Quatre cas de sténose pylorique chez de jeunes adultes - Pratique Vétérinaire Equine n° 155 du 01/07/2007
Pratique Vétérinaire Equine n° 155 du 01/07/2007

Auteur(s) : Youssef Tamzali*, Émilie Guillot**

Fonctions :
*Clinique équine
École vétérinaire de Toulouse
23, chemin des Capelles
31076 Toulouse Cedex, France

Le traitement des ulcères induits par une sténose pylorique nécessite une administration des principes actifs par voie parentérale, en raison du défaut de vidange gastrique.

La sténose du pylore a rarement été décrite dans l'espèce équine durant ces vingt dernières années. D'origine congénitale ou acquise, cette affection touche aussi bien les poulains sous la mère que ceux récemment sevrés ou les adultes.

Cas cliniques

Premier cas

Motif de consultation et commémoratifs

Une jument selle français de deux ans et demi est référée pour un examen gastroscopique.

Sept mois auparavant, les propriétaires ont été alertés par un manque d'état corporel, une baisse d'appétit, un abattement, une faiblesse, des coliques sourdes, des crottins de petit volume et en quantité réduite.

Un premier traitement à base d'oméprazole (Gastrogard®, 4 mg/kg/j per os) est instauré durant un mois, sans résultat. Un examen gastroscopique est alors réalisé et met en évidence :

- une maladie squameuse (ulcérations de la portion non glandulaire) diffuse de grade 3/4 avec un ulcère profond et hémorragique localisé sur la petite courbure (région du cardia) ;

- des ulcérations de la muqueuse œsophagienne en régions proximale (110 cm du bout du nez) et distale.

La présence d'aliments dans l'estomac ne permet pas la visualisation du pylore et du duodénum. Un second traitement d'un mois à base d'oméprazole est prescrit, toujours sans résultat. Trois mois plus tard, la jument est référée pour une réévaluation gastroscopique.

Examen clinique

L'examen clinique général ne montre pas d'anomalie significative excepté un léger manque d'état.

Examen gastroscopique

L'examen gastroscopique, réalisé sous sédation après 24 heures de diète pour l'aliment et 12 heures pour l'eau, met en évidence :

- des ulcères de la muqueuse œsophagienne débutant à 90 cm du bout du nez et présents jusqu'au cardia () ;

- des ulcères disséminés sur le fundus, la grande courbure et la petite courbure près de la margo plicatus () ;

- un ulcère profond avec hyperkératose sur la petite courbure près du cardia () ;

- un ulcère et une sténose pyloriques. La motilité du pylore est de très réduite à nulle, aucune vague péristaltique n'est constatée durant une longue période d'observation. Le pylore présente un aspect “annulaire” en surélévation sur toute sa circonférence (), très différent de l'aspect d'un pylore normal () ;

- l'insertion du gastroscope à travers le pylore pour visualiser l'ampoule duodénale est difficile en raison de l'absence de motilité et de la sténose très serrée du pylore. La muqueuse duodénale proximale, naturellement ponctuée de minuscules ponctuations rougeâtres, ne présente pas de lésions inflammatoires () .

Diagnostic

Cette jument présente une maladie squameuse de grade 3/4 secondaire à une affection glandulaire primaire sévère avec une sténose pylorique perturbant fortement la vidange gastrique.

Les lésions observées sur la muqueuse squameuse et l'œsophage sont des lésions dites “de reflux”, conséquence des lésions pyloriques qui ralentissent fortement la vidange gastrique. La muqueuse squameuse est donc soumise à un contact prolongé avec un contenu gastrique abondant (car mal vidangé) et acide (voir la “Sténose pylorique”). La gastroscopie permet de comprendre l'absence d'amélioration à la suite du traitement de la maladie squameuse, mise en évidence dans un premier temps. Elle écarte la plupart des causes de manque d'état et de coliques sourdes chroniques.

Traitement

• Traitement médical

En raison du défaut de vidange gastrique, le traitement doit être administré par voie parentérale. L'oméprazole n'étant pas disponible sous forme injectable, de la ranitidine est utilisée (antagoniste des récepteurs H2 à l'histamine) (2 mg/kg par voie intraveineuse, trois fois par jour, pendant 15 jours). Un cathéter jugulaire intraveineux de longue durée est mis en place afin de faciliter l'administration du traitement par les propriétaires.

