La résistance des petits strongles aux anthelminthiques : état des lieux et prévention - Pratique Vétérinaire Equine n° 155 du 01/07/2007
Pratique Vétérinaire Equine n° 155 du 01/07/2007

Auteur(s) : Viviane Von der Mühll*, Patrick Bourdeau**, Alain Marchand***

Fonctions :
*Clinique vétérinaire, 663, avenue Jean-Jaurès
77190 Dammarie-les-Lys
**Unité DPMA, ENV de Nantes
***Unité DPMA, ENV de Nantes

La résistance des cyathosthomes à certains anthelminthiques met en évidence la nécessité d'associer, voire de préférer, d'autres moyens de lutte sanitaires ou biologiques.

Depuis une vingtaine d'années, les petits strongles des équidés (cyathostomes ou trichonèmes) sont les parasites internes les plus fréquents chez les équidés. Les études de prévalence réalisées aux États-Unis ou en Europe révèlent qu'actuellement 100 % des équidés seraient infestés aux États-Unis. En France, le taux de prévalence était de 25 % en 1996 et atteindrait les 80 % à l'heure actuelle [2, 5, 20]. L'absence de traitements actifs sur les larves en hypobiose, à l'exception du fenbendazole (7,5 mg/kg/j sur cinq jours par voie orale), et de la moxidectine (0,4 mg/kg par voie orale), mais également l'essor de traitements anthelminthiques hautement efficaces contre les autres parasites internes majeurs du cheval (grands strongles, anoplocéphales) permettent d'expliquer en partie la prévalence des petits strongles chez les équidés [1, 11].

Néanmoins, elle est surtout le fait du développement de résistances des cyathostomes à la plupart de ces traitements anthelminthiques.

Cet article se propose de montrer l'importance des résistances aux anthelminthiques chez les petits strongles des équidés.

Il convient de repenser la façon d'utiliser les anthelminthiques et d'envisager l'emploi d'autres moyens de lutte contre les parasites digestifs du cheval.

Données actuelles sur les résistances des petits strongles

Les cyathostomes présentent un temps de génération court (dix semaines en moyenne, sauf en cas d'entrée en hypobiose) (voir l'encadré “Cycle évolutif des petits strongles des équidés”). C'est l'une des raisons pour lesquelles, chez les chevaux, les résistances ont été plus rapides à se développer pour les petits strongles que pour les autres parasites.

Résistance : difficulté de la définition

• La résistance d'un parasite est la faculté héréditaire à survivre en présence de doses d'anthelminthique habituellement létales pour des parasites sensibles de même stade et de même espèce.

Cette résistance n'est pas la conséquence d'une accoutumance ou d'une mutation induite. Les individus résistants apparaissent spontanément au sein de la population parasitaire, et préalablement à tout traitement anthelminthique, par mutation génétique aléatoire (voir la “Mécanisme de développement d'une résistance au sein d'une population parasitaire”). Si un traitement anthelminthique est mis en place, les individus résistants sont sélectionnés et se reproduisent en priorité. C'est le traitement anthelminthique lui-même qui provoque le développement de la résistance au sein d'une population parasitaire.

• À chaque traitement, la proportion d'individus résistants augmente dans la population parasitaire, mais une dilution par l'apport de parasites sensibles issus de refuges non atteints par l'anthelminthique a régulièrement lieu. Il est alors difficile de définir le seuil, chez un hôte, à partir duquel une résistance de cette population apparaît, avec un risque d'échec thérapeutique et de conséquences cliniques pour l'hôte. En effet, l'expression clinique de la cyathostomose reste essentiellement liée à la réceptivité individuelle de l'hôte.

Ce seuil est fixé dans les publications scientifiques de façon arbitraire : la WAAVP (World Association for the Advancement of Veterinary Parasitology) préconise de fixer la limite d'efficacité d'un anthelminthique à 90 % de la population parasitaire visée éliminée par l'anthelminthique [10]. En dessous de ce seuil, un risque d'échec thérapeutique lié à la résistance existe. Certains auteurs proposent de moduler ce seuil limite selon les molécules : 80 % pour les benzimidazoles et le pyrantel, 98 % pour les macrolides antiparasitaires [4]. Mais, la définition de la résistance d'une population parasitaire reste arbitraire et soumise à discussion.

