Néoplasies abdominales : de la théorie à la pratique - Pratique Vétérinaire Equine n° 143 du 01/07/2004
Pratique Vétérinaire Equine n° 143 du 01/07/2004

Auteur(s) : Y. Tamzali

Fonctions : Médecine interne équine
École nationale vétérinaire
de Toulouse
23, chemin des Capelles,
31076 Toulouse Cedex

La symptomatologie des tumeurs abdominales est rarement évocatrice. Elle nécessite ainsi une démarche diagnostique systématique qui procède par exclusion. Des coliques, un amaigrissement, une fièvre récurrente ou une diarrhée chronique sont parfois des signes d'appel.

Les tumeurs abdominales sont rares chez les équidés. Peu d'études rétrospectives font état de leur fréquence [2, 6, 11]. Elles représentent cependant, selon les auteurs, 1 à 3 % des motifs de consultation de cancérologie équine et, la fréquence des tumeurs abdominales par rapport au total des processus néoplasiques équins (appareil génital exclu), est de 1 %. En revanche, dans une étude rétrospective portant sur soixante cas d'amaigrissement chronique, elles atteignent un pourcentage de 5 % [17].

Une grande variété de processus tumoraux peut affecter la cavité abdominale des équidés. L'encadré “Principaux types de tumeurs abdominales chez les équidés” les liste par ordre de fréquence et selon leurs localisations préférentielles.

Approche diagnostique

La symptomatologie est le plus souvent peu évocatrice. Certains chevaux présentent des coliques aiguës ou récurrentes pour lesquelles la cœlioscopie ou la laparotomie exploratrice permet de mettre en évidence le processus néoplasique. Dans bon nombre de cas, les chevaux sont présentés pour un amaigrissement, une fièvre récurrente ou une diarrhée chronique, trois syndromes dont la diversité des causes justifie l'adoption d'une démarche diagnostique systématique qui procède par exclusion.

C'est ainsi que la progression dans le raisonnement clinique est étayée par la réalisation d'examens cliniques et complémentaires dans une logique qui va du plus simple au plus sophistiqué, et classés en trois rubriques [16] :

- examens simples de première et de seconde intention réalisables en clientèle courante et même chez le propriétaire. La hiérarchie entre la première et la seconde intention fait référence au stade d'avancement dans l'investigation du cas ;

- examens plus spécialisés nécessitant une instrumentation ou un savoir-faire particuliers, ou encore l'accès à une structure spécialisée.

Examens simples de première intention

• L'anamnèse permet de préciser le souci du propriétaire, la durée des symptômes et les éventuels traitements déjà entrepris, ainsi que leurs résultats. La perte d'appétit peut accompagner une atteinte organique majeure et, bien qu'elle ne soit ni spécifique ni constante, elle est considérée comme un signe pronostique défavorable en cas de suspicion de processus néoplasique.

• L'examen clinique approfondi permet d'objectiver l'état général de l'animal et de mettre en évidence des symptômes qui orientent vers l'examen plus détaillé d'un appareil en particulier.

• L'exploration rectale fait partie intégrante de l'examen clinique. Elle permet dans certains cas de mettre en évidence des masses abdominales palpables (abcès, tumeurs), un épaississement de la paroi intestinale, une hypertrophie des ganglions mésentériques ou des adhérences intra-abdominales [4, 5, 7, 16].

• L'examen hématologique de routine permet de révéler des signes d'infection (leucocytose, neutrophilie, hyperfibrinogénémie), d'anémie ou, plus rarement, d'érythrocytose, tous signes non spécifiques pouvant accompagner les processus néoplasiques. Une anémie modérée, normocytaire et normochrome accompagne 30 à 50 % des lymphomes. L'examen cytologique sanguin systématique renseigne quelquefois efficacement : lymphomes leucémiques qui signent la dissémination via les systèmes circulatoire et lymphatique [12].

