L'insuffisance mitrale chez le cheval : revue de littérature - Pratique Vétérinaire Equine n° 137 du 01/01/2003
Pratique Vétérinaire Equine n° 137 du 01/01/2003

Auteur(s) : Emmanuel Maurin*, Hélène Amory**, Charlotte Sandersen***

Fonctions :
*5, route du Bua
91370 Verrières-le-Buisson, France
**Médecine interne grands
animaux, Faculté de médecine
vétérinaire, Ulg, Bât. B42, Sart Tilman, 4000 Liège
***Médecine interne grands
animaux, Faculté de médecine
vétérinaire, Ulg, Bât. B42, Sart Tilman, 4000 Liège

L'expression clinique de l'insuffisance mitrale chez le cheval présente une grande variabilité. Si son diagnostic reste aisé, son pronostic est difficile à déterminer. Un certain nombre de critères cliniques et échocardiographiques à valeur pronostique sont ici identifiés.

L'insuffisance mitrale (IM) est un trouble de la fermeture de la valvule mitrale lors de la systole, qui entraîne une régurgitation du sang en systole, depuis le ventricule gauche vers l'atrium gaucher [30]. Parmi les affections cardiaques, dont l'incidence est relativement faible dans l'espèce équine, l'IM est l'une des maladies les plus fréquemment rencontrées [5, 20, 27, 30, 32, 34]. Ses répercussions cliniques sont variables : elle est parfois asymptomatique ou, à l'inverse, fatale dans certains cas, après un délai plus ou moins long [1, 5, 20, 24, 30, 31]. Cette affection revêt également une importance non négligeable en médecine sportive, car elle peut être à l'origine d'intolérance à l'effort [5, 24, 27, 30, 34].

Incidence

De 1,2 à 7,3  des chevaux de course présentent, à l'auscultation cardiaque, un souffle qui suggère une régurgitation mitrale [20, 32, 40]. Néanmoins, l'incidence de l'IM chez ces animaux semble inférieure par rapport à l'espèce canine [7, 21].

Dans plus de 50  des cas, la régurgitation mitrale est légère et n'est associée à aucune répercussion clinique ou sportive [20, 24, 32, 40]. Cependant, parmi les insuffisances valvulaires rencontrées dans l'espèce équine, elle est la plus susceptible d'évoluer et d'entraîner une intolérance à l'effort, une diminution des performances et une insuffisance cardiaque congestive [7, 20, 27, 34], d'où son importance médicale, surtout en médecine sportive.

Chez le cheval, des prédispositions de race et de sexe n'ont pas été constatées [35]. Les chevaux d'âge moyen à avancé semblent plus touchés, mais aucun effet significatif de l'âge sur la prévalence des souffles suggestifs d'insuffisance mitrale n'a été démontré [32, 40], excepté dans les rares cas où l'IM est associée à une endocardite bactérienne. Dans ce dernier cas de figure, contrairement à l'endocardite bactérienne chez les carnivores domestiques, l'affection semble atteindre préférentiellement les jeunes chevaux [6, 16, 36]. L'entraînement intensif de haut niveau constituerait une cause de prédisposition à l'apparition de souffles suggestifs de régurgitation mitrale chez le cheval [40].

Étiologie et physiopathologie

Différentes maladies sont susceptibles d'affecter la valve mitrale. La plus fréquente chez le cheval et chez le chien comme chez l'homme est l'endocardiose valvulaire [1, 8, 10, 18, 21, 27, 35]. L'autre affection de l'endocarde, beaucoup plus rare, à l'origine d'IM est l'endocardite bactérienne [6, 10, 15]. Cette affection, qui est généralement la conséquence d'une bactériémie, touche préférentiellement les jeunes chevaux et s'accompagne de signes généraux de type fébrile [6, 15]. Elle atteint généralement les valvules, en particulier la valvule mitrale [10]. Des maladies du myocarde, telles la myocardite, la myocardiopathie dilatée idiopathique ou la fibrose du myocarde (d'origine infectieuse, parasitaire, toxique, nutritionnelle ou tumorale), sont des causes d'affection mitrale chez le cheval [7, 9, 10]. L'IM peut aussi être la conséquence du développement d'une insuffisance cardiaque congestive gauche [7, 9, 10]. Dans la majorité des cas, néanmoins, l'étiologie de l'insuffisance mitrale n'est pas déterminée [7, 30].

