Un cas de lymphosarcome abdominal avec syndrome paranéoplasique - Pratique Vétérinaire Equine n° 137 du 01/01/2003
Pratique Vétérinaire Equine n° 137 du 01/01/2003

Auteur(s) : Valérie Deniau*, Fabrice Rossignol**

Fonctions :
*Clinique équine de Grosbois,
94470 Boissy-Saint-Léger

Une masse abdominale est mise en évidence chez un cheval qui présente un amaigrissement chronique et une polyuro-polydipsie. L'analyse cytologique, après aspiration transcutanée, permet de diagnostiquer un lymphosarcome.

Un cheval de selle français, hongre, de treize ans, suivi depuis plusieurs mois pour un amaigrissement chronique, est amené à la consultation en raison de l'apparition d'une polyuro-polydipsie.

Anamnèse

Le cheval présente depuis plus d'un an un amaigrissement sévère sans autre symptôme associé. Six mois auparavant, une perte d'appétit brutale a motivé une première consultation. L'examen clinique et la gastroscopie n'ont pas révélé d'anomalie expliquant le manque d'état. Le bilan hématologique a mis en évidence une neutrophilie (9 595/mm3), les paramètres biochimiques sanguins et urinaires étaient normaux (tableau ) et la coproscopie parasitaire était négative. Une antibiothérapie (triméthoprime-sulfamides) a été prescrite pour quinze jours. Un mois plus tard, l'appétit était amélioré, mais l'amaigrissement persistait et une analyse hématologique de contrôle a révélé une aggravation delaneutrophilie (14 996/mm3). L'antibiothérapie a donc été modifiée par la prescription de ceftiofur pendant six jours. Un mois plus tard, la numération-formule était normalisée. Malgré un appétit correct, l'amaigrissement a persisté et une polydipsie (100 litres de boisson par jour) a été mesurée par les propriétaires environ quatre mois après le dernier contrôle. Le cheval a alors été revu pour effectuer des examens complémentaires.

Examen clinique

Le cheval est alerte, ses paramètres vitaux sont normaux. Une cachexie sévère, une amyotrophie généralisée et une déshydratation modérée (pli de peau persistant) sont notées. L'auscultation cardiaque révèle un souffle d'éjection systolique gauche de grade 3. À la palpation transrectale, le pôle caudal du rein gauche est lisse et régulier, la rate et les segments digestifs sont en place. Aucune anomalie n'est décelable à leur niveau.

Hypothèses diagnostiques

L'anamnèse et l'examen clinique assez peu spécifiques permettent d'envisager de nombreuses hypothèses diagnostiques :

- un syndrome de malabsorption intestinale (entérite éosinophilique, granulomateuse ou lymphocytaire) peut expliquer l'amaigrissement sévère observé, même en l'absence de diarrhée ;

- un parasitisme viscéral ne peut être définitivement exclu même après plusieurs traitements antiparasitaires en l'absence de coliques ;

- l'existence d'une polyuro-polydipsie associée à l'amaigrissement est compatible avec un diabète insipide ou un syndrome paranéoplasique associé à une tumeur viscérale.

Examens complémentaires

Dans un premier temps, une paracentèse et une échographie abdominale sont donc envisagées.

Analyses hématologiques et biochimiques

La numération-formule sanguine et la glycémie sont dans les limites des valeurs usuelles.

Paracentèse abdominale

Quelques gouttes d'un liquide séro-hémorragique sont recueillies à l'aide d'une canule fine. L'analyse de ce liquide montre un faible taux protéique (5 g/l), et un comptage leucocytaire de 1 000/mm3 dont 55 % de neutrophiles.

Ces résultats sont compatibles avec un transsudat non inflammatoire.

Échographie abdominale

À l'échographie, les reins présentent une échogénicité globale et une limite corticomédullaire normales. Cependant, des nodules hyperéchogènes compatibles avec des foyers de minéralisation parenchymateuse sont présents en région médullaire (photo ). La partie crâniale et profonde du rein droit ne peut être visualisée en totalité.

