Apport du laboratoire de biologie en gastro-entérologie - Pratique Vétérinaire Equine n° 140 du 01/10/2003
Pratique Vétérinaire Equine n° 140 du 01/10/2003

Auteur(s) : G. Fortier*, V. Boureau**, M.-P. Toquet***, D. Anrioud****, C. Hary*****, S. Ménard******, K. Maillard*******, P.-H. Pitel********, S. Pronost*********

Fonctions :
*Laboratoire Frank Duncombe
1, route de Rosel,
14053 Caen Cedex
**Clinique vétérinaire
de la Châtaigneraie
44240 Suce-sur-Erdre
***Laboratoire Frank Duncombe
1, route de Rosel,
14053 Caen Cedex
****Laboratoire Frank Duncombe
1, route de Rosel,
14053 Caen Cedex
*****Laboratoire Frank Duncombe
1, route de Rosel,
14053 Caen Cedex
******Laboratoire Frank Duncombe
1, route de Rosel,
14053 Caen Cedex
*******Laboratoire Frank Duncombe
1, route de Rosel,
14053 Caen Cedex
********Laboratoire Frank Duncombe
1, route de Rosel,
14053 Caen Cedex

Les progrès des examens complémentaires, tels que l'imagerie, ont modifié les pratiques diagnostiques courantes. Le recours à l'analyse de laboratoire a connu, lui aussi, une évolution parallèle à celle de l'arsenal “paraclinique”.

Un certain nombre d'analyses de biologie doivent répondre à des critères majeurs de praticabilité, de rapidité de réponse et de fiabilité. Ces méthodes peuvent être classées arbitrairement en deux groupes :

- les examens de première intention ou de bilan préalable : réponse rapide et analyses praticables (au moins en théorie) au chevet du cheval ;

- les examens complémentaires : analyses nécessaires si les premières ont été insuffisantes, à pratiquer au sein de structures plus spécialisées (laboratoire de biologie équine notamment).

Certaines indications cliniques ou notions d'urgence, telles que les coliques, pourront motiver le recours immédiat à des examens comme ceux des liquides de paracentèse abdominale, rarement pratiqués en toute première intention dans les explorations “abdominales” au sens large.

Les praticiens motivés par la biologie et/ou par la nécessité d'obtenir un résultat rapide (hospitalisation dans des structures de type “clinique”) pourront facilement pratiquer les coproscopies parasitaires, la cytologie simple et la biochimie ou l'hématologie de base.

Enfin, les motifs des demandes d'examens complémentaires peuvent être extrêmement variés et le laboratoire devra donc adapter ses protocoles aux situations rencontrées. Il conviendra alors d'instaurer une qualité d'échange entre le biologiste et le praticien, de façon à ce que les choix du praticien se portent avant tout sur des examens pouvant apporter, avec une séquence logique, les réponses attendues aux questions posées par l'examen clinique préalable et/ou son évolution. Ce dernier reste avant tout “l'outil” prioritaire dans l'approche diagnostique. Il ne faudra pas laisser au hasard les commémoratifs cliniques qui auront motivé l'examen, ainsi que le respect des conditions de prélèvements qui gagneront à être standardisées pour fiabiliser l'interprétation des résultats (voir le tableau “Quelquescommémoratifs importants pour interpréter correctement un bilan hémato-biochimique”).

Cet article présente successivement les grandes familles d'examens complémentaires, en essayant de proposer dans un deuxième temps des “bilans” adaptés aux situations cliniques et tirés de l'expérience quotidienne de laboratoire.

Nous entendons ici par “pathologie abdominale” l'ensemble du tube digestif et les viscères d'implication digestive (foie et pancréas essentiellement).

Analyses sanguines

Le recours aux analyses sanguines est particulièrement adapté puisqu'il est non invasif, rapide et fiable.

L'hématologie et la biochimie renseignent en effet sur les aspects lésionnels et fonctionnels :

- produits libérés par des cellules lésées (biochimie enzymatique) ou répercussions des lésions sur l'organisme avec ses réactions de défense (lignée blanche sanguine, protéines de l'inflammation, etc.) ;

- dosage de composants normalement élaborés ou éliminés par l'organisme (biochimie).

Dans le large cadre des maladies abdominales, ou même de la gastro-entérologie équine, la difficulté pour le biologiste sera notamment de pouvoir proposer des dosages sélectifs de tissus lésés. Une approche générale sera donc recherchée (inflammation, infection, nécrose tissulaire, néoplasie) et/ou une approche spécifique d'organes ou de compartiments tissulaires (foie, rein, estomac, côlon, intestin grêle, pancréas, etc.).

Autant dire que cette tâche n'est pas toujours aisée !

L'hématologie

La numération-formule permet de caractériser le type de processus inflammatoire mis en jeu et d'évaluer les pertes hydriques (hématocrite) ou les processus pathologiques anémiants. Il est important de connaître les “normes” usuelles de son laboratoire afin de travailler dans les meilleures conditions ou de “calibrer” ses propres appareils avec l'aide d'un laboratoire de biologie équine ou de proximité (voir le tableau “Valeurs indicatives de l'hémogramme chez les chevaux selon la race ou l'utilisation”).

La leucocytose avec neutrophilie témoigne de la mise en jeu des processus de l'inflammation. La leucopénie et la présence de leucocytes immatures (toxic ou band neutrophils pour les Anglo-Saxons) permettent d'évaluer le degré d'endotoxémie. Lors de suspicion de clostridiose intestinale, par exemple, et sans attendre le résultat de la coproculture (quelques jours), les leucopénies sévères, associées à des signes cliniques évocateurs, permettront de débuter un traitement antibiotique à dominante Gram positif et une thérapie antitoxinique [10].

L'examen approfondi de la formule sanguine permet aussi d'orienter le clinicien dans de nombreuses situations pathologiques différentes.

L'évaluation de la population des cellules polynucléaires éosinophiles, paramètres sensibles chez les équidés, possède une valeur prédictive positive élevée (parasitisme ou entérite granulomateuse). Cette analyse simple, couplée à des coproscopies répétées (deux à trois fois à une semaine d'intervalle, par exemple) permettra donc, en routine, d'explorer facilement ces deux tableaux pathologiques fréquents chez le cheval.

