L'analyse urinaire : un examen complémentaire de choix en pratique équine - Pratique Vétérinaire Equine n° 151 du 01/07/2006
Pratique Vétérinaire Equine n° 151 du 01/07/2006

Auteur(s) : Valérie Picandet*, Isabelle Desjardins**

Fonctions :
*La Bramière, 86370 Vivonne
**Parc de Diane, 78350 Jouy-en-Josas

L'analyse urinaire peut être réalisée en pratique courante. C'est une méthode diagnostique complémentaire qui apporte des informations précieuses.

Face à un cheval malade, l'examen clinique approfondi est souvent insuffisant pour obtenir un diagnostic précis. C'est pourquoi il est important de savoir choisir les examens adaptés pour affiner celui-ci. L'analyse urinaire fait partie des examens complémentaires les plus intéressants et les moins invasifs. Elle est d'ailleurs beaucoup utilisée en médecine humaine et des animaux de compagnie. En médecine des équidés, celle-ci est souvent oubliée. Pourtant, certains spécialistes de médecine interne considèrent que les examens physique et biochimique des urines font partie intégrante de l'examen clinique du cheval. Cet article a pour but de décrire les différentes informations que le praticien peut obtenir à partir d'un prélèvement d'urine, que ce soit par l'examen visuel, biochimique, cytologique ou bactériologique. Cette analyse est utile non seulement lors de troubles urinaires, mais aussi dans une majorité de maladies métaboliques (voir le “Intérêt de l'analyse urinaire dans quelques affections métaboliques”).

Prélèvement d'urine et transport

Dans la plupart des cas, un prélèvement d'urine par récolte naturelle précipitée est suffisant. Cependant, il est difficile d'obtenir un prélèvement au moment voulu. Une astuce consiste à installer le cheval sur de la paille fraîche après un travail ou au retour du pré. Lors de prélèvement par récolte naturelle précipitée, il est préférable d'obtenir un échantillon prélevé en milieu de miction.

Une autre option est le cathétérisme urinaire. Chez la jument, il s'agit d'un acte facile à réaliser et relativement bien supporté. En revanche, chez le mâle et le hongre, la réalisation en est plus délicate et une tranquillisation est souvent nécessaire. Cependant, les tranquillisants habituellement utilisés chez le cheval, en particulier les α2-agonistes [28], modifient la densité et la composition de l'urine, et leur administration est déconseillée, notamment, quand des paramètres de la biochimie urinaire sont recherchés. Pour les mêmes raisons, il faut également éviter l'emploi de diurétiques. Chez les nouveau-nés, une mise en œuvre prudente de la technique de cystocentèse est possible.

Dans certains cas (hématurie essentielle, pyélonéphrite), la production urinaire de chacun des reins peut être prélevée en cathétérisant les uretères par voie cystoscopique.

Dans tous les cas, une fois le prélèvement obtenu, l'examen physique [16], la mesure de la densité au réfractomètre et quelques examens colorimétriques sommaires à l'aide de la bandelette urinaire peuvent être réalisés de suite. Ensuite, si nécessaire, il convient d'envisager son envoi à un laboratoire. L'urine doit être acheminée rapidement dans un récipient hermétique sous couvert du froid. En effet, dès 20 minutes après le prélèvement, les éléments figurés commencent à se dégrader.

Examen visuel

La couleur et la turbidité de l'urine sont deux éléments importants à considérer. L'urine du cheval est naturellement trouble car elle contient beaucoup de cristaux de carbonate de calcium et de mucus. Sa couleur peut aller de transparent à jaune foncé. L'observation donne une idée grossière de la densité urinaire. Dans certains cas (hématurie, hémoglobinurie, myoglobinurie), des pigments sont détectés dans l'urine, qui devient rouge, marron ou noire.

Mesure de la densité urinaire au réfractomètre

La densité urinaire révèle la quantité de solides totaux dans l'urine et permet d'évaluer sa concentration. Celle-ci peut être surestimée lors de protéinurie ou de glucosurie.

