Fièvre chez le cheval adulte : approche diagnostique et clinique - Pratique Vétérinaire Equine n° 142 du 01/04/2004
Pratique Vétérinaire Equine n° 142 du 01/04/2004

Auteur(s) : H. Amory

Fonctions : Service de médecine interne
des grands animaux
Département des sciences cliniques,
Faculté de médecine vétérinaire
Université de Liège
Bât. B 42, Sart Tilman, B 4000
Liège, Belgique

Cinq étapes successives sont requises face à un cheval qui souffre de fièvre. Il s'agit de : l'anémie, un examen général, un examen clinique approfondi du ou des systèmes affectés, des examens cliniques complémentaires, et enfin de laboratoire.

La fièvre constitue un symptôme et peut être de nature infectieuse, inflammatoire, immunologique ou, encore, néoplasique [2, 4, 6, 7]. Dans bon nombre de maladies, elle constitue une aide diagnostique et même un adjuvant thérapeutique intéressants [1, 4, 7]. Le clinicien confronté à un cas de fièvre ne doit pas dès lors limiter son approche à une lutte aveugle contre ce signe clinique, mais plutôt s'orienter vers l'identification et l'éradication de la cause de la fièvre [1, 4].

Tous les systèmes de l'organisme peuvent être affectés par un processus pathologique associé à de la fièvre (voir le tableau “Diagnostic différentiel des principales causes de fièvre chez le cheval adulte”), les plus fréquemment atteints dans l'espèce équine étant les systèmes respiratoire et digestif [3, 6]. Dans la plupart des cas, la fièvre est induite par un processus infectieux [1, 2, 3, 6, 7] : ainsi, par exemple, dans une étude rétrospective portant sur soixante-trois chevaux qui présentent une fièvre d'origine inconnue, 43 % des animaux se sont révélés souffrir d'un trouble infectieux, contre 22 % d'un trouble néoplasique et 6 % d'un désordre immuno-induit [3]. Dès lors, l'approche clinique d'une fièvre doit privilégier de façon systématique la recherche des causes infectieuses [2, 7]. En outre, une cause infectieuse est encore plus probable si le début de la fièvre débute brutalement, si la température rectale dépasse 39,4 °C, et si l'hyperthermie est accompagnée de dépression, de diminution ou de perte d'appétit, de signes suggestifs d'une atteinte infectieuse respiratoire (jetage séreux, épiphora, hypertrophie ganglionnaire) ou digestive (diarrhée), ou encore de leucocytose ou de leucopénie [7].

Un trouble infectieux est souvent facilement identifié sur la base de l'anamnèse et de l'examen clinique, ou bien il est de courte durée et disparaît spontanément en une à deux semaines sans qu'un diagnostic ne soit établi [1, 7]. Parfois, cependant, la fièvre se poursuit au-delà de trois semaines et est accompagnée de signes peu spécifiques tels que une léthargie, un appétit variable ou un amaigrissement, sans que la cause ne soit identifiée, et ce malgré la mise en place des examens complémentaires de routine : la fièvre est, dans ce cas, dite d'origine inconnue [1, 3, 7]. La plupart de ces cas de fièvre d'origine inconnue sont dus, chez le cheval comme dans les autres espèces, à des affections banales, mais associées à une présentation clinique inhabituelle [3, 6, 7]. Ils constituent souvent un challenge pour le clinicien équin. Ce défi est relevable dans bon nombre de cas grâce à la réalisation d'examens cliniques complets et répétés et d'examens complémentaires appropriés [3, 7]. Ainsi, certains auteurs estiment qu'une approche systématique, fondée sur l'identification des troubles, permet d'établir le diagnostic dans environ 90 % des cas de fièvre inconnue [3, 7].

Le clinicien confronté à un cas de fièvre doit avant tout tenter de localiser le système affecté de façon primaire. Il cherchera ensuite à déterminer la nature du trouble [6]. Dans ce contexte, l'obtention d'une anamnèse détaillée et la réalisation d'un examen clinique approfondi constituent les deux étapes préliminaires incontournables, avant la mise en place d'examens complémentaires éventuels. Les éléments recueillis lors de l'examen clinique permettront d'interpréter les résultats des examens complémentaires réalisés [6].

L'approche clinique pour aborder une fièvre chez le cheval est présentée ici en cinq étapes successives (voir l'encadré “Étapes de l'abord d'un cas de fièvre chez le cheval”).

Après l'anamnèse (étape 1), l'examen général (étape 2), qui doit être répété si nécessaire, inclut : un examen à distance, un examen général à l'arrêt et un examen en mouvement. Ensuite, l'examen clinique comporte un examen approfondi du ou des système(s) qui semble(nt) affecté(s) sur la base des résultats obtenus lors des deux premières étapes (étape 3). Un examen de la cavité buccale, un examen ophtalmique, une palpation transrectale et un examen macroscopique des matières fécales devraient également être réalisés (étape 4). Sur la base de ces quatre étapes, des examens complémentaires de laboratoire, qui sont développés dans l'article “Approche diagnostique de laboratoire en présence de fièvre chez le cheval” dans ce numéro, peuvent être mis en place.