L'évaluation qualitative et quantitative de la lignée érythrocytaire renseignera aussi sur les hypothèses de saignements (ulcères, lésions intestinales, etc.) lorsqu'elle est couplée à une recherche de sang occulte dans les crottins.

Les fonctions hépatique et rénale

L'exploration fonctionnelle du foie peu aisément être réalisée en utilisant des enzymes telles que la gamma glutamyl transférase (γGT), la phosphatase alcaline (PAL) et la sorbitol déshydrogénase (SDH) [22]. La glutamate déshydrogénase (GLDH) est souvent à préférer chez le cheval, en raison de son excellente spécificité hépatocytaire et de sa relative stabilité dans les prélèvements, à l'inverse de la SDH (voir le tableau “Quelques paramètres utiles en exploration biochimique hépatique chez le cheval”). Les acides biliaires, eux aussi, sont de bons marqueurs d'insuffisance hépatique fonctionnelle, car ils s'élèvent rapidement et sont exclusivement hépatocytaires [2, 9, 13]. Leurs taux circulants normaux sont bas et faciles à interpréter.

Les augmentations les plus marquées en cas d'obstruction biliaire sont celles de la PAL et de la γGT [9], mais il convient, notamment chez les jeunes chevaux, de s'assurer que l'augmentation sérique des PAL n'est pas le fait des iso-enzymes osseuses ou intestinales de cette enzyme [11, 15, 27].

La γGT pose parfois des difficultés d'interprétation chez le cheval à l'entraînement en raison de son maintien à des taux élevés chez des animaux cliniquement sains, sans profils biochimiques évoquant des lésions hépatiques [4]. Il convient, pour ces chevaux, d'éliminer toute possibilité de maladie rénale ou pancréatique puisque ces deux organes ont une activité tissulaire importante vis-à-vis de cette enzyme (voir le tableau “Quelques paramètres utiles en exploration biochimique hépatique chez le cheval”). Dans d'autres cas, ces taux élevés sont associés à des chevaux contre-performants ou supportant mal les entraînements rapprochés [4, 22]. Le changement d'alimentation et le retour au paddock sont parfois suffisants pour aboutir à un retour à la normale [22].

Le niveau de bilirubine totale chez le cheval athlète est un marqueur essentiel de l'hémolyse et, même si sa valeur normale est souvent discutée, de nombreux chevaux performants possèdent des seuils de bilirubinémie plus élevés que la moyenne [2, 12].

La fonction rénale est bien explorée par le dosage de l'urée et de la créatinine qui sont deux paramètres constants chez le cheval. Néanmoins, ces deux dosages pourront être modifiés par des dysfonctionnements prérénaux, comme la déshydratation et l'exercice musculaire [22]. Les dosages au repos seront parfois un peu élevés en raison des régimes riches en protéine et/ou de l'effort musculaire s'il a été effectué dans les douze heures précédant l'analyse de sang.

Les paramètres biochimiques usuels, rénaux et hépatiques, peuvent donc confirmer les insuffisances fonctionnelles de ces organes : urée, créatinine, rapport bilirubine conjuguée/bilirubine totale (normale < 35 % chez le cheval), PAL, γGT, SGOT. Les iso-enzymes hépatiques de la PAL, bien que plus coûteuses, permettent une exploration “lésionnelle” et sélective de cet organe.

L'inflammation du tube digestif peut donc être explorée avec les dosages spécifiques des iso-enzymes intestinales des phosphatases alcalines. Leur taux n'excède généralement pas 12 % (+/- 3 %) de la fraction totale, quel que soit l'âge de l'animal (données du laboratoire Frank Duncombe). Il s'élève assez rapidement en cas d'affections parasitaires chez le poulain (cyathostomose) ou lors de certaines coliques chez l'adulte. Les iso-enzymes intestinales de la PAL seront principalement associées à l'intestin moyen, avec une activité décrite aussi pour le duodénum qui a parfois fait de ce dosage un outil éventuel de dépistage des ulcères gastro-duodénaux. Ces dosages pourront donc être recommandés en seconde intention dans l'exploration de l'inflammation intestinale. Par ailleurs, toute inflammation du tube digestif, lorsqu'elle est sérieuse, entraîne chez le sujet atteint des pertes protéiques et hydriques (électrolytiques) qui se répercutent rapidement sur la formule sanguine et l'ionogramme [20]. L'état de déshydratation est fourni par l'hématocrite, alors que les fuites protéiques sont évaluées avec le taux de protéines totales du sérum. Enfin, l'examen approfondi des neutrophiles circulants, notamment la recherche des formes “toxiques” (anomalie de la membrane cytoplasmique, du noyau, adhérence aux hématies, etc.), donnera de bonnes indications diagnostiques et pronostiques pour les entérotoxémies (clostridies, salmonelles, colibacilles, par exemple).

Parmi les déshydrogénases, la lactate déshydrogénase (LDH) est peu coûteuse et facile à doser en routine, mais elle souffre, pour son interprétation, d'une impossibilité de distinguer les différents isomères musculaires et hépatiques [5, 17]. Le dosage spécifique de ces iso-enzymes est possible, mais beaucoup plus coûteux et n'est pas forcément le témoin d'un dysfonctionnement hépatique, même si la LDH 5 est souvent citée comme un bon témoin fonctionnel du foie [9, 14, 16].

L'électrophorèse des protéines sériques

L'électrophorèse est souvent d'un grand intérêt dans l'exploration du syndrome diarrhée-amaigrissement. Une hypo-albuminémie est un signe biologique de diarrhée exsudative avec fuite protéique ou d'hépatite. Si elle s'accompagne de protéinurie, il convient de s'orienter vers une atteinte rénale. Dans ce cas, le dosage de la γGT urinaire se révèle extrêmement fiable. Les hyper α1-globulinémies isolées témoignent des infestations parasitaires par les strongles lorsqu'elles sont accompagnées d'une hypo-albuminémie, d'une éosinophilie et, éventuellement, d'une anémie. Les hyperglobulinémies globales sont plus en faveur d'une hépatite chronique. Certaines affections tumorales (parfois recherchées dans les épanchements, les amaigrissements chroniques, etc.) peuvent donner des “pics monoclonaux” de gamma globuline qui se retrouvent dans les profils électrophorétiques (mésothéliomes, par exemple).

Enfin, ces analyses de routine pourront facilement donner un profil de l'inflammation (α- et β-globuline).

