Rappels anatomiques et techniques chirurgicales : la vasectomie chez l'étalon - La Semaine Vétérinaire n° 139 du 01/07/2003
La Semaine Vétérinaire n° 139 du 01/07/2003

Auteur(s) : D. Tainturier*, C. Guintard**, D. Bencharif***

Fonctions :
*Unité de Pathologie
de la Reproduction - École
Nationale Vétérinaire de Nantes.
**Unité d'Anatomie Comparée
- École Nationale Vétérinaire
de Nantes

La vasectomie permet de stériliser les chevaux entiers. Deux techniques chirurgicales sont possibles. Par rapport à la castration, ses indications restent toutefois limitées, car elle ne modifie pas le comportement sexuel des sujets opérés.

La vasectomie est une intervention chirurgicale qui a pour but de stériliser les mâles par résection des conduits déférents, ou de la queue de l'épididyme (épididymectomie), tout en conservant leur instinct sexuel. Cette indication est surtout préconisée chez les taureaux et les béliers qui serviront de boute-en-train pour détecter les chaleurs dans les grands troupeaux afin d'utiliser l'insémination artificielle. Chez le chien, la vasectomie est indiquée pour éviter la transmission d'une tare héréditaire (monorchidie, dysplasie coxofémorale), indication pas toujours facile à faire comprendre au propriétaire qui refuse la castration, opération plus simple et plus radicale. Chez l'étalon, seule la castration présente un intérêt de façon à supprimer le comportement de mâle et à rendre l'animal plus docile. Cependant, certains propriétaires amateurs, horrifiés par l'ablation traditionnelle des testicules dans cette espèce, insistent pour que leur vétérinaire réalise une vasectomie chez leur cheval de « compagnie ». Cette intervention reste toutefois très peu pratiquée (1 demande pour 200 ou 300 castrations). En conséquence, les publications sur ce sujet font défaut. Les articles portent avant tout sur la castration [3, 8, 15, 16], la cryptorchiectomie [7], la pampiniformectomie [11] ou bien encore sur la crémastérectomie [20]. Dans cet article, après un rappel des points majeurs de l'anatomie du conduit déférent dans cette espèce, les différentes techniques opératoires sont décrites.

Rappels d'anatomie

Les voies d'excrétion du sperme, encore appelées « voies spermatiques » [4], s'étendent des testicules à l'urètre [1, 14]. Après les tubes droits et le rete testis inclus dans le testicule, ces voies se poursuivent par l'épididyme et le conduit déférent (ductus deferens) [19, 22], anciennement nommé « canal déférent » [5]. Ce dernier prend donc naissance au niveau de la queue de l'épididyme (figure  ; photos et ) et se termine au niveau des conduits éjaculateurs (ductus ejaculatorius) qui font suite aux ampoules déférentielles (ampulla ductus deferentis), appelées autrefois « renflement pelvien » [5] (figure ).

Conformation et structure

Le conduit déférent apparaît comme un tube, d'abord flexueux dans sa partie initiale, qui devient vite rectiligne [2, 6, 9, 10]. Son diamètre est à peu près constant sur toute sa longueur (diamètre extérieur de 3 à 8 mm), puis il croît fortement dans sa portion terminale pour atteindre 20 à 25 mm au niveau de l'ampoule [12, 18]. La longueur du conduit déférent chez l'étalon est d'environ 60 à 70 cm, dont une vingtaine de centimètres pour la partie funiculaire et de 15 à 25 cm pour les ampoules déférentielles [4, 17]. La lumière du conduit est de taille réduite, alors que la paroi, de couleur blanchâtre est épaisse. Elle comporte trois couches :

- une adventice (feuillet pariétal du péritoine) ;

- une musculeuse très épaisse qui donne sa consistance ferme à l'organe (fibres lisses disposées en plusieurs couches) ;

- une muqueuse simple avec des cellules ciliées pseudo-stratifiées (la muqueuse s'épaissit de façon très nette au niveau de l'ampoule).

