Étude rétrospective de quarante et un cas d'insuffisance mitrale chez le cheval (1995-2001) - Pratique Vétérinaire Equine n° 137 du 01/01/2003
Pratique Vétérinaire Equine n° 137 du 01/01/2003

Auteur(s) : Emmanuel Maurin*, Hélène Amory**, Charlotte Sandersen***

Fonctions :
*5, route du Bua,
91370 Verrières-le-Buisson
**Médecine interne grands
animaux, Faculté de médecine
vétérinaire, Ulg, Bât. B42,
Sart Tilman, 4000 Liège, Belgique
***Médecine interne grands
animaux, Faculté de médecine
vétérinaire, Ulg, Bât. B42,
Sart Tilman, 4000 Liège, Belgique

L'expression clinique de l'insuffisance mitrale chez le cheval et les facteurs qui peuvent avoir une incidence sur le pronostic associé à ce syndrome sont étudiés au cours d'une enquête rétrospective incluant 41 sujets.

L'insuffisance mitrale (IM) est un syndrome dont les répercussions médicales et sportives sont parfois significatives chez le cheval. L'expression clinique de ce syndrome est très variable, allant du stade asymptomatique au stade d'insuffisance cardiaque congestive qui peut être fatal [2, 7, 9, 12, 13]. L'avènement récent de l'échocardiographie Doppler a permis de mieux comprendre les mécanismes de la maladie et ses effets à plus ou moins long terme sur la fonction cardiaque [2, 10, 13]. Néanmoins, le pronostic associé à ce syndrome demeure encore parfois difficile à évaluer chez le cheval, et la bibliographie à ce sujet reste pauvre.

La présente étude a pour objectif de contribuer à la description clinique et échocardiographique de l'IM dans l'espèce équine, ainsi que de dégager, par l'étude d'un certain nombre de paramètres, des facteurs pronostiques dans cette espèce.

Matériels et méthode

L'étude porte sur quarante et un chevaux présentés à la Faculté de médecine vétérinaire de l'Université de Liège entre 1995 et 2001 pour lesquels un diagnostic de régurgitation mitrale par échocardiographie Doppler est posé.

Pour chaque cas, l'anamnèse et les paramètres de l'examen général sont notés. À l'auscultation cardiaque, l'intensité des bruits cardiaques, la fréquence et le rythme cardiaques sont évalués, et la présence et les caractéristiques du souffle sont notées. Les chevaux qui présentent une arythmie sont soumis à un examen électrocardiographique (tableau ).

Un diagnostic clinique d'insuffisance cardiaque congestive est posé lorsque le cheval présente au moins trois des signes suivants : tachycardie (fréquence cardiaque de repos supérieure à 50 bpm), dyspnée, toux, jetage sérosanguinolent ou mousseux, faible pouls facial, muqueuses congestives, œdèmes déclives (partie distale des membres, sternum, partie ventrale de l'abdomen, prépuce chez le mâle), distension et/ou pouls jugulaire dépassant le tiers inférieur de la veine [5, 10, 16].

Une échocardiographie en modes M, B et Doppler est réalisée chez les quarante et un chevaux de l'étude, debout et non tranquillisés, au moyen d'un échographe General Electrics RT 6800 ou Vingmed RT 750 muni d'une sonde sectorielle de 2,5 MHz. La base de l'aorte (Ao) et de l'artère pulmonaire (Pu), le diamètre interne des ventricules gauche et droit en systole et en diastole (LVIDs et d, RVIDs et d), l'épaisseur du septum interventriculaire (SIV) et de la paroi libre du ventricule gauche en diastole et en systole (LVFWs et d), ainsi que le diamètre interne de l'atrium gauche (LA) sont mesurés. Les valvules sont examinées et les éventuelles lésions observées sont notées. La motilité et l'intégrité du myocarde sont évaluées. Les rapports LA/Ao et Pu/Ao sont calculés. La fraction de raccourcissement du ventricule gauche  D est également calculée selon la formule : 100 x (LVIDdT> LVIDs)/LVIDd [16]. Une dilatation d'une cavité cardiaque ou d'un vaisseau, ou un épaississement d'une paroi cardiaque sont définis comme des valeurs supérieures aux valeurs de référence (tableau ).