Cas particulier du dosage du fibrinogène

Le fibrinogène, troisième fraction des protéines plasmatiques, reflète la sévérité et l'ancienneté de la maladie inflammatoire (norme de 2 à 4 g/l).

Il est important de connaître la méthode utilisée par le laboratoire. Celle dite de “Millar” est la plus fiable et la plus sensible chez les chevaux, notamment dans les hautes valeurs [7], et elle donnera des valeurs normales jusqu'à 4 g/l avec les chevaux de moins de trois ans dans les “fourchettes” supérieures. Ce marqueur précoce de l'inflammation [1] perdure plusieurs jours avant le retour à la normale et il peut être utile pour émettre un pronostic ou pour décider la reprise de l'entraînement [3, 24]. Il est aussi utilisable dans le suivi postchirurgical abdominal afin d'évaluer les phénomènes de cicatrisation et/ou de restauration de la perfusion tissulaire [1]. Il peut aussi être intéressant d'employer le rapport protéines totales/fibrinogène pour éviter les surévaluations ou sous-évaluations, respectivement dans les cas de déshydratation ou de pertes protéiques sévères [3]. Il convient de noter que la fibrinogénémie est peu ou pas modifiée lors de nécroses tissulaires et particulièrement en cas de myonécrose. Enfin, dans certains cas d'inflammation aiguë avec fibrinogénémie élevée, l'activité sérique des enzymes hépatiques et musculaires peut se trouver abaissée [18]. En pratique, il est notamment possible d'être confronté à ce type de résultats lors de péritonites (accompagnées d'hépatite), dans la mesure où les taux de fibrinogène s'élèvent vite (> 10 g/l) et peuvent rester longtemps à ces valeurs [8].

Tests fonctionnels “dynamiques” : tests d'absorption glucose/xylose, dosage de l'acide folique, dosage de la vitamine B12

La malassimilation peut être due à une maldigestion ou à une malabsorption [29].

Les tests d'absorption sont fondés sur l'étude cinétique de la concentration sanguine de glucose ou de xylose après administration par voie orale. Chez le cheval sain, un pic sérique est obtenu une à deux heures après l'administration orale, suivi d'un retour à la normale en quelques heures suivant une courbe de type parabolique. Le test d'absorption du glucose peut être modifié par les variations de la glycémie endogène. Le test au xylose est théoriquement plus sensible, mais en pratique les résultats sont variables, le test est coûteux et le xylose difficile à se procurer [25, 26]. Les animaux atteints de malabsorption présentent des augmentations retardées et de faible amplitude. Dans les deux cas, le site d'absorption est l'intestin grêle, hors les diarrhées chroniques de l'adulte qui intéressent préférentiellement le gros intestin. Ces tests sont en pratique d'interprétation incertaine et lourds à mettre en place. Ils ne sont nettement positifs que lors d'affection gastro-intestinale majeure et ne permettent pas de distinguer les différentes fonctions digestives (gastrique, hépatique, pancréatique, intestinale, etc.).

Le test de digestion du lactose est envisageable chez le poulain avant le sevrage. Après digestion par les lactases intestinales, le lactose est transformé en glucose et absorbé.

D'autres tests de digestion ont été utilisés chez le cheval adulte puis abandonnés (BT-PABA test, grain test) en raison de leur faible fiabilité.

Ces tests d'absorption et de digestion sont rarement utilisables en pratique.

Les folates sont des vitamines présentes dans des végétaux et surtout produites en grande quantité par les bactéries de la flore intestinale. Leur absorption est jéjunale. La vitamine B12 ou cyanocobalamine provient des apports alimentaires et peut être aussi bien produite que consommée par les bactéries de la flore intestinale. Les bactéries pathogènes en sont plutôt consommatrices. Son absorption est iléale et nécessite des facteurs intrinsèques pancréatiques et gastriques. Ces facteurs intrinsèques font partie du système endocrinien disséminé (SED), perturbé lors de troubles digestifs, ce qui conduit à une hypovitaminose B12 , mais une inflammation iléale ou une prolifération de la flore anormale peuvent avoir le même effet.

Les dosages de folates et de vitamine B12 sont réalisables en pratique par des techniques de radio-immunologie (école nationale vétérinaire de Nantes) à partir d'un simple échantillon de sérum (non hémolysé).

Les résultats obtenus sont présentés dans le tableau “Interprétation des dosages de folates et vitamine B12 chez le cheval adulte”.

Les principaux signes d'appel d'une malabsorption intestinale sont l'amaigrissement et la diarrhée chronique ou intermittente. Les hypovitaminoses B12 sont plus fréquentes chez les poulains et les jeunes adultes (< 3 ans). Les proliférations bactériennes atteignent préférentiellement des chevaux plus âgés (moyenne : 7,5 ans). Ces dosages ont l'avantage de permettre la mise en place d'une thérapeutique appropriée, même en l'absence de diagnostic spécifique (antibiothérapie, vitaminothérapie parentérale).

Paracentèse abdominale

L'analyse de ces liquides biologiques fait partie des “gestes simples” lors d'examens de première intention (coliques, par exemple) ou d'exploration complémentaire (amaigrissement). Leur prélèvement, à effectuer sur tube EDTA (cytologie) et sur tube sec (microbiologie), sera acheminé dans les plus brefs délais au laboratoire.

Le liquide, lorsqu'il est normal, est le plus souvent jaune clair (parfois orangé), limpide et fluide. Il ne coagule pas spontanément à l'état physiologique. Il est normalement stérile chez le cheval (attention aux entérocentèses accidentelles). De ce fait, l'interprétation bactériologique des résultats sera théoriquement assez aisée.

En pratique, il est souhaitable de coupler la demande d'analyse en faisant effectuer par le laboratoire une analyse cytologique du liquide. Le rapport du cytologiste est toujours considéré comme “l'autre œil” du praticien et il sera le “juge de paix” dans les décisions thérapeutiques [28].

Cytologie et biochimie

Examen de la population cellulaire

Le prélèvement de la population cellulaire sera de préférence effectué sur un tube EDTA. Il convient de veiller à bien le remplir car, sur ces tubes, les petits volumes ont tendance à augmenter artificiellement le taux de protéines de l'échantillon.