• L'examen biochimique de routine permet d'explorer rapidement les principales fonctions vitales, urinaire (urémie, créatininémie et ionogramme), hépatique (PAL, ASAT, GGT), ainsi que le métabolisme des protéines (protéines totales et albumine). Le syndrome paranéoplasique peut s'accompagner de libération accrue de peptides proches de l'hormone parathyroïdienne (pseudohyperparathyroïdisme) (PTHrP) ayant pour effet de mobiliser le calcium osseux, ce qui induit une hypercalcémie et une calcification dystrophique du cœur, des vaisseaux et des reins [7, 9, 12].

• La coproscopie parasitaire est entreprise systématiquement lors de dégradation de l'état général de l'animal, avec ou sans diarrhée, dans le cadre d'une démarche diagnostique par exclusion.

Examens simples de seconde intention

• Les tests d'absorption du glucose et/ou du xylose sont réalisés lorsqu'une suspicion de malabsorption existe et de manière systématique si les autres examens sont normaux. Le premier (test au glucose) étant moins coûteux et plus simple à réaliser sur le plan analytique, c'est le test de choix pour les examens systématiques de routine [14]. Le second (test au xylose) est envisagé soit en cas de doute (courbe d'absorption intermédiaire) soit pour confirmer un trouble majeur. Les entéropathies hypoprotéinémiantes dont le lymphome digestif s'accompagnent généralement de malabsorption.

• La paracentèse abdominale. L'examen cytologique permet de révéler les phénomènes septiques (péritonites chroniques) ou certains processus néoplasiques dans la limite où ces derniers produisent par desquamation suffisamment de cellules anormales dans le liquide abdominal pour en permettre l'identification [15].

• La biopsie rectale est positive dans environ 40 % des cas d'entéropathies hypoprotéinémiantes (entérite éosinophilique ou granulomateuse, lymphome digestif) [8].

• L'examen biochimique approfondi permet l'exploration d'un organe révélé déficient lors de l'examen biochimique de première intention : insuffisance rénale (fraction d'excrétion), insuffisance hépatique (acides biliaires ou clairance de la BSP). L'électrophorèse des protéines trouve ici une indication. Une gammopathie peut être le reflet d'une inflammation chronique, mais aussi une expansion clonale des lymphocytes B. L'hypo-albuminémie est due soit à une gammopathie, soit à des pertes intestinales, plus rarement à une insuffisance hépatique en fin d'évolution [12].

Examens plus spécialisés

• L'endoscopie des voies respiratoires supérieures et de l'œsophage est indiquée dans le cadre du bilan d'extension ou pour mieux évaluer la cause d'une dyspnée ou d'une dysphagie accompagnant un processus néoplasique.

• La radiographie, rarement mise en œuvre, est indiquée dans le bilan d'extension pour mieux visualiser une région ou un organe.

• La gastroscopie permet d'objectiver la présence d'ulcères ou de carcinome gastrique (rare et souvent silencieux sur les plans clinique et biologique). Elle est souvent réalisée en première intention immédiatement après l'examen clinique. Dans le cas où un gastroscope ne serait pas disponible, un lavage gastrique peut être utile pour la détection cytologique de cellules néoplasiques, surtout si une odeur nécrotique est notée lors d'intubation nasogastrique [10].

• L'échographie abdominale (et thoracique) est indiquée selon les résultats des examens de première intention (clinique, hématologique et biochimique). Elle permet de visualiser des masses anormales et d'en réaliser la biopsie échoguidée [5].

• Les biopsies abdominales sont indiquées selon les résultats des examens de première intention et de l'échographie. Elles permettent de préciser la nature histologique de masses anormales [5].