Étape 1 : anamnèse

L'anamnèse doit tout d'abord tenter d'identifier le profil de la fièvre [7]. Idéalement, si ce dernier n'est pas connu (ce qui est souvent le cas), il convient de le déterminer (avec l'aide du propriétaire ou lors d'une hospitalisation) par une prise de la température rectale plusieurs fois par jour [1, 2, 7]. La température mesurée le soir est souvent plus élevée que celle du matin, sans que cela ne signifie nécessairement une aggravation de l'état de l'animal en fin de journée [1].

La fièvre se manifeste de plusieurs façons [2, 7] :

Intermittente : variations diurnes d'au moins 0,75 °C, avec le plus souvent (90 % des cas) une apparition ou une accentuation de la fièvre en fin d'après-midi ou le soir. Les pics de fièvre sont entrecoupés de phases de réduction, voire de disparition de la fièvre. Ce type de fièvre accompagne le plus souvent les processus infectieux, en particulier les infections virales. Cependant, d'autres étiologies sont possibles.

Récurrente : variations sur plusieurs jours, avec plusieurs jours de fièvre entrecoupés de plusieurs jours sans fièvre. Quelques maladies, comme la piroplasmose, l'anémie infectieuse équine et, beaucoup plus rarement, la brucellose sont associées à ce profil.

Biphasique : caractérisée par une élévation initiale de la température suivie d'une période de température normale, puis d'une seconde phase d'hyperthermie. Ce type de profil de fièvre est caractéristique de certaines affections, notamment l'ehrlichiose monocytaire (Potomac horse fever).

Continue : caractérisée par une fièvre persistante sans fluctuation. L'hyperthermie associée à l'administration de médicaments et à certaines toxines peut être de ce type, ce qui est d'autant plus probable si le cheval ne montre aucun autre signe de maladie. Dans de tels cas, l'arrêt de l'administration du médicament ou de l'exposition à la toxine doit faire disparaître la fièvre dans les quarante-huit heures.

Ensuite, dans l'anamnèse, après un relevé des éléments classiques de l'anamnèse incluant notamment le signalement (âge, race, etc.), l'environnement, les déplacements faits par le cheval et les maladies éventuelles chez les congénères, le clinicien pose des questions appropriées et systématiques pour détecter et dater des signes utiles à l'identification d'une atteinte éventuelle de chacun des systèmes de l'organisme [2, 7]. La présence de gourme chez d'autres chevaux dans l'écurie peut s'avérer un élément important à relever [2].

La fièvre peut être associée à l'administration de certains médicaments (voir l'encadré “Médicaments associés à de la fièvre dans l'espèce équine”) ou à l'exposition à des toxiques (voir l'encadré “Toxiques associés à de la fièvre dans l'espèce équine”) [6, 7]. Un historique d'administration d'un médicament ou d'une exposition à un toxique doit dès lors être réalisée lors de l'anamnèse [7].

Étape 2 : examen général

En cas de fièvre, l'examen clinique doit être réalisé de façon particulièrement systématique et rigoureuse, et sa répétition est souvent utile pour établir un diagnostic [2, 3, 6, 7]. En effet, certains symptômes ne surviennent qu'à certains stades de la maladie, ou bien s'accentuent, se précisent voire se modifient avec l'évolution de celle-ci.

Le cheval doit être examiné à distance, au repos puis en mouvement [6].

Chez les poneys, les ânes et les chevaux miniatures qui présentent de la fièvre associée à une anorexie, le praticien doit être attentif à déceler d'éventuels signes d'hyperlipémie tels que une dépression, une anorexie, et des signes d'atteinte du système nerveux central (léthargie, incoordination, faiblesse, etc.) [6].

Examen à distance

Lors de cette étape préliminaire à toute manipulation, le clinicien regarde le cheval de face, de côté et de derrière afin d'évaluer l'état général et d'embonpoint, le psychisme, le comportement et l'état des poils, et de détecter la présence éventuelle de lésions cutanées, de zones de sudation, de tremblements ou de fasciculations musculaires, d'amyotrophie, de gonflements ou de déformations, ou encore d'œdèmes périphériques [5].

Examen général à l'arrêt

L'examen général à l'arrêt inclut successivement l'examen de la tête (nez, bouche, face, yeux, pouls, ganglions, etc.), de la région de la gorge, de l'encolure, des membres, du thorax (système respiratoire profond et cœur), de l'abdomen, des organes génitaux externes et des régions dorsolombaire et périnéale [5, 7], ainsi qu'une palpation des masses musculaires (particulièrement les régions utilisées pour des traitements intramusculaires). Toutes les régions du corps, en particulier les articulations et les nœuds lymphatiques, sont attentivement palpées [6, 7].