Un danger insidieux, souvent non détecté sur le terrain

Les conséquences cliniques de l'infestation par les petits strongles sont peu spécifiques, d'intensité variable et souvent fruste (voir l'encadré “Cyathostomose larvaire : tableaux cliniques”). L'importance des symptômes observés semble essentiellement liée à l'intensité de la réaction immunitaire développée par l'hôte, ce qui permet d'expliquer un taux de morbidité plus important chez les jeunes (ou les individus non sensibilisés) par rapport aux adultes. L'immunité contre les petits strongles reste incomplète : elle n'empêche pas la réinfestation des animaux, mais limite les symptômes de cyathostomose, d'où une clinique souvent fruste. Il est probable, par ailleurs, que l'intensité de cette réaction immunitaire soit déterminée génétiquement, comme cela a été montré chez les ruminants pour la réaction aux strongles [16]. Il existe donc des animaux génétiquement prédisposés, naturellement plus réceptifs à la cyathostomose que d'autres de même âge placés dans des environnements comparables qui n'exprimeront jamais la maladie. Les échecs thérapeutiques dus à la résistance ne sont donc pas toujours détectés cliniquement.

État actuel des résistances

L'étude des résistances des petits strongles des équidés aux principaux anthelminthiques permet de dresser le bilan suivant :

- l'existence de populations de petits strongles résistantes à l'ensemble des benzimidazoles, au pyrantel, à la phénothiazine et à la pipérazine a été prouvée. La résistance des cyathostomes aux benzimidazoles concernerait 53 à 97,7 % des fermes aux États-Unis (62,5 % des haras de Normandie en 1996) et plus de 40 % des exploitations pour la résistance aux pyrantel [5, 6, 15] ;

- l'existence de souches multirésistantes à plusieurs de ces classes d'anthelminthiques a également été démontrée ;

- aucune publication n'a jusqu'à présent rapporté l'existence d'une population de cyathostomes résistants aux lactones macrocycliques (ivermectine, moxidectine). Cependant, dès 1999, Young et coll. indiquent que les cyathostomes résistants aux lactones macrocycliques seraient déjà présents dans la population parasitaire équine ; leur étude rapporte que près de 4 % de la population de cyathostomes est résistante aux lactones macrocycliques chez des chevaux issus d'un élevage où aucune vermifugation n'est pratiquée depuis plus de 15ans. Cette proportion atteint 9 % pour des chevaux issus d'un troupeau vermifugé trois ou quatre fois par an avec de l'ivermectine [24]. L'existence d'individus résistants aux lactones macrocycliques dans la population de petits strongles n'est pas inattendue et montre la nécessité de limiter la pression de sélection sur ces individus (voir le “Molécules anthelminthiques actives contre les petits strongles des équidés”).

Une meilleure utilisation pour freiner le développement des résistances

Choix de l'anthelminthique selon son spectre d'activité

La plupart des anthelminthiques ne sont actifs que sur les stades de cyathostomes présents dans la lumière du côlon (larves tardives de stade 4 et adultes).

• Seules quelques molécules larvicides sont actives sur les larves intramuqueuses en développement ou en hypobiose (fenbendazole en protocole sur cinq jours, moxidectine). Ces molécules sont les seules indiquées dans le cadre d'un traitement curatif de la maladie parasitaire. Dans la mesure du possible, elles sont donc réservées à cette fin, pour éviter une apparition trop précoce des résistances par utilisation répétée. L'ivermectine peut être éventuellement utilisée sur les stades précoces, mais son action sur les larves intrapariétales (en hypobiose ou non) n'est pas systématiquement démontrée [7, 18, 23].

• Les anthelminthiques adulticides ont un intérêt dans la lutte préventive contre les cyathostomes, en interrompant le cycle du parasite et en limitant la contamination de l'environnement par les œufs. Ils permettent en outre de préserver le refuge constitué par la muqueuse intestinale, dans laquelle de nombreuses larves sensibles peuvent être stockées.

Le traitement antiparasitaire doit par ailleurs prendre en compte la lutte contre les autres parasites du cheval. Les autres strongles et les gastérophiles sont en général sensibles aux mêmes molécules que les petits strongles. Les tænidés doivent faire l'objet d'un traitement spécifique supplémentaire.