Les flux mitral, tricuspide, aortique et pulmonaire sont évalués au Doppler couleur et/ou pulsé (photo ). Chez tous les chevaux, une IM est mise en évidence. Elle est qualifiée de légère (photo ) lorsque le reflux est peu prolongé et ne s'étend pas au-delà du tiers de la profondeur de l'atrium gauche, de modérée lorsque le reflux est plus large, plus prolongé et s'étend au-delà du tiers mais en deçà des deux tiers de la profondeur de l'atrium gauche, et de sévère lorsque le reflux est large, prolongé et s'étend au-delà des deux tiers de l'atrium gauche [2]. La présence d'autres régurgitations est systématiquement recherchée et quantifiée selon les mêmes critères.

Un questionnaire portant sur l'évolution clinique et sportive du cheval après le diagnostic d'IM est envoyé en janvier 2002 aux propriétaires des chevaux de l'étude qui sont repartis vivants de la faculté avant cette date.

Le test du khi deux est utilisé afin de déterminer l'existence d'une association significative entre, d'une part, la présence de signes d'insuffisance cardiaque congestive et, d'autre part, la survie, la présence de fibrillation atriale, de lésions valvulaires, d'une dilatation de l'atrium gauche, du ventricule gauche ou de l'artère pulmonaire, l'importance de la régurgitation mitrale et la présence d'autres régurgitations valvulaires. Le même test est utilisé afin de déterminer l'existence d'une relation significative entre, d'une part, la survie et, d'autre part, la présence de fibrillation atriale, d'une dilatation de l'atrium gauche, d'une dilatation de l'artère pulmonaire, l'importance de la régurgitation mitrale et la présence d'autres régurgitations valvulaires, ainsi qu'entre la fibrillation atriale et une dilatation de l'atrium gauche.

Le test d'analyse de variance à un facteur est utilisé pour déterminer l'existence d'une association significative entre la présence de signes d'insuffisance cardiaque congestive et l'âge, entre des signes d'insuffisance cardiaque congestive et le grade du souffle, ainsi qu'entre la survie et le grade du souffle.

Résultats

Parmi les chevaux étudiés, dix-neuf sont des femelles et vingt-deux des mâles. Vingt et un sont de race demi-sang belge, quatre de race rheinerlander, trois de race lusitanienne, deux de race westphalienne, un de race appaloosa, un de race holstein, un de race hanovrienne, un de race trackener et un de race oldenburg. Il y avait de plus quatre trotteurs, un pur-sang anglais et un poney. La moyenne d'âge est de 8,7 ± 6,1 ans, les âges allant de sept mois à trente ans (figure ). Parmi les motifs de consultation, on note une intolérance à l'effort (26,7 ), une méforme (19,5 %), des troubles respiratoires (29,3 %), avec notamment une toux (12,2 %) et une détresse respiratoire (9,8 %), une hyperthermie (9,8 %) et des syncopes (2,4 %). Sept chevaux (17,1 %) sont amenés en consultation uniquement pour investiguer un souffle asymptomatique préalablement détecté par le vétérinaire traitant. Enfin, chez quinze cas (36,6 %), l'atteinte cardiaque a constitué une découverte clinique faite à la réception et n'ayant rien à voir avec le motif initial de consultation.

La fréquence cardiaque moyenne est de 55 bpm, les valeurs s'étendant de 30 à 120 bpm. Une arythmie est entendue chez quatorze animaux (34 %). Chez tous les chevaux de l'étude, un souffle systolique est entendu à l'auscultation cardiaque à gauche. Le point d'intensité maximale du souffle est situé au niveau de l'aire de projection mitrale chez trente-cinq cas (85,4 %) et au niveau de l'aire de projection aortique chez six cas (14,6 %). Le grade du souffle va de 1 à 6/6, avec une moyenne de 3,7/6 ± 1,7/6. Ce souffle est holosystolique chez vingt-neuf cas (70,7 %), pansystolique chez huit cas (19,5 %), télésystolique chez deux cas (4,9 %) et mésosystolique chez deux autres cas (4,9 %).