• Traitement hygiénique

La ration est fractionnée (cinq ou six petits repas) afin d'éviter la surcharge gastrique liée au ralentissement de la vidange.

Suivi et évolution

Les propriétaires ont choisi de ne pas traiter la jument en raison du coût du traitement et du pronostic. Elle a été remise au pré.

Son état s'améliore progressivement. Un an plus tard, elle est retrouvée morte au pré. Les propriétaires en ont averti le vétérinaire référent a posteriori.

L'autopsie n'ayant pu être réalisée, il est difficile de dire si la mort est survenue à la suite d'une rupture de l'estomac par surcharge ou pour une toute autre cause.

Deuxième cas

Motif de consultation et commémoratifs

Un cheval selle français hongre de cinq ans, utilisé en concours de saut d'obstacle (CSO), est référé pour gastroscopie en raison d'épisodes répétés de coliques d'intensité moyenne, qui ne permettent pas une utilisation sportive optimale de l'animal.

Mis à l'exercice régulièrement, il mange lentement et ne finit pas ses rations. Il émet de petits crottins en faible quantité. Les vaccinations et les vermifugations sont à jour.

Examen clinique

À l'examen clinique, le cheval est agité, anxieux, et la fréquence cardiaque est élevée (80 bpm). L'état d'embonpoint est correct, mais insuffisant pour un cheval de sport. La table dentaire ne présente pas d'anomalies notables.

Examen gastroscopique

L'examen gastroscopique, réalisé sous sédation après 24 heures de diète pour l'aliment et 12 heures pour l'eau, met en évidence :

- des ulcères marqués sur la margo plicatus près de la grande courbure () ;

- des ulcères et une hyperkératose sur la petite courbure et sur le cardia () ;

- un ulcère pylorique profond avec une sténose pylorique et une motilité très réduite du pylore ().

Diagnostic

L'examen gastroscopique confirme l'hypothèse d'ulcères gastriques et révèle la présence d'une sténose du pylore qui entraîne un trouble de la motilité, donc de la vidange gastrique.

Ce cheval présente une maladie glandulaire primaire sévère avec sténose du pylore associée à une affection squameuse secondaire de stade 3/4.

Traitement

Un traitement médical à base de ranitidine (Raniplex® 2 mg/kg par voie intraveineuse, trois fois par jour pendant 15jours, après pose d'un cathéter intraveineux longue durée) et de sucralfate (Ulcar® 8 mg/kg per os, trois fois par jour en alternance avec la ranitidine) est proposé.

Le fractionnement de la ration est recommandé.

Suivi et évolution

À l'issue du traitement, un contrôle gastroscopique est prévu afin d'évaluer l'évolution des lésions. Il est réalisé chez le vétérinaire référent. Il révèle une cicatrisation totale des lésions pyloriques et une restauration de la motilité du pylore. Le relais thérapeutique est effectué avec de l'oméprazole (Gastrogard® 4 mg/kg per os, une fois par jour) pendant trois semaines, afin de favoriser la cicatrisation des lésions de la muqueuse non glandulaire. Le traitement hygiénique est maintenu et le cheval est mis au repos pendant dix jours avant de reprendre progressivement l'entraînement. Une gastroscopie de contrôle réalisée trois semaines plus tard révèle une bonne cicatrisation de la muqueuse non glandulaire.

Troisième cas

Motif de consultation et commémoratifs

Un cheval selle français hongre de sept ans, utilisé en CSO, est présenté pour des coliques chroniques sourdes et une baisse d'appétit. Les vaccinations et les vermifugations sont à jour, la dentition est contrôlée régulièrement.

Un mois auparavant, le cheval a subi une laparotomie pour correction chirurgicale d'un déplacement du côlon à droite. À la suite de cette intervention, l'état corporel de l'animal est inchangé.

Le vétérinaire traitant suspecte des ulcères gastriques et demande un examen gastroscopique.

Examen gastroscopique

L'examen gastroscopique, réalisé sous sédation après 24 heures de diète pour l'aliment et 12 heures pour l'eau, met en évidence :

- des ulcères sur la grande courbure près de la margo plicatus ;

- un petit ulcère hémorragique sur la muqueuse glandulaire ;

- une circonférence pylorique ulcérée et œdématiée avec une motilité réduite ().

Diagnostic

Ce cheval présente une gastrite glandulaire primaire sévère avec gêne à la vidange gastrique et une gastrite squameuse secondaire de stade 3/4.

