Attitude pratique face aux stéréotypies chez le cheval - Pratique Vétérinaire Equine n° 146 du 01/04/2005
Pratique Vétérinaire Equine n° 146 du 01/04/2005

Auteur(s) : Christelle Falewee*, Emmanuel Gaultier**, Vincent Boureau***, Patrick Pageat****

Fonctions :
*Département animaux de compagnie, de sport
et vie sauvage, Centre de recherche Phérosynthèse
“Communication chimique et bien-être animal”,
Le Rieu-Neuf, 84490 Saint-Saturnin-d'Apt
**Département animaux de compagnie, de sport
et vie sauvage, Centre de recherche Phérosynthèse
“Communication chimique et bien-être animal”,
Le Rieu-Neuf, 84490 Saint-Saturnin-d'Apt
***Clinique de la Châtaigneraie,
44240 Sucé-sur-Erdre
****Département animaux de compagnie, de sport
et vie sauvage, Centre de recherche Phérosynthèse
“Communication chimique et bien-être animal”,
Le Rieu-Neuf, 84490 Saint-Saturnin-d'Apt

Faciles à diagnostiquer, les stéréotypies requièrent cependant une approche clinique rigoureuse qui permet de s'assurer de la motivation des propriétaires et de prescrire le traitement adapté.

S'il n'existe pas de consensus sur la pathogénie des stéréotypies, les nombreuses études réalisées dans ce domaine ont permis de dégager une liste importante de paramètres environnementaux susceptibles d'engendrer, d'entretenir ou d'aggraver les stéréotypies. De plus, des travaux récents axés sur l'étude de la clinique comportementale des chevaux présentant des stéréotypies permettent au praticien de déterminer leur état pathologique [c]. Disposant de l'ensemble de ces informations, il est possible de fournir une réponse fiable et efficace à de nombreux cas de stéréotypies.

Reste qu'il convient de suivre un cheminement qui relève de la démarche médicale : sémiologie, diagnostic, traitement.

La sémiologie

Les champs d'investigation

L'un des nombreux pièges de la consultation comportementale consiste à se focaliser sur le motif de la visite et à omettre d'explorer les autres domaines de l'éthogramme. Dans le cas des stéréotypies, le risque est d'autant plus grand que le motif de la consultation est au premier plan et retient immédiatement l'attention [a].

Cependant, le vétérinaire doit s'attacher à relever les autres aspects de l'éthogramme qui lui apporteront des éléments déterminants pour la mise en place du traitement et l'établissement d'un pronostic fiable.

Le bilan comportemental doit donc prendre en compte divers aspects de la stéréotypie et du comportement général du cheval, mais il doit également permettre au praticien de se renseigner sur son mode de vie. En effet, de nombreux facteurs environnementaux influent sur la genèse et l'expression des stéréotypies [23].

Enfin, le vétérinaire ne doit pas omettre le bilan médical de l'animal, indispensable pour interpréter au mieux la sémiologie comportementale, en s'attachant tout particulièrement aux affections somatiques susceptibles de générer ou d'aggraver l'expression des comportements stéréotypés.

La reformulation du discours du propriétaire

Tout comme en pathologie comportementale des carnivores, le discours des propriétaires est souvent emprunt d'interprétations relevant de l'anthropomorphisme. De plus, les cavaliers possèdent un langage bien spécifique, qu'il est important de clarifier : il est toujours fâcheux de s'apercevoir qu'une même signification ne se prête pas aux mêmes termes.

Le praticien doit donc s'attacher à recueillir des informations factuelles qu'il lui est souvent nécessaire de reformuler en termes médicaux.

Le motif de consultation

Caractériser le comportement gênant

Le comportement qui motive la consultation entraîne toujours une gêne pour le propriétaire. Cette manifestation présente pour ce dernier un préjudice, un caractère dangereux, incompréhensible, honteux ou simplement nuisible lors de l'utilisation de l'animal [3] (). En explorant le motif de la consultation, le vétérinaire s'informe également sur la nature et la portée du préjudice subi par les propriétaires, car il représente un bon indicateur de leur motivation à traiter l'animal [20]. Cela permet, en effet, au praticien d'adapter les mesures thérapeutiques en fonction de cette motivation.

