L'examen échographique des ligaments sésamoïdiens obliques chez le cheval - Pratique Vétérinaire Equine n° 144 du 01/10/2004
Pratique Vétérinaire Equine n° 144 du 01/10/2004

Auteur(s) : V. Coudry*, J.-M. Denoix**

Fonctions :
*CIRALE-IPC, Goustranville
14430 Dozulé
**Unité clinique équine (DEPEC)
UMR INRA « Biomécanique et
pathologie locomotrice du cheval »
ENVA, 7, av. du Général-de-Gaulle
94704 Maisons-Alfort Cedex

L'échographie des ligaments sésamoïdiens obliques fait partie de l'évaluation de routine des affections du paturon, de l'articulation métacarpo(-tarso)-phalangienne et de l'appareil suspenseur du boulet.

Les affections des tissus mous du paturon représentent une cause fréquente de boiterie antérieure et plus rarement de boiterie postérieure. Compte tenu de la diversité des formations tendineuses et ligamentaires du paturon, l’échographie s’est imposée comme l’examen de choix dans l’évaluation des lésions de ces structures [4, 5, 6, 7, 8]. Les ligaments sésamoïdiens distaux (LSD) sont constitués par les ligaments sésamoïdiens courts et croisés, les ligaments sésamoïdiens obliques (LSO) et un fort ligament sésamoïdien droit [1, 2]. Fonctionnellement, les LSD appartiennent à l’appareil suspenseur du boulet [3]. Les affections des LSO ne sont pas rares chez le cheval, et surviennent isolément ou conjointement à des anomalies du ligament suspenseur du boulet (LSB), de l’articulation métacarpo(-tarso)-phalangienne, du ligament palmaire, d’autres formations tendineuses ou ligamentaires du paturon [4, 5, 6, 7, 8]. Leur incidence clinique varie en fonction du degré de sévérité de la lésion initiale.

L’objectif de cet article est de décrire la technique d’examen échograhique des LSO, de présenter les images échographiques de référence et les principales lésions mises en évidence à partir de cas cliniques.

Indications

Les indications d’imagerie du paturon sont fondées sur les conclusions des examens physique et dynamique, des anesthésies diagnostiques et/ou de la scintigraphie. Dans cette démarche, l’échographie est maintenant systématiquement associée à la radiographie. Cette technique est donc utilisée chez de nombreux animaux présentant :

- une déformation locale, une ténosynovite digitale ;

- une douleur lors de la flexion digitale ;

- des anesthésies nerveuses tronculaires digitales positives ;

- des lésions radiographiques telles que la fragmentation de la base des os sésamoïdiens proximaux, des images de minéralisation, pour évaluer la présence de lésion associée des tissus mous ;

- une desmopathie/enthésopathie d’une ou des branches du LSB ;

- des images scintigraphiques anormales.

Rappels anatomiques

Les LSD, particulièrement les LSO, sont en continuité anatomique avec les branches du LSB et représentent donc le prolongement fonctionnel de l’appareil suspenseur du boulet en région digitale [2, 3, 5].

Les LSD (photos et ) sont organisés en trois plans [1, 2].

• Le ligament sésamoïdien droit représente le plan superficiel. Il s’agit du plus long et du plus fort des LSD. Son insertion proximale est large, à la base des OSP et sur le ligament palmaire (intersésamoïdien), et sa terminaison est plus étroite, sur le scutum moyen à la face palmaire de la phalange moyenne [1, 2].

• Le plan moyen est constitué par les LSO. Ils s’insèrent proximalement sous le ligament sésamoïdien droit, à la base des OSP et convergent distalement sur la face palmaire de la phalange proximale, sur laquelle ils se terminent en commun (photo ).

• Le plan profond est représenté par les ligaments sésamoïdiens courts et croisés, situés entre la base des OSP et la marge articulaire proximale de la phalange proximale.

Technique

L’équipement adéquat pour examiner les LSO est constitué d’une sonde linéaire de 7,5 à 10 MHz, d’un coussinet acoustique fin et d’une imprimante. La préparation de la zone à échographier comprend une tonte large de la face palmaire du paturon, des OSP jusqu’au creux du paturon, le nettoyage de la peau avec de l’eau chaude et l’application de gel acoustique, qui permettent d’obtenir un meilleur contact.