Le nombre normal de cellules par microlitre dans un liquide de paracentèse abdominal est généralement inférieur à 5 000 (10 000 au maximum) [8, 28]. En général, le ratio des cellules de type polynucléaire neutrophile (PN) sur macrophage est de 2:1, accompagné de quelques cellules mésothéliales (photo ). En revanche, la présence d'hématies est toujours anormale (photo ) ou le signe que la ponction a été accidentellement “contaminée” par celle d'un vaisseau sur le site de ponction.

Contrairement à ce que l'on dirait du liquide synovial, les changements cytologiques des liquides de paracentèse abdominale accompagnent les signes cliniques (avec parfois un léger décalage dans le temps) sans jamais les anticiper.

Aussi, l'examen cytologique normal d'un tel liquide n'assure en aucun cas le praticien d'une absence de maladie en cours. Par la suite, ce qui retiendra l'attention du cytologiste peut se résumer à la population cellulaire totale, ainsi que la variation de morphologie des polynucléaires.

Dans les cas de péritonite infectieuse, il ne sera pas rare d'observer un comptage de cellules de la lignée blanche supérieur à 300 000, avec une prédominance de polynucléaires neutrophiles. Lorsque la barrière intestinale est franchie, il est fréquent d'observer des bactéries dans l'analyse cytologique et de ce fait, des modifications morphologiques sur les polynucléaires neutrophiles (photo ).

Dans les affections digestives liées aux bactéries anaérobies comme les entérotoxémies, le pouvoir toxinogène des bactéries entraîne de profondes modifications des polynucléaires neutrophiles, des dégénérescences de ceux-ci, ainsi qu'un afflux de macrophages actifs (vacuolisation importante). Dans ce cas, la présence d'hématies, plus ou moins dégénérées, témoigne de lésions tissulaires importantes et d'éventuelles ruptures de la barrière intestinale et/ou mésentérique :

- dans les phases aiguës d'affections digestives d'origine infectieuse : prédominance et abondance de polynucléaires neutrophiles (parfois avec lésions des noyaux ou formes immatures) ;

- dans les phases chroniques ou de restauration : prédominance de cellules mononuclées et plus ou moins de cellules mésothéliales.

Les actes de chirurgie abdominale augmentent sensiblement la population cellulaire normale du péritoine. Il est admis que celle-ci peut aisément passer à 100 000 cellules par microlitre et que le taux de protéines du prélèvement peut atteindre 35 à 55 g/l. Cette phase de restauration tissulaire peut durer jusqu'à sept jours, y compris lors de castration [8].

Cette remarque renvoie à l'importance des commémoratifs dans l'acheminement de prélèvements de ce type au laboratoire.

Biochimie simple

Dans de nombreux cas, il sera utile et peu coûteux d'associer à cette demande d'analyse un examen biochimique simple du liquide, qui consistera la plupart du temps en une quantification du taux de protéines de l'échantillon. Les rapports entre le taux cellulaire du liquide et le taux de protéines permettront de classer ces derniers en transsudats, transsudats modifiés ou exsudats.

En effet, dans les cas pathologiques et notamment infectieux, la quantité totale de protéines augmente pour atteindre ou dépasser parfois celle sur sérum de l'animal.

Ce dosage de protéines péritonéales peut aussi être la conduite à tenir dans les cas fréquents d'hypoprotéinémie accompagnée d'un syndrome abdominal aigu. Jusqu'à 15 g/l de protéines, les taux sont considérés comme normaux. Au-delà de 35 g/l, il s'agit en général d'exsudat. Tous les dosages intermédiaires à ces fourchettes extrêmes correspondent à des transsudats modifiés, fréquemment retrouvés chez les chevaux en pathologie abdominale courante [8, 28].

Bactériologie

38 % des liquides de paracentèse abdominale confiés au laboratoire Frank Duncombe de 1999 à 2003 se sont révélés contenir des agents infectieux (chiffres non publiés obtenus sur 389 liquides).

Dans ce cas, l'intérêt de l'examen bactériologique tient non seulement dans le fait d'isoler un ou plusieurs germes responsables mais aussi, le cas échéant, d'effectuer un antibiogramme sur ces agents infectieux.

68 % de ces prélèvements “infectieux” étaient monomicrobiens, tandis que 32 % présentaient deux espèces bactériennes.

Une large part de responsabilité est à attribuer aux bactéries dites “anaérobies” et le reste à la flore bactérienne intestinale constituée principalement d'entérobactéries.

Les salmonelles doivent être systématiquement recherchées, tout comme Clostridium perfringens (type A et C), Bacteroïdes fragilis et spp. (résistants à 80 % à la pénicilline), et Escherichia coli [19]. Les colibacilles entérotoxinogènes sont les plus intéressants, ainsi que leurs antibiogrammes, car des résistances s'installent vite lors de foyers épidémiques chez les jeunes sujets. Ces résultats correspondent aux chiffres cités usuellement dans la littérature [8, 28].

Dans certains contextes (diarrhée chronique, hypoprotéinémie, coliques) chez le poulain autour du sevrage, il sera intéressant de suspecter Lawsonia intracellularis (données personnelles). Cette recherche s'effectue dans les laboratoires spécialisés par amplification génique (PCR).

L'interprétation de ces cultures bactériennes devra parfois être nuancée, surtout si la population microbienne est diversifiée. Le comptage des bactéries dans le liquide donnera une bonne indication sur la possibilité ou non d'une éventuelle contamination. Les liquides abdominaux infectieux contiennent en général, “au laboratoire”, plus de 10 000 bactéries par millilitre.

C'est à ce moment que le tube sec stérile présente toute son utilité, ainsi que l'envoi sous couvert, même relatif, du froid.

Rappelons qu'une bactérie comme Clostridium perfringens se dédouble toutes les vingt minutes dans les conditions idéales (25 à 28 °C) !

Les liquides de paracentèse abdominale qui présentent une population bactérienne abondante et dite “pathogène” devront donner lieu à un antibiogramme de façon à conforter un choix thérapeutique.

Remarque

• Certains prélèvements abdominaux, chez des sujets sous antibiothérapie, sont stériles lorsqu'ils arrivent au laboratoire. Dans ce cas, le recours à la cytologie est indispensable pour montrer que les séreuses abdominales sont lésées et plus ou moins en phase de restauration. Cet examen revêt alors un intérêt pronostique.

• Dans les cas de septicémie chez le foal, le liquide péritonéal est souvent réactionnel et il n'est pas rare d'en isoler des bactéries, là où elles ont passé la barrière vasculaire ou entérique.