Une masse volumineuse de coupe circulaire d'environ 22 cm de diamètre est observée dans la partie superficielle du flanc droit, largement adhérente à la paroi abdominale (photo ). Elle est visualisable depuis le 17e espace intercostal jusqu'à la fosse paralombaire. La limite crâniale de la masse est pratiquement au contact du bord caudal bien délimité du rein droit, mais aucune continuité ne peut être objectivée entre ces deux structures. Une partie superficielle échogène, d'aspect lobulé d'une part, et une partie profonde hypoéchogène homogène, d'autre part, peuvent être distinguées au sein de la masse.

Les parenchymes splénique, hépatique, l'intestin grêle et la paroi du gros intestin ont un aspect échographique normal.

Une exploration rectale plus poussée du quadran dorsal droit de l'abdomen, réalisée après l'échographie abdominale, permet de palper du bout des doigts la surface caudale de cette masse, lisse et régulière, à droite du cæcum.

Bilan des premiers examens

L'amaigrissement chronique chez ce cheval peut être attribué avec une forte probabilité à la présence d'une masse abdominale droite dont la nature, abcédative ou néoplasique, demeure à déterminer. Cette caractérisation devient une priorité diagnostique et l'exploration biochimique de la polyuro-polydipsie n'est donc pas envisagée dans l'immédiat.

L'aspect échographique relativement homogène de la masse, l'absence d'épisode fébrile dans l'anamnèse, l'âge du cheval et le caractère non inflammatoire du liquide de paracentèse sont plutôt en faveur d'un phénomène néoplasique (tableau ). Cependant, aucun élément déterminant (cellules atypiques bien identifiées dans le liquide abdominal ou présence d'images métastatiques pour d'autres organes abdominaux) n'a été mis en évidence.

Afin de réaliser un bilan lésionnel plus complet des organes abdominaux et de préciser la position et les rapports de la masse avant d'envisager une biopsie, il est décidé d'effectuer une cœlioscopie exploratrice.

Cœlioscopie exploratrice

Préparation

Les fourrages sont supprimés de la ration trois jours avant la chirurgie. Une diète hydrique de vingt-quatre heures est effectuée afin d'assurer une vacuité suffisante des réservoirs digestifs.

Déroulement

Le cheval est tranquillisé par un bolus de détomidine et la sédation est entretenue à la demande par perfusion de détomidine (0,5 mg dans 250 ml de NaCl) à raison de deux à quatre gouttes/ seconde, selon l'effet désiré.

Les deux flancs sont tondus, rasés et préparés chirurgicalement. Une anesthésie locale traçante est réalisée dans le creux du flanc de chaque côté. Après incision cutanée et musculaire dans le flanc gauche, le péritoine est ponctionné à l'aide d'une canule de 10 mm et d'un trocart rétractable (Optomed®). Le cœlioscope est ensuite introduit et la cavité abdominale est dilatée par insufflation de CO2.

L'exploration de la partie gauche de l'abdomen ne révèle pas de lésion : le péritoine est lisse et non enflammé, le gros côlon, le côlon flottant, la rate, la vessie et le pôle caudal du rein gauche ont un aspect normal.

Afin d'explorer la face interne du flanc droit avec le champ de vision le plus global possible, le cœlioscope est dirigé transversalement à travers l'abdomen en passant sous le rectum, mais la présence de côlon flottant assez abondant ne permet pas de visualiser largement la partie droite de la cavité abdominale.

Un abord complémentaire par le creux du flanc droit est alors réalisé, selon la même procédure que pour le flanc gauche. Le cœlioscope est introduit caudalement à la masse abdominale repérée à l'échographie.

L'examen du péritoine et des organes digestifs ne révèle pas d'anomalie. La face caudale de la masse abdominale est aisément repérable contre la paroi abdominale (photo ). Elle présente un aspect lisse, régulier et sphérique. Elle est recouverte par une séreuse et adhérente au péritoine du flanc droit. Le volume de la masse empêche cependant l'endoscope de la contourner pour observer sa face crâniale et ses rapports avec le rein droit et la tête du cæcum. Dans sa partie visible, aucune adhérence de la masse avec les organes abdominaux n'est observée.