Dans ces derniers cas de figure, une évaluation de l'osmolalité urinaire est un meilleur indice de la concentration. La densité urinaire est étroitement dépendante de la filtration et surtout de la réabsorption de l'urine. C'est pourquoi elle est comparée avec la densité du plasma.

L'urine est normalement hypersthénurique (densité > 1 014), c'est-à-dire que sa densité est supérieure à celle du plasma, à la suite des différentes réabsorptions réalisées dans les tubules rénaux. Une urine fortement hypersthénurique (densité > 1 025) est un signe de déshydratation.

Lorsque l'urine a une densité inférieure à celle du plasma (densité < 1 008), on parle d'hyposthénurie. Dans ce cas, un défaut de réabsorption au niveau des tubules rénaux est alors à craindre (insuffisance rénale chronique de type polyuro-polydipsique). Mais l'urine est aussi hyposthénurique lorsque l'animal est fortement hydraté (polyurie lors de syndrome de Cushing, de diabète insipide ou psychogénique, de fluidothérapie à fort débit) ou qu'il a reçu des médicaments à effet diurétique (diurétiques, α2-agonistes). L'urine du poulain nouveau-né est normalement hyposthénurique en raison de son alimentation lactée et de la relative immaturité du fonctionnement rénal [20]. Une déshydratation importante est nécessaire avant que le rein concentre l'urine. C'est pourquoi, chez les nouveau-nés, la densité urinaire est un moyen de détection tardif de l'état d'hydratation.

Lorsque l'urine a une densité équivalente à celle du plasma (1 012-1 018), elle est dite isosthénurique. Cette situation est observée dans les cas d'insuffisance rénale les plus graves, où la filtration et la réabsorption sont affectées. En revanche, il ne faut pas oublier que la densité urinaire varie de manière importante au cours de la journée, en fonction des repas, de l'exercice et des prises de boisson. Il n'est pas possible d'établir un diagnostic sur un seul échantillon. La méthode idéale, qui n'est pas réalisable en pratique, serait de récolter l'urine sur une journée entière et de faire l'analyse sur un échantillon du mélange obtenu. Le praticien ne doit pas hésiter à procéder à plusieurs prélèvements. Cette remarque est valable pour l'ensemble des analyses urinaires décrites dans la suite de cet article.

Bandelette urinaire

L'utilisation de la bandelette urinaire () permet d'obtenir une évaluation simple et immédiate, semi-quantitative, de quelques paramètres biochimiques importants. Elle est indiquée pour toute atteinte du tractus urinaire, mais aussi lors de l'évaluation de la plupart des troubles métaboliques. Beaucoup de bandelettes urinaires proposent un choix standard dont les paramètres les plus intéressants sont : le pH, la protéinurie, la glucosurie et la pigmenturie. Certaines bandelettes présentent également une évaluation de la densité urinaire, mais celle-ci n'est pas fiable et il convient d'utiliser le réfractomètre pour ce paramètre [16]. L'évaluation des leucocytes urinaires par la bandelette n'a pas été validée chez le cheval [16].

pH urinaire

Chez le cheval, comme chez l'ensemble des herbivores, le pH urinaire est alcalin [11], mais il reste très variable en fonction de la ration alimentaire [7 à 9]. Chez le poulain, l'urine très diluée a un pH proche de la neutralité [24]. L'urine a tendance à s'acidifier lors d'acidose métabolique en cas d'exercice intense, de déshydratation, d'anorexie… Un état d'acidurie paradoxale est parfois observé (associé à une alcalose métabolique) lors d'hypokaliémie sévère. Enfin, le métabolisme bactérien lors d'infection urinaire induit également une acidification de l'urine.