• Dans le cas de clostridiose intestinale, le nombre de bactéries présentes dans le prélèvement n'est pas forcément en rapport avec la gravité des symptômes observés (les effets constatés sont plutôt ceux de la toxine bactérienne).

• La présence d'hématies en grand nombre dans la cavité abdominale doit attirer l'attention sur les possibilités de migration larvaire (Strongilus) et de rupture d'artérioles mésentériques.

Coproscopie

En dehors de tout diagnostic individuel, le comptage fécal des œufs est important pour déterminer le programme de contrôle du parasitisme, choisir les anthelmintiques, évaluer le taux d'infestation parasitaire global de l'effectif et estimer le taux de contamination des pâtures. En effet, les éléments les plus pathogènes sont les stades immatures (larvaires) et migratoires. Il convient de privilégier les méthodes de sédimentation (technique de Mac Master). Il est important d'utiliser de bonnes densités de liquide de flottation afin de ne pas perdre en sensibilité (milieu hypersalé, sels de iodomercurate le plus proche de 1,4) et un peu d'expérience “à la paillasse” si ces examens sont réalisés au cabinet vétérinaire. L'accélération du transit et la dilution des selles chez les animaux diarrhéiques ont tendance à favoriser les faux-négatifs.

Ces examens doivent être répétés pour être significatifs en raison de l'excrétion discontinue des œufs. Il est possible de les réaliser deux fois à quinze jours d'intervalle pour plus de sensibilité, sachant que les cestodoses à anoplocéphales sont souvent sous-évaluées (peu d'œufs excrétés).

L'examen microscopique direct sans coloration est simple à mettre en œuvre. L'absence comme la surpopulation de protozoaires signent un déséquilibre de la flore intestinale. La présence de cryptosporidies en grand nombre peut être importante à signaler chez les jeunes sujets (< 10 mois) et suggère un traitement. Les cryptosporidies sont par ailleurs de bonnes indicatrices épidémiologiques de la pression d'infestation en leptospires dans les élevages puisqu'elles ont un biotope commun (petits rongeurs).

La présence de leucocytes dans les fèces après coloration au bleu de méthylène signe un phénomène inflammatoire à localisation colique. Les colorations de Gram effectuées sur fèces montrent une prédominance de la flore Gram négatif, alors qu'une abondante flore Gram positif évoque la plupart du temps une origine clostridienne.

Le test de sédimentation des fèces permet de juger de l'existence et de l'ampleur d'une indigestion par le sable.

Il convient de ne pas oublier une recherche élémentaire qui peut être considérée comme quasi systématique dans les explorations de base chez le cheval : la recherche de sang dans les crottins. Elle fait appel à une technique simple, fiable et peu coûteuse. La présence de sang occulte dans les crottins est toujours anormale chez le cheval et doit conduire à des examens complémentaires. Chez l'adulte, il est nécessaire de prendre les résultats négatifs avec un regard critique, car ces tests peuvent manquer de sensibilité [19].

Coproculture

La coproculture est un examen de laboratoire parfois complexe à interpréter, tant la “flore” bactérienne normale des équidés est riche et diversifiée.

Il est néanmoins possible de retenir quelques généralités dans les cas pathologiques les plus classiques.

Chez l'adulte

Les clostridioses demeurent des causes fréquentes de diarrhée ou d'affection abdominale. Les coprocultures devront systématiquement rechercher les clostridies entéropathogènes, y compris Clostridium difficile. L'ehrlichiose granulocytaire (E. risticii) est probablement peu fréquente sur le vieux continent, mais peut être intéressante à rechercher dans les causes éventuelles de colites graves [20]. La recherche de salmonelles dans les crottins fait aussi partie des protocoles classiques des laboratoires spécialisés. Il n'est pas rare d'avoir des examens négatifs sur des chevaux pourtant atteints de salmonellose. Il est donc recommandé d'effectuer plusieurs prélèvements sur différents sujets, ces épisodes enzootiques touchant rarement un seul individu. Le dépistage, en particulier sur des porteurs sains, impose la réalisation d'un minimum de trois coprocultures à quinze jours d'intervalle. Mieux vaut aussi penser à ces affections chez les adultes immunodéprimés ou en condition de moindre résistance, notamment dans les phases postchirurgicales hospitalières.

Chez le poulain

Les cultures bactériennes sont surtout intéressantes sur les fèces de poulains diarrhéiques. L'hémoculture doit être envisagée en complément lors de symptômes septicémiques. Il s'agit alors de rechercher des colibacilles entéropathogènes (K99 et F41). Il convient de noter que certains de ces colibacilles à haut potentiel de virulence (facteurs d'attachement, d'invasion tissulaire, etc.) ne sont pas toujours des germes hémolytiques retenant habituellement l'attention des laboratoires non spécialisés en biologie vétérinaire. L'isolement de Rhodococcus equi dans les fèces de poulain n'est pas toujours significatif, car cet agent fait partie de la flore intestinale normale de l'animal, cette bactérie étant tellurique. Ces bactéries, génétiquement munies d'un plasmide de virulence, peuvent provoquer des abcès mésentériques, des ostéites ou abcès musculaires chez le poulain, voire chez l'adulte dans certaines conditions. Leur pouvoir pathogène est plus ou moins opportuniste. Une analyse sérologique et des examens complémentaires (numération-formule sanguine et dosage du fibrinogène) permettront d'établir un diagnostic plus précis.

En ce qui concerne Salmonella, de nombreux chevaux peuvent être porteurs sains de façon plus ou moins continue (surtout avec Salmonella Dublin qui peut demeurer dans les structures lymphoïdes locales). Les cas de salmonellose chez le poulain sont en général graves et nécessiteront un sérotypage de la souche en cause et un antibiogramme. En cas de clostridiose chez le poulain, 1 000 bactéries par gramme de crottin prélevé et acheminé dans de bonnes conditions sont significatives. D'autres bactéries pourront retenir l'attention. Leportagesain, parexemple, de Campylobacter jejuni est rare dans l'espèce équine et la coproculture sur fèces de moins de vingt-quatre heures est un moyen diagnostique fiable. Les selles se négativant rapidement et en raison d'une possible excrétion discontinue, l'échantillon doit être prélevé directement dans le rectum. Il convient de prévenir le laboratoire, de raccourcir le délai de mise en culture (moins de vingt-quatre heures) et d'utiliser des milieux de transport spécifiques.