- La laparoscopie, la laparotomie exploratrices ou l'autopsie. Les animaux candidats à ces étapes ultimes (laparoscopie ou laparotomie) sont :

- ceux qui présentent des symptômes digestifs telles des coliques récurrentes ;

- ceux pour lesquels – un diagnostic définitif n'ayant pu être établi – subsiste une suspicion de processus néoplasique sur la base d'un faisceau de présomptions cliniques et/ou biologiques : masses anormales à l'exploration rectale non accessibles à la biopsie transcutanée, modifications hématologiques et/ou biochimiques, syndrome paranéoplasique ;

- ceux qui présentent une absorption anormale objectivée par un test d'absorption du glucose et/ou du xylose et une biopsie rectale non concluante (60 % des cas). Dans ces cas, l'une de ces approches chirurgicales permet la réalisation de biopsies sur toute l'épaisseur de la paroi intestinale.

Compte tenu du caractère invasif et du coût de ces investigations, une grande transparence est requise vis-à-vis des propriétaires quant aux résultats que l'on peut en attendre. Il est aussi recommandé d'effectuer préalablement un traitement larvicide contre la cyathostomose [15].

Revue de cas cliniques

Lymphomes

Lymphosarcome digestif

Une jument Merens âgée de quinze ans est présentée pour un amaigrissement depuis un mois et des crottins en bouse de vache. De nombreux traitements antiparasitaires et antibiotiques préalables sont restés sans effet. L'examen clinique révèle un œdème déclive sur toute la partie ventrale de l'abdomen. L'exploration rectale met en évidence une masse en grappe en région antéro-centrale de l'abdomen évoquant une hypertrophie ganglionnaire. L'examen hématologique révèle une anémie (HT : 7,2 g/l) et une hyperleucocytose (14,2 x 109/l). L'examen biochimique montre une hypoprotéinémie (PT : 50 g/l) et une hypo-albuminémie (14,2 g/l), ainsi qu'une élévation des enzymes hépatiques (ASAT : 1 734 UI/l, PAL : 565 UI/l). La coprologie est négative. La courbe d'absorption du glucose est plate (voir l'encadré “Courbe d'absorption du glucose”), ce qui permet d'identifier un mécanisme de malabsorption majeur. Exceptionnellement, la cytologie sanguine est évocatrice d'un lymphome leucémique (photo ). La paracentèse abdominale confirme le lymphome (photo ), de même que la biopsie rectale (photo ). L'euthanasie permettra de visualiser l'hypertrophie des ganglions mésentériques et l'infiltration de la paroi de l'intestin grêle fortement épaissie (photos et ).

Lymphome splénique

Une jument SF de cinq ans est présentée pour un amaigrissement et une protrusion de l'œil droit. La palpation transrectale révèle une rate épaissie et bosselée. Les examens hématologique et biochimique ne révèlent rien de spécifique. La paracentèse abdominale permet de récolter un liquide fortement coloré en rouge. La cytologie de ce liquide est évocatrice d'un lymphome. L'échographie de la rate montre un aspect hétérogène de l'organe (photo ). La biopsie transcutanée échoguidée confirme le diagnostic de lymphome. L'euthanasie réalisée en raison du pronostic défavorable confirmera le diagnostic de lymphome de la rate (photo ), ainsi que la présence d'une métastase dans le sinus frontal droit.

Carcinomes gastriques

Premier cas

Un poney shetland de dix ans est présenté pour des troubles respiratoires. De nombreux traitements antibiotiques n'ont pas donné de résultats. L'animal présente une dyspnée importante avec tirage costal. L'abdomen est distendu. L'animal n'a jamais eu de coliques. L'exploration rectale n'est pas possible en raison de la petite taille de l'animal. L'examen hématologique met en évidence une neutrophilie et une hyperfibrinogénémie. Le fluide abdominal présente une teneur anormalement élevée en cellules blanches (6 x 109/l) et en protéines (40 g/l), témoins de péritonite, alors que la cytologie est en faveur d'un carcinome à cellules squameuses. La radiographie thoracique met en évidence des poumons collabés par une importante collection pleurale (photo ). La thoracocentèse rapporte des éléments similaires à ceux de la paracentèse abdominale. La gastroscopie confirme la présence d'une masse tumorale caractéristique en chou-fleur évoquant un carcinome gastrique. L'échographie abdominale permet de visualiser un important envahissement de la paroi gastrique et des adhérences avec le foie.