Dans l'espèce équine, une régurgitation mitrale de faible importance est généralement bien supportée par le cœur et affecte peu la taille et la fonction cardiaques [5]. Lorsque les lésions évoluent et que la régurgitation mitrale augmente, les mécanismes de compensation se mettent en place [1, 5]. Dans un premier temps, le volume du ventricule gauche en fin de diastole (précharge) augmente, ce qui accroît le volume d'éjection systolique selon la loi de Starling. Ce phénomène est mesuré par échocardiographie en utilisant la fraction de raccourcissement du ventricule gauche, témoin du travail fourni par le myocarde, qui est alors augmentée [12, 28]. Lorsque le processus est chronique, l'augmentation progressive de la pression atriale secondaire à la régurgitation mitrale a pour effet d'accroître la compliance de l'atrium gauche, ce qui évite, dans un premier temps, l'installation d'une congestion veineuse pulmonaire [12, 23, 28]. Lorsque la dilatation de l'atrium gauche devient importante (donnée mesurable par échocardiographie), il n'est pas rare qu'une fibrillation atriale apparaisse [33, 38].

Lors de stade avancé d'IM, la fréquence cardiaque augmente afin de compenser la diminution de rendement cardiaque [12, 28]. Une vasoconstriction périphérique et une rétention liquidienne s'installent. Le travail du cœur est alors accru et la régurgitation s'aggrave. La diminution de la résistance à la vidange ventriculaire, associée à l'augmentation du volume du ventricule gauche en fin de diastole, provoque une hyperkinésie du septum interventriculaire et de la paroi libre du ventricule gauche. À ce stade, la fraction de raccourcissement du ventricule gauche est généralement augmentée [12, 28, 35]. Elle est parfois normale ou diminuée lors de baisse de la contractilité myocardique du ventricule gauche. Cela peut être dû à une fatigue du myocarde ou à une maladie myocardique primaire [35].

Avec l'augmentation progressive de la régurgitation, la compliance de l'atrium gauche est dépassée. Les pressions atriale et pulmonaire sont en hausse et une congestion veineuse au niveau de la veine pulmonaire est observée, avec, pour conséquence, un œdème pulmonaire interstitiel [3]. Dans de rares cas, l'IM survient brutalement (rupture d'un cordage tendineux, par exemple). L'atrium n'a alors pas le temps d'adapter sa compliance à la brusque augmentation de pression. Une surpression sévère au niveau de la veine pulmonaire s'installe sans dilatation préalable de l'atrium gauche et provoque rapidement un œdème interstitiel, voire alvéolaire [12, 28].

Lorsque l'insuffisance cardiaque congestive gauche se prolonge, l'hypertension de la veine pulmonaire se répercute en amont au niveau de l'artère pulmonaire et du cœur droit. L'augmentation de pression dans le ventricule droit entraîne une dilatation de celui-ci, ainsi qu'une surpression en amont, au niveau de l'atrium droit et du réseau veineux systémique. Le stade d'insuffisance cardiaque congestive globale est alors atteint et les signes cliniques deviennent généralement manifestes. Ils ont pour origine la congestion veineuse et la fuite liquidienne (œdèmes, ascite, hydrothorax…) [12, 28]. Par comparaison aux autres espèces, le cheval a tendance à ne développer des signes cliniques d'œdème pulmonaire que dans les cas suraigus ou en phase terminale lors d'évolution chronique [5].

Clinique

Les signes cliniques d'une insuffisance mitrale compensée sont discrets, voire absents [5, 29]. Le cheval peut montrer une intolérance à l'effort, mais elle est rarement présente lors de régurgitation légère à modérée [5]. Seuls 51  des chevaux atteints d'IM présentent des signes cliniques ou une intolérance à l'effort [24]. Généralement, une polypnée après exercice avec prolongement de la période de récupération constitue le premier symptôme [5, 30].