Exploration du comportement stéréotypé

Les stéréotypies sont, par définition, des successions d'actes sans fonction évidente, exécutés de façon répétitive. En premier lieu, le praticien se fait décrire la séquence comportementale (s'il n'a pas la possibilité de l'observer directement) : dans quel(s) contexte(s) la stéréotypie apparaît-elle ? Y a-t-il une variation de l'intensité de cette dernière en fonction du contexte ? Quelle est sa durée d'expression ? S'arrête-t-elle spontanément ou une intervention extérieure est-elle nécessaire ? Une fois la stéréotypie arrêtée, le cheval semble-t-il apaisé ou recommence-t-il aussitôt ? Toutes ces indications informent le vétérinaire sur le degré d'évolution du trouble : plus la stéréotypie est durable, rigide et envahissante, plus le traitement sera long et plus le pronostic sera sombre. De plus, les informations sur la durée et la fréquence des séquences permettent au praticien de disposer de repères chiffrés objectifs et fiables pour estimer, lors des consultations ultérieures, l'efficacité des mesures thérapeutiques prescrites [29].

Le vétérinaire interroge le propriétaire sur l'évolution des comportements stéréotypés, et, plus particulièrement, sur les conditions d'apparition du phénomène. Il convient qu'il repose les questions précédentes, en les appliquant cette fois-ci à la période d'apparition du comportement incriminé.

L'examen clinique général

Dans le cadre de la consultation de pathologie comportementale, le vétérinaire ne peut faire l'économie d'un examen clinique complet, et ce pour deux raisons essentielles : il doit repérer les éventuelles affections organiques responsables de troubles comportementaux et mettre en évidence des lésions potentiellement liées au trouble émotionnel (dermite d'automutilation ou self-trauma, lésions liées aux stéréotypies, mauvais état général de l'animal) [15].

La première étape consiste en une observation générale de l'animal qui donne des informations notamment sur son état d'embonpoint (). Ces données sont à rapprocher de celles obtenues lors de l'exploration du comportement alimentaire. Il convient de noter que des stéréotypies anciennes sont souvent associées à un état de maigreur, et ce, même si une polyphagie peut être rapportée par le propriétaire [12].

Les signes neurovégétatifs, visibles ou rapportés [tachycardie, tachypnée, diarrhée () ou colite chronique, sudation, mictions et/ou défécations à répétition], qui accompagnent les réponses émotionnelles n'ont d'intérêt que s'ils s'expriment avec intensité ou à une forte fréquence [32].

D'autres éléments doivent être recherchés dans les commémoratifs, car ils sont fréquemment associés aux troubles comportementaux : coliques sans support organique avéré (dites “coliques de stress”), ulcères gastriques récidivants, potomanie et état d'entretien (obésité, cachexie) [5].

L'évaluation du comportement du cheval

Observation directe du comportement

Certains éléments de l'éthogramme sont accessibles par simple observation de l'animal lors de la consultation [a].

• Le niveau de vigilance doit être noté et caractérisé, principalement si le propriétaire signale que le cheval est souvent “sur l'œil”. Cette hypervigilance peut être caractéristique d'un état anxieux ou phobique. L'hyperesthésie, qui se manifeste par de vives réactions à la moindre stimulation (), témoigne elle aussi de ces états d'anxiété ou de phobie [1, a].

• L'observation du comportement exploratoire, en particulier d'objets ou de personnes inconnus, peut apporter certaines indications. Lors de stéréotypies évoluées, le comportement exploratoire est généralement inhibé.

• La socialisation à l'espèce humaine est évaluée à travers la facilité de contention et de réalisation de l'examen clinique. Il convient de noter la survenue éventuelle d'une agression et d'objectiver la structure de la séquence afin de discriminer les états réactionnels et l'agressivité instrumentalisée. Une agression par peur peut également être observée dans des situations dites fermées ou perçues comme telles par l'animal. Elle se rencontre fréquemment lors d'état phobique ou d'anxiété intermittente [32].

Entretien avec le propriétaire

L'entretien avec le propriétaire permet bien souvent d'explorer des comportements non observables directement lors de la consultation : comportements centripètes, centrifuges et mixtes. En effet, si les stéréotypies constituent la perturbation comportementale la plus évidente du tableau clinique, il est habituel de les trouver associées à des perturbations des grandes fonctions comportementales (voir l'encadré “Comportements à évaluer d'après le discours du propriétaire”).