Traitement

• Traitement médical

Le traitement est à base de ranitidine (Raniplex® 2 mg/kg, trois fois par jour, par voie intraveineuse, pendant sept jours seulement, car le pylore présente de l'inflammation et une réduction de motilité mais pas de sténose), puis d'oméprazole (Gastrogard® 4 mg/kg per os, une fois par jour pendant huit jours). Il est complété avec du sucralfate (Ulcar® 8 mg/kg per os, trois fois par jour en alternance avec la ranitidine).

• Traitement hygiénique

Le fractionnement de la ration est conseillé.

Suivi et évolution

Une gastroscopie de contrôle est réalisée 15 jours plus tard. Elle révèle une nette amélioration des ulcères squameux et de la motilité pylorique malgré une persistance de la rougeur et de l'œdème du pylore. Le traitement est repris, à base de ranitidine (même dose, même voie d'administration) pendant sept jours en association avec l'oméprazole et le sucralfate.

Deux contrôles sont réalisés à un mois d'intervalle.

Le premier permet de constater une restauration de la motilité pylorique mais la persistance de l'inflammation. L'oméprazole et le sucralfate sont alors poursuivis et une corticothérapie à dose dégressive est instaurée, afin de tenter de juguler le phénomène inflammatoire (dexaméthasone, par voie intramusculaire, 0,1 mg/kg une fois par jour, pendant une semaine, puis un jour sur deux pendant une semaine supplémentaire).

Le dernier contrôle montre une régression quasi totale des lésions. Afin de prévenir une éventuelle rechute, l'administration journalière continue d'un complément alimentaire à base de pectine, de lécithine et de glycérol (Pronutrin®) est prescrite, afin de renforcer et de stabiliser la couche de mucines qui protège la muqueuse glandulaire.

Le cheval reprend l'entraînement à son niveau initial, mais une torsion du côlon diagnostiquée lors d'un épisode de coliques aiguës conduit les propriétaires à l'euthanasier.

Quatrième cas

Motif de consultation et commémoratifs

Un cheval trotteur français de trois ans est présenté en consultation pour perte d'état et contre-performances.

Les vaccinations et les vermifugations sont à jour, et la dentition est contrôlée régulièrement.

Le vétérinaire traitant suspecte des ulcères gastriques et demande un examen gastroscopique.

Examen gastroscopique

L'examen gastroscopique, réalisé sous sédation après 24 heures de diète pour l'aliment et 12 heures pour l'eau, met en évidence :

- des ulcères sur toute la muqueuse squameuse de grade 3/4 ;

- un pylore remanié, très serré, sans motilité et ulcéré ().

Diagnostic

Ce cheval présente une gastrite glandulaire primaire sévère avec gêne à la vidange gastrique et une gastrite squameuse secondaire de stade 3/4.

Traitement

• Traitement médical

Le traitement est à base de ranitidine (Raniplex® 2 mg/kg par voie intraveineuse, trois fois par jour pendant 15jours) et de sucralfate (Ulcar® per os à 8 mg/kg, trois fois par jour en alternance avec la ranitidine).

• Traitement hygiénique

Le fractionnement de la ration est conseillé.

Suivi et évolution

Une gastroscopie de contrôle est réalisée 15 jours plus tard. L'entraîneur décrit une amélioration spectaculaire de l'état du cheval après quelques jours de traitement, avec l'apparition d'un appétit vorace. L'examen gastroscopique révèle une nette régression des ulcères squameux et une motilité pylorique restaurée. Il est conseillé de remplacer la ranitidine par de l'oméprazole (Gastrogard®, 4 mg/kg per os, une fois par jour, pendant deux semaines).

Deux contrôles sont réalisés à un mois d'intervalle alors que le cheval a repris l'entraînement normalement afin d'être qualifié ().

Ils confirment tous deux la disparition des ulcères gastriques et la restauration de la motilité pylorique. Un traitement préventif anti-ulcéreux est mis en place (Pronutrin®).

Discussion

Épidémiologie

• La sténose pylorique est une affection fréquente chez l'homme et le chien, mais plus rare chez le cheval (une douzaine de cas décrits en 20 ans) [6, 9, 10]. Elle est décrite chez le poulain sous la mère ou récemment sevré [1, 2, 9, 16, 17].