Souvent, le seul signe présent à ce stade compensé est un souffle à l'auscultation cardiaque, dont les caractéristiques sont données dans le tableau 1. Chez le cheval, l'intensité du souffle est plus ou moins liée à la gravité de la régurgitation, même si la plupart des auteurs considèrent que cette intensité n'est pas indicative de l'importance de l'IM. Par exemple, lorsqu'une insuffisance cardiaque congestive s'installe, le souffle diminue souvent d'intensité [5, 31]. S'il y a rupture d'un cordage tendineux, cette dernière est toujours à l'origine d'un souffle de grade élevé (5à 6/6) [27, 30]. La durée et l'importance de l'irradiation du souffle constituent des critères cliniques plus significatifs de l'importance de la régurgitation [3, 5, 31].

Le souffle de régurgitation n'est pas nécessairement la seule modification audible à l'auscultation. Il peut être associé à un B3 anormalement fort et prolongé [14, 19, 26, 30, 35]. Lors d'atteinte de la fonction cardiaque, l'augmentation du flux mitral pendant la diastole entraîne parfois des turbulences à l'écoulement du flux sanguin, ce qui se traduit par un souffle protodiastolique [14, 23]. Lorsque le stade d'insuffisance cardiaque congestive est atteint, d'autres souffles de régurgitation peuvent être audibles au niveau de l'aire de projection aortique (souffle diastolique) et/ou tricuspide (souffle systolique) [34].

Les chevaux souffrant de régurgitation mitrale, probablement en raison d'un tonus vagal moins élevé que la normale, présentent plus rarement des arythmies physiologiques que les chevaux sains [30]. En revanche, lors d'insuffisance cardiaque congestive, il n'est pas rare de constater la présence d'arythmies pathologiques, telles qu'une fibrillation atriale et, dans une moindre mesure, des extrasystoles ventriculaires, qui indiquent respectivement une dilatation excessive des atriums ou la présence de lésions myocardiques [5, 19, 27, 33, 34]. Les caractéristiques de ces deux arythmies sont rappelées dans le tableau 2.

Lorsque les mécanismes de compensation cardiaque sont dépassés, l'hypertension pulmonaire et la mise en place progressive d'un œdème pulmonaire interstitiel se traduisent cliniquement par des signes respiratoires discrets (toux, jetage séreux) de survenue insidieuse. Ce stade d'insuffisance cardiaque congestive gauche passe dès lors souvent inaperçu.

En revanche, dans les cas plus rares de régurgitation mitrale qui survient de façon aiguë, les signes respiratoires sont évidents, avec une détresse respiratoire d'apparition brutale (souvent après un exercice léger), un jetage séro-sanguinolent, voire la présence de mousse au niveau des naseaux, une polypnée, une dyspnée et une toux [5, 13, 19, 26]. Des syncopes, une tachycardie et un pouls artériel faible sont également notés chez certains chevaux.

Lorsque l'IM évolue en insuffisance cardiaque congestive globale, les signes cliniques deviennent évidents et univoques. On observe des œdèmes périphériques déclives sous-sternal, sous-abdominal, au niveau des parties distales des membres et du prépuce chez le mâle, de l'abattement, une distension veineuse visible au niveau des veines jugulaires, avec la présence d'un pouls veineux rétrograde, de la tachycardie, une diminution de l'amplitude du pouls artériel, de l'amaigrissement et une augmentation du temps de remplissage capillaire. Le cheval peut également présenter (plus rarement) des muqueuses congestives, une effusion pleurale et une hyperthermie [5, 14, 26, 27, 31, 34, 35]. Dans les stades terminaux, les signes respiratoires deviennent évidents avec polypnée, dyspnée, toux et jetage séreux à mousseux. La mort survient plus ou moins rapidement, par décompensation brutale lorsque la réserve myocardique est dépassée, par rupture de l'artère pulmonaire suite à l'hypertension ou par euthanasie décidée par le propriétaire pour des raisons éthiques.

Lorsque l'IM est due à une endocardite bactérienne, des signes généraux tels que des épisodes fébriles intermittents, de la faiblesse, de l'anorexie, de l'amaigrissement ou une boiterie peuvent également être présents dans le tableau clinique [7, 15].

Diagnostic

•  Le diagnostic de régurgitation mitrale peut se faire par auscultation [30]. Pratiqué par un vétérinaire expérimenté, cet examen a une spécificité excellente, proche de 100  [40]. Sa sensibilité est bonne (70 ), bien qu'un certain nombre de chevaux atteints de régurgitation mitrale ne présentent pas de souffle [18, 40].

