des moyennes de 25 km/h ont été enregistrées sur des épreuves de 120 km (non sans danger). En aucun cas, les méthodes d’entraînement ne doivent être menées sans réflexion et se réduire à un simple exercice destiné à mettre en évidence la seule capacité du cheval à résister à un effort long. Bien au contraire, le travail doit respecter le bien-être du cheval, et rester une pratique réfléchie et un moyen de progression, et non de sélection.

  • (1) Robert C. Bilans sanguins chez le cheval d’endurance : intérêt dans le suivi de l’entraînement et de la performance en course. Proceedings des 35e journées de l’Avef, Deauville. 2007.

Éléments à retenir

- Les différentes phases de l’entraînement se déroulent sur plusieurs années.

- Le travail de musculation et d’assouplissement doit être entrepris dès l’âge de quatre ans.

- La phase d’entraînement “métabolique” dure deux ans.

- L’entraînement “résistance” est réalisé sur un terrain plat, uniforme et amortissant.

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