Rotation des anthelminthiques

Depuis plusieurs années déjà, la plupart des parasitologues préconisent une rotation lente annuelle (changement de molécule tous les ans) plutôt qu'une rotation rapide (changement de molécule à chaque traitement), afin de réduire le risque de sélection de parasites multirésistants.

La rotation ne peut plus être appliquée dans certains élevages où seules les lactones macrocycliques ne sont pas concernées par une résistance des cyathostomes. Si d'autres classes d'anthelminthiques demeurent efficaces, la rotation doit être mise en place, sous peine d'observer un développement rapide de la résistance aux lactones macrocycliques.

Traitements stratégiques

Pour éviter la sélection trop rapide des résistances, les traitements anthelminthiques doivent être les moins fréquents possible, et espacés au minimum d'un temps correspondant à la période prépatente (12 semaines, soit trois mois), pour permettre le développement de nouvelles larves L3 sensibles ingérées après ce délai. Cependant, il convient de ne pas tomber dans le piège des anthelminthiques à longue rémanence : l'action anthelminthique et la pression de sélection des résistances persistent durant toute la durée d'action de la molécule. L'effet de “queue” (lente décroissance de la concentration plasmatique en anthelminthique), favorisant l'émergence des résistances, est en outre plus long pour ces molécules à longue rémanence. Des anthelminthiques à rémanence courte (inférieure à un mois) sont donc à utiliser, à de longs intervalles (supérieurs à trois mois). Pour assurer une protection antiparasitaire optimale aux équidés, ces traitements doivent être administrés de façon stratégique à certains animaux et/ou à des périodes précises de l'année.

Traitement sélectif des animaux

• Des coproscopies systématiques sont réalisées chez tous les animaux d'un effectif, et seuls sont traités ceux dont le comptage excède 50 à 200 opg (œufs/g, limite variable selon les auteurs ; le seuil de 100 opg est souvent utilisé). Cette méthode permet de réduire la fréquence de traitement des animaux. De plus, elle prend en compte l'existence d'une prédisposition individuelle aux cyathostomes : les chevaux ne nécessitant pas de traitement conservent un résultat coproscopique négatif ou faiblement positif toute la saison. Plusieurs études montrent un contrôle satisfaisant du parasitisme par cette méthode.

• Cependant, le traitement sélectif présente un risque médical non négligeable, puisque l'infestation par les petits strongles est loin d'être systématiquement associée à une augmentation du nombre d'œufs dans les crottins. D'autre part, d'un point de vue économique, les frais induits par les coproscopies systématiques chez tous les animaux d'un troupeau ne sont pas toujours contrebalancés par les économies faites sur les anthelminthiques [9].

Traitement stratégique fondé sur l'épidémiologie parasitaire

Le schéma de traitement préconisé par les parasitologues contre les petits strongles (en climat tempéré) est le suivant :

- un traitement adulticide en février-mars, à la mise à l'herbe. C'est en effet à cette période que de nombreuses larves sortent d'hypobiose. Un grand nombre de petits strongles adultes se retrouvent dans la lumière intestinale et pondent. Un traitement permet alors d'éviter le pic d'excrétion d'œufs habituellement observé au printemps ;

- un ou deux traitements adulticides espacés d'au minimum trois mois durant la saison de pâturage, afin de maintenir un niveau bas d'infestation des animaux et des pâtures. Ces traitements permettent notamment d'endiguer le pic d'excrétion d'œufs présent naturellement à la fin de l'été ;

- un traitement larvicide non systématique peut être envisagé en automne pour éviter l'accumulation d'un trop grand nombre de larves en hypobiose durant l'hiver (et leur émergence massive au printemps). Cependant, si les traitements au cours de la saison de pâturage ont été efficaces, l'infestation des animaux et des pâtures est minime à l'automne, et le traitement larvicide n'est pas nécessaire.

Éviter le sous-dosage

• Le sous-dosage, de même que l'utilisation d'un anthelminthique peu efficace, est un facteur important de développement d'une résistance. En effet, lors d'administration d'anthelminthique en dessous de la dose optimale, seuls les parasites les plus sensibles sont éliminés, tandis que les individus les plus résistants survivent et se reproduisent.

L'évaluation correcte du poids de l'animal à traiter est indispensable. La précision de l'estimation visuelle est faible, sauf pour des personnes très averties. Des formules mathématiques, dites barymétriques, permettent de calculer approximativement le poids du cheval à partir de ses mensurations.