Le diagnostic différentiel des souffles systoliques avec un point d'intensité maximale à gauche comprend le souffle de régurgitation mitrale, le souffle d'éjection et le souffle associé à un défaut du septum interventriculaire. Les caractéristiques de ces maladies à l'auscultation sont résumées dans le tableau 3.

Lorsque l'insuffisance mitrale est bien compensée, le cheval présente peu ou pas d'autres signes cliniques que le souffle. Une anamnèse d'intolérance à l'effort conduit parfois le clinicien à poser l'hypothèse d'une IM, mais, même lorsqu'un souffle suggestif d'une IM est présent, il n'est pas aisé de déterminer dans quelle mesure celle-ci est impliquée dans l'intolérance à l'effort. Le degré de l'IM est difficile à évaluer sur la base des signes cliniques. De plus, dans l'espèce équine, l'intolérance à l'effort est souvent plurifactorielle [5].

Au stade d'insuffisance cardiaque congestive gauche chronique, les signes cliniques observés, essentiellement respiratoires, sont discrets et peu spécifiques. Néanmoins, une intolérance à l'effort est souvent présente, ce qui peut mettre le clinicien sur la voie [13, 24, 27, 34]. Les signes d'insuffisance cardiaque congestive droite, elle-même souvent conséquence de l'insuffisance cardiaque congestive gauche, sont, quant à eux, assez univoques. Les signes cliniques associés à une IM avec insuffisance cardiaque congestive gauche aiguë sont évidents [27].

•  Lors d'arythmie détectée à l'auscultation, un électrocardiogramme est indiqué afin de la caractériser. Celle-ci est surtout présente lors d'insuffisance cardiaque congestive.

•  L'échocardiographie Doppler est la technique de choix du diagnostic de toute affection cardiaque [1, 5, 7, 22, 29, 33]. C'est une méthode non invasive et fiable (photo ). Elle permet de confirmer la présence d'une régurgitation mitrale (photo ) et de la caractériser selon son importance, sa vitesse maximale et sa durée dans le cycle cardiaque [26, 33, 40]. Elle permet également d'apprécier l'épaisseur, la structure et le mouvement du myocarde, des valvules cardiaques et du septum interventriculaire, ainsi que de mesurer la taille des chambres du cœur et le diamètre de l'artère pulmonaire et de l'aorte, et de détecter une dilatation [26]. La rupture éventuelle d'un cordage tendineux, un prolapsus d'un feuillet mitral, une endocardite bactérienne ou encore une endocardiose mitrale sont également visualisés par cette technique [10, 26, 29, 33, 35]. Ainsi, non seulement le diagnostic d'IM peut être confirmé, mais les répercussions de la régurgitation sur le fonctionnement du cœur sont évaluées et, dans certains cas, l'étiologie de l'IM est précisée.

La mesure du diamètre interne des chambres cardiaques permet d'évaluer le degré de surcharge volumique de ces dernières. La dilatation des chambres dépend de l'importance de la régurgitation, de sa durée d'évolution, de son étiologie, ainsi que de la présence ou non d'une atteinte myocardique primaire [35]. En l'absence de surcharge, les signes cliniques sont généralement limités. La présence de surcharge constitue un signe de diminution de la réserve cardiaque, voire d'insuffisance cardiaque congestive [29].

En mesurant le diamètre interne du ventricule gauche en systole (LVIDs) et en diastole (LVIDd), la fraction de raccourcissement du ventricule gauche (%δD) peut être calculée sur la base de la formule : %δD = 100 x (LVIDd - LVIDs)/LVIDd [12, 29, 35]. Celle-ci constitue un des éléments du pronostic [29]. Elle est le témoin de l'activité du myocarde. Elle est augmentée lorsque le ventricule gauche augmente sa précharge et améliore sa force de contraction, le travail du myocarde se trouvant ainsi accru. Sa diminution est le signe d'une baisse d'activité du myocarde. Elle a lieu au stade terminal lorsque le myocarde a épuisé ses réserves et qu'il commence à décompenser, ou lors d'affection myocardique primaire (myocardite, cardiomyopathie dilatée, etc.) [12, 28, 35].