Trajet, rapports et moyens de fixité

Topographiquement, le conduit déférent peut être divisé en trois segments d'inégale longueur :

- une partie préinguinale (avant l'anneau inguinal superficiel) ;

- une partie inguinale (entre les deux anneaux inguinaux) ;

- une partie postinguinale (après l'anneau inguinal profond).

La première portion de la partie préinguinale est juxtatesticulaire puisque le conduit déférent longe le bord épididymaire du testicule en passant à la face médiale du mésorchium. La portion qui fait suite, y compris en région inguinale, est appelée « funiculaire » car elle entre dans la constitution du cordon spermatique (funiculus spermaticus). Le conduit déférent est attaché par son méso à la face médiale du mésorchium (figures et ).

Après avoir traversé le trajet inguinal, le conduit se sépare de l'artère testiculaire pour se diriger caudalement en regard des parois de la cavité pelvienne où il est maintenu par un méso court (méso du conduit déférent : mesoductus deferens). Au cours de son cheminement abdomino-pelvien, le conduit déférent contourne le bord libre du ligament latéral de la vessie puis la face médiale de l'uretère pour se placer dorsalement à la vessie [21, 23]. À ce niveau, les ampoules déférentielles apparaissent (unies par un méso interdéférentiel) et le conduit entre en rapport dorsalement avec la glande vésiculaire (anciennement « vésicule séminale »).

Irrigation et innervation

L'irrigation artérielle du conduit déférent est assurée par de nombreux vaisseaux de fin calibre. Chez les équidés, ils proviennent à la fois de l'artère ombilicale (rameaux déférentiels de l'artère ombilicale) pour la partie abdomino-pelvienne et de l'artère crémastérique issue principalement de l'artère iliaque externe [13] pour la partie funiculaire.

Le retour veineux s'effectue par des vaisseaux satellites des artères. Les veines de la partie funiculaire sont souvent anastomosées au plexus pampiniforme.

Les vaisseaux lymphatiques sont très fins et peu nombreux. Ceux de la partie funiculaire convergent vers les efférents de l'épididyme et du testicule. Les autres confluent vers les nœuds lymphatiques iliaques médiaux.

Les nerfs forment un plexus déférentiel issu du plexus hypogastrique.

Techniques chirurgicales

Deux techniques peuvent être préconisées :

- la première consiste en la résection de la queue de l'épididyme, car les équidés ne possèdent pas, comme les ruminants, de collet scrotal ;

- la seconde est la résection du conduit déférent au niveau du cordon testiculaire, qui est réalisable chez le cheval couché en position classique de castration.

La résection de la queue de l'épididyme

Préparation de l'animal

L'animal est mis à la diète pendant douze à quinze heures. L'intervention s'effectue sous anesthésie générale. Le cheval est placé en position de castration (figure ). La zone opératoire, c'est-à-dire le scrotum, est lavée et désinfectée en insistant sur sa partie postérieure (photo ).

Préparation du matériel

Le matériel d'exérèse et de suture est classique, mais il convient de prévoir pour la suture de la vaginale un fil résorbable avec une aiguille sertie (par exemple : Safil® déc. 4), qui peut d'ailleurs être utilisé pour la suture du scrotum.

Temps opératoire

Le cordon du testicule superficiel est saisi avec la main gauche de façon à bien le descendre au fond de la loge scrotale et à observer par transparence la queue de l'épididyme.

Le scrotum est incisé sur 3 cm de longueur (photo ) pour permettre à la queue de l'épididyme de faire hernie à travers la vaginale (figure ). La vaginale est incisée (photo ) et la queue de l'épididyme apparaît (figure ). Elle est saisie avec une pince clamp ou avec une pince en cœur. Un point transfixant résorbable est mis en place à la jonction testicule-épididyme (photos et ) pour assurer l'hémostase, en dessous de la pince clamp (figures et ) ; la queue de l'épididyme est incisée et la qualité de l'hémostase vérifiée (figure ).

La vaginale est suturée en surjet avec un fil résorbable monté sur une aiguille sertie (photo ). Le scrotum est suturé à points séparés avec le même fil (photo ).

La même intervention est ensuite pratiquée sur l'autre épididyme, après avoir refoulé le premier testicule en direction de l'aine.