Lawsonia intracellularis devra aussi être recherché lors de diarrhée mucoïde avec hypoprotéinémie ne rétrocédant pas aux traitements habituels. Cette bactérie intracellulaire de la muqueuse iléo-jéjunale a été décrite initialement chez le porc, puis dans des foyers de gastro-entérite chez le poulain (Lavoie et coll. 2000). Le diagnostic, délicat, se fait par PCR sur fèces ou sur examen histologique. Ces analyses sont pratiquées au laboratoire Frank Duncombe depuis 1997 sans grand succès en termes d'incidence, mais c'est une affection du poulain à laquelle il convient de penser en protocole complémentaire de seconde intention.

“Focus” sur l'amaigrissement

Étiologie des diarrhées chroniques

Sauf infestation massive, les chevaux supportent un polyparasitisme sans répercussion sur l'état général. Cependant, un amaigrissement chronique est possible lors de spoliation majeure par les parasites.

La strongylose du cheval est le plus souvent mixte, associant grands et petits strongles. La pathogénie des grands strongles s'exprime essentiellement dans la phase artérielle du larva migrans et s'accompagne de coliques thrombo-emboliques. L'émergence brutale des larves de cyathostomes est, elle, génératrice de diarrhée. Le parasite adulte est asymptomatique, mais la cyathostomose larvaire est considérée comme l'une des principales causes de diarrhée chronique chez le cheval adulte. Le cestodiasis (Anoplocephala perfoliata), localisé préférentiellement à la valvule iléo-cæcale, est responsable de coliques obstructives et d'entérite catarrhale. Chez le poulain, l'infestation par Strongyloides westeri est souvent concomitante avec la diarrhée des chaleurs [4].

Les diarrhées à protozoaires sont souvent le signe d'une perturbation de l'équilibre de la microflore digestive du cheval. Les jeunes adultes peuvent être sensibles aux infestations massives à trichomonas responsable de diarrhées intermittentes. Certaines coccidioses sont potentiellement pathogènes (Globidium leuckarti), parfois à la faveur de déficiences immunitaires (cryptosporidies).

Parmi les causes non infectieuses chez l'adulte, les infiltrations digestives peuvent être de type inflammatoire (entérite et/ou colite granulomateuse, lymphoplasmocytaire, éosinophilique) ou tumorales (lymphome digestif diffus du vieux cheval). Dans ce cas, l'amaigrissement est souvent accompagné de diarrhée chronique ou intermittente et éventuellement de coliques récidivantes. Des colites chroniques idiopathiques, par dérèglement des mécanismes de régulation du gros intestin, sont des causes fréquentes de diarrhée chronique de l'adulte.

L'entérocolite nécrotique est une entéropathie du poulain dont la pathogénie fait intervenir l'ischémie intestinale consécutive à un épisode d'hypoxie fœtale ou néonatale ou d'hypothermie, l'immunodéficience par défaut de transfert de l'immunité passive et la prolifération bactérienne colique par excès de glucides fermentescibles.

L'amaigrissement peut accompagner certaines affections abdominales chroniques inductrices d'une augmentation du métabolisme basal (ulcères gastroduodénaux, péritonites chroniques, syndrome d'hyperlipidémie) ou d'un déséquilibre du métabolisme protéique (hépatite chronique active, cirrhose et insuffisance rénale chronique).

Des causes non infectieuses extradigestives (affection dentaire, affection pharyngienne, dysautonomie équine ou grass sickness syndrom) peuvent intégrer dans leur tableau clinique un amaigrissement chronique lié à la dysphagie.

Les entérites infectieuses chroniques chez le cheval adulte sont principalement dues à des atteintes du gros intestin. La salmonellose est sans doute la cause la plus fréquente. Cette infection est rarement primaire. Toutes les évolutions sont envisageables, de la complication septicémique, accompagnée de coliques, à la chronicité. Dans ce dernier cas, l'amaigrissement est de règle. Cependant, différents stress peuvent favoriser sporadiquement les dysbactérioses digestives (Clostridium perfringens, Campylobacter jejuni) d'évolution aiguë et accompagnées de choc endotoxinique.

Chez le foal (moins de six mois), les diarrhées de l'intestin grêle prédominent et l'évolution, le plus souvent aiguë voire septicémique, limite l'intérêt des examens complémentaires. Les agents infectieux sont viraux (rotavirus) et bactériens (colibacilles, Salmonella, Rhodococcus equi de forme digestive, etc.).

Le diagnostic différentiel est donc particulièrement ouvert lors du syndrome amaigrissement-diarrhée chez le cheval. Le diagnostic étiologique n'est pas toujours possible, d'autant que différents facteurs nutritionnels, fonctionnels ou infectieux peuvent intervenir conjointement ou successivement. Le choix des examens complémentaires doit avoir pour objectif la recherche de l'agent causal quand cela est envisageable et la nécessité d'évaluer les conséquences fonctionnelles de la maladie.

Approche des ulcères

La relative banalisation des endoscopies gastriques a fait perdre un peu d'intérêt à bon nombre de travaux originaux qui tentaient d'approcher les maladies ulcéreuses des équidés par la voie hématologique ou biochimique [11, 23]. Il demeure intéressant de pouvoir proposer des examens peu invasifs aux propriétaires de chevaux, au moins dans une démarche de première intention.

Les ulcères les plus fréquents, chez le poulain comme chez l'adulte, sont ceux de la muqueuse non glandulaire (excepté pour les ulcères duodénaux). Par conséquent, les dosages de pepsinogène ne pourront pas toujours être efficaces. L'iso-enzyme intestinale des phosphatases alcalines totales a semblé donner de bons résultats dans ce type d'ulcères [11, 20]. Le dosage de cette fraction ne distingue pas la muqueuse de l'intestin et celle de l'estomac. L'examen clinique d'orientation sera donc majeur (comme souvent). En revanche, les iso-enzymes de la PAL peuvent être intéressantes dans le cas des ulcères duodénaux. Chez l'adulte, les ulcères liés à l'administration d'anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) étant préférentiellement situés sur la muqueuse glandulaire, les dosages de pepsinogène seront intéressants sur un effectif ou chez un sujet avec contrôle post-thérapeutique. Ces attitudes sont fréquentes dans les centres d'entraînement.