Bilan

La cœlioscopie a permis d'explorer la partie caudale de l'abdomen, à l'exception du rein droit. La masse abdominale n'a pu être visualisée dans son intégralité en raison de sa position accolée au flanc et de son volume. Aucune anomalie évocatrice de phénomène métastatique n'a été observée dans les autres structures abdominales.

Prélèvement

La localisation de la masse, largement accolée à la paroi abdominale et difficile d'accès pour les instruments de cœlioscopie introduits par le flanc droit, et le risque, même faible, de contamination de la cavité abdominale par un contenu septique nous font préférer un prélèvement par aspiration transcutanée sous anesthésie locale, à l'aide d'un mandrin de cathéter. L'aspiration est difficile, mais permet d'obtenir environ 10 ml d'une substance épaisse noirâtre, d'aspect assez proche d'un coagulat sanguin.

L'analyse cytologique de ce produit d'aspiration révèle la présence d'hématies abondantes et de nombreuses cellules nucléées constituées à 5 % de neutrophiles et à 95 % de grandes cellules lymphoblastiques parfois regroupées en amas. Cet aspect cytologique est compatible avec un phénomène néoplasique de type lymphosarcome.

Diagnostic final et évolution

L'analyse cytologique a permis d'établir un diagnostic de lymphosarcome abdominal dont l'origine exacte (digestive, mésentérique, multicentrique, etc.) n'a pu être établie. Le pronostic vital étant défavorable, aucun traitement médical n'a été entrepris en dehors d'une courte antibiothérapie postchirurgicale (pénicilline G-procaïne, 8millions d'UI matin et soir pendant trois jours). Selon le désir des propriétaires, aucune décision définitive n'a été prise juste après les résultats.

Le cheval a été euthanasié deux mois plus tard dans sa région d'origine, suite à une nouvelle aggravation de l'amaigrissement. L'autopsie n'a pas été souhaitée par les propriétaires.

Discussion

Épidémiologie et aspects cliniques

Bien que son incidence reste faible, 2 à 5 % des causes de mort objectivées par autopsie dans une étude de 1985 [2], le lymphosarcome est, avec l'épithélioma spinocellulaire, la tumeur maligne la plus fréquente chez le cheval [13].

Il existe une forme digestive stricte, souvent infiltrante [3, 5, 14, 22] ou plus rarement focale [11], et une forme multicentrique pouvant affecter plusieurs organes abdominaux (rate, rein, intestin, vessie, etc.) [4, 7, 8, 10, 11, 12, 19, 21], les nœuds lymphatiques périphériques [7, 8, 15, 18, 21, 22], la cavité thoracique [15, 17, 22] ou, plus rarement, le système nerveux. Deux autres formes de lymphosarcome (cutanée et médiastinale) sont également décrites [11, 14, 17, 22]. Enfin, l'envahissement de la moelle osseuse traduit une forme dite “généralisée” ou “leucémique” [11].

Le lymphosarcome affecte le plus souvent les chevaux de 5 à 10 ans [7, 12, 14, 16, 17, 19, 21, 22], mais il peut être observé à tous les âges et a même été décrit chez un poulain nouveau-né [20].

L'anamnèse relate dans presque tous les cas un amaigrissement chronique et intense [4, 5, 6, 10, 12, 14, 17, 18, 19, 21, 22] provoqué par l'inappétence, l'augmentation du catabolisme énergétique [13], ou une malabsorption intestinale lors de forme digestive [13, 11] qui s'accompagne parfois de diarrhée [5].

Une fièvre récurrente est également un symptôme évocateur [10, 11, 14]. Cette fièvre, à la différence de l'hyperthermie provoquée par un état infectieux, est liée à la libération de cytokines par les cellules tumorales ; c'est une composante du syndrome paranéoplasique décrit par Marr [13].