Compte tenu de l’orientation oblique des LSO, le placement et l’orientation de la sonde sont essentiels pour éviter les artefacts pouvant être à l’origine de diagnostic par excès. Comme toute formation ligamentaire ou tendineuse, les LSO sont échogènes et homogènes quand le faisceau ultrasonore est perpendiculaire aux interfaces des fibres [4].

Images de référence

Proximalement, les LSO sont situés latéralement et médialement sous les OSP, alors que leur orientation converge distalement pour se terminer sagittalement sur la phalange proximale [2, 3, 5]. Leur orientation longitudinale est donc oblique diagonalement dans le sens proximodistal (photo ).

Coupe transversale

Pour une visualisation optimale de la partie proximale du LSO, la sonde doit être placée de côté à la face collatérale du paturon (photo ).

L’origine du LSO est facilement trouvée en plaçant la sonde sur l’OSP ou sur la branche du LSB correspondants, et en déplaçant la sonde distalement. Le LSO est représenté par une formation ronde ou légèrement ovale, d’échogénicité homogène (photo ).

Lorsque la sonde est oblique par rapport à l’axe du ligament, le contenu graisseux interfasciculaire apparaît plus échogène que les fibres. Les LSO se rejoignent progressivement sur le plan sagittal (photo ), et leur partie distale commune est visualisée dans le 1/3 moyen de la phalange proximale par une bande plutôt rectangulaire échogène au-dessus de la surface osseuse.

Coupe longitudinale

En coupe longitudinale, la sonde doit être placée diagonalement dans le paturon pour visualiser correctement le LSO. De la même façon qu’en coupe transversale, il est facile de suivre l’orientation de la branche correspondante du LSB, et de déplacer la sonde distalement jusqu’à l’origine du LSO à la base de l’OSP. Le LSO est homogène et ses fibres sont visualisées longitudinalement, parallèlement à la peau (photo ). La surface osseuse normale d’insertion du LSO sur la base de l’OSP est lisse et régulière.

Compte tenu de la difficulté d’interprétation des images, liée à l’orientation du ligament et au positionnement de la sonde, la comparaison de la taille et de l’architecture d’un LSO doit être faite avec le ligament symétrique et avec ceux du membre controlatéral (photo ).

Images anormales et lésions

Les desmopathies et enthésopathies des LSO ne sont pas rares chez le cheval [5, 6, 7, 8]. L’évaluation des LSO fait partie de l’examen de routine des structures ligamentaires et tendineuses du paturon. La présence d’une desmite du LSB ou de ses branches représentant un facteur de risque d’apparition de lésions des LSO [3, 8], leur examen échographique est recommandé lors d’affection de l’appareil suspenseur du boulet. Les lésions des LSO peuvent être identifiées de façon isolée, mais sont également parfois associées à d’autres anomalies (ténosynovite digitale, desmite ou enthésopathie de branche du LSB, du ligament sésamoïdien droit, arthropathie métacarpo(-tarso)- phalangienne, etc.) [5].

Les images échographiques anormales des LSO [4, 5, 7, 8] sont les suivantes :

- épaississement et hypo- ou hyperéchogénicité du ligament (photos et );

zone anéchogène ou hypo-échogène focale, avec ou sans œdème périligamentaire (photos et ) ;

- remaniements de la surface d’insertion du ligament (base de l’OSP), avec ou sans modification d’échogénicité (photo ) ;

- fracture d’avulsion de la base de l’OSP ;

- nodules minéralisés dans le ligament (photo ) ;

- enthésophytes à la face palmaire de la phalange proximale.

Sur les LSO, une grande variété de lésions peut être observée chez le cheval :

- les desmites aiguës ou subaiguës, avec une image hypo-échogène focale (photos et ) ou diffuse (photo ), surviènnent généralement dans le tiers proximal du LSO, à la suite de traumatisme ou de mouvement violent (entorse), et peuvent être associées à une ténosynovite digitale ;

- les desmopathies chroniques dégénératives, avec épaississement et défaut d’homogénéité du ligament (photos , et ), sont observées principalement lors d’affection chronique de l’appareil suspenseur du boulet ;

- les enthésopathies proximales, avec remodelage de la surface osseuse (photo ), sont souvent associées à des desmites chroniques ;

- les fracture d’avulsion de la base de l’OSP (photo 13) ou les ruptures aigües d’un (ou des deux) LSO, sont rares et peuvent être rencontrées à la suite d’une hyperextension du boulet.