Protéinurie

D'après des études sur des chevaux normaux, il existe naturellement une excrétion de faibles quantités de protéines dans l'urine (> 100 mg/dl). De plus, le réactif utilisé sur les bandelettes urinaires a tendance à faussement réagir en milieu alcalin, ce qui est souvent le cas avec de l'urine de cheval. C'est pourquoi la présence d'une faible réaction positive sur la bandelette n'est pas considérée comme significative chez le cheval. En cas de suspicion de protéinurie, l'urine peut être acidifiée avant de refaire le test, mais il est conseillé d'utiliser des méthodes de dosage quantitatives plus précises. Pour corriger l'effet de la variation de la concentration urinaire au cours de la journée, le rapport protéinurie/créatininurie est utilisé. Bien qu'aucune validation de ce test n'ait encore été proposée chez le cheval, il est considéré que ce rapport ne doit pas être supérieur à 2/1 chez le cheval normal [24]. Lorsqu'une protéinurie est détectée, le diagnostic différentiel inclut principalement les maladies glomérulaires (très rares) et les infections urinaires (plus fréquentes). Une protéinurie est également parfois observée lors de forte fièvre associée à une congestion rénale [16] et de déshydratation sévère avec une altération du flux sanguin rénal [7].

Glucosurie

L'urine d'un cheval normal ne contient pas de glucose. Une glucosurie apparaît le plus souvent lors d'hyperglycémie (> 150 mg/dl), lorsque le seuil de réabsorption rénale est dépassé. Elle peut donc être observée lors de stress, après un exercice intense, en cas de sepsis, de syndrome de Cushing, de diabète sucré, ou après l'administration de glucose, de corticostéroïdes ou d'α2-agonistes. Lorsqu'une glucosurie est observée en l'absence d'hyperglycémie, une atteinte tubulaire, le plus souvent liée à une insuffisance rénale aiguë, est suspectée.

Pigmenturie

Bien que souvent détectable à l'œil nu, la présence de pigments d'hémoglobine ou de myoglobine est parfois découverte sur la bandelette urinaire (). Toutefois, cette technique ne permet pas de déterminer l'origine des pigments. En effet, cette réaction peut être observée lors de myoglobinurie dans les cas de myopathie, lors d'hémoglobinurie dans les cas d'hémolyse intravasculaire, lors d'hématurie, qui peut avoir de multiples origines (atteinte du rein ou du tractus urinaire, coagulopathie).

Pour faire la différence entre la présence de globules rouges et celle de pigments libres, il suffit de centrifuger ou de faire sédimenter l'urine, puis d'observer à l'œil nu ou au microscope le culot urinaire à la recherche de globules rouges. S'il s'agit d'un pigment libre, la nature en est déterminée grâce aux analyses sanguines (hémoglobinémie versus élévation des enzymes musculaires). Il existe également un test de précipitation au sulfate d'ammonium qui permet de détecter la présence de myoglobine dans l'urine [4].

Examen du sédiment urinaire

L'analyse du sédiment urinaire apporte des informations très utiles sur la présence d'une maladie rénale dans la mesure où, souvent, des modifications cytologiques apparaissent bien avant que l'urée et la créatinine sanguines ne soient élevées. Une quantité de 8 à 10 ml d'urine fraîchement prélevée (dans les 15 à 30 minutes précédentes) est centrifugée (5 minutes à 1 500 rpm) et le sédiment est examiné au microscope [16].

Cristaux

Le sédiment urinaire normal contient de nombreux cristaux de carbonate de calcium de taille variable, et souvent une plus petite quantité de cristaux de phosphate tricalcique et d'oxalate de calcium [16] (). Les cristaux de carbonate de calcium sont plus nombreux chez les chevaux consommant du foin de luzerne [7].

Lorsque les cristaux sont trop nombreux, l'ajout de quelques gouttes d'acide acétique à 10 % permet de les dissoudre pour mieux examiner le sédiment urinaire [15]. La présence de nombreux cristaux d'oxalate de calcium est anormale, mais n'est pas pathognomonique d'une néphropathie induite par des oxalates [1, 19].

La présence de nombreux cristaux dans l'urine ne permet en aucun cas de conclure à la présence d'un calcul urinaire (). Les urolithiases sont rares chez le cheval [17] et leur présence se traduit par une protéinurie, une hématurie et une pyurie [10].