Le pronostic étant défavorable, l'euthanasie est proposée au propriétaire. L'autopsie confirme le carcinome gastrique avec métastases séreuses au niveau de la plèvre et du péritoine (photo ).

Second cas

Une jument SF de vingt ans est présentée pour un fort amaigrissement depuis un mois et des coliques postprandiales épisodiques modérées. L'exploration rectale ne révèle rien d'anormal. Les examens hématologique et biochimique ne sont pas non plus révélateurs. Compte tenu du contexte (amaigrissement important brutal, animal âgé et coliques postprandiales), une gastroscopie est réalisée. Le passage du cardia est difficile. Une forte odeur nécrotique est perçue dès l'introduction du tube dans l'estomac. Dans l'estomac, il est mis en évidence une masse caractéristique en chou-fleur adjacente à la margo plicatus et envahissant une partie du cardia (photo ). Une biopsie de la tumeur est réalisée et confirme sa nature histologique. La paracentèse abdominale n'est pas diagnostique. L'animal est euthanasié à la demande du propriétaire en raison du pronostic défavorable. L'autopsie confirme l'importance de la tumeur (plus de 30 cm de diamètre), ainsi que la présence d'adhérences fibreuses avec le foie et le diaphragme. Il n'y a pas de métastases.

Tumeur rénale

Une jument pur-sang de douze ans est présentée pour un amaigrissement, une léthargie et une hématurie depuis deux mois. L'examen clinique révèle une congestion marquée et une coloration ictérique de toutes les muqueuses (rouge capucine) (photos et ). À la palpation transrectale, une forte augmentation de taille du rein gauche et un épaississement modéré de la rate sont notés. Les urines sont de couleur marc-de-café. La bandelette met en évidence de la bilirubine (++++) mais pas de sang. L'examen hématologique révèle une érythrocytose absolue (Ht 61 %, Hb 18,9 g/dl, GR 11,7 x 1012/l), une leucocytose (GB 18,7 x 109/l avec 75 % de neutrophiles) et une hyperfibrinogénémie (8,3 g/l). La biochimie montre une hyperbilirubinémie (110 mmol/l), une augmentation de PAL (1 722 U/l) et de GGT (3 534 U/l). L'endoscopie vésicale et le myélogramme sont normaux. Le dosage de l'érythropoïétine n'a pas été réalisé. L'échographie abdominale révèle les anomalies suivantes :

rein gauche : augmentation marquée de l'aire d'exploration (du quinzième espace intercostal à la fosse paralombaire) avec amincissement du cortex et diminution globale de l'échogénicité ;

rein droit : absence d'anomalies ;

rate : augmentation relative d'épaisseur et présence d'éléments anormaux d'échogénicité hétérogène au niveau des douzième et treizième espaces intercostaux.

– foie : augmentation marquée de l'aire d'exploration à droite et dilatation importante de nombreux canaux biliaires ayant un aspect tortueux signant une cholestase majeure.

Une biopsie hépatique et une biopsie du rein gauche sont réalisées sous contrôle écographique ; l'histologie met en évidence des lésions de cholangiohépatite chronique d'intensité moyenne à sévère et de glomérulonéphrite membrano-proliférative d'intensité légère à moyenne. La représentativité des échantillons de biopsie rénale peut être remise en question pour ce cas compte tenu de la taille du rein gauche.

Les propriétaires n'envisageant pas de faire réaliser une néphrectomie dans l'immédiat, la jument est soumise à des saignées régulières (6 l de sang, soit 12 ml/kg) pour maintenir l'hématocrite au-dessous de 55 % (afin d'éviter les complications cardiaques, pulmonaires, neurologiques ou une CIVD) et à un traitement antibiotique à long terme (Triméthoprime-sulfa 20 mg/kg per os 2 fois par jour pendant un mois) dirigé contre la cholangiohépatite.