Le diamètre de l'artère pulmonaire doit être systématiquement mesuré. Le rapport entre ce dernier et le diamètre de l'aorte permet d'évaluer l'existence d'une hypertension pulmonaire et l'évolution en insuffisance cardiaque droite [10, 34, 35]. L'hypertension pulmonaire constitue un critère pronostique important.

Traitement

Dans l'espèce équine, le seul traitement spécifique connu dans le cadre de l'IM est celui de l'endocardite bactérienne. Il consiste en une antibiothérapie à large spectre pendant plusieurs semaines, adaptée éventuellement aux résultats de l'antibiogramme réalisé sur hémoculture, et associé à l'administration d'anti-inflammatoires [15, 30, 35]. Il n'existe aucun traitement spécifique de tous les autres types d'IM. Le seul traitement préconisé chez le cheval lors d'insuffisance mitrale asymptomatique est une adaptation de l'intensité du travail.

Lors d'insuffisance cardiaque congestive, un traitement palliatif peut être entrepris. Celui-ci a pour seul objectif d'améliorer la qualité et la durée de vie de l'animal. Classiquement, il consiste en un repos strict, et en l'administration de digoxine pour soutenir la fonction cardiaque et de furosémide pour réduire les œdèmes associés [5, 14, 25, 30, 34, 35, 37]. La digoxine s'administre par voie orale à la dose de 0,011 mg/kg une ou deux fois par jour [5, 25, 30]. La marge thérapeutique étant faible, il convient de surveiller attentivement tout signe d'intoxication (diarrhée, distension abdominale, dépression, amaigrissement, perte d'appétit, troubles du rythme, etc.) et de doser régulièrement le taux plasmatique de digoxine, qui doit rester en deçà du seuil toxique, soit 2,5 ng/ml [5, 25, 30]. Le furosémide s'administre à la demande à la dose de 0,5 à 1 mg/kg par voie orale, intraveineuse ou intramusculaire, en surveillant régulièrement l'équilibre hydroélectrique et acido-basique [5, 25, 30].

Les vasodilatateurs sont rarement utilisés chez le cheval [26, 37]. Ils sont très onéreux et deviennent vite prohibitifs chez les animaux de grand poids. De plus, les données disponibles concernant leur pharmacocinétique et leur efficacité chez le cheval sont limitées [5, 17, 25, 30, 39]. On peut néanmoins utiliser empiriquement, en plus du traitement conventionnel, l'énalapril à la dose de 0,25 à 0,5 mg/kg/j par voie orale [30, 39]. Un auteur rapporte avoir utilisé du ramipril, molécule plus récente, à la dose de 50 µg/kg/j par voie orale, avec, semble-t-il, une nette amélioration des symptômes [17]. Enfin, l'hydralazine, la nitroglycérine et l'acépromazine sont aussi parfois prescrites [25, 30].

Pronostic

En cas d'IM, le véritable défi pour le praticien consiste à donner un pronostic vital et sportif le plus précis possible, notamment en ce qui concerne la vitesse d'évolution. Cela peut être aisé pour les cas légers ou sévères, mais reste difficile dans les autres situations, qui sont en pratique les plus fréquemment rencontrées [23, 30].

Le pronostic de l'insuffisance mitrale dépend de l'importance de la régurgitation, de ses répercussions sur la fonction cardiaque, de ses répercussions cliniques, de son étiologie et de son évolution (encadré 1). La confrontation entre les données cliniques et paracliniques est donc essentielle. Des contrôles réguliers de l'évolution du processus (un suivi clinique annuel et un contrôle échographique tous les deux ans en début d'évolution, un suivi clinique et échographique annuel à biannuel lors de stade avancé) permettent d'affiner le pronostic [5, 23].