Cellules

Le sédiment urinaire de chevaux sains contient très peu de cellules. La présence d'un à cinq globules rouges et globules blancs par champ microscopique [2] est considérée comme normale si le prélèvement est obtenu par cathétérisme atraumatique. Jusqu'à huit cellules par champ microscopique (globules rouges et globules blancs) sont retrouvées physiologiquement lorsque le prélèvement est issu d'une miction [16].

Érythrocytes

L'augmentation de l'excrétion urinaire des érythrocytes conduit à une hématurie macro- ou microscopique [24]. Une hématurie microscopique correspond à environ 10 mille à 2,5 millions de globules rouges par ml d'urine, une hématurie macroscopique à 2,5 à 5 millions de globules rouges par ml d'urine (ou 0,5 ml de sang par ml d'urine) [12, 18, 26]. Lors de l'examen cytologique du sédiment urinaire, la présence de plus de huit globules rouges par champ microscopique indique une hématurie [16]. L'examen cytologique renseigne aussi sur la cause de l'hématurie microscopique. Lorsqu'il s'agit d'une origine glomérulaire, la taille des globules rouges, leur forme et leur contenu en hémoglobine sont très variables (“dysmorphisme” des érythrocytes), alors que les saignements issus d'autres sites produisent une population uniforme de globules rouges urinaires [18, 12, 22]. Les causes d'hématurie micro- ou macroscopique sont variées. Celle-ci est soit d'origine strictement urinaire, soit associée à une maladie systémique (voir l'encadré “Diagnostic différentiel de l'hématurie chez le cheval”).

Leucocytes

La présence de plus de huit globules blancs par champ microscopique indique une pyurie [16]. Chez la jument, il est particulièrement important d'examiner le tractus reproducteur pour exclure une infection génitale [9]. La pyurie indique une inflammation urinaire, septique ou non septique. La présence d'amas de leucocytes augmente la probabilité d'une infection [16].

Cellules épithéliales

Occasionnellement, chez des chevaux sains, des cellules épithéliales transitoires sont présentes dans l'urine. Un nombre important de cellules épithéliales transitoires accompagne un néoplasme urinaire, un traumatisme ou une abrasion du tractus urinaire. Des cellules épithéliales squameuses sont parfois aussi observées dans le sédiment urinaire ; celles-ci ne sont pas issues du tractus urinaire et n'ont pas de signification cytologique particulière [16].

Cylindres

Les cylindres sont des moulages de protéines et de cellules qui se forment à l'intérieur de la lumière des tubules distaux. Ils sont rarement présents dans l'urine des chevaux sains.

Les cylindres cellulaires sont particulièrement fragiles et sont facilement indétectables si l'urine a été stockée trop longtemps avant l'examen. Les cylindres cellulaires sont toujours considérés comme pathologiques quelle que soit leur quantité. Leur présence indique un processus pathologique accélérant la mort des cellules rénales ou leur dégénérescence, ou bien une perte glomérulaire de protéines. Les cylindres se forment moins volontiers et sont moins stables dans une urine alcaline, car un pH basique entraîne la dissolution de la matrice protéique des cylindres. D'après Kohn et Chew (1987), une grande variété de cylindres se trouve dans l'urine des chevaux présentant une maladie rénale. Il est facile d'identifier le type cellulaire de cylindres lorsque la morphologie cellulaire est préservée ; lorsque le type cellulaire n'est pas identifiable, on parle de cylindres dégénérés. Les cylindres cellulaires contiennent des globules rouges ou des globules blancs ou des cellules épithéliales tubulaires. Les cylindres de globules rouges sont occasionnellement rencontrés lors de glomérulonéphrite aiguë, et après un traumatisme ou une biopsie rénale. Les cylindres de globules blancs indiquent une inflammation rénale, souvent liée à une infection bactérienne. Les cylindres de cellules épithéliales résultent de la desquamation des cellules tubulaires rénales qui fait suite à une lésion sévère ischémique ou néphrotoxique.