Le passé comportemental

Les troubles du développement sont déterminants dans la genèse des troubles comportementaux. L'installation d'un seuil d'homéostasie élevé diminue de manière significative le risque d'apparition des troubles comportementaux. Ce seuil élevé est favorisé par un environnement riche en stimuli lors du développement du poulain. Le contact avec des partenaires sociaux dans la période entre le sevrage et le débourrage permet également la mise en place des règles de communication au sein de l'espèce, ce qui a pour conséquence de diminuer l'aspect anxiogène inhérent aux interactions sociales [13].

Les contacts avec l'homme revêtent une importance toute particulière dans les espèces appelées à vivre constamment à son contact. Il est donc essentiel de prêter une attention particulière aux périodes de sevrage et de débourrage, événements traumatisants pouvant perturber de façon durable l'état émotionnel de l'animal.

Le mode de vie

Il convient d'appréhender le mode de vie du cheval lors de la consultation, car les troubles gênants dérivent souvent d'une inadéquation entre ses conditions de vie et les besoins de l'espèce. De plus, comme nous le verrons par la suite, le traitement et la prévention des stéréotypies passent par une meilleure gestion de l'espace imparti à l'animal, de la possibilité de contacts avec les congénères, des budgets-temps, mais également par une compréhension réciproque entre l'homme et le cheval [15]. Ces facteurs sont autant de points qu'il convient de vérifier via le discours du propriétaire, ses réactions face à l'animal et l'environnement dans lequel ce dernier évolue. Il convient de s'intéresser particulièrement au temps que l'animal passe seul au box, à ses possibilités d'interactions sociales intra- ou interspécifiques (durée, fréquence, qualité, etc.), au type de travail auquel il est soumis (discipline, niveau du cavalier, intensité et fréquence), ainsi qu'aux éventuelles perturbations notées dans le travail [26].

À l'issue de cette phase exploratoire, après avoir exclu les causes organiques, le vétérinaire connaît l'état pathologique de l'animal (phobie ou anxiété), son stade d'évolution (aigu ou chronique) et les facteurs environnementaux susceptibles d'avoir provoqué ou d'entretenir ces troubles. Il dispose donc de tous les éléments nécessaires pour construire un protocole thérapeutique optimal.

Prise en charge des stéréotypies

Moyens coercitifs

De nombreux moyens physiques sont utilisés avec plus ou moins de succès pour lutter contre les stéréotypies. Il est fréquent de croiser, dans les installations équestres, des portes de box agrémentées de grilles pleines ou évasées (dites “en col de cygne”) ou des chevaux portant un collier antitiqueur ( et ), voire même entravés. D'autres techniques existent qui sont moins visibles pour un œil peu expérimenté. Ainsi, certains vont jusqu'à badigeonner les portes de substances répulsives ou les munir de protections électriques [16].

Toutes ces mesures peuvent être comparées à des “traitements symptomatiques” indépendants de la cause qui a engendré la stéréotypie. Néanmoins, elles sont rarement efficaces, car l'état anxieux des animaux en est souvent aggravé, avec pour conséquence directe une modification d'expression de la stéréotypie, voire le développement d'un nouveau tic… En effet, ces techniques induisent bien souvent un isolement plus important de l'animal, une perturbation de son comportement alimentaire, une perturbation de l'autotoilettage et, indirectement, l'apparition de comportements agressifs et d'une plus grande réactivité. Une amplification du phénomène est observée et un effet rebond survient dès l'arrêt de ces méthodes [16].

Le propriétaire s'engage alors dans une escalade de la coercition, allant même jusqu'à faire pratiquer chez son animal des myectomies ou des névrectomies pharyngiennes !

Face à l'efficacité limitée de ces méthodes coercitives ou punitives éthiquement discutables et les contraintes qu'elles impliquent, ces dernières ne devraient être utilisées uniquement en dernier recours, quand l'intégrité physique du cheval se trouve menacée [18] ?

Traitements chimiques

De nombreux auteurs font état de l'utilisation de psychotropes dans le traitement des stéréotypies chez les carnivores domestiques [9], les animaux des parcs zoologiques [34], les primates [10] et le cheval [3, 7, 8, 21, 30].

Les stéréotypies sont alors parfois classées en deux catégories [21] :

- les stéréotypies à médiation endorphinique qui répondent plutôt à une chimiothérapie à base d'antagonistes opiacés (“tic à l'appui”, tournis) ;

- les stéréotypies à médiation dopaminergique qui répondent plutôt aux antagonistes dopaminergiques ou aux agonistes sérotoninergiques (“tic à l'ours”).