La fonction pancréatique

La fonction pancréatique est mal connue chez les équidés et son exploration biochimique s'en ressent. Par ailleurs, les maladies du pancréas sont mal documentées chez le cheval. Les pancréatites équines existent-t-elles ?

La γGT a une forte activité tissulaire pancréatique (voir les tableaux “Quelques paramètres utiles en exploration biochimique hépatique chez le cheval” et “Répartition tissulaire principale de quelques iso-enzymes chez le cheval”) et toute augmentation de cette enzyme obligera à en tenir compte dans l'examen clinique et les examens complémentaires. La fonction exocrine du pancréas peut faire l'objet d'investigations via les dosages couplés de l'amylase et de la lipase [21, 30]. Notre expérience quotidienne nous donne l'occasion de voir des chevaux avec des profils inflammatoires (électrophorèse des protéines sériques et fibrinogène) et des enzymes pancréatiques comme l'amylase et la lipase élevées. Les bilans hématologiques sont parfois évocateurs de maladie virale (leucopénie transitoire, gamma globulinémie), mais aussi d'affection parasitaire (sans doute liée à des migrations larvaires de grands strongles). Les hypothèses d'inflammation de proximité ne peuvent pas non plus être écartées (foie, estomac, duodénum, intestin grêle, etc.) ou de réaction inflammatoire du pancréas lors de péritonite. Dans ces cas, l'examen cellulaire et biochimique du liquide de paracentèse peut être déterminant.

Conclusion

L'exploration des maladies abdominales du cheval fait l'objet de séquences d'approches précises qui vont de la plus simple (peu invasive, peu coûteuse et hypothèses diagnostiques les plus probables) à la plus compliquée (invasive, parfois onéreuse et hypothèse diagnostique de seconde intention). Le laboratoire intervient à chacune de ces étapes selon les mêmes modes de raisonnement [19, 26, 28]. Ce dernier ne pourra pas travailler dans de bonnes conditions, c'est-à-dire proposer un protocole précis, si les commémoratifs cliniques sont absents.

La biologie demeure toujours “le troisième œil” du clinicien et ne se substitue pas à l'examen approfondi de l'animal. Elle a fait des progrès dans les investigations “dynamiques” (test chronologique d'assimilation) et dans certaines améliorations des connaissances en biologie “tissulaire” (iso-enzymes, spécificité et association des dosages). Un certain nombre de ces examens complémentaires de laboratoire peuvent être effectués au chevet de l'animal et avec peu de moyens (en temps et en investissement) ou de connaissances. Il importe de les connaître pour faciliter l'approche diagnostique et parfois gagner du temps en terme de décision thérapeutique. Le recours aux laboratoires spécialisés en biologie équine est intéressant lorsque des protocoles sont mis en place en fonction de tableaux cliniques bien établis (coliques, diarrhée chronique, suspicion d'ulcères, etc.) et c'est seulement à cette condition que les examens plus poussés ou les dosages plus spécialisés se révèlent déterminants pour le clinicien.

Éléments à retenir

• Lors de troubles abdominaux, le recours aux analyses de laboratoire fait partie de la démarche clinique. Ces examens sont non invasifs, rapides et fiables.

• La difficulté pour le biologiste est notamment de pouvoir proposer des dosages sélectifs de tissus lésés. On cherchera donc à avoir une approche générale (inflammation, infection, nécrose tissulaire, néoplasie) et/ou une approche spécifique d'organe ou de compartiments tissulaires.

• Il est important de connaître les “normes” usuelles de son laboratoire afin de travailler dans les meilleures conditions ou de “calibrer” ses propres appareils avec l'aide d'un laboratoire de biologie équine ou de proximité.