La résection du conduit déférent

Préparation de l'animal et du matériel

La préparation de l'animal est identique. Le cheval est couché sans préférence du côté droit ou du côté gauche, car il faudra le retourner au cours de l'intervention. Comme matériel supplémentaire, il convient de prévoir une sonde cannelée, une paire de petits ciseaux pointus, une pince à dents de souris multigriffe et deux pinces hémostatiques.

Temps opératoire

Le testicule superficiel est tiré au fond des bourses. Le scrotum est incisé en regard du cordon testiculaire sur une longueur de 4 à 5 cm. Le facia lamelleux de Cowper est dilacéré avec une paire de ciseaux de Maillot afin d'individualiser le cordon testiculaire.

Le cordon testiculaire est chargé sur la sonde cannelée (photo ) en le tournant un peu autour de son axe, en se rappelant que le muscle crémaster est situé latéralement au cordon et le conduit déférent médialement. Généralement, le conduit déférent est visible par transparence à travers la vaginale. Cette dernière est saisie avec la pince à dents multiples et incisée avec la paire de petits ciseaux. Chaque lèvre de la vaginale est saisie avec une pince clamp, pour la retrouver plus facilement en fin d'intervention. Le conduit déférent qui mesure 3 à 4 mm de diamètre est saisi avec une pince à dents de souris et les vaisseaux qui le longent sont séparés sur une longueur de 3 cm avec une pince mousse en essayant de les conserver intacts (photo ).

Le conduit déférent est sectionné avec une paire de ciseaux de façon à le réséquer sur une longueur de 3 cm environ (photo ). Du côté testiculaire, une ligature avec un fil irrésorbable peut éventuellement être placée (photo ). L'hémostase est vérifiée. Les lèvres de la vaginale sont facilement retrouvées (feuillets pariétaux de la vaginale), malgré leur minceur, grâce à la mise en place préalable des deux pinces clamp. Elles sont suturées par un surjet avec un fil résorbable monté sur une aiguille sertie (photos et ). La sonde cannelée est retirée, d'une part afin de réduire l'œdème et la congestion du cordon testiculaire, et d'autre part pour faciliter la suture de la vaginale. La peau est suturée à points séparés avec un fil résorbable.

Pour accéder à l'autre cordon testiculaire, il est nécessaire de retourner le cheval. La même intervention est alors pratiquée.

Suite et soins postopératoires

Un œdème léger peut apparaître pendant quelques jours au niveau du scrotum ou de l'aine, suivant le type d'intervention.

Une antibiothérapie de précaution est conseillée pendant cinq jours consécutifs ainsi qu'une injection de 1 500 UI de sérum antitétanique si le cheval n'est pas à jour de ses vaccinations.

Neuf semaines après l'intervention, l'éjaculat ne contient plus de spermatozoïdes.

Conclusion

La vasectomie de l'étalon est demandée par certains éleveurs amateurs pour empêcher la reproduction des chevaux calmes qui vivent avec des juments et très souvent avec leur mère. L'inconvénient de cette intervention chirurgicale est qu'elle ne modifie pas le comportement sexuel de l'animal, c'est la raison pour laquelle les indications de la castration restent toujours valables.

Éléments à retenir

• La vasectomie ne modifie pas le comportement sexuel du cheval. Ses indications sont donc limitées et cette intervention reste très peu pratiquée.

• La vasectomie peut être préconisée afin d'empêcher la reproduction de chevaux calmes qui vivent avec des juments. Ce choix correspond en général à une demande de propriétaires qui répugnent à une castration classique.

• Deux techniques de vasectomie sont possibles :

- la résection de la queue de l'épididyme, car les équidés ne possèdent pas, contrairement aux ruminants, de collet scrotal ;

- la résection du conduit déférent au niveau du cordon testiculaire, qui est réalisable chez le cheval couché en position classique de castration.

• Pour des raisons anatomiques, la technique de résection du conduit déférent chez un cheval en décubitus latéral nécessite de retourner l'animal au cours de l'intervention, afin d'accéder au second côté.

Références

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