Réalisation pratique des examens complémentaires en ophtalmologie

Plusieurs examens complémentaires permettent d'affiner le diagnostic lors de trouble en ophtalmologie. Ces examens complémentaires méritent d'être réalisés en premier lieu avant l'application de tout collyre ou avant toute autre manipulation.

◊ Le test de Schirmer

Principe

Le test de Schirmer est la mesure quantitative de la sécrétion lacrymale par application d'un papier-filtre (papier-buvard) de 5 mm de large sur 50 mm de long (^photo et voir la ^{figure “Pratique du test de Schirmer chez le cheval”}), posé au niveau du cul-de-sac conjonctival inférieur (au 1/3 externe et aux 2/3 internes), ou de papier Whatman 42 (7,5 x 80 mm) approprié au cheval.

Indications

Les indications de ce test sont une suspicion d'insuffisance lacrymale, de kérato-conjonctivite sèche (KCS), toutes les affections du segment antérieur avec des sécrétions anormales croûteuses.

Précautions

S'il existe des sécrétions purulentes débordant le rebord palpébral, il convient de les nettoyer avec précaution avec un coton-tige s ec et stérile. Il faut éviter de provoquer une irritation qui entraînerait une sécrétion lacrymale réflexe. L'extrémité du papier-test ne doit pas être touchée avec les doigts ; ce dernier est replié dans son emballage avant de la sortir, et il est saisi avec une pince et appliqué dans sa partie supérieure repliée au niveau de l'encoche (ou du trait noir) dans le cul-de-sac conjonctival inférieur. L'œil est ainsi maintenu ouvert, en remontant légèrement la paupière inférieure avec le pouce. Si le cheval bouge, il est maintenu en fermant doucement les paupières, sans appuyer. Au bout d'une minute, on peut lire le niveau d'imbibition du papier-test depuis l'encoche placée au niveau du rebord palpébral jusqu'à la zone imbibée de la partie verticale du papier.

Lecture

La sécrétion normale est de 15 mm (trois divisions de 5 mm) au moins en une demi-minute. Elle peut varier entre 15 et 30 mm chez le cheval en une minute (moyenne : 14,7 mm en 30 secondes et 20,6 mm en 1 minute).

Lors de KCS, la sécrétion est souvent inférieure à 7 mm d'imbibition du papier-test.

Immédiatement après le test de Schirmer, le praticien fait, en cas de suspicion d'infection, des prélèvements conjonctivaux (ou parfois même cornéens).

◊ Les frottis conjonctivaux

Principe

Il s'agit de prélever les sécrétions conjonctivales, avant même l'application de tout collyre qui pourrait modifier leur nature, au niveau du cul-de-sac inférieur, à l'aide de cotons-tiges stériles, en abaissant la paupière inférieure et en tournant l'écouvillon contre la muqueuse conjonctivale. Il convient d'éviter de toucher les paupières.

Réalisation

• Le premier écouvillon, frotté, est mis de façon stérile dans un milieu de transport pour germes (type Portagerm®, ou milieu au charbon). Jusqu'à son envoi au laboratoire, il est conservé au frais (^photo et ^figure ).

• Le deuxième frottis (^figure ) est utilisé pour faire un étalement sur lame de la sécrétion prélevée, en vue d'un examen direct au microscope. Si les sécrétions (ou l'humidité du coton-tige qui a frotté la conjonctive) le permettent, il est préférable de réaliser au moins deux étalements sur lames.

- La première lame est séchée et annotée au crayon de papier sur la partie dépolie réservée à cet effet : nom du cheval, nom du propriétaire, date de prélèvement.

Elle est ensuite fixée à l'aide d'un fixateur cytologique (type Clinifix®). Après sa fixation, elle peut être colorée à volonté : entre quinze minutes (le séchage est là aussi nécessaire) et quelques jours après, au May-Grunwald-Giemsa (MGG). Cette coloration simple (on peut utiliser les colorants rapides type Ral 555®) permet d'observer au microscope la nature des cellules conjonctivales et la prédominance de certaines cellules de l'inflammation (polynucléaires-éosinophiles très rarement). On relève parfois la présence plus ou moins marquée de fibrine, et de mucus, qui est important à observer car les germes microbiens se situent souvent dans ses îlots. Les germes peuvent être présents au sein même du cytoplasme des cellules conjonctivales (phénomène beaucoup plus rare) ou de macrophages (rares), ou bien ils sont épars sur la préparation, à la fois en intra- et en extracellulaire.

