Période de carence du phosphate disodique de dexaméthasone - Pratique Vétérinaire Equine n° 154 du 01/04/2007
Pratique Vétérinaire Equine n° 154 du 01/04/2007

Auteur(s) : Romain Dematteo*, Anne Couroucé-Malblanc**, Yves Bonnaire***

Fonctions :
*École nationale vétérinaire de Nantes
Atlanpôle La Chantrerie, BP 40706
44307 Nantes Cedex 03
**École nationale vétérinaire de Nantes
Atlanpôle La Chantrerie, BP 40706
44307 Nantes Cedex 03
***LCH
15, rue du paradis
91370 Verrières-le-Buisson

L'étude présentée vise à établir une période de carence lors de l'administration par voie intraveineuse de phosphate disodique de dexaméthasone à un lot de juments. Déterminer ce laps de temps permet d'éviter un contrôle antidopage positif.

D'après l'article 77 du Code des courses, le vétérinaire qui prescrit une substance prohibée dans un objectif thérapeutique doit faire figurer sur l'ordonnance, entre autres mentions, « les précautions à prendre avant de faire recourir le cheval » [4]. Il doit donc pouvoir déterminer le délai après lequel l'animal peut courir à nouveau, sans risque d'être positif lors d'un contrôle antidopage. Comment évaluer cette période de carence (durée entre la dernière administration du produit et le premier contrôle négatif), en l'absence de données scientifiques établies [3] ?

Le manque de données validées contraint le vétérinaire prescripteur à engager sa responsabilité, sans avoir la capacité de préciser un tel délai. Il peut aussi recommander une analyse de dépistage systématique dans un laboratoire agréé. Cette étude tente d'apporter des éléments de réponse sur la détermination d'une période de carence d'une solution injectable de dexaméthasone sous forme de phosphate disodique, à 2mg/ml (Dexadreson®).

Matériel et méthodes

Chevaux

Parmi dix juments de race trotteur français, âgées de 3 à 13 ans et appartenant à l'ENV de Nantes, six d'entre elles ont été sélectionnées pour cette étude à partir de trois critères :

- un examen clinique approfondi ne permettant d'objectiver aucun trouble de santé ;

- une prise de sang suivie d'un bilan sanguin complet (numération et formule sanguines, urémie, créatininémie, dosage du fibrinogène, de la créatine phosphokinase, de l'aspartate-amino-transférase, de la γ-glutamyl-transférase, des phosphatases alcalines) ;

- seules les juments qui urinent facilement lors de leur entrée dans le box ont été retenues, afin que les prélèvements soient les plus réguliers possible.

Ces juments n'ont aucune activité physique, et sont au paddock le jour et au box la nuit.

Méthodes

Le protocole expérimental comprend trois étapes.

• À J-1, une première prise d'urine est réalisée avant toute injection, servant de témoin négatif.

• À J0 :

- une injection par voie intraveineuse de Dexadreson®, à la dose de 0,1 mg/kg, est effectuée. Cette dose est légèrement supérieure à celle de 0,06 mg/kg recommandée par le résumé des caractéristiques du produit (RCP), mais elle est utilisée en pratique, notamment pour le traitement des affections respiratoires ;

- la jument est rentrée au box trois heures après l'injection pour réaliser une prise d'urine.

• De J1 à J10 : un prélèvement d'urine est effectué toutes les 24 heures pendant dix jours, par miction naturelle, afin de se placer dans les conditions du contrôle antidopage et d'éviter, en l'absence de consensus, un quelconque biais dû à un sondage par cathétérisme urétral.

Les prélèvements sont tous conservés à - 21 °C, puis envoyés, sous couvert du froid, au Laboratoire des courses hippiques (LCH) pour analyse. Un premier dosage par méthode spécifique de type Elisa (détection des corticoïdes synthétiques) a été réalisé, suivi de dosages du cortisol libre et du 20-β-dihydrocortisol (mise en évidence de la diminution de la sécrétion naturelle de cortisol, qui résulte du rétrocontrôle négatif exercé par les corticoïdes synthétiques), et enfin, de la dexaméthasone par couplage de chromatographie liquide et de spectrométrie de masse (LC/MS) triple-quadripole Quantum Finnigan en mode SRM (selected reaction monitoring). La méthode Elisa donne un résultat semi-quantitatif : négatif (-), douteux (+/-), positif (+), très positif (++). Lors d'un contrôle antidopage officiel, un échantillon négatif ou douteux par cette technique décide du deuxième dosage (cortisol et 20-β-dihydrocortisol). Si le taux est supérieur à 10 ng/ml, le cheval est considéré comme négatif. Dans cette étude, ce deuxième dosage, réalisé systématiquement, est complété par celui de la dexaméthasone, considéré comme négatif pour un taux plus bas que la limite inférieure de quantification estimée à 50 pg/ml.

Résultats

Les résultats fournis par le LCH sont relativement homogènes :

- toutes les juments sont positives à J0, à J1, et à J2 ;

- une jument sur six est négative à J3 ;

- quatre juments sur six sont négatives à J4 ;

- toutes les juments sont négatives à J5 (voir le “Analyse de l'élimination urinaire des corticoïdes après une injection intraveineuse de 0,1 mg/kg de Dexadreson®” et la “Chevaux négatifs à la dexaméthasone selon le nombre de jours après l'injection”).