En cas de fièvre, l'examen général comporte une auscultation attentive du cœur et du système respiratoire profond à l'aide d'un sac respiratoire [2, 6, 7].

Examen en mouvement

Cet examen a pour objectif de mettre en évidence une éventuelle boiterie ou des signes d'atteinte neurologique (ataxie, spasticité, dysmétrie et/ou faiblesse) et d'évaluer la tolérance à l'effort [7]. Les systèmes respiratoire et cardiovasculaire peuvent en outre être réévalués après l'effort [2, 7].

Étape 3 : examen détaillé du ou des systèmes affectés

Sur base des signes détectés lors des deux premières étapes, un examen clinique approfondi du ou des système(s) affecté(s) est réalisé [5]. Ainsi, par exemple, l'observation d'une dyspnée, même légère, au repos ou après exercice justifie la réalisation d'un examen approfondi du système respiratoire, incluant notamment une percussion et une auscultation pulmonaires très attentives.

De plus, un examen neurologique devrait systématiquement être réalisé en cas de fièvre, car certaines affections du système nerveux central peuvent être à l'origine de fièvre d'origine inconnue [2].

Étape 4 : examens cliniques complémentaires

Un examen de la cavité buccale à l'aide d'un pas d'âne, un examen ophtalmique à l'aide d'un ophtalmoscope et une palpation transrectale constituent des examens cliniques complémentaires à réaliser lors de fièvre chez un cheval [2, 6, 7].

Un examen macroscopique des matières fécales, incluant leur aspect, leur consistance, et leur volume, ainsi que la recherche de parasites ou de sable fait également partie de l'examen clinique en cas de fièvre [7].

Étape 5 : examens complémentaires de laboratoire

Les examens complémentaires envisageables en cas de fièvre sont développés dans l'article intitulé “Approche diagnostique de laboratoire en présence de fièvre chez le cheval” dans ce numéro.

Éléments à retenir

• Dans l'espèce équine, la fièvre est le plus souvent de nature infectieuse et les systèmes respiratoire et digestifs sont les systèmes plus fréquemment atteints.

• La plupart des cas de fièvre d'origine inconnue sont dus à des affections banales, mais associées à une présentation clinique inhabituelle.

• Un cas de fièvre doit être abordé de façon rigoureuse, complète et systématique, en s'attachant d'abord à localiser le système atteint, puis à déterminer la nature de l'affection.

Étapes de l'abord d'un cas de fièvre chez le cheval

◊ Étape 1. Anamnèse

◊ Étape 2. Examen général

- Examen à distance

- Examen général à l'arrêt

- Examen en mouvement

◊ Étape 3. Examen clinique approfondi du ou des systèmes affectés

◊ Étape 4. Examens cliniques complémentaires

(examen buccal, ophtalmique et des matières fécales ; palpation transrectale)

◊ Étape 5. Examens complémentaires de laboratoire

Médicaments associés à de la fièvre dans l'espèce équine

• Pénicilline

• Sulfamidés

• Antihistaminiques

• Procaïnamide

• Quinidine

• Amphotéricine B

• Céphalosporines

• Cimétidine

• Iodés

• Rifampicine

• Érythromycine

• Lévamisole

• Chloramphénicol

• Tétracyclines

D'après [6, 7]

Toxiques associés à de la fièvre dans l'espèce équine

• Cantharide

• Sélénium

• Arsenic

• Mercure

• Propylène glycol

• Plantes contenant des pyrrozilidines

• Certaines mycotoxines

D'après [6, 7]

Références

  • 1. BROWN CM. Fever. In : Brown CM (Ed). Problems in equine medicine. Lea & Febiger Cie, Philadelphia. 1989 ; 196-204.
  • 2. HINES MT. Changes in body temperature. In : Reed SM, Bayly WM (Eds). EquineInternal Medicine. 2nd Ed. WB Saunders cie. Philadelphia. 2004 ; 148-155.
  • 3. MAIR TS, TAYLOR FRG, PINSENT PJN. Fever of unknown origin in the horse : a review of 63 cases. Equine Vet. J.1989 ; 21 : 260-265.
  • 4. MCMILLANFD. Fever : Pathophysiology and rational therapy. Comp. Cont. Educ. Pract. Vet. 1985 ; 7 : 845-855.
  • 5. ROSE RJ, HODGSON DR. Physical examination. In : Rose RJ, Hodgson DR (Eds). Manual of equine practice. WB Saunders Cie. Philadelphia. 1993 ; 1-23.
  • 6. ROY MF. Fever. In : Bertone J, Brown C (Eds). The 5-minute veterinaryconsultequine. Lippincott Williams & Wilkins, Baltimore. 2002 ; 428-431.
  • 7. WHITE SL. Alterations in body temperature. In : Smith BP (Ed). Large animal internal medicine. 3rd Ed. Mosby Cie, St Louis. 2002 ; 36-45.
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