La cachexie et l'amyotrophie dominent souvent le tableau clinique. Un œdème ventral [4, 9, 11, 14, 17, 18, 21, 22] (par “effet de masse” perturbant la circulation veineuse ou lymphatique [13]), une augmentation de taille des nœuds lymphatiques périphériques (principalement dans les formes multicentriques) [7, 10, 11, 17, 22], ou encore un souffle cardiaque et une polyuro-polydipsie [10, 12, 19], souvent liés à un syndrome d'hyperparathyroïdie sont aussi fréquemment observés (encadré 1).

La palpation transrectale révèle dans la majorité des cas (surtout de forme digestive) des nodules multiples dans le mésentère [7, 12, 17, 18, 22] qui correspondent à des nœuds lymphatiques hypertrophiés et, parfois, à la présence d'une masse plus ou moins volumineuse [3, 12, 14, 17, 19].

Le cheval étudié dans cet article présentait la plupart de ces symptômes, à l'exception de l'œdème ventral et de l'adénomégalie périphérique et mésentérique.

Anomalies hématologiques et biochimiques

Outre la neutrophilie, les résultats hématologiques peuvent comporter d'autres anomalies évocatrices de phénomènes inflammatoires chroniques, comme une hyperfibrinogénémie [4, 6, 14, 22, 24] ou encore une anémie dans environ 50 % des cas [4, 6, 10, 11, 12, 14, 17, 22]. Cette anémie résulte le plus souvent d'un déficit ferrique par malabsorption ou séquestration médullaire [13], mais peut aussi être due à une hémolyse à médiation immunitaire [13, 18] ou à un envahissement tumoral de la moelle osseuse lors de forme généralisée (leucémique) [13]. Dans ces deux derniers cas, l'anémie est généralement associée à une thrombocytopénie [17, 18].

Une leucopénie [21] ou une lymphocytose [4, 11, 22] peuvent aussi être observées, mais plus rarement que la neutrophilie [11]. Des lymphocytes atypiques peuvent exceptionnellement être retrouvés dans le sang circulant lors de forme généralisée [13, 14, 22].

Les analyses biochimiques révèlent assez fréquemment une augmentation des phosphatases alcalines (100 % des cas de lymphosarcome digestif dans une étude de 1984 [17]), ou encore de la LDH [22], de la gamma-glutamyl-transférase (γGT) hépatique ou de la SGOT [4, 11]. Ces modifications sont généralement consécutives aux lésions des différents organes envahis par le phénomène tumoral. Une réduction du rapport albumine/globulines liée à une hypo-albuminémie par malabsorption [5, 6, 10] et/ou à une gammapathie monoclonale [6, 17] peut également être observée. À l'inverse, une immunosuppression consécutive à une diminution des immunoglobulines (IgM et IgG surtout, parfois IgA) peut se traduire par des infections secondaires [13].

Enfin, une hypercalcémie (très inconstante) [12], une hyperphosphatémie ou une diminution de la densité urinaire non modifiée par la restriction hydrique [10, 12], sont des signes évocateurs d'un syndrome d'hyperparathyroïdie paranéoplasique.

Le liquide de paracentèse abdominale n'apparaît modifié que dans environ 50 % des cas [24] : les augmentations du taux protéique et du taux de cellules nucléées [6] sont inconstantes et non spécifiques [24]. Une proportion dominante de lymphocytes dans ce liquide semble en faveur d'une néoplasie abdominale dans la mesure où la plupart des cas de péritonite infectieuse et d'abcès abdominal s'accompagnent d'un pourcentage élevé de neutrophiles [1, 24], mais le diagnostic définitif de lymphosarcome ne peut être établi que par l'observation de cellules lymphocytaires atypiques, qui n'ont pas été retrouvées dans les deux prélèvements réalisés chez ce cheval. Des cellules néoplasiques peuvent être retrouvées dans d'autres fluides biologiques tels que l'urine [19] ou le liquide pleural [21] selon la localisation des tumeurs.

Imagerie

Échographie

L'échographie (tableau ) est un examen complémentaire de choix lors de suspicion d'abcès ou de tumeur abdominale. Elle s'effectue à l'aide d'une sonde sectorielle de fréquence faible (3,5 MHz) et, pour que l'examen soit complet, il est nécessaire de le réaliser systématiquement sur les deux faces de l'abdomen (de la fosse paralombaire à la limite caudale du champ pulmonaire) et sur sa partie ventrale.