Les opioïdes antagonistes morphiniques sont indiqués notamment dans le traitement du “tic à l'appui” et des automutilations chez l'étalon. La naloxone hypochloride et ses dérivés à action plus prolongée (naltrexone, nalmefene et diprenorphine) sont connus pour arrêter temporairement certaines stéréotypies chez le cheval [7, 19]. Leur effet survient après dix à trente minutes selon la voie d'administration. La coordination motrice du cheval semble conservée pendant l'effet du psychotrope malgré une baisse transitoire de l'état d'éveil.

Les antagonistes des récepteurs dopaminergiques utilisables chez le cheval font partie de la famille des phénothiazines et des butyrophénones. Cependant, ils présentent une action sédative non négligeable et des effets indésirables, notamment en ce qui concerne la coordination motrice [3, 7, 8, 19]. Des antidépresseurs, tels que la clomipramine, sont également prescrits (par exemple lors d'automutilations). Des neuroleptiques et des inhibiteurs de la recapture de la sérotonine sont administrés dans le traitement du “tic à l'ours” [29] et le L-tryptophane, précurseur de la sérotonine, est utilisé par voie orale pour diminuer les stéréotypies dans une étude [17].

Si le recours aux psychotropes est la règle chez les carnivores domestiques, leur emploi chez les animaux élevés en captivité est plus anecdotique, bien que les résultats obtenus soient encourageants. Chez le chien, l'utilisation de la sélégiline, de la clomipramine et de la fluoxétine permet de gérer nombre de stéréotypies. Chez les primates, l'administration de sélégiline lors de stéréotypies locomotrices anciennes a montré des effets positifs [10], ainsi que celle de la fluoxétine chez l'ours polaire [33].

Cependant, l'utilisation de psychotropes dans le cadre de la thérapeutique des stéréotypies est décevante en termes de durée d'action (voir le “Posologie et indications des psychotropes lors de stéréotypie chez le cheval”). Seuls le nalmefene et la diprenorphine par voie injectable semblent avoir une durée d'action exploitable.

Les effets secondaires sont nombreux : sédation (postérieur au soutien, ptose des lèvres et des paupières), troubles de la perception sensorielle, troubles de l'équilibre, anorexie, catalepsie avec la naloxone, effet “paradoxal”, accès de diarrhée fluide par interaction avec les récepteurs opiacés de l'intestin, ptose du pénis et baisse de la libido chez l'étalon.

Il convient également de noter que l'utilisation de ces médicaments chez le cheval pose de nombreux problèmes : dopage, coût, responsabilité civile professionnelle et responsabilité pénale du prescripteur, absence d'autorisation de mise sur le marché (AMM).

Recadrage éthologique

En médecine équine, l'expression de “recadrage éthologique” est utilisée pour toutes les modifications apportées au mode de vie du cheval afin de le rapprocher des besoins de l'espèce [6].

La thérapie de recadrage éthologique vise à modifier les conditions environnementales qui favorisent l'expression des stéréotypies. Les facteurs déterminants concernent à la fois l'environnement social, l'environnement physique, le mode de vie et la qualité de la relation homme-animal [11]. La connaissance de l'éthogramme est fondamentale pour corriger ces facteurs avec toute la pertinence nécessaire.

Augmentation du temps de recherche et de prise alimentaire

Une corrélation négative existe entre le temps de prise alimentaire et celui consacré à la production d'un comportement stéréotypé. Plusieurs méthodes pallient cette inadéquation : augmentation du temps de mise au paddock avec une alimentation fourragère ad libitum, multiplication des filets à foin au box avec une mise à disposition d'une variété de fourrages différents, dispersion des aliments concentrés dans le fourrage, utilisation d'une Equiball (balle qui, lorsqu'elle est mobilisée par le cheval, distribue aléatoirement des friandises ou des granulés), etc. D'autres recommandations alimentaires générales sont également efficaces : augmenter la proportion de matière grasse de la ration par l'adjonction d'huile, favoriser des sources de protéines riches en tryptophane (noix, cosses de riz, etc.), éviter les compléments énergétiques concentrés [12].

Chez le poulain, les déséquilibres nutritionnels, notamment la supplémentation lactée par excès, les excès protéiques de la ration ou les indigestions sont incriminés dans l'apparition de tics oraux [25].