L'effet de la saignée est spectaculaire et redonne de la vivacité à la jument. Celle-ci est suivie par son vétérinaire traitant qui surveille l'hématocrite et réalise des saignées toutes les huit à dix semaines pendant un an. À l'issue de cette période, l'animal meurt dans des conditions mal définies.

Mélanome malin

Un cheval gris de dix ans d'origine inconnue est présenté pour une déformation de la région parotidienne gauche et une dyspnée (photo ). L'hypothèse d'un mélanome de la glande parotide comprimant les voies respiratoires supérieures est rapidement émise. La nature de la tumeur est confirmée par biopsie à l'aiguille fine de la tumeur parotidienne et récolte d'un liquide noirâtre. L'endoscopie permet d'évaluer le degré d'obstruction des voies respiratoires et l'envahissement de la poche gutturale gauche. Le bilan d'extension révèle à l'exploration rectale une rate hypertrophiée et bosselée (photo ). L'animal est euthanasié et l'autopsie confirme l'hypothèse de mélanome malin.

Discussion et conclusion

Les lymphomes représentent le processus néoplasique interne le plus fréquent chez les équidés. L'étiologie reste obscure. Il n'y a pas de prédilection de sexe ni d'âge. La forme multicentrique ou généralisée est la plus fréquente, donnant lieu à des disséminations via le système circulatoire ou lymphatique. La phase leucémique telle que décrite dans l'un des cas présentés dans cette étude est rare. La clinique est peu spécifique. Les symptômes que l'on peut rencontrer sont par ordre décroissant : amaigrissement, fièvre, lymphadénopathie périphérique, masses abdominales, signes respiratoires, signes oculaires, coliques et diarrhée. La forme digestive donne lieu à l'évolution clinique la plus aiguë avec une détérioration rapide de l'état général de l'animal. Le diagnostic est souvent difficile à établir, le taux de confirmations ante-mortem étant inférieur à 60 % [12]. La confirmation nécessite soit une cytologie évocatrice (tumeurs peu exfoliatives), soit une forme leucémique (cytologie sanguine) rare et terminale, soit une histologie. Le pronostic des lymphomes est toujours réservé et particulièrement défavorable lors d'atteinte des cavités. En revanche, les lymphomes cutanés peuvent être contrôlés par la corticothérapie. Pour les autres lymphomes, la corticothérapie à forte dose ne permet que des rémissions temporaires. La chimiothérapie systémique est possible, mais encore anecdotique et coûteuse. Divers protocoles associant les antimitotiques (cytosine arabinoside, chlorambucil, vincristine, cyclophosphamide) et la prednisone ont été décrits, mais leurs résultats sont inconstants et leur coût est prohibitif [1, 3]. L'avenir de la chimiothérapie systémique est donc encore incertain.

Le carcinome de l'estomac est illustré dans cette étude par deux cas d'expression clinique différente. Son étiologie reste obscure. Parmi les hypothèses invoquées, les irritations répétées de la muqueuse gastrique par des parasites ou le bol alimentaire sont incriminées, mais rien n'est démontré à ce jour. Sur le plan clinique, l'évolution est chronique et asymptomatique, et aboutit à une phase terminale de détérioration rapide (en trois à quatre semaines) se caractérisant par une perte de poids, une anorexie, une dépression, une dysphagie et des coliques récurrentes postprandiales. À ce stade, il n'est pas rare que le processus néoplasique ait donné lieu à des métastases abdominales et/ou thoraciques. Le diagnostic clinique est difficile à établir, fondé uniquement sur la suspicion. L'hématologie peut révéler un processus inflammatoire chronique non spécifique. Le sondage nasogastrique est parfois difficile à réaliser en raison d'une résistance lors du passage du cardia. En raison des métastases, la cytologie du fluide abdominal ou pleural peut se révéler concluante dans les stades avancés. L'échographie peut également révéler une masse intra-stomacale si la tumeur est de taille importante. La gastroscopie est déterminante pour le diagnostic macroscopique [10] et histologique (par biopsie), ainsi que l'examen nécropsique. Le pronostic est toujours sombre car le diagnostic est tardif et l'exérèse chirurgicale inenvisageable même aux stades précoces en raison de la petite taille de l'estomac et de la difficulté d'y accéder dans la cavité abdominale.