L'observation d'une masse anormale, son architecture et ses rapports avec les organes adjacents sont des éléments sémiologiques essentiels pour la réalisation d'un prélèvement adéquat. En outre, des anomalies secondaires peuvent être objectivées dans les organes abdominaux : ainsi, la présence de spots hyperéchogènes dans le parenchyme rénal de ce cheval est compatible avec des minéralisations erratiques paranéoplasiques. Il convient de porter une attention particulière à l'examen des parenchymes hépatique et splénique, localisations fréquentes de métastases [4, 6].

Cependant, l'exploration échographique reste limitée par la taille et l'anatomie de l'abdomen du cheval, dont les parties centrale et crâniale sont masquées respectivement par les parois du gros intestin et la présence du champ pulmonaire. Ainsi, les nœuds lymphatiques mésentériques, souvent modifiés lors de lymphosarcome abdominal, ne sont pas observables par échographie transcutanée.

Pour le cas présenté, la localisation superficielle de la masse rendait sa visualisation aisée. En revanche, aucune relation nette avec les organes voisins n'a pu être objectivée.

L'échographie par voie transrectale est indiquée pour explorer la vessie, la filière pelvienne, la face caudale des reins et la face interne de la rate [4, 18], et permet parfois d'examiner des nœuds lymphatiques mésentériques hypertrophiés [4].

Chez ce cheval, elle n'a pas été réalisée car la masse abdominale était bien identifiée et trop crâniale (palpable du bout des doigts) pour être accessible avec la sonde transrectale.

Cœlioscopie

La cœlioscopie exploratrice (tableau ) est une autre technique de choix pour l'exploration de la cavité abdominale, qui permet en particulier d'observer la surface, la position et les rapports de la rate, du côlon, de l'intestin grêle, de la vessie, de la partie caudale de l'estomac et du foie. C'est une technique très sensible pour mettre en évidence des adhérences entre les organes et des signes inflammatoires aigus ou chroniques sur les séreuses.

Elle a été mise en œuvre chez ce cheval afin de compléter le bilan lésionnel en recherchant d'éventuelles anomalies sur les organes abdominaux et pour préciser l'aspect et les rapports de la masse. Cependant, la taille et la position de cette dernière ne permettaient sa visualisation d'ensemble que par le flanc opposé ; cela s'est avéré impossible en raison de la présence de nombreuses anses digestives peu mobilisables qui gênaient la progression du cœlioscope à travers l'abdomen.

La réalisation de biopsies dans les organes non accessibles directement par le flanc représente un autre intérêt majeur de cette technique [16, 23].

Les limites de la cœlioscopie sont liées aux aspects chirurgicaux : hospitalisation, temps de préparation, technicité, coût élevé du matériel, même si les frais et le temps de récupération sont moindres que lors d'une laparotomie exploratrice. D'autre part, des risques de perforation intestinale existent lors de l'introduction du trocart et de la progression du cœlioscope, surtout dans le flanc droit [16, 23]. Enfin, la biopsie sous cœlioscopie d'une structure suspecte peut entraîner la contamination de l'abdomen par un contenu septique ; c'est pourquoi, dans le cas étudié, l'aspiration par le flanc qui était facilement réalisable a été préférée.

Pronostic et traitement

Le pronostic vital du lymphosarcome, quelle qu'en soit la forme, est défavorable.

Il s'agit en effet d'une tumeur maligne du système hématopoïétique, donnant lieu à des métastases multiples, même si elles ne sont pas toujours macroscopiquement identifiables lors du diagnostic.

Les traitements de chimiothérapie et/ou de radiothérapie anticancéreuses envisageables chez l'homme et chez les petits animaux ne sont pas à ce jour applicables à l'espèce équine pour des raisons pharmacologiques, pratiques, économiques et éthologiques.

L'exérèse d'un lymphosarcome localisé est techniquement délicate (elle est difficile à isoler des organes vitaux) et de plus inutile dans la majorité des cas, puisqu'il y a une forte probabilité d'infiltration macro ou microscopique des autres structures abdominales.