• La formulation ou la voie d'administration de l'anthelminthique n'ont pas d'influence sur son efficacité. L'administration par sondage nasogastrique ou par injection permet de distribuer une dose entière d'anthelminthique. Les risques de gaspillage ou de régurgitation, donc de sous-dosage, sont plus importants sous forme de pâte orale, déposée dans la bouche, ou avec la nourriture, mais ils sont nuls dans le cadre d'une utilisation correcte des anthelminthiques [21]. Dans le choix de la formulation, les spécialités destinées aux équidés sont à préférer ; l'utilisation hors autorisation de mise sur le marché (AMM) de spécialités destinées aux autres espèces est risquée, sur le plan tant toxicologique (allergie aux excipients) que de l'apparition des résistances (pharmacocinétique modifiée pouvant induire une efficacité plus faible).

• Le surdosage n'est toutefois pas souhaitable. En effet, si, dans un premier temps, l'efficacité antiparasitaire est accrue, puisque seulement quelques parasites résistants survivent, le risque est à terme d'aboutir à la formation de populations hyperrésistantes contre lesquelles même de très fortes doses d'anthelminthiques sont inefficaces. En outre, le surdosage ne présente pas d'intérêt pour les molécules telles que les benzimidazoles ou les lactones macrocycliques, dont l'efficacité dépend du temps de contact avec le parasite à concentration efficace, et non de la concentration propre.

Surveillance régulière du niveau de résistance

La détection d'une résistance sur le terrain peut être réalisée assez simplement par un test de réduction fécale : une coproscopie est effectuée le jour du traitement, puis 10 à 40 jours après pour calculer le pourcentage de réduction (PR) du nombre d'œufs dans les fèces du cheval :

L'interprétation de ce pourcentage reste difficile. À titre indicatif, le seuil des 90 % est le plus souvent utilisé dans les tests d'efficacité (résistance si PR < 90 %).

Le test de réduction fécale est réalisé de préférence au printemps ou en été pendant les pics d'excrétion d'œufs. Il doit inclure un minimum de quatre à six chevaux avec une coproscopie positive (> 100 opg) [4].

Si une résistance est détectée, la molécule concernée peut être remplacée par une autre de mode d'action différent. Mais cette pratique risque de conduire rapidement à l'apparition de souches de cyathostomes multirésistantes.

Devant le risque de résistance, la lutte contre les petits strongles des équidés doit s'affranchir de plus en plus de la chimiothérapie. Il devient donc urgent de développer les autres moyens de lutte et de les privilégier, ou du moins de les associer systématiquement au traitement anthelminthique.

Mesures sanitaires complémentaires sur l'environnement

Assainissement de l'environnement

Le hersage (par temps chaud et sec), le fauchage ou encore le traitement chimique des pâtures (chaux à raison de 1 t/ha ou cyanamide calcique à raison de 300 à 500 kg/ha) permettent d'éliminer une grande partie des formes libres de cyathostomes [14].

Le retrait des crottins déposés sur les prés et le curage des box (associés à une puissante désinfection deux fois par an) restent les meilleures méthodes pour limiter la réinfestation des équidés. Les crottins peuvent être réutilisés comme engrais après un minimum de deux semaines de compostage [14]. Le passage d'animaux d'autres espèces (bovins ou ovins notamment) sur les pâtures permet également un bon assainissement, le risque d'infestation croisée par Trichostrongylus axei étant minime [17].

Limiter le surpâturage

Si dans la nature les chevaux ont développé une aptitude naturelle à éviter la contamination par les larves de strongles, les contraintes de la domestication et notamment les surfaces de pâture insuffisante sont à l'origine d'une hyperinfestation des équidés (voir l'encadré “Les équidés évitent naturellement les parasites”). Le surpâturage, en entraînant un recyclage important des parasites (réinfestation massive et continue des chevaux), est de plus un facteur d'accélération du développement des résistances aux anthelminthiques lorsqu'elles existent.

Rotation des pâtures

Les rotations de pâtures sont utiles car la quantité de larves infestantes dans l'herbe croît avec la durée de séjour des animaux sur la même parcelle.

En théorie, le temps de pâture doit être suffisamment court pour que les œufs n'aient pas le temps d'évoluer jusqu'au stade de larve précoce de stade 3 infestant, et l'intervalle entre deux passages suffisamment long pour que les larves infestantes aient été détruites. Un changement opéré tous les 15 jours sur des parcelles inoccupées pendant un à trois mois permet une décontamination des prairies, surtout lors d'été sec [2].