L'intérêt du cas d'érythrocytose secondaire réside dans la conduite diagnostique. Il convient dans un premier temps de déterminer si l'érythrocytose est relative (cas le plus fréquent : déshydratation, choc) ou absolue. Les érythrocytoses absolues ont une origine primaire (rare) ou secondaire. La réalisation d'un myélogramme ou d'une biopsie de moelle osseuse permet de le préciser, de même que le dosage de l'érythropoïétine dont la réalisation et l'interprétation restent délicates. L'investigation approfondie des organes internes (reins, foie, rate, cœur et poumons) par l'exploration biochimique, échographique et les biopsies permet d'identifier l'origine secondaire afin d'établir un diagnostic étiologique et de proposer un traitement adapté [9].

Cette revue de cas cliniques montre que le diagnostic des néoplasmes abdominaux peut être simple, comme pour le cas de mélanome malin, ou plus difficile en raison des signes cliniques et biologiques imprécis : anémie, neutrophilie, hyperfibrinogénémie. Exceptionnellement, le cas de lymphosarcome digestif est leucémique, d'où l'intérêt du frottis sanguin. En revanche et en accord avec d'autres auteurs [7], l'exploration rectale, la cytologie du liquide abdominal, l'échographie et la biopsie d'organe sont déterminantes dans le diagnostic.

La majorité des cas sont donc résolus grâce à des examens simples réalisables en clientèle courante. Les cas pour lesquels des examens spécialisés sont nécessaires (gastroscopie, biopsies d'organes échoguidées, cœlioscopie, laparotomie) relèvent de structures disposant du plateau technique et des compétences adéquats.

Le diagnostic est cependant souvent tardif et l'euthanasie reste la règle dans la plupart des cas.

L'option chirurgicale se justifie pour les tumeurs localisées et sans métastases au niveau de l'intestin grêle ou du rein.

Éléments à retenir

• Une approche diagnostique systématisée est nécessaire pour la mise en évidence des néoplasies abdominales.

• Les néoplasies abdominales s'accompagnent souvent de signes hématologiques non spécifiques : anémie, hyperleucocytose, hyperfibrinogénémie.

• La cytologie abdominale donne souvent de faux négatifs car beaucoup de néoplasmes ne desquament pas dans la cavité abdominale.

• Les examens les plus déterminants dans le diagnostic sont l'exploration rectale, la cytologie du liquide abdominal, l'échographie et la biopsie transcutanée.

Principaux types de tumeurs abdominales chez les équidés

Lymphosarcome   Estomac, grêle, gros intestin, côlon, rectum, foie, rate

Carcinome   Estomac, foie, pancréas, rein, vessie

Adénocarcinome   Estomac, grêle, gros intestin, pancréas

Adénome   Pancréas

Léiomyosarcome   Estomac, grêle, côlon flottant, rectum

Léiomyome   Estomac, grêle, péritoine

Hémangiosarcome   Foie, rate

Polype   Estomac, côlon flottant, rectum, rein, vessie

Myxosarcome   Gros intestin

Lipome, lipomatose   Grêle, gros intestin, côlon flottant, rectum

Mésothélium   Péritoine

Mélanome   Rate

Fibrosarcome   Péritoine

Phéochromocytome   Glandes surrénales

Modifié d'après [4].

Courbe d'absorption de glucose

Réalisation

- Chez un cheval à jeun (de préférence vingt-quatre heures), administrer à l'aide de la sonde nasogastrique 1 g/kg de glucose anhydre ou D-glucose dilué à 20 % dans de l'eau tiède.

- Doser la glycémie à 30, 60, 90, 120, 180 et 240 minutes.

Interprétation

- En rouge une courbe normale : la valeur de la glycémie double à deux heures et retourne à son niveau initial dans les six heures.