Douze chevaux présentent au moins trois des signes cliniques suggestifs d'une insuffisance cardiaque congestive. Cependant, chez l'un d'eux, chaque symptôme observé est relié à une autre maladie (pneumonie et vasculite) et non à l'atteinte cardiaque. Sur les quarante et un chevaux de l'étude, onze sont considérés comme ayant atteint le stade d'insuffisance cardiaque congestive (26,8 %). Trois de ces chevaux ont une anamnèse de détresse respiratoire d'apparition aiguë, avec ptyalisme et jetage mousseux après un effort modéré.

L'évolution clinique est suivie chez vingt-six chevaux, soit par la collecte des questionnaires envoyés, soit par le monitoring au cours de l'hospitalisation. Ce suivi est réalisé sur une période allant de six mois à six ans selon les cas. Parmi ces vingt-six animaux, treize sont encore vivants lors de la réalisation de l'étude (50 % des cas suivis). L'intervalle de temps du suivi pour ces cas est de 2,3 ans en moyenne. Parmi ces treize cas, dix sont restés cliniquement stationnaires et trois présentent des signes de dégradation depuis le diagnostic d'IM (diminution de la tolérance à l'effort, œdèmes, lésions échocardiographiques évolutives, etc.). Les treize chevaux sont morts dans un délai d'un jour à trois ans après le diagnostic d'IM (4,7 ± 10,6 mois en moyenne). Cinq de ces chevaux (19,2 % des cas suivis) sont morts moins d'une semaine après le diagnostic d'insuffisance mitrale, deux (7,7 % des cas suivis) entre une semaine et un mois après le diagnostic d'insuffisance mitrale, quatre (15,4 % des cas suivis) entre un mois et un an après le diagnostic d'insuffisance mitrale et les deux derniers (7,7 % des cas suivis) entre un et trois ans après le diagnostic d'insuffisance mitrale.

Les quatorze chevaux chez lesquels une arythmie est détectée sont soumis à un examen électrocardiographique afin de caractériser ce trouble. Parmi ces chevaux, 8 (19,5 % de l'ensemble des cas) présentent une fibrillation atriale, deux (4,9 %) des extrasystoles ventriculaires unifocales, un (2,4 %) des extrasystoles ventriculaires multifocales, un (2,4 %) des extrasystoles auriculaires et deux (4,9 %) des blocs atrio-ventriculaires du deuxième degré.

Le tableau 3 regroupe les principales données échocardiographiques et l'évolution (lorsqu'elle est connue) des quarante et un cas étudiés. Une dilatation de l'atrium gauche est observée pour treize cas (31,7 %), une dilatation du ventricule gauche pour dix cas (24,3 %), une dilatation de l'atrium droit pour quatre cas (9,8 %), une dilatation du ventricule droit pour cinq cas (12,2 %) et une dilatation de l'artère pulmonaire pour sept cas (17,1 %). Le septum interventriculaire présente une hyperkinésie chez sept chevaux (17,1 %) et une hypokinésie chez un autre (2,4 %). La fraction de raccourcissement du ventricule gauche est augmentée chez deux chevaux (4,9 %) et diminuée chez trois autres (7,3 %).

Parmi les anomalies observées au niveau de la valvule mitrale, on note un prolapsus pour trois cas (7,3 %), un épaississement hyperéchogène localisé ou généralisé pour quatre cas (9,8 %), un mouvement en fléau pour deux cas (4,9 %) et une insuffisance d'ouverture pour un cas (2,4 %). Une régurgitation mitrale systolique est observée chez les quarante et un chevaux. Elle est légère chez seize chevaux (39 %), modérée chez sept (17 %) et importante chez dix-huit (44 %). De plus, treize chevaux (31,7 %) présentent une régurgitation tricuspide, sept (17,1 %) une régurgitation pulmonaire et trois (7,3 %) une régurgitation aortique associées à l'IM.

La survie est significativement associée à la présence ou non de signes cliniques d'insuffisance cardiaque congestive (p < 0,001). En revanche, l'âge n'est pas significativement associé à la présence de signes cliniques d'insuffisance cardiaque congestive. Le grade du souffle et la présence de fibrillation atriale sont significativement associés à la présence de signes cliniques d'insuffisance cardiaque congestive (p < 0,001). La présence de signes d'insuffisance cardiaque congestive est significativement associée à la présence d'une dilatation de l'atrium gauche (p < 0,001), du ventricule gauche (p < 0,05) et de l'artère pulmonaire (p < 0,001). Elle est significativement associée à l'existence de lésions de la valvule mitrale (p < 0,05), à l'importance de la régurgitation mitrale (p < 0,001) et à la présence d'autres régurgitations valvulaires (p < 0,001).