Les cylindres granulaires sont plus souvent rencontrés que les cylindres cellulaires lors de maladie tubulaire rénale ischémique ou néphrotoxique. L'urine des chevaux sains ne comporte pas plus d'un cylindre granulaire par champ microscopique.

Les cylindres cireux représentent le produit de dégradation final des cylindres cellulaires. Leur formation demande un temps prolongé à l'intérieur du rein, donc implique une stase du flux urinaire. Ils ne sont jamais observés chez des chevaux sains. Ils ne sont pas fragiles et sont stables dans l'urine quel que soit le pH [16].

Les cylindres hyalins sont des précipitas de matrice mucoprotéique [8] et peuvent être retrouvés chez des chevaux atteints de maladie rénale ou occasionnellement chez des chevaux sains. La précipitation des mucoprotéines dans la lumière tubulaire est stimulée par la présence de protéines sériques, habituellement absentes du filtrat tubulaire.

Les pseudocylindres sont des éléments artéfactuels, constitués d'agrégats de mucus et de débris, dont la longueur et le diamètre sont variables [16].

Bactéries

Lorsqu'un échantillon d'urine issu d'un cheval sain est collecté de façon adéquate et que celle-ci est examinée rapidement, aucune bactérie n'est observée à l'examen cytologique du prélèvement, ou seulement quelques-unes. Lorsque des bactéries sont observées (coques ou bâtonnets), une coloration de Gram et une mise en culture sont requises [16]. L'absence de bactéries visibles dans le sédiment urinaire ne permet toutefois pas d'exclure une infection car au moins 10 000 bâtonnets par ml d'urine et au moins 100 000 coques par ml d'urine doivent être présents pour être détectés microscopiquement [8].

Autres éléments

Des spermatozoïdes sont fréquemment retrouvés dans le sédiment urinaire d'étalons. Des corps étrangers végétaux (fibre végétale de foin, paille…) peuvent être présents dans les échantillons issus de miction naturelle [16].

Biochimie urinaire

Détection des protéines urinaires

Le dosage des protéines et la mesure du rapport protéinurie/créatininurie ont été discutés précédemment. De plus, la détection de protéines spécifiques dans l'urine peut être pathognomonique de certaines maladies (pour exemple, les protéines de Bence Jones lors de myélome multiple).

Enzymologie urinaire

Bien que plus de 40 enzymes aient été détectées dans l'urine du cheval, seulement quelques-unes sont utiles au diagnostic des affections rénales. Parmi elles, la gamma-glutamyltransférase (GGT) est la plus utilisée. Cette enzyme est trop grosse pour être filtrée par les glomérules. Par conséquent, les enzymes détectées dans l'urine ont pour origine les cellules du tractus urinaire et particulièrement les cellules tubulaires rénales. En cas de destruction tubulaire massive, leur concentration urinaire augmente significativement. Comme pour les protéines, pour corriger l'effet de la variation de la concentration urinaire, un rapport avec la créatinine urinaire est utilisé. L'activité enzymatique de la GGT est exprimée en UI/g de créatinine. Chez le cheval normal, elle ne dépasse pas 25 UI/g Cr [24]. Toutefois, c'est un paramètre tellement sensible que seules les valeurs qui dépassent 100 UI/g Cr sont considérées comme significatives. Cette anomalie est observée lors d'atteinte des tubules proximaux qui peut être due à une administration médicamenteuse (toxicité des aminoglycosides comme la gentamicine) ou à une ischémie (lors d'entérocolite, de coliques, d'endotoxémie). La sensibilité extrême de cette mesure en fait un paramètre souvent difficile à interpréter dans le contexte clinique [24].

Il est également possible de doser, de la même manière, l'activité des PAL et des LDH urinaires, mais il existe moins de données sur leur interprétation. Toutes ces enzymes sont spécifiques des cellules tubulaires rénales. Elles permettent une détection très précoce de l'atteinte tubulaire (plusieurs jours avant l'élévation de la créatinine) [3], mais elles n'ont pas d'intérêt dans la détection d'une atteinte glomérulaire (déshydratation, intoxication aux AINS).