- En noir une courbe plate de non-absorption : il s'agissait d'un lymphosarcome intestinal mis en évidence grâce à la biopsie rectale et à la paracentèse abdominale.

- Les courbes d'absorption partielle sont difficiles à interpréter : affection en évolution ou interférences métaboliques ? Répéter le test pour confirmer et réaliser éventuellement le test d'absorption du xylose.

D'après [14, 15].

Références

  • 1 - BYRNE BA, YVORCHUK-ST. JK, COUTO CG, et coll. Successful management of lymphoproliferative disease in two pregnant mares. Proceedings of the Annual Conference of the Veterinary Cancer Society. 1991 ; 8-9.
  • 2 - COTCHIN E et BAKER-SMITH J. Tumors in horses encountered in an abattoir survey. Vet. Record. 1975 ; 97, 17 : 339.
  • 3 - COUTO CG. Lymphoma in the horse. Proceedings of the 12th Annual Veterinary Medical forum. 1994 ; 856.
  • 4 - EAST LM et SAVAGE CJ. Abdominal neoplasia (excluding urogenital tract). Vet. Clin. N.-Amer. Equine Pract. 1998 ; 14 : 475-493.
  • 5 - FOREMAN JH. Changes in body weight. In : Reed SM et coll. (ed). Equine Internal Medicine. Philadelphia, WB Saunders. 1998 ; 135.
  • 6 - LAUGIER C et coll. Prévalence de la pathologie tumorale et fréquence des différents types tumoraux dans un effectif de 1663 chevaux autopsiés de 1986 à 2002. Proceedings Journées AVEF 2003 ; 22-38.
  • 7 - LESLIE ME, SAVAGE CJ, TRAUB-DARGATZ JL. Weight loss in the horse : a focus on abdominal neoplasia. Equine Vet. Educ. 1999 ; 11(4) : 174-178.
  • 8 - LINDBERG R, NYGREN A, PERSSON SGB. Rectal biopsy in horses with clinical signs of intestinal disorders : a retrospective study of 116 cases. Equine Vet. J. 1996 ; 28(4) : 275-284.
  • 9 - MORRIS DD. Diseases of the hemolymphatic system. In : Reed SM et coll. (ed). Equine Internal Medicine. Philadelphia, WB Saunders. 1998 ; 558.
  • 10 - MURRAY MJ. Gastrointestinal neoplasia. In : Reed SM et coll. (ed). Equine Internal Medicine. Philadelphia, WB Saunders. 1998 ; 705.
  • 11 - PRIESTER WA et MANTEL N. Occurrence of tumors in domestic animals. Data from 12 United-States and Canadian colleges of veterinary medicine. J. Natl. Cancer Inst. 1971 ; 47,6 : 1333-1344.
  • 12 - SCHNEIDER DA. Lymphoproliferative and myeloproliferative disorders. In : Robinson NE (ed). Current therapy in equine medicine, 5th. St. Louis, WB Saunders. 2003 ; 359-362.
  • 13 - UNDBERG JP et coll. Neoplasms of equidae. J. Am. Vet. Med. Assoc. 1977 ; 170,2 : 150-152.
  • 14 - SWEENEY RW. Laboratory evaluation of malassimilation in horses. Vet. Clin. N. Amer. - Equine Pract. 1987 ; 3 : 507-515.
  • 15 - TAYLOR FGR et coll. Chronic wasting. In : Taylor FGR and Hillyer MH (eds). Diagnostic techniques in equine medicine. London, WB Saunders. 1997 ; 65.
  • 16 - TAMZALI Y. Le syndrome d'amaigrissement chronique chez les équidés. 1re partie : un défi diagnostique pour le clinicien. Revue Méd. Vét. 2003 ; 154 : 395-404.
  • 17 - TAMZALI Y. Le syndrome d'amaigrissement chronique chez les équidés. 2e partie : de la théorie à la pratique, étude rétrospective sur 60 cas. Revue Méd. Vét. 2003 ; 154 : 405-413.
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