Chez l'adulte, les descriptions sont souvent effectuées à la suite d'une laparotomie exploratrice ou d'une autopsie [5, 7, 10, 26]. Cependant, de récentes publications décrivent des cas chez le jeune adulte de moins de cinq ans [4, 13, 15, 28]. L'évolution d'un matériel de vidéo-endoscopie adapté à l'espèce équine et la systématisation de l'examen gastroscopique dans les centres spécialisés y ont sans doute contribué. Le nombre de cas rapportés pourrait augmenter dans les années à venir sans que cela puisse être attribué à une incidence accrue de cette affection.

• L'examen du pylore n'est pas toujours facile car il est soumis à trois types de contraintes techniques :

- la première concerne le matériel qui doit être adapté à la visualisation du pylore notamment chez les chevaux de grande taille. Le gastroscope doit avoir une longueur suffisante (3 m au minimum) ;

- la deuxième concerne le manipulateur qui doit parfaitement maîtriser la technique de visualisation du pylore [20] ;

- la troisième est liée à la nature même des lésions pyloriques qui peuvent ralentir la vidange gastrique, ce qui rend délicate la visualisation du pylore lorsque le bol alimentaire stagne dans l'estomac. Ces considérations sont parfois à l'origine d'un retard du diagnostic de sténose pylorique, comme dans les cas décrits.

Étiologie

• La sténose pylorique peut avoir une origine congénitale avec hypertrophie du pylore (de la musculeuse et/ou de la muqueuse) ou acquise, à la suite d'une obstruction mécanique du pylore d'origine inflammatoire ou néoplasique [9, 10, 16, 17, 26].

• Chez l'homme comme chez le chien, elle peut être congénitale avec une hypertrophie de la musculeuse pylorique, ou acquise chez l'adulte avec des spasmes pyloriques neurogéniques ou une inflammation chronique (ingestion de substances corrosives, ulcères) [2, 6, 12]. Il existe chez l'homme une origine infectieuse prouvée à ces ulcères (Helicobacter pylori) [15, 19].

• L'origine de la sténose du pylore reste imprécise chez le foal comme chez le cheval adulte [8, 17, 29]. Les ulcères pyloriques sont la principale cause de sténose du pylore [4, 9]. Bien qu'une origine infectieuse soit suspectée, ces ulcères sont encore considérés comme idiopathiques, mais des études sont en cours afin de déterminer l'origine exacte de ces lésions [13, 15].

Dans les cas décrits, les ulcères du pylore à des stades plus ou moins avancés s'accompagnent de troubles de la motilité gastrique et entraînent une véritable sténose du pylore.

Merritt attribue la maladie squameuse secondaire du poulain de moins d'un an à une duodéno-jéjunite responsable de sténose duodénale proximale [15]. L'historique médical de ces quatre chevaux ne fait cependant pas état d'un épisode pouvant évoquer une maladie gastroduodénale dans le jeune âge.

De plus, l'absence de lésions duodénales montre que, chez l'adulte de plus d'un an, la maladie squameuse secondaire semble davantage liée à des lésions pyloriques avec sténose secondaire qu'à des lésions duodénales.

Signes cliniques

Les signes cliniques peuvent être aussi variés que dans le cas de maladie squameuse primaire [15]. Les signes le plus souvent observés et présents chez les chevaux décrits sont :

- la perte de poids ou le manque d'état corporel ;

- la baisse de forme ou de contre-performance ;

- l'inappétence ou un cheval qui mange lentement ;

- les coliques postprandiales modérées ;

- le décubitus fréquent et prolongé [1, 2, 16].

Du ptyalisme, du bruxisme et un reflux gastro-œsophagien sont également observés [2, 3, 5, 10, 23].

Le retard de la vidange gastrique gêne la nutrition, ce qui explique le manque d'état et la baisse de forme. De même, l'inappétence se justifie par le fait que l'animal ne peut ingérer une trop grande quantité d'aliments sans être sujet à une douleur due à la surcharge gastrique. Cette dernière est en effet responsable des coliques post-prandiales modérées chroniques, souvent décrites par les propriétaires sous la forme de phases de décubitus.

Enfin, l'émission de crottins en petite quantité est parfois décrite [2, 29].

Diagnostic différentiel

Le diagnostic différentiel est celui d'un amaigrissement ou d'un manque d'état, associé à une inappétence et à des coliques sourdes chroniques (voir le “Diagnostic différentiel de l'amaigrissement associé à une inappétence et à des coliques sourdes chroniques”).

• Les troubles dentaires sont faciles à mettre en évidence et à traiter.