Ces résultats, avec les critères de positivité retenus, indiquent que la période pendant laquelle un cheval ne peut pas participer à une épreuve après une administration par voie intraveineuse de Dexadreson®, à la dose de 0,1 mg/kg, est d'au moins cinq jours. Un cheval qui a reçu du Dexadreson®, le lundi matin peut vraisemblablement participer à une épreuve le samedi matin de la même semaine.

Discussion

Protocole

Les juments ont uriné dans un intervalle maximal de 3 heures et 50 minutes par rapport à l'heure théorique prévue (Jn+1 - [Jn + 24 h] < 3 h 50 min), ce qui donne une certaine homogénéité dans les prélèvements et confère une réelle valeur à la dénomination des jours (Jn = Jn-1 + 24 h).

Le premier biais potentiel, à savoir le prélèvement par sondage urinaire, a été évité en se plaçant dans les conditions du contrôle officiel antidopage, c'est-à-dire un prélèvement urinaire par miction naturelle.

Cependant, étant donné la difficulté de réaliser un prélèvement chez un grand nombre de chevaux de façon régulière sur une dizaine de jours par cette méthode, il serait judicieux de valider la méthode de prélèvement par cathétérisme urétral et de renouveler cette étude chez un grand nombre de chevaux plus hétérogènes quant au sexe, à la race, à l'activité (animaux au repos et à l'entraînement), mais aussi et surtout chez des chevaux qui présentent des affections variées [7].

Résultats

• Concernant l'administration de la dexaméthasone, une injection unique par voie intraveineuse a été réalisée. La voie d'administration ne semble pas faire varier les résultats. Ainsi, une étude expérimentale effectuée en 1977 par Chapman et coll. et incluant huit hongres, poneys et chevaux n'a mis en évidence aucune différence significative d'élimination entre les voies intraveineuse, intramusculaire et intra-articulaire [1].

Cunningham et coll. ont fait les mêmes conclusions en 1996 dans une étude portant sur huit chevaux (trois femelles, un étalon et quatre hongres) par comparaison des voies intraveineuse et orale [2].

Les résultats obtenus avec des administrations unique et répétées sont les mêmes [1]. L'élimination de la dexaméthasone par voie urinaire est similaire chez un poney traité par voie intraveineuse pendant cinq jours consécutifs et chez les sept autres individus qui ont reçu une injection intraveineuse unique [1].

• En revanche, la forme galénique joue un rôle primordial dans le devenir pharmacocinétique (notamment dans l'excrétion urinaire). Ainsi, l'étude présentée ici ne concerne que l'élimination de la dexaméthasone sous forme de phosphate de sodium (Dexadreson®). En effet, la dexaméthasone est actuellement présentée sur le marché français sous six formes pharmacologiques différentes : acétate, base, diméthylbutyrate, isonicotinate, phénylpropionate et phosphate disodique. Or chaque présentation apporte à chaque spécialité des caractéristiques pharmacologiques qui lui sont propres, notamment sur le plan pharmacocinétique.

Jusqu'à récemment, plusieurs études proposaient une période de carence de 48 heures, en s'appuyant sur des taux de corticoïdes supérieurs à 100 pg/ml [1, 2]. Les méthodes de contrôle antidopage étant de plus en plus précises, il convient d'actualiser ces données [5, 6]. Ainsi, une période de carence de cinq jours après une injection par voie intraveineuse de Dexadreson® à la dose de 0,1 mg/kg semble raisonnable.

Il ne s'agit que d'une étude expérimentale. La certitude qu'un cheval sera négatif à un contrôle antidopage ne peut être apportée que par une analyse de dépistage.

Note :

  • (1) LCH : 15, rue de Paradis, 91370 Verrières-le-Buisson.

  • Les auteurs remercient le laboratoire Intervet, et notamment le docteur Anne Renault, pour leur participation active à cette étude.

Éléments à retenir

> La période de carence d'une substance à usage thérapeutique est le délai entre la dernière administration de celle-ci et le premier contrôle antidopage négatif.

> L'absence d'établissement d'une période de carence engage la responsabilité du praticien prescripteur.

> Aucune jument ne présente un contrôle positif cinq jours après la dernière administration de phosphate disodique de dexaméthasone.

Références

  • 1. Chapman DI, Moss MS, Whiteside J. The urinary excretion of synthetic corticosteroids by the horse. Vet. Rec. 1977 ; 100(21) : 447-450.
  • 2. Cunningham FE, Rogers S, Fisher JH et coll. The pharmacokinetics of dexamethasone in Thoroughbred racehorse. J. Vet. Pharmacol. Therap. 1996 ; 19(1) : 68-71.
  • 3. Dalstein S. Chevaux positifs au contrôle antidopage : origines non volontaires. Thèse de doctorat vétérinaire, Maisons-Alfort. 2000 : 175 p.
  • 4. Fédération nationale des courses française (FNCF). Code des courses. Titre IV. 1998 : 113-122.
  • 5. Gadot PM, Bonnaire Y. Les contrôles par prélèvements biologiques. Prat. Vét. Équine. 2000 ; 32 (n° spécial) : 111-118.
  • 6. Gadot PM. Prévention et conduite thérapeutique. Prat. Vét. Équine. 2000 ; 32 (n° spécial) : 123-127.
  • 7. Gierczak F Évolution et perspectives du contrôle antidopage chez le cheval. Thèse de doctorat vétérinaire, Lyon. 1994 : 168 p.
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