Enrichissement social

L'éthogramme du cheval révèle l'importance de l'organisation sociale, reconnue comme un facteur stabilisant pour les individus du groupe. Il s'agit donc de redonner de l'importance aux contacts sociaux afin de diminuer l'anxiété dite de contrainte. La mise au paddock régulière des chevaux d'écurie accompagnés de congénères favorise l'apaisement de chaque individu au sein du groupe. Il est également possible de procurer à l'animal un compagnon d'une autre espèce [21] (). Empiriquement, l'utilisation de miroirs dans les box des chevaux tiqueurs entraînerait une diminution de la fréquence d'expression de la stéréotypie [4, 24].

Changer de discipline ?

Des études ont montré que la discipline pratiquée avait une incidence sur la fréquence des stéréotypies. Le cheval de complet ou de saut d'obstacles est moins sujet aux comportements stéréotypés que le cheval de dressage [26, 30]. Cependant, cette incidence est certainement plus à relier au temps passé à l'extérieur qu'à l'activité choisie. Agrémenter le travail de séances de trotting ou de promenades, et aménager des plages horaires relativement longues en paddock minimisent la durée de confinement au box [28].

Enrichissement du milieu

Afin d'augmenter le niveau de stimulation de l'animal, l'utilisation de divers objets est préconisée : jouets roulants, mobiles suspendus, objets servant à cacher de la nourriture (Equiball), trappes à ouvrir pour entrer en contact avec des congénères, etc. Il est aussi possible de cacher les aliments concentrés dans le fourrage. Ce sont autant de moyens utiles pour enrichir le milieu de vie de l'animal et éviter l'ennui pendant les phases d'inactivité sportive.

Cependant, augmenter la complexité de l'environnement de l'animal n'est pas toujours aisé en pratique. Il convient de faire preuve d'imagination et de varier les activités proposées. De plus, il convient de convenir d'un niveau optimal de stimulation. Un environnement trop complexe augmente la fréquence des stéréotypies [10, 18].

D'une façon générale, l'enrichissement du milieu semble être beaucoup plus efficace chez les jeunes chevaux. En effet, l'anxiété de contrainte est d'autant plus stable que l'animal est âgé.

Médecines “douces” et diminution du stress

L'acupuncture aurait été utilisée avec succès dans le traitement du “tic à l'appui”.

Des techniques de relaxation ou l'application des principes de l'ostéopathie pourraient également présenter un intérêt dans la gestion des chevaux anxieux. Nous n'avons pas l'expérience de ces méthodes.

Thérapie comportementale

Les thérapies comportementales sont complémentaires et consécutives à celles de recadrage éthologique. Elles ne peuvent s'y soustraire. Il serait aberrant d'appliquer une désensibilisation à un stimulus ou à une situation environnementale qu'il serait plus facile de supprimer. La thérapie comportementale fait appel à différentes techniques utilisées successivement ou conjointement (conditionnement opérant par renforcement positif, désensibilisation, contre-conditionnement, etc.) [b]. Il convient de respecter certaines règles de base pour le bon usage de ces méthodes : rester en situation infra-aversive et respecter les principes du conditionnement (le renforcement ne peut intervenir qu'à la fin de la réponse comportementale adéquate ; si, malgré tout, une réponse de peur se produit, il convient de rester neutre, de ne pas rassurer l'animal, ce qui renforcerait le comportement inadéquat) [2].

Une approche éthologique du problème reste un préalable à la prescription de ces techniques afin d'en apprécier à la fois le mode d'action et les limites. Il est indispensable de placer l'animal dans une situation qui reste cohérente avec son éthogramme.

Cependant, même si ces méthodes s'avèrent efficaces dans la gestion des troubles comportementaux, les résultats apparaissent lentement et leur mise en application reste délicate dans les conditions de terrain de la médecine équine.

Phéromonothérapie

D'autres approches de thérapie des troubles comportementaux voient le jour chez le cheval comme dans de nombreuses espèces. Il s'agit de traitements biologiques fondés sur l'utilisation de phéromones de synthèse. Les propriétés apaisantes de ces molécules permettent d'appréhender les troubles du comportement de l'animal : en assurant un état d'apaisement sur le plan biologique, l'application des techniques de thérapie comportementale est facilitée. L'état de conscience de l'animal est conservé, et ses facultés d'adaptation et d'apprentissage sont donc maintenues [31].