La survie est significativement associée à la présence de fibrillation atriale (p < 0,05), à l'importance de la régurgitation mitrale (p < 0,05), à la présence d'une dilatation de l'atrium gauche (p < 0,05) et de l'artère pulmonaire (p < 0,01). Le grade du souffle est également significativement associé à la survie (p < 0,01). Une dilatation de l'atrium gauche est significativement associée à une fibrillation atriale (p < 0,001).

Discussion

L'échantillon de la présente étude n'est probablement pas représentatif de la population de chevaux atteints de régurgitation mitrale, car de nombreux animaux pourraient souffrir d'insuffisance mitrale sans que cette dernière ne soit diagnostiquée en raison de leur caractère asymptomatique [6, 14, 20]. Dans cette étude, une affection cardiaque est systématiquement recherchée chez les chevaux vus en consultation à la clinique, essentiellement par une auscultation cardiaque rigoureuse et approfondie. En outre, la population examinée était composée de chevaux présentés en raison d'un problème, le plus souvent une intolérance à l'effort. Dès lors, la proportion de chevaux atteints d'insuffisance mitrale avec une répercussion clinique est probablement plus importante dans l'échantillon étudié que dans l'ensemble de la population.

Cet échantillon comporte vingt-deux mâles et dix-neuf femelles, avec une répartition des âges relativement homogène (figure ). Ainsi, aucune prédisposition d'âge ou de sexe n'est mise en évidence, ce qui est en accord avec les données de la littérature [14, 16, 20].

Dans notre étude, les motifs de consultation sont variés et parfois indépendants de l'affection cardiaque. Seuls onze chevaux (26,8 % des cas) présentent une anamnèse d'intolérance à l'effort. De plus, chez quatre d'entre eux, ce trouble a une origine autre que cardiaque. Il est démontré que l'intolérance à l'effort chez le cheval est souvent plurifactorielle [2]. La relation entre l'atteinte cardiaque et l'intolérance à l'effort est dès lors souvent difficile à établir. Néanmoins, la proportion de chevaux qui souffrent d'intolérance à l'effort dans l'échantillon analysé paraît faible par rapport aux données de la littérature [9]. Deux explications partielles peuvent être avancées : d'une part, la majorité des chevaux de l'étude sont des animaux de loisirs, qui n'effectuent pas d'effort important, ce qui rend la détection d'une intolérance à l'effort moins probable ; d'autre part, dans un certain nombre de cas, le diagnostic a été établi par hasard.

Parmi les vingt-six chevaux dont l'évolution a pu être suivie, treize sont morts dans un délai d'un jour à trois ans après le diagnostic d'IM. Ce nombre doit cependant être analysé avec prudence. En effet, il est biaisé par le fait que le délai du suivi après le diagnostic d'IM a été variable, allant de six mois à six ans. En outre, un suivi à court, à moyen ou à long terme a été obtenu seulement pour 60 % des cas inclus dans l'étude. De plus, deux chevaux vus en consultation initialement pour trouble respiratoire et inclus dans l'étude sont morts vraisemblablement en raison de leur maladie respiratoire, plutôt que suite à leur atteinte cardiaque. Enfin, parmi les chevaux dont l'issue a été fatale, huit ont été euthanasiés, ce qui est dépendant de la décision du propriétaire et limite l'estimation de la durée de vie de ces animaux s'ils étaient morts naturellement. Dès lors, il convient de rester prudent quant à l'interprétation des tests de signification entre la survie et d'autres facteurs.