Fractions d'excrétion des électrolytes

La concentration urinaire en électrolytes est un reflet de la fonction tubulaire. Pour évaluer et comparer ces paramètres, le calcul de leur fraction d'excrétion est utilisé, c'est-à-dire le rapport de concentration en électrolytes entre l'urine et le plasma. Pour corriger les variations de concentration urinaire au cours de la journée, le taux de filtration glomérulaire est évalué en utilisant le rapport entre les taux de créatinine plasmatique et urinaire. Ainsi, par exemple, la fraction d'excrétion du sodium s'exprime comme suit :

Ainsi, pour obtenir ce paramètre, il convient d'effectuer un prélèvement d'urine et un prélèvement sanguin dans la même journée, et de les faire analyser par le même laboratoire.

Les électrolytes les plus significatifs dans l'évaluation de la fonction tubulaire sont le sodium, le phosphore et le chlore (voir le “Les valeurs normales des fractions d'excrétion des différents électrolytes”). En effet, ces électrolytes sont presque totalement réabsorbés en temps normal. L'augmentation de leur fraction d'excrétion peut être un indicateur précoce d'une atteinte tubulaire rénale, mais les valeurs sont très variables en fonction de l'âge, de l'alimentation, de l'exercice ou lors de fluidothérapie. C'est pourquoi leur interprétation est parfois difficile et demande une certaine expérience.

Les fractions d'excrétion des électrolytes sont également utilisées dans les études sur le métabolisme et les rations alimentaires. En effet, pour les électrolytes principalement intracellulaires (potassium, calcium, phosphore), la fraction d'excrétion est bien plus précise que le dosage plasmatique pour évaluer les réserves corporelles. Lorsque les fractions d'excrétion sont basses, il est conclu à une déplétion corporelle pour l'ion concerné et une complémentation alimentaire est recommandée. Cette évaluation semble particulièrement pertinente dans les cas de myopathie récurrente induite à l'exercice, où les fractions d'excrétion en sodium et en potassium peuvent être basses [21].

Bactériologie urinaire

Les infections urinaires ne sont pas fréquentes chez le cheval. Que l'infection concerne le tractus urinaire haut ou bas, elle est dans la plupart des cas secondaire à un phénomène comme une septicémie (poulains), un cathétérisme urinaire, un néoplasme, une urolithiase, une paralysie vésicale, etc. [9].

L'urine est recueillie dans un contenant stérile. La méthode de collection d'urine influence les caractéristiques chimiques et cellulaires de celle-ci et doit être mentionnée à l'intention du laboratoire. La contamination du prélèvement par l'urètre distal, le tractus génital, la peau et l'environnement peut rendre difficile l'interprétation des résultats. Un prélèvement en milieu de miction permet de minimiser la contamination par un effet de “flush” [16]. Lorsque l'urine est prélevée pour un examen bactériologique, elle doit être mise en culture dans les 30 minutes suivant le prélèvement ou, à défaut, réfrigérée pour éviter la prolifération des bactéries contaminantes à température ambiante [13].

Une analyse aéro-anaérobie avec antibiogramme est adressée au laboratoire, et la croissance de 104 ou, davantage, de micro-organismes par ml d'urine confirme un diagnostic d'infection urinaire [13, 27]. Les résultats sont à interpréter à la lumière des examens clinique et cytologique urinaires (présence de plus de dix globules blancs par champ microscopique) [25].

Les bactéries les plus fréquemment isolées lors d'infection urinaire chez le cheval sont les Gram négatives, comme E. coli, Proteus mirabilis, Klebsiella spp., Enterobacter spp. [9]. Pseudomonas aeruginosa peut être responsable d'infections urinaires basses, mais est aussi isolé de l'urètre de nombreux chevaux normaux [9]. Streptococcus spp. et Staphylococcus spp. sont moins fréquemment identifiés [9, 23]. En plus de ces micro-organismes, lors de pyélonéphrite, il est possible d'isoler Actinobacillus equuli, Streptococcus equi, Rhodococcus equi et Salmonella spp. [9].