En pratique, les résultats sont variables et souvent décevants car la destruction des stades libres de petits strongles dépend presque exclusivement des conditions climatiques (chaleur, humidité). Il peut être nécessaire de laisser la pâture libre pendant une année pour obtenir un assainissement correct [14].

En outre, le changement fréquent de pâtures perturbe le comportement naturel des chevaux qui consiste à éviter les zones contaminées, d'où une infestation supérieure des animaux soumis à la rotation de pâture [13].

Pâturage par tranches d'âge

En élevage, le pâturage par tranches d'âge est mis en place :

- pour les juments suitées et les jeunes poulains jusqu'au sevrage ;

- pour les poulains sevrés jusqu'à deux ans ;

- pour les chevaux de plus de deux ans.

Cette classification est fondée sur l'importance relative du parasitisme dans chacune de ces tranches d'âge. Elle a plusieurs objectifs :

- éviter une contamination accrue des poulains naïfs très réceptifs à l'infestation ;

- séparer les animaux jeunes peu immunocompétents qui présentent des charges parasitaires en général plus importantes que les adultes.

La séparation par classes d'âge évite que les jeunes ne servent de réservoirs de parasites aux adultes, chez lesquels l'infestation a été maîtrisée.

Lutte biologique par les champignons nématophages

• Les champignons nématophages sont des champignons microscopiques présents à l'état naturel dans le sol. Ils se développent en consommant, de façon non spécifique, les nématodes du sol (voir la “Larve de cyathostome capturée par un champignon nématophage prédateur : ). Plusieurs études montrent que l'utilisation de champignons nématophages, par épandage direct de spores sur les pâtures ou bien indirectement par administration par voie orale aux chevaux, permet de réduire significativement le nombre de larves infestantes se développant sur les pâtures [12]. Le champignon survit correctement au passage du tractus gastro-intestinal ; il peut se développer et limiter le nombre de larves infestantes dans les fèces des chevaux traités. La voie est donc ouverte pour une lutte offensive non chimique contre les strongles parasites des équidés.

• Cependant, l'utilisation des champignons nématophages présente encore des limites :

- écologiques, avec le risque de déséquilibrer l'écosystème du sol (notamment en détruisant les nématodes utiles) ;

- pratiques, les champignons nématophages ne sont actuellement disponibles que sous forme de spores, nécessitant une préparation en laboratoire pour être utilisés sur le terrain. L'optimisation de la formulation, des moyens d'administration des spores, ainsi que le développement de méthodes de fabrication moins fastidieuses sont nécessaires à l'expansion de ce moyen de lutte.

La lutte contre l'émergence et l'extension des résistances des petits strongles des équidés aux anthelminthiques repose sur une prise de conscience commune de tous les acteurs concernés :

- les propriétaires et les éleveurs d'équidés doivent prendre conscience que les anthelminthiques ne sont pas la seule réponse possible au parasitisme ;

- le vétérinaire doit convaincre ses clients d'instaurer une stratégie de lutte intégrée contre les parasitoses du cheval, associant un usage rationnel des anthelminthiques et la mise en place de mesures sanitaires contribuant à la limitation de la charge parasitaire des animaux et de leur environnement ;

- les chercheurs doivent s'attacher à développer des méthodes alternatives aussi efficaces que les anthelminthiques, comme la lutte biologique par les champignons nématophages, qui offre les résultats les plus prometteurs.

Éléments à retenir

>  La résistance des petits strongles aux anthelminthiques est liée à une mutation génétique aléatoire.

>  Le traitement anthelminthique provoque le développement d'une résistance au sein d'une population parasitaire.

>  Les échecs thérapeutiques liés à la résistance ne sont pas toujours détectés cliniquement.