- La seconde lame est laissée à sécher encore plus longtemps. Elle est annotée de la même façon que la première. Puis elle est fixée, très délicatement, par une goutte d'alcool. Le séchage est réalisé au minimum un quart d'heure (jusqu'à une demi-heure) après cette fixation, avant coloration au Gram ; le peu de sécrétions conjonctivales étalées partiraient avec une fixation trop importante à l'alcool, a fortiori si l'on n'attend pas assez longtemps leur séchage.

La coloration au Gram s'effectue classiquement en prenant garde que les sécrétions fixées ne partent pas au stade de la décoloration.

Elle permet de savoir si les germes observés lors de la première coloration au MGG (qui donne une bonne idée de leur morphologie, meilleure qu'au Gram) sont Gram+ ou Gram-.

La morphologie des germes et la coloration permettent au praticien habitué d'orienter déjà le traitement antibiotique.

• Frottis-raclage de conjonctive à la spatule (^figure ). L'examen direct au microscope est plus facile si l'abondance des sécrétions et des cellules superficielles de la conjonctive est plus grande, grâce à cette technique. Si le cheval est facile à manipuler, ou que l'œil observé n'est pas trop douloureux, le praticien effectue alors un véritable “raclage” superficiel de la conjonctive du cul-de-sac palpébral inférieur, à l'aide d'une spatule mousse (type spatule à pâte dentaire ou spatule de Kimura). Le produit de raclage est étalé délicatement sur une lame et laissé à sécher pendant dix à quinze minutes au minimum. Temps pendant lequel le praticien note la lame (ou les lames) de la même façon au Clinifix®. Les lames sont colorées, beaucoup plus tard, au MGG et au Gram.

• Le troisième frottis, à l'aide d'un écouvillon stérile de la muqueuse conjonctivale, est introduit dans un tube pour recherche de mycose : tube Sabouraud-chloramphénicol-gentalline (Institut Pasteur) contenant une gélose inclinée et au fond duquel, lorsqu'il est tenu vertical, se trouve un léger liquide surnageant (^figure ). L'écouvillon doit être tout d'abord introduit au fond de ce tube ; on le tourne quelques secondes au fond pour l'imbiber du liquide stagnant, puis on ensemence la surface de la gélose inclinée en remontant et en tournant l'écouvillon sur lui-même, de façon à laisser au contact de la gélose le coton de l'écouvillon qui est porteur au maximum des sécrétions prélevées. Puis le tube est rebouché par vissage, sans le refermer complètement. Le tube Sabouraud-chloramphénicol-gentalline est, lui aussi, immédiatement annoté des noms du cheval et du propriétaire, et daté. Il est alors conservé à température ambiante (et non pas au réfrigérateur) en attendant d'être porté ou expédié au laboratoire d'analyses spécialisé en mycologie.

À noter que le laboratoire d'analyses conseille, pour la recherche des germes, l'utilisation d'un milieu au charbon (^figure ) (le même que celui utilisé pour le diagnostic de métrite chez la jument).

La fiche de laboratoire remplie et le prélèvement sont mis dans une enveloppe capitonnée. S'il s'agit de tubes Portagerm® ou de tubes Sabouraud-chloramphénicol + gentamycine, ils sont entourés de gaze ouatée, de coton ou d'un capitonnage maintenu par du sparadrap, de façon qu'ils ne se cassent pas lors du transport par la Poste.

◊ Résultats

Dans l'attente de la réponse du laboratoire sur les germes isolés (si le praticien est pressé par le temps, il peut téléphoner après deux à quatre jours pour connaître la détermination du germe ou des germes), l'examen direct du frottis-raclage de conjonctive ou de cornée permet au praticien une première approche de l'infection oculaire (ou de l'inflammation oculaire).