Ainsi, l'analyse urinaire est un outil diagnostique simple et utile dans de nombreux cas cliniques en pratique équine, et il ne faut pas la réserver aux troubles urinaires. En effet, elle est une aide au diagnostic et lors du suivi de la plupart des maladies métaboliques.

  • Remerciements au Pr Michel Desnoyers, Faculté de médecine vétérinaire, Universitaire de Montréal, Canada.

Éléments à retenir

> Le prélèvement d'urine par récolte naturelle précipitée est souvent suffisant pour obtenir un bon échantillon.

> La mesure de densité urinaire permet d'apprécier l'état d'hydratation de l'animal si la fonction urinaire est normale.

> La bandelette urinaire permet d'obtenir immédiatement des informations utiles pour le diagnostic.

> La mesure des enzymes urinaires et celle de la fraction d'excrétion des électrolytes sont des méthodes précises d'évaluation de la fonction urinaire, mais leurs résultats sont souvent difficiles à interpréter dans le contexte clinique.

Diagnostic différentiel de l’hématurie chez le cheval

Références

  • 1 - Adams R. Acute renal failure. In : Robinson NE eds. Current Therapy in Equine Medicine. 3rd ed. WB Saunders, Philadelphia. 1987 ; 693-698.
  • 2 - Barsanti JA, Finco DR. Protein concentration in urine of normal dogs. Am. J. Vet. Res. 1979 ; 40(11) : 1583-1588.
  • 3 - Bayly WM, Borbst DS, Elfers RS et coll. Serum and urine biochemistery and enzyme changes in ponies with acute renal failure. Cornell Vet. 1986 ; 76 : 306.
  • 4 - Blondheim SH, Margoliash E, Shafrir E. A simple test for myoglobinuria. J. Am. Med. Ass. 1958 ; 167 : 453.
  • 5 - Borbst DF, Parry BE. Normal clinical pathology data. In : Robinson NE eds. Current therapy in equine medicine. 2e ed. WB Saunders, Philadelphia. 1987.
  • 6 - Brewer BD, Clement SF, Lotz WF et coll. Renal clearance, urinary excretion of endogenous substances, andurinary indices in neonatal foals. J. Vet. Intern. Med. 1991 ; 15 : 28.
  • 7 - Carlson GP. Clinical chemistry tests. In : Smith BP ed. Large Animal Internal Medicine. Mosby Cie, St Louis. 2002 : 389-414.
  • 8 - Chew DJ. Urinalysis. In : Bovee KC eds. Canine Nephrology. Media, PA, Harwell Publishing. 1984 : 235-274.
  • 9 - Divers TJ, VanMetre DC. Alteration in urinary function. In : Smith BP ed. Large Animal Internal Medicine. Mosby Cie, St Louis. 2002 : 171-181.
  • 10 - Düsterdiek KF. Obstructive disease of the urinary tract. In : Robinson NE. Current therapy in equine medicine. 5th ed. Saunders Cie, Philadelphia. 2003 : 832-834.
  • 11 - Edwards DJ, Brownlow MA, Hutchins DR. Indices of renal function : reference values in normal horses. Aust. Vet. J. 1986 ; 66 : 60.
  • 12 - Fairley KF, Birch DF. Microscopic urinalysis in glomerulonephritis. Kidney Int. Suppl. 1993 ; 42 : S9-12.
  • 13 - Farrar WE Jr. Infections of the urinary tract. Med. Clin. North Am. 1983 ; 67(1) : 187-201.
  • 14 - Fintl C, Milne EM, McGorum BC. Evaluation of urinalysis as an aid in the diagnosis of equine grass sickness. Vet. Rec. 2002 ; 151(24) : 721-724.
  • 15 - Fish PA. The examination of the urine of the horse and man. 3rd ed. Ithaca, New York, Comstock Publishing. 1919.
  • 16 - Kohn CW, Chew DJ. Laboratory diagnosis and characterization of renal disease in horses. Vet. Clin. North Am. Equine Pract. 1987 ; 3(3) : 585-615.
  • 17 - Laverty S, Pascoe JR, Ling GV, Lavoie JP, Ruby AL. Urolithiasis in 68 horses. Vet. Surg. 1992 ; 21(1) : 56-62.
  • 18 - Levey AS, Madaio MP, Perrone RD. Laboratory assessment of renal disease : clearance, urinalysis and renal biopsy. In : Brenner BM, Rector FC eds. The Kidney. 6th ed. vol. 1er. WB Saunders, Philadelphia. 2001.
  • 19 - Mair TS, Osborn RS. The crystalline composition of normal equine urine deposits. Equine Vet. J. 1990 ; 22(5) : 364-365.
  • 20 - Martin RG, McMeniman NP, Dowsett KF. Milk and water intakes of foal milking grazing mares. Equine Vet. J. 1992 ; 24 : 295.
  • 21 - McKenzie EC, Valberg SJ, Godden SM et coll. Comparison of volumetric urine collection versus single sample urine collection in horses consuming diet varying in cation-anion balance. Am. J. Vet. Res. 2003 ; 64 : 284.
  • 22 - Pollock C, Pei-Ling L, Györi AZ et coll. Dysmorphisms of urinary red blood cells : value in diagnosis. Kidney Int. 1989 ; 36 : 1045.
  • 23 - Roberts MC. Ascending urinary tract infection in ponies. Aust. Vet. J. 1979 ; 55(4) : 191-193.
  • 24 - Schott HC. Hematuria. In : Equine Internal Medicine. 2nd ed. Reed SM, Bayly WM, Sellon DC eds. Saunders, St Louis. 2004 : 1270-1276.
  • 25 - Schott HC. Examination of the urinary system. In Reed SM : Equine internal medicine. 2nd ed. Saunders, St Louis. 2004 : 1200-1220.
  • 26 - Schott HC, Hodgson DR, Bayly WM. Haematuria, pigmenturia and proteinuria in exercising horses. Equine Vet. J. 1995 ; 27(1) : 67-72.
  • 27 - Stamm WE. Measurement of pyuria and its relation to bacteriuria. Am. J. Med. 1983 ; 28 ; 75(1B) : 53-8.
  • 28 - Trim CM, Hanson RR. Effects of xylazine onrenal function and plasma glucose in ponies. Vet. Rec. 1986 ; 118 : 65.
Formations e-Learning