Onze chevaux ont été considérés comme ayant atteint le stade d'insuffisance cardiaque congestive au moment du diagnostic d'IM, dont dix sont morts dans les trois ans qui ont suivi. Le délai d'étude de l'évolution du onzième cas a été limité (six mois). La présence de signes d'insuffisance cardiaque est donc logiquement associée à la probabilité de mort à court terme. On peut dès lors en conclure que les signes d'insuffisance cardiaque congestive suggèrent un mauvais pronostic vital chez le cheval, en concordance avec les données de la littérature [2, 5, 16]. Parmi les onze chevaux qui présentent des signes d'insuffisance cardiaque congestive, trois ont une anamnèse de détresse respiratoire aiguë après un effort léger. Ce tableau clinique d'insuffisance cardiaque congestive gauche aiguë est fortement évocateur d'une rupture d'un cordage tendineux, ce qui est confirmé à l'autopsie de l'un des animaux, ou d'une IM sévère d'apparition brutale.

Les caractéristiques des souffles entendus à l'auscultation des chevaux correspondent à ce qui a été précédemment rapporté dans la littérature. Deux chevaux présentent un souffle mésosystolique et deux autres un souffle télésystolique, qui sont des variations décrites en cas d'IM [2, 4, 14]. Le point d'intensité maximale se situe au niveau de l'aire de projection mitrale chez la majorité des chevaux (85,4 %), au niveau de l'aire de projection aortique chez les autres. Cette dernière variation a aussi été précédemment rapportée dans la littérature [2, 14, 15, 16].

La présente étude met en évidence une relation significative entre le grade du souffle et, d'une part, la présence de signes d'insuffisance cardiaque congestive, d'autre part, l'issue, ce qui suggère que plus le grade du souffle est élevé, plus le pronostic est mauvais. Cela est contesté dans la littérature. En effet, la plupart des auteurs s'accordent à dire que si un souffle de faible grade est généralement asymptomatique, le grade du souffle n'est pas un critère pronostique fiable, et ce quelle que soit l'espèce [2, 3, 12]. L'hypothèse d'une relation significative entre le grade du souffle et la sévérité d'une IM chez le cheval mériterait d'être plus largement testée. Il faudrait de plus supprimer un biais important de notre étude, à savoir le fait que les auscultations n'ont pas été réalisées par la même personne.

La présence de fibrillation atriale a également un effet significatif sur l'issue et apparaît comme un facteur pronostique défavorable, ce qui correspond aux données de la littérature [2, 12]. Certains auteurs émettent l'hypothèse que la fibrillation atriale serait due à une dilatation de l'atrium, ainsi qu'à une atteinte sous-jacente du myocarde [16], ce qui expliquerait l'association de cette arythmie à un mauvais pronostic. Dans notre étude, la présence de fibrillation atriale est en effet significativement associée à une dilatation de l'atrium gauche (tous les chevaux qui présentent une fibrillation atriale ont un atrium gauche dilaté), ce qui corrobore l'hypothèse d'un lien entre dilatation atriale et fibrillation atriale. Une telle association a été récemment démontrée expérimentalement [18].

Les résultats de notre étude révèlent une relation significative entre la présence de signes d'insuffisance cardiaque congestive et celle d'une dilatation de l'atrium gauche, du ventricule gauche et de l'artère pulmonaire. De même, une relation significative entre l'issue et une dilatation de l'artère pulmonaire est mise en évidence. Cela est en accord avec la littérature, qui cite la dilatation du ventricule gauche, celle de l'atrium gauche et celle de l'artère pulmonaire comme des indicateurs de mauvais pronostic [2, 12, 16]. Il convient néanmoins de rester prudent quant aux conclusions qui portent sur les tailles des chambres du cœur. En effet, la plupart des valeurs usuelles de référence échocardiographiques disponibles chez le cheval proviennent de mesures réalisées chez des animaux pur-sang adultes, à partir desquelles toute extrapolation chez des chevaux plus petits, plus grands et/ou de race et d'âge différents est délicate, étant donné la relation connue dans de nombreuses espèces entre la taille des chambres cardiaques et le poids, la taille voire la race de l'individu [19]. La dilatation de l'atrium gauche est un mécanisme de compensation cardiaque pour lutter contre l'augmentation de pression atriale engendrée par la régurgitation. Sa présence indique que l'insuffisance mitrale a des répercussions sur le fonctionnement cardiaque, et donc qu'elle est susceptible d'entraîner à terme l'installation d'une insuffisance cardiaque congestive [2, 12, 16]. En revanche, les trois chevaux qui présentent des signes d'insuffisance cardiaque congestive gauche d'apparition aiguë ont un atrium gauche de taille normale ou seulement légèrement dilatée. Dans leur cas, la régurgitation importante étant apparue de façon soudaine, les mécanismes de compensation n'ont probablement pas eu le temps de se mettre en place. Dans ce cas de figure, l'augmentation de pression atriale survient brutalement et entraîne une hypertension pulmonaire rapide et sévère, d'où les signes d'œdème pulmonaire aigu.