Cycle évolutif des petits strongles des équidés

Le cheval se contamine par ingestion des larves de stade 3 (L3) de cyathostomes, présentes sur les pâtures, dans la litière et le foin au box (voir “Cycle évolutif des cyathostomes”). Les L3 vont ensuite s'enkyster dans la muqueuse ou la sous-muqueuse du cæcum et du côlon en s'entourant de fibroblastes et d'une capsule fibreuse. À ce stade, le développement peut être arrêté par entrée en hypobiose (vie ralentie). À leur sortie d'hypobiose, ou directement après leur enkystement si le développement n'est pas stoppé, les L3 continuent à grossir et à gagner en complexité cellulaire, c'est au stade 4 (L4) qu'elles regagnent la lumière intestinale pour muer en adultes producteurs d'œufs. La période prépatente est habituellement comprise entre six et douze semaines (selon les espèces, le nombre de parasites infestants et le statut immunitaire de l'hôte), mais les L3 peuvent persister dans la muqueuse en hypobiose pendant plusieurs mois (jusqu'à deux ans et demi) [17].

Cyathostomose larvaire : tableaux cliniques

Syndrome diarrhéique aigu

Tableau clinique le plus fréquemment rencontré, le syndrome diarrhéique aigu apparaît le plus souvent à la fin de l'hiver et associe :

- une diarrhée profuse continue ou intermittente, qui contient souvent un grand nombre de larves L4 rouge vif ;

- une perte de poids avec une fonte musculaire souvent rapide et sévère, et un retard de croissance chez les jeunes ;

- des œdèmes sous-cutanés en régions déclives, pas toujours présents s'il s'agit d'une forme aiguë ;

- une anémie et une hyperthermie inconstantes.

L'intensité des symptômes varie, mais le taux de mortalité n'est pas négligeable (environ 10 % des animaux atteints).

Ce syndrome diarrhéique aigu est plus spécialement associé aux phénomènes de pénétration des larves précoces de stade 3 dans la paroi du gros intestin, et surtout d'émergence en masse des larves tardives de stade 4 dans la lumière intestinale, à la sortie d'hypobiose d'un grand nombre de larves à la fin de l'hiver [8].

Un tel syndrome diarrhéique peut survenir à la suite d'un traitement anthelminthique actif uniquement sur les stades luminaux (LL4 et adultes). La population parasitaire chez l'hôte semble être régulée par un rétrocontrôle ; chaque stade de développement influe sur la maturation ou l'apparition du stade plus précoce. Ainsi, la destruction des stades adultes favoriserait l'émergence massive des L4 dans la lumière et le développement des stades antérieurs [19]. Les mécanismes de cette régulation ou la nature des messages échangés entre les parasites pour permettre celle-ci sont peu connus.

Syndrome d'amaigrissement chronique

La cyathostomose peut également être à l'origine d'un syndrome d'amaigrissement chronique : les animaux atteints présentent alors une perte de poids sévère et rapide, mais pas de diarrhée. L'amaigrissement est plus spécialement associé à la présence de très nombreuses larves intrapariétales (en hypobiose ou non) et à un faible nombre de larves émergées [5]. Cela explique que ce syndrome soit la plupart du temps associé à une coproscopie négative.

Syndrome colique

La présence et la migration des larves dans la muqueuse cæcocolique sont aussi responsables d'une perturbation de la motilité intestinale, provoquant des coliques par intussusceptions cæcocæcale et cæcocolique ou par impaction.

Les équidés évitent naturellement les parasites

Sur une pâture, le risque d'ingestion de larves infestantes est accru dans les zones de dépôt de crottins. Les larves s'en éloignent peu, sauf en cas de conditions favorables (forte humidité, ruissellement). Les chevaux ont naturellement développé un comportement d'évitement de ces zones de défécation : l'observation des prés pâturés par des chevaux montre une séparation caractéristique des zones de pâturage effectif, où l'herbe est courte, et des zones de défécation non pâturées, où l'herbe demeure longue () [13].

Cependant, en cas de surpâturage (surpopulation ou cheval maintenu trop longtemps sur une même pâture), les zones d'herbe courte sont de plus en plus réduites et les animaux sont poussés à consommer l'herbe dans les zones d'herbe longue, les plus fortement contaminées par les larves L3 libres () [14].

Aucune étude n'a permis jusqu'à présent de déterminer quelle surface de pâture est nécessaire au cheval pour qu'il continue d'éviter les parasites. Le “un hectare par cheval” bien connu des propriétaires d'équidés semble être un bon adage, mais il n'est fondé sur aucune donnée chiffrée.

Références

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  • 24 - Young KE, Garza V, Snowden K et coll. Parasite diversity and anthelminthic resistance in two herds of horses. Vet. Parasitol. 1999 ; 85 : 205-214.
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