Sur les stéréotypies d'installation récente, les résultats sont encourageants. Cependant, la forme galénique proposée sur le marché (spray intranasal) n'est pas parfaitement adaptée au traitement des affections chroniques, comme c'est le cas pour les stéréotypies. La forme actuelle nécessite, en effet, des administrations répétées, car son action est limitée dans le temps. Cependant, des formes à relargage lent devraient voir le jour prochainement.

Prévention des stéréotypies

Les contraintes inhérentes aux méthodes présentées ci-dessus expliquent que l'avenir se trouve plus sûrement dans les méthodes préventives que dans les traitements curatifs.

Les changements à apporter doivent rapprocher au maximum les conditions de vie des chevaux domestiques des impératifs de l'espèce (interactions sociales, longs moments à fourrager, etc.), mais également respecter le bon usage des règles d'apprentissage et de punition dans le travail [27].

Les périodes reconnues comme étant à risque doivent être envisagées avec les plus grandes précautions (présence d'adultes calmes pâturant dans les paddocks des poulains tout juste sevrés [35], débourrage mené dans le calme en évitant les techniques d'immersion et les contraintes trop brutales ou trop importantes pour le jeune animal, etc.).

Il semble exister une contradiction entre la multiplicité des solutions envisageables pour soulager un cheval tiqueur et leur faible portée sur le terrain. Cette apparente inefficacité est liée à la rapidité d'évolution d'une stéréotypie. Le vétérinaire doit donc bien apprécier le stade d'évolution avant d'établir son diagnostic, et ce afin d'éviter un découragement rapide du propriétaire de l'animal. De surcroît, les échecs relatifs souvent rapportés dans le traitement des stéréotypies tiennent au fait que les propriétaires ne consentent pas à faire des efforts pour modifier les conditions de vie du cheval. La gêne provoquée par la stéréotypie leur est moins préjudiciable que celle liée aux modifications des conduites d'élevage, ce choix se faisant au détriment du bien-être de l'animal.

Gageons que les mentalités changent dans ce domaine…

Notes :

  • (1) Voir l'article de Gaultier E, Falewee C, Boureau V, Pageat P, “Épidémiologie, hypothèses étiologiques et pathogéniques des stéréotypies chez le cheval”, dans ce numéro.

  • (2) Molécule à usage humain.

Éléments à retenir

> Lors d'une consultation comportementale, le vétérinaire ne peut s'affranchir d'un examen clinique complet pour repérer les éventuelles affections organiques responsables de troubles comportementaux et/ou mettre en évidence des lésions potentiellement liées au trouble émotionnel.

> Le traitement des stéréotypies passe souvent par un bouleversement du mode de vie des chevaux atteints.

> L'utilisation de psychotropes chez le cheval, dans le cadre de la thérapeutique des stéréotypies, est décevante en termes de durée d'action, contraignante en termes de coûts et elle engendre de nombreux effets secondaires.

> L'avenir semble surtout passer par la prévention de ces troubles.

Comportements à évaluer d'après le discours du propriétaire

Comportements centripètes

• Comportement alimentaire

- Évaluation de l'appétit, souvent perturbé lors de stéréotypies d'installation ancienne. Il est possible de noter, par exemple, une polyphagie associée, paradoxalement, à un état de maigreur chez les grands tiqueurs.

- Évaluation de la qualité de la ration et, surtout, de son mode de distribution. Il convient de remarquer que le concentré occupe l'animal pendant 4 % de son temps, alors qu'une ration plus riche en fibres lui prend dix fois plus de temps. Or, dans le biotope naturel du cheval, le temps de prise alimentaire est de l'ordre de seize heures par jour !

- Évaluation des comportements d'ingestion d'objets non alimentaires pouvant être augmentés lors de stéréotypies (lignophagie, coprophagie, pica).

• Comportement dipsique

- L'augmentation de la prise de boisson est un signe d'anxiété.

- Chez le cheval au box, le fait de beaucoup “jouer” avec l'eau, sans pour autant ingérer de liquide, constitue une indication fiable du caractère hypostimulant du milieu dans lequel vit l'animal, donc de la nécessité de l'enrichir.

• Comportement éliminatoire

L'observation attentive de la litière permet d'apprécier l'état d'agitation de l'animal, mais surtout de repérer la quantité et la qualité des crottins. Ainsi, de nombreux crottins, émis en petites quantités et de consistance ramollie sont des signes de perturbations émotionnelles.