• Le parasitisme doit être envisagé. Un examen coproscopique permet d'écarter une infestation massive [2, 16].

• La sablose et les entérolithes doivent être considérés. L'aspect des crottins et la palpation transrectale peuvent participer dans les deux cas au diagnostic d'exclusion. Les abcès intra-abdominaux peuvent aussi être à l'origine d'une inappétence. Ils sont en général accompagnés d'une hyperthermie récurrente transitoire ou constante et de modifications hématologiques.

• Une diminution de la motilité gastrique est également rencontrée lors de dysautonomie (grass sickness), en association avec une faiblesse et un manque d'état. Néanmoins, les chevaux développent des ulcères plus fréquemment au box qu'au pré.

• Un néoplasme gastro-intestinal (carcinome, lymphosarcome) peut être à l'origine du retard à la vidange gastrique [5, 10, 26]. Une atteinte sévère de l'état général y est le plus souvent associée [26, 28]. De plus, les carcinomes gastriques sont plutôt l'apanage des chevaux âgés.

Diagnostic

• Le diagnostic de sténose pylorique s'appuie tout d'abord sur un tableau clinique évocateur mais non spécifique [4, 8].

Le recueil précis de l'anamnèse et des commémoratifs, associé à un examen clinique minutieux, permet d'écarter la plupart des autres affections entrant dans le diagnostic différentiel.

• La suspicion clinique d'ulcères associés à un trouble de la vidange gastrique doit être confirmée par des examens complémentaires.

Les examens hématologique et biochimique révèlent une hypoprotéinémie plus ou moins sévère [1, 7, 8, 28]. Une hypochlorémie, souvent sévère, associée à une alcalose métabolique est également décrite. Certains auteurs envisagent d'utiliser ces caractéristiques comme moyens diagnostiques chez le cheval par analogie avec d'autres espèces, telles que les bovins ou les camélidés [8, 21, 29]. Aucun bilan sanguin n'a été réalisé dans les cas décrits car ils étaient référés pour gastroscopie avec des signes cliniques en faveur d'une affection gastrique.

Si l'examen radiographique (simple ou avec produits de contraste) aide à mettre en évidence un retard à la vidange gastrique chez le poulain, seule la gastroscopie permet d'établir un diagnostic de certitude de sténose pylorique, aussi bien chez le poulain que chez le cheval adulte [1, 4, 8, 16, 18, 23, 24].

La gastroscopie nécessite souvent un jeûne prolongé de 36 à 48 heures, voire davantage si la vidange gastrique est fortement compromise. L'examen du pylore doit obligatoirement être réalisé sous peine d'omettre la lésion, et nécessite un matériel adapté et un manipulateur expérimenté [20].

Les éléments du diagnostic gastroscopique sont une inflammation et des ulcères pyloriques primaires associés à une réduction de la motricité du pylore, les ulcères squameux et œsophagiens de reflux étant secondaires à la lésion pylorique [1, 4, 13, 18].

Traitement

Traitement médical

L'oméprazole (Gastrogard® 4 mg/kg, per os, une fois par jour pendant deux à quatre semaines selon la gravité des lésions), utilisé classiquement pour traiter les ulcères squameux, améliore le plus souvent les lésions de la muqueuse non glandulaire en augmentant le pH gastrique. Mais si la motilité pylorique est fortement réduite, les ulcères de la muqueuse squameuse réapparaissent dès l'arrêt du traitement [9, 15, 29].

Le traitement vise principalement à réduire les ulcères pyloriques qui entretiennent le phénomène inflammatoire à l'origine de la fibrose du pylore et ses conséquences sur la vidange gastrique. En cas de sténose pylorique, avec ou sans fibrose, la voie d'administration parentérale doit être privilégiée, car le défaut de vidange gastrique ne permet pas au principe actif d'être absorbé sous forme active dans le duodénum.

L'oméprazole n'est pas disponible sous forme injectable pour l'exercice vétérinaire. Un antagoniste des récepteurs H2 à l'histamine tel que la ranitidine (2 à 4 mg/kg, par voie intraveineuse, trois fois par jour pendant 10 à 20 jours) est utilisé dans un premier temps pour permettre aux ulcères pyloriques de cicatriser [11, 15, 19]. Cependant, en cas de lésions anciennes avec fibrose sous-jacente, le traitement reste inefficace car la motilité et le diamètre pylorique ne peuvent être restaurés. Ces traitements sont coûteux (voir le “Coût approximatif des traitements de la sténose pylorique pour un cheval de 500 kg”) et un devis, qui comporte un pronostic, doit être établi.