Une corticothérapie de soutien peut être proposée afin d'améliorer le confort du cheval et de retarder l'évolution de la maladie tant que l'état général reste correct.

Conclusion

Ce cas illustre l'intérêt de l'imagerie abdominale dans l'exploration d'un amaigrissement chronique. Bien que volumineuse, la tumeur, chez ce cheval, était difficilement accessible à l'examen transrectal et seule une palpation “orientée” après découverte échographique de la masse a permis d'en toucher la surface caudale. Les analyses du liquide abdominal ne permettaient pas non plus d'établir un diagnostic.

L'aspect non inflammatoire de la cavité abdominale chez ce cheval, l'absence d'adhérences intestinales et les éléments de syndrome paranéoplasique représentés par la polyuro-polydipsie, le souffle cardiaque et les minéralisations rénales pouvaient faire suspecter a priori la nature tumorale de la masse abdominale. Cependant, seul l'examen histologique permet de distinguer définitivement une tumeur d'un abcès. La cœlioscopie peut représenter alors une alternative intéressante à la laparotomie pour réaliser des biopsies dans les organes non accessibles directement par le flanc.

Éléments à retenir

• Le lymphosarcome représente, avec l'épithélioma spinocellulaire, la plus fréquente des tumeurs abdominales du cheval. Il peut être retrouvé chez des chevaux de tous âges.

• La polyuro-polydipsie et le souffle cardiaque sont les signes cliniques les plus évocateurs d'une hyper-parathyroïdie paranéoplasique, et résultent respectivement de lésions de calcifications rénales et vasculaires. Lorsque ces deux symptômes sont constatés chez un cheval qui présente en outre un amaigrissement chronique, il convient de suspecter l'existence d'une tumeur abdominale.

• Un liquide de paracentèse de profil cytologique normal ne permet pas d'exclure la présence d'une tumeur abdominale.

• L'échographie abdominale et la cœlioscopie présentent des intérêts complémentaires dans l'exploration d'un amaigrissement chronique, même si elles ne permettent pas toujours d'explorer la totalité de la cavité abdominale.

L'hyperparathyroïdie paranéoplasique

On désigne par syndrome paranéoplasique l'ensemble des anomalies cliniques et physiologiques secondaires au développement d'un processus tumoral. Bien documenté chez l'homme et chez les petits animaux, ce syndrome est encore peu connu chez le cheval. Cependant, sa manifestation la plus fréquente, l'hypercalcémie ou pseudo-hyperparathyroïdie a été assez fréquemment décrite dans des cas de lymphosarcome, mésothéliome, ou carcinome de l'estomac [8, 12].

◊ Il semble que ces tumeurs sécrètent des peptides “PTH-like” déclenchant les effets physiologiques de l'hormone parathyroïdienne : résorption osseuse avec libération de calcium et de phosphore, stimulation de la réabsorption rénale du calcium et réduction de celle du phosphore [8]. Une hypercalcémie et une hypophosphatémie transitoires peuvent être observées [7], mais les mécanismes régulateurs de la calcémie entrent en jeu assez rapidement, entraînant des dépôts calcifiés erratiques.

◊ Les principaux sites de calcifications secondaires sont le parenchyme rénal, l'endocarde et, secondairement, la paroi interne des gros vaisseaux et des bronches [12, 14].

◊ Les signes cliniques les plus souvent associés sont une polyuropolydipsie et un souffle cardiaque [7, 8, 10, 12]. Il semble que le principal mécanisme de la polyurie lors de néphropathie paranéoplasique soit une diminution de la sensibilité des tubules rénaux à l'hormone antidiurétique [10]. La densité urinaire est généralement diminuée et l'animal reste incapable de concentrer ses urines lors d'un test de restriction hydrique. Des cristaux d'oxalate de calcium abondants peuvent être retrouvés dans les urines [10], mais le plus souvent les signes cliniques de PUPD interviennent après la phase de calciurie et la normalisation de la calcémie.

Encadré 1.

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