• Sommeil

Évaluation des perturbations qualitatives (diminution du sommeil paradoxal) et quantitatives (diminution de la durée totale de sommeil et du temps passé couché). Ces manifestations sont le plus souvent corrélées négativement à la présence d'une hypervigilance.

Comportements centrifuges

• Interactions sociales

- La recherche de contacts sociaux est un signe de la réversibilité potentielle de la stéréotypie et son observation chez le cheval permet d'adapter le traitement.

- Les comportements d'agression doivent être relevés. Il convient de différencier les agressions par peur, les agressions hiérarchiques et les agressions par irritation qui peuveut s'instrumentaliser. Cette distinction permet d'orienter le tableau clinique vers le grade du trouble émotionnel de l'animal, d'identifier les causes potentielles et de se faire une idée du pronostic.

• Stéréotypies en elles-mêmes

Elles sont abordées dans un autre article de ce numéro.

Comportements mixtes

Ils correspondent aux comportements sexuels et maternels ().

L'exploration du comportement sexuel peut s'avérer intéressante dans le cadre de stéréotypies chez un cheval entier ou chez un étalon [14]. Il est de plus important de soulever la question de la mise à la reproduction d'une jument présentant des stéréotypies rigidifiées et irréversibles. Rappelons que l'hypothèse d'une composante génétique est émise, mais également que le stress peut avoir des influences néfastes sur la gestation et le développement du fœtus [22, 34].

D'après [32]

À lire également

  • a - Pageat P. Abord d'une consultation comportementale chez le cheval : démarche diagnostique et thérapeutique. Proceedings Journées Avef. 2002 : 42-46.
  • b - Giffroy JM. L'apprentissage et ses applications. Cours. 3e cycle professionnel des Écoles nationales vétérinaires. 2000.
  • c - Boureau V. Mémoire de vétérinaire comportementaliste. Une nouvelle approche des troubles comportementaux chez le cheval : place des stéréotypies dans les tableaux cliniques. 2004 : 77 p.

Références

  • 1 - Bertrand MC. Contribution à l'étude de la réactivité émotionnelle chez le cheval. Étude expérimentale. Thèse de doctorat vétérinaire. Toulouse 3. 2002 : n° 4017.
  • 2 - Cooper JJ. Comparative learning theory and its application in the training of horses. Equine. Vet. J. 1998 ;(suppl.27) : 39-43.
  • 3 - Cooper JJ, Mason GJ. The identification of abnormal behaviour and behavioural problems in stabled horses and their relationship to horse welfare : a comparative review. Equine Vet. J. 1998(suppl.27) : 5-9.
  • 4 - Cooper JJ, Mcdonald L, Mills DS. The effect of increasing visual horizons on stereotypic weaving : Implications for the social housing of stabled horses. Appl. Anim. Behav. Sc. 2000 ; 69 : 67-83.
  • 5 - Dantzer R. Behavioral, physiological and functional aspects of stereotyped behavior : a review and a re-interpretation. J. Anim. Sci. 1986 ; 62 : 1776-1786.
  • 6 - Dantzer R. Stress, stereotypies and welfare. Behavioural processes. 1991 ; 25 : 95-102.
  • 7 - Dodman NH. Investigation into the use of narcotics antagonists in the treatment of a stereotypic behavior pattern (crib-biting) in the horse. Am. J. Vet. Res. 1987 ; 48 (2) : 311-319.
  • 8 - Dodman NH. Use of a narcotics antagonist (nalmefene) to suppress self-mutilative behavior in a stallion. J. Am. Vet. Med. Assoc. 1988 ; 192 (11) : 1585-1587.
  • 9 - Dodman NH, Shuster L, White SD et coll. Use of narcotic antagonists to modify stereotypic self-licking, self-chewing and scratching behavior in dogs. J. Am. Vet. Med. Assoc. 1998 ; 193 : 815-819.
  • 10 - Fougereau Y. Influence de la sélégiline sur les déplacements stéréotypés de quatre singes en cage. Mémoire pour l'obtention du diplôme de vétérinaire comportementaliste des écoles vétérinaires françaises. 2001.
  • 11 - Fraser AF, Broom DM. Farm animal behaviour and welfare. 3rd éd. Baillère-Tindall. London. 1990 : 437 p.
  • 12 - Gautier E. Comportement du cheval au box : influence de certains paramètres. Thèse de doctorat vétérinaire. Nantes. 2001 : n° 109.
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