Nouveau : Découvrez le premier module
e-Learning du PointVétérinaire.fr sur le thème « L’Épanchement thoracique dans tous ses états »

En savoir plus

Boutique

L’ouvrage ECG du chien et du chat - Diagnostic des arythmies s’engage à fournir à l’étudiant débutant ou au spécialiste en cardiologie une approche pratique du diagnostic électrocardiographique, ainsi que des connaissances approfondies, afin de leur permettre un réel apprentissage dans ce domaine qui a intrigué les praticiens pendant plus d’un siècle. L’association des différentes expériences des auteurs donne de la consistance à l’abord de l’interprétation des tracés ECG effectués chez le chien et le chat.

En savoir plus sur cette nouveauté
Découvrir la boutique du Point Vétérinaire

Agenda des formations

Calendrier des formations pour les vétérinaires et auxiliaires vétérinaires

Retrouvez les différentes formations, évènements, congrès qui seront organisés dans les mois à venir. Vous pouvez cibler votre recherche par date, domaine d'activité, ou situation géographique.

En savoir plus


Inscrivez-vous gratuitement à notre Newsletter

Découvrez en avant-première chaque mois le sommaire du Pratique Vétérinaire Equine.

Vidéo : Comment s'inscrire aux lettres d'informations du Point Vétérinaire

Retrouvez-nous sur
Abonné à Pratique Vétérinaire Equine, retrouvez votre revue dans l'application Le Point Vétérinaire.fr