La dilatation de l'artère pulmonaire est un phénomène plus tardif qui survient lorsque les capacités d'adaptation de l'atrium gauche face à l'augmentation de pression sont dépassées [12]. L'augmentation de la pression atriale entraîne une hypertension pulmonaire puis, progressivement, l'installation d'une insuffisance cardiaque congestive droite. Dans cette étude, seuls les chevaux qui présentent des signes d'insuffisance cardiaque congestive ont une artère pulmonaire dilatée. La dilatation de l'artère pulmonaire a été précédemment décrite comme un facteur pronostique défavorable, en raison du risque élevé de mort subite suite à une rupture de cette artère [13, 16].

Une régurgitation limitée en surface et/ou dans le temps est considérée par certains auteurs comme un facteur pronostique favorable, à l'inverse d'une régurgitation importante et étendue [2, 13]. Dans notre étude, l'importance de la régurgitation est significativement associée à la présence de signes d'insuffisance cardiaque congestive, ainsi qu'à une issue fatale. Une régurgitation importante entraîne une surcharge volumique conséquente de l'atrium gauche et les mécanismes de compensation cardiaque sont plus rapidement dépassés que lors d'une régurgitation faible ou modérée. L'insuffisance cardiaque congestive est donc susceptible d'apparaître plus rapidement dans ce cas de figure [2, 9, 16].

Dans notre étude, la présence d'autres régurgitations concomitantes à l'IM est significativement associée à celle de signes d'insuffisance cardiaque congestive. Dans la plupart des cas, il s'agit d'une insuffisance tricuspide. Celle-ci pourrait être la conséquence d'une dilatation ventriculaire, d'une diminution du rendement du cœur et/ou d'une hypertension artérielle pulmonaire, faisant suite à la congestion veineuse pulmonaire et se répercutant sur le cœur droit [2, 5, 12]. L'insuffisance pulmonaire observée chez quelques chevaux pourrait également être une conséquence de l'insuffisance mitrale, en raison de la dilatation de l'atrium gauche et de l'artère pulmonaire [2, 9]. En revanche, chez les trois chevaux qui présentent une insuffisance aortique associée à l'IM, cette insuffisance est probablement un phénomène indépendant de l'insuffisance mitrale.

Conclusion

Cette étude a permis de confirmer un certain nombre de données bibliographiques concernant les facteurs pronostiques de l'insuffisance mitrale dans l'espèce équine. Ainsi, on peut désigner comme des facteurs pronostiques défavorables les signes d'insuffisance cardiaque congestive, une fibrillation atriale, une dilatation de l'atrium gauche, du ventricule gauche ou de l'artère pulmonaire, la présence d'une régurgitation mitrale importante et d'autres régurgitations. Le grade du souffle apparaît comme un bon indicateur de l'insuffisance mitrale, ce qui reste controversé dans la littérature. l

Éléments à retenir

•  Une régurgitation mitrale est observée chez les 41 chevaux de l'étude. Elle est légère chez 39 % des animaux, modérée chez 17  et importante chez 44 % d'entre eux.

• Pour les chevaux de cette étude, la survie apparaît significativement associée à la présence d'une fibrillation auriculaire, à l'importance de la régurgitation mitrale, à la présence d'une dilatation de l'atrium gauche ou de l'artère pulmonaire et à la présence ou non de signes cliniques d'insuffisance cardiaque congestive.

• Pour cette enquête, aucune prédisposition d'âge ou de sexe n'est mise en évidence, ce qui corrobore les données disponibles de la littérature.

• Un souffle systolique de grade 1 à 6/6 est audible chez tous les chevaux de l'étude. Le point d'intensité maximale est en général l'aire de projection mitrale (85 %) et plus rarement l'aire de projection aortique (15 %). Le pronostic semble plus sombre lorsque le grade du souffle augmente, ce qui est en contradiction avec certaines données déjà publiées.

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