La plupart des lésions mises en évidence concernent la partie proximale des LSO [5]. Sur nos cas cliniques (38 chevaux entre 2000 et 2004), toutes les anomalies ont été mises en évidence dans le 1/3 proximal du ligament. Aucun cas d’enthésopathie distale n’a été identifié dans cet effectif. 21 % des cas impliquaient conjointement une atteinte du LSB (en majorité de la branche correspondante).

Les lésions aiguës sont généralement associées à une ténosynovite digitale et à une boiterie de grade variable, avec, dans la plupart des cas, une diminution de la phase antérieure de la foulée.

Des enthésopathies discrètes à modérées peuvent être observées sans incidence clinique (absence de déformation physique, de boiterie). Les minéralisations représentent habituellement des découvertes radiographiques, et ont une incidence clinique limitée ou nulle.

Discussion et conclusion

Lorsqu’une atteinte du paturon est suspectée à l’issue de l’examen clinique et de la scintigraphie, la radiographie reste la technique de choix pour le diagnostic des lésions ostéo-articulaires. L’échographie apporte des informations complémentaires des examens clinique et radiographique, plus spécialement dans les cas d’engorgement diffus ou d’épaississement local [4]. Cette modalité diagnostique constitue l’examen de choix dans le diagnostic différentiel des affections du paturon [5, 6, 7, 8].

Avec une bonne connaissance de l’anatomie et de la topographie des LSO, le praticien peut facilement réaliser en temps réel l’examen échographique de ces ligaments. Celui-ci est particulièrement indiqué pour évaluer l’appareil suspenseur du boulet. En effet, une atteinte conjointe du LSB et d’un ou des LSO est un critère pronostique défavorable [8].

L’identification d’une lésion d’un LSO permet de proposer un parage et une ferrure thérapeutique appropriée. Le fer devra avoir des éponges biseautées pour éviter le soutien des talons, une branche couverte du côté de la lésion et une branche biseautée en rive externe du côté opposé.

Par ailleurs, l’échographie permet de suivre la cicatrisation du ligament au cours de la phase de repos et d’exercice contrôlé, et d’affiner le pronostic sportif au fur et à mesure de la rééducation.

Éléments à retenir

• Les affections des LSO représentent une des principales entités pathologiques du paturon.

• La technique d’examen des LSO est non invasive et simple, à condition de connaître la topographie de ces ligaments pour un placement optimal de la sonde échographique.

• L’échographie des LSO fait partie de l’évaluation de l’appareil suspenseur du boulet.

• L’identification d’une lésion d’un ou des LSO est essentielle pour la gestion thérapeutique du cheval, impliquant la mise en place d’une ferrure correctrice adaptée.

Références

  • 1 - BARONE R. Articulations métacarpo-phalangiennes. In : Anatomie comparée des mammifères domestiques, T. 2 : Arthrologie et myologie, 3e éd. Vigot, Paris, 1989 : 187-199.
  • 2 - DENOIX J-M. Le doigt du cheval. Atlas d’anatomie clinique et d’imagerie comparée. Manson Publishing Ltd, Londres, 2001.
  • 3 - DENOIX J-M. Functional anatomy of tendons and ligaments in the distal limbs (manus and pes). Vet. Clin. N. Am. Equine Pract.1994 ; 10 : 273.
  • 4 - DENOIX J-M. Diagnostic techniques for identification and documentation of tendon and ligament injuries. Vet. Clin. N. Am. Equine Pract.1994 ; 10 ; 365.
  • 5 - DENOIX J-M, Crevier N, Azevedo C. Ultrasound examination of the pastern in horses. Proc. Am. Assoc. Equine Pract. 1991 ; 37 : 363.
  • 6 - DYSON SJ. Ultrasonographic examination of the pastern region, Equine Vet. Educ. 1992 ; 4 ; 254.
  • 7 - DYSON SJ, DENOIX J-M. Tendon, tendon sheath, and ligament injuries in the pastern. Vet. Clin. N. Am. Equine Pract.1995 ; 11 : 217.
  • 8 - REEF V B, Genovese R L. Soft tissues injuries of the pastern. In : Diagnosis and management of lameness in the horse. Ed. Ross MW et Dyson SJ, Saunders, Philadelphia 2003 : 716-723.
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