Le béthanéchol, prokinétique à action gastrique, est utilisé pour stimuler la motricité du pylore (0,025 mg/kg par voie intraveineuse ou sous-cutanée, toutes les quatre à six heures) [11, 15, 24]. Ce médicament n'est pas disponible en Europe.

Ces traitements de fond peuvent être complémentés par du sucralfate (8 mg/kg per os trois fois par jour), principalement pour son pouvoir couvrant. Une complémentation de la ration en huile de maïs pourrait être bénéfique (apport de PgE2, protectrices de la muqueuse gastrique), mais cette approche, peu coûteuse, nécessite une validation par des essais cliniques contrôlés [14, 15].

Traitement chirurgical

En l'absence d'efficacité du traitement médical, seul le shunt du pylore non fonctionnel par la réalisation d'un by-pass chirurgical pourrait restaurer une vidange stomacale normale. Plusieurs techniques peuvent être utilisées selon la localisation et l'étendue de la lésion. Dans le premier cas décrit, l'aspect du pylore est fortement évocateur d'une fibrose pylorique. Il semblerait que seule une gastroduodénostomie précédée ou non d‘une gastrectomie aurait pu être tentée [9, 16, 22, 24, 27]. Les chances de réussite d'une telle intervention chirurgicale sont réduites car les techniques sont essentiellement décrites chez le poulain de moins d'un an et l'accès chirurgical à la région gastrique est particulièrement difficile chez l'adulte [7, 22, 24, 29]. Une telle opération a donc un caractère expérimental qui doit être discuté avec le propriétaire.

Pronostic

Le pronostic est de réservé à sombre selon la sévérité et le stade d'évolution des lésions. Si l'inflammation du pylore est diagnostiquée précocement et qu'un traitement adapté est mis en place, une carrière sportive peut être envisagée. Les quelques cas décrits dans la littérature ont une évolution fatale, le plus souvent par rupture de l'estomac ou dépérissement progressif conduisant à l'euthanasie. Cependant, dans ces cas, la sténose du pylore est souvent installée depuis plusieurs mois, et le diagnostic de l'affection est réalisé tardivement.

Prévention

Bien que la cause exacte des ulcères pyloriques n'ait pas été démontrée, certains auteurs décrivent un épisode de stress très important quelques semaines avant l'apparition des premiers signes cliniques [2, 16, 29].

La prévention reposerait donc sur la gestion du mode de vie imposé à l'animal (habitat, alimentation, entretien, exercice physique, transport), visant à réduire au minimum le stress subi.

Certains compléments alimentaires du commerce peuvent être ajoutés à la ration afin de prévenir l'apparition des ulcères (complexe pectine-lécithine-glycérol stabilisant le mucus gastrique ou mélange d'argile colloïdale et d'extraits végétaux couvrant la muqueuse gastrique) [25].

La sténose pylorique peut être la conséquence d'ulcères gastriques glandulaires chroniques non identifiés ou ne rétrocédant pas aux traitements usuels.

Cette affection peut être désormais diagnostiquée grâce à un matériel de gastroscopie plus performant et adapté au cheval adulte. L'examen gastroscopique doit être complet, incluant systématiquement la visualisation du pylore et l'évaluation de sa motricité, afin de ne pas omettre une maladie glandulaire primaire en présence d'une affection squameuse, qui serait alors qualifiée à tort de primaire par omission des lésions pyloriques. Cela est particulièrement vrai chez les animaux présentant des coliques récurrentes et/ou postprandiales accompagnées d'une perte d'état ou d'un retard de croissance, et lorsque des ulcères œsophagiens sont identifiés à l'examen gastroscopique car ils sont en général dus à un trouble de la vidange gastrique.

Note :

  • (1) Médicament à usage humain.

Éléments à retenir

> Le diagnostic différentiel de la sténose pylorique est celui d'un amaigrissement ou d'un manque d'état, associé à une inappétence et à des coliques chroniques sourdes.

> Le diagnostic de la sténose pylorique nécessite un matériel adapté et un manipulateur expérimenté.

> Lors de sténose pylorique, la vidange gastrique est compromise, et le traitement, à base d'antagoniste des récepteurs H2 doit être administré par voie parentérale dans un premier temps.

> Le pronostic de la sténose pylorique est de réservé à sombre.

Références

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