Références

  • 1 - ALLEN BV, KOLD SE. Fibrinogen response to surgical tissue trauma in the horse. Equ. Vet. J., 1988 ; 20(6) : 441-443.
  • 2 - AMORY H., SANDERSEN C., DELGUSTE C., GRULKE S., CASSART D., GODEAU JM. Approche clinique des ictères et des suspicions d'insuffisance hépatique aiguë chez le cheval : illustration à partir d'une étude rétrospective sur 41 cas. Dans proceeding des journées de l'Assoc. Vét. Equ. Fr. (Avef), 2002 ; Le Touquet : 315-321.
  • 3 - ANDREWS DA, REAGAN WJ, DENICOLA DB. Plasma fibrinogen in recognizing equine inflammatory disease. Comp. Cont. Ed. Pratc. Vet.1994 ; 16(10).
  • 4 - BERMANN F. La gamma-glutamyl transférase chez les équidés. Pratique Vétérinaire Equine. 2000 ; 32 : 73-76.
  • 5 - BERNARD WV, DIVERS TJ. Variations in serum sorbitol deshydrogenase, aspartate amino-transferase, and iso-enzyme 5 of lactate deshydrogenase activities in horse given carbon tetrachloride. Am. J. Vet. Res., 1989 ; 50(5) : 622-623.
  • 6 - BOUREAU V., FORTIER G. Examens complémentaires dans le syndrome diarrhée-amaigrissement chez le cheval : indications, réalisation, interprétation, limites et pièges à éviter. Dans proceeding des journées nationales des Groupements techniques vétérinaires (GTV), Nantes 2003 : 453-457.
  • 7 - BRUGMANS F, VENNER M., MENZEL D, MISCHKE R. Determination of plasma fibrinogen concentration in the horse with heat-precipitation techniques (Schalm and Millar method). Deut. Tier. Woch.,1998 ; 105(2) : 58-61.
  • 8 - DABAREINER RM. Peritonitis. In : Current therapy in equine medicine (N. Edward Robinson 4th.Ed.), 1997 : 207-211.
  • 9 - DIVERS TJ. Hepatic disorders. In : Current therapy in equine medicine (N. Edward Robinson 4th. Ed.), 1997 : 214-223.
  • 10 - EDENS LM., CARGILE JL. Medical management of colic. In Current therapy in equine medicine (N. Edward Robinson 4th. Ed.), 1997 : 182-191.
  • 11 - ELLISON RS, JACOBS RM. An attempt to determine the tissue origin of equine serum alkaline phophatase by isoelectric focusing. Can. J. Vet. Res.1990 ; 54 : 119-125.
  • 12 - FORTIER G, BERMANN F., COUROUCE A. Approche hématologique et biochimique dans le suivi médico-sportif du cheval athlète : intérêts et limites. Part. 1, Bilan au repos. Pratique Vétérinaire Equine 2000 ; 32 : 97-102.
  • 13 - FUJII Y, WATANABE H, YAMAMOTO T, NIWA K, MIZUOKA S, ANEZAKI R. Serum creatinine kinase and lactate deshydrogenase isoenzymes in skeletal and cardiac muscle damage in the horse. Bull. Equ. Res. Inst., 1983 ; 20 : 87-96.
  • 14 - GUY PS, SNOW DH. The effect of training and detraining on lactate dehydrogenase isoenzymes in the horse. Biochemical and Biophysical Research Communications, 1977 ; 75(4) : 863-869.
  • 15 - HANK AM, HOFFMANN WE, SANECKI RK, SCHAEFFER DJ, DORNER JL. Quantitative determination of equine alkaline phosphatase isoenzymes in foal and adult serum. J. Vet. Int. Med., 1993 ; 7(1) : 20-24.
  • 16 - HATZIPANAGIOTOU A, LINDNER a, SOMMER H. LDH and CK isoenzyme patterns in plasma of horses with elevated CK, LDH and AST activities. Deut. Tier. Woch., 1991 ; 98(7) : 284-286.
  • 17 - LITTLEJOHN A, BLACKMORE DJ. Blood and tissue content of the iso-enzymes of lactate deshydrogenase in the thoroughbred. Res. Vet. Sci., 1978 ; 25(1) : 118-119.
  • 18 - MILLS PC, AUER DE, KRAMER H, BARRY D. Effects of inflammation-associated acute-phase response on hepatic and renal indices in the horse. Aust. Vet. J., 1998 ; 76(3) : 187-194.
  • 19 - MURRAY MJ. Diagnostic procedures for evaluation of the gastrointestinal tract. In : Current therapy in equine medicine (N. Edward Robinson 4th.Ed.), 1997 : 165-169.
  • 20 - MURRAY MJ. Gastroduodenal ulceration and Acute colitis. In : Current therapy in equine medicine (N. Edward Robinson 4th.Ed.),1997 : 191-203.
  • 21 - PARRY BW., CRISMAN MV. Serum and peritoneal fluid amylase and lipase reference values in horses. Equ. Vet. J. 1991 ; 23 : 390.
  • 22 - ROSE RJ, HODGSON DR. Hematology and Biochemistry in : The Athletic horse. Saunders edition, 1994 ; 63-78.
  • 23 - SAYEGH AI, ANDERSON NV, HARDING JW, CERPOVICZ P., DEBOWES RM., RITTER RC., BAKER GJ., REECK G. Purification of two equine pepsinogens by use of high-performance liquid chromatography. Am. J. Vet. Res.1999 ; 60(1) : 114-118.
  • 24 - SCHALM OW. Significance of plasma fibrinogen in clinical disorders of the horse. Proccedings of the first international symposium on equine hematology (Am. Ass. Eq. Pract.), 1975 ; 159-167.
  • 25 - SWEENEY RW. Laboratory evaluation of malassimilation in horses. Vet. Clin. North. Amer. 1987 ; 3 : 507-515.
  • 26 - TAMZALI Y. L'Amaigrissement chronique : étude rétrospective sur 33 cas. Dans Proceeding congrès Ass. Vet. Equ. Fr. (Avef), Pau 2001.
  • 27 - THOREN-TOLLING K. Serum alkaline phosphatase isoenzymes in the horse – Variations with age, training and in different pathological conditions. J. Vet. Med., 1988 ; 35 : 13-23.
  • 28 - VRINS A, LEGUILLETTE R., LANEVSCHI A. Examens diagnostiques du tractus digestif lors de colique. Dans proceeding des journées de l'Ass. Vet. Equ. Fr. (Avef), Toulouse 1998 : 67-80.
  • 29 - VRINS A, LEGUILLETTE R, LAPOINTE JM. Investigations cliniques des problèmes de maldigestion/malabsorption. Dans proceeding des journées de l'Ass. Vet. Equ. Fr. (Avef), Toulouse 1998 : 82-86.
  • 30 - VULINEC M. Studies of pancreatic function in healthy and diseased dogs and horses by blood amylase and lipase determination. Veterinarski Archiv. 1972 ; 42(n° 9.10) : 221-227.

Voir aussi

  • • BERMANN F. Explorations biologiques du cheval maigre. Pratique Vétérinaire Equine. Vol. 33, numéro spécial “Le cheval maigre”. 2001 ; 79-85.
  • • Collectif. Le Cheval maigre. Pratique Vétérinaire Equine. Vol. 33. Numéro spécial. 2001.
  • • Collectif. Les coliques du cheval. Pratique Vétérinaire Equine. Vol. 31. Numéro spécial. 1999.
Formations e-Learning

Nouveau : Découvrez le premier module
e-Learning du PointVétérinaire.fr sur le thème « L’Épanchement thoracique dans tous ses états »

En savoir plus

Boutique

L’ouvrage ECG du chien et du chat - Diagnostic des arythmies s’engage à fournir à l’étudiant débutant ou au spécialiste en cardiologie une approche pratique du diagnostic électrocardiographique, ainsi que des connaissances approfondies, afin de leur permettre un réel apprentissage dans ce domaine qui a intrigué les praticiens pendant plus d’un siècle. L’association des différentes expériences des auteurs donne de la consistance à l’abord de l’interprétation des tracés ECG effectués chez le chien et le chat.

En savoir plus sur cette nouveauté
Découvrir la boutique du Point Vétérinaire

Agenda des formations

Calendrier des formations pour les vétérinaires et auxiliaires vétérinaires

Retrouvez les différentes formations, évènements, congrès qui seront organisés dans les mois à venir. Vous pouvez cibler votre recherche par date, domaine d'activité, ou situation géographique.

En savoir plus


Inscrivez-vous gratuitement à notre Newsletter

Découvrez en avant-première chaque mois le sommaire du Pratique Vétérinaire Equine.

Vidéo : Comment s'inscrire aux lettres d'informations du Point Vétérinaire

Retrouvez-nous sur
Abonné à Pratique Vétérinaire Equine, retrouvez votre revue dans l'application Le Point Vétérinaire.fr