Les signes cliniques donnent des informations sur l'importance de la régurgitation et sur la tolérance fonctionnelle de l'organisme [1]. Celle-ci s'évalue grâce à la fréquence cardiaque et aux signes éventuels d'insuffisance cardiaque congestive. Ainsi, chez le cheval, une fréquence cardiaque de repos supérieure à 45 battements par minute est un indicateur de pronostic défavorable. Des signes cliniques d'insuffisance cardiaque congestive entraînent toujours un pronostic réservé, à moduler selon l'importance des signes, leur évolution et la présence d'arythmies [5, 31]. Une insuffisance cardiaque congestive gauche d'apparition brutale suggère la rupture d'un cordage tendineux ou une IM aiguë. Le pronostic est alors sombre, avec un risque élevé de mort subite par rupture de l'artère pulmonaire [13, 19, 34].

L'intensité du souffle n'est pas considérée comme un critère fiable de l'importance de la régurgitation. La durée et l'importance de l'irradiation du souffle semblent, en revanche, plus fiables pour l'évaluation clinique de la régurgitation [31]. Enfin, un souffle protodiastolique de sténose mitrale en plus du souffle d'IM suggère que l'IM a un effet délétère significatif sur la fonction cardiaque chez le cheval [23].

Le premier critère pronostique échocardiographique est l'importance du reflux visualisé au Doppler. Une régurgitation limitée en surface et dans le temps (moins de 50  de la durée de la systole, moins du tiers de la surface de l'atrium) est généralement un indicateur de pronostic favorable, alors que, lors de régurgitation étendue en surface et/ou dans le temps, le pronostic est plus réservé [5, 31]. L'évaluation de la fonction cardiaque est également primordiale. Tout signe de décompensation cardiaque, tel que l'augmentation du diamètre interne du ventricule gauche ou encore la présence d'une insuffisance pulmonaire et/ou tricuspide, est indicateur de pronostic défavorable [1, 5, 31].

Les signes annonçant une décompensation sont une dilatation de l'atrium gauche et une forte augmentation de la fraction de raccourcissement du ventricule gauche. Une dilatation de l'artère pulmonaire indique un pronostic sombre. Le risque de mort subite par rupture de l'artère pulmonaire étant, dans ce cas élevé, il est formellement déconseillé de continuer à utiliser le cheval sous la selle [31, 35].

Conclusion

L'insuffisance mitrale chez le cheval présente une symptomatologie très variable en intensité, qui dépend de l'étiologie, de l'importance de la régurgitation, du niveau de performance demandé à l'animal et de la durée d'évolution. Le pronostic de la maladie est également très variable d'un individu à l'autre. La littérature fournit au praticien un certain nombre de critères qui lui permettent d'évaluer ce pronostic, selon l'importance des signes cliniques, les caractéristiques de l'auscultation, le degré de la régurgitation observée au Doppler et les éléments échocardiographiques renseignant sur la fonction cardiaque. Néanmoins, ces critères sont encore mal définis pour cette espèce et le clinicien est souvent en difficulté au moment de donner un pronostic précis au propriétaire de l'animal. l

Éléments à retenir

•  La prévalence chez des chevaux de course qui, à l'auscultation cardiaque, présentent un souffle qui suggère une régurgitation mitrale, varie selon les études entre 1,2 et 7,3 .

• La moitié seulement des chevaux souffrant d'une insuffisance mitrale présentent des signes cliniques ou une intolérance à l'effort. Pour les autres, le seul signe au stade compensé est un souffle à l'auscultation cardiaque.

• Une régurgitation mitrale peut être mise en évidence à l'auscultation.

• L'échographie Doppler est l'examen diagnostic de choix : il permet de confirmer l'insuffisance mitrale et d'apprécier les répercussions de la régurgitation sur le fonctionnement cardiaque.

• Le traitement instauré est palliatif afin d'améliorer le confort et la durée de vie du cheval : mesures hygiéniques, soutien de la fonction cardiaque et contrôles des œdèmes pulmonaire et périphériques.

Critères pronostiques de l'insuffisance mitrale

◊ Une régurgitation mitrale légère, asymptomatique et sans cardiomégalie secondaire suggère un bon pronostic.

◊ Une régurgitation mitrale importante importante un pronostic mauvais.

◊ La présence de signes d'insuffisance cardiaque congestive et/ou de diminution de la fonction cardiaque suggère un pronostic mauvais.

◊ Le pronostic de l'endocardite bactérienne est réservé.

◊ Le pronostic de la rupture d'un cordage tendineux est sombre.

◊ Tout signe d'aggravation du processus assombrit le pronostic.

Encadré 1.

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