Démarche sémiologique dans les troubles comportementaux du chevalSymptomatological approach to behavioural problems in horses - Pratique Vétérinaire Equine n° 135 du 01/07/2002
Pratique Vétérinaire Equine n° 135 du 01/07/2002

Le comportement

Auteur(s) : V. BOUREAU

Fonctions : Clinique La Châtaigneraie, 44240 SUCÉ-SUR-ERDRE

La démarche sémiologique à adopter dans les consultations équines de comportement suppose de définir des règles communes. Elle s'appuie sur l'étude clinique du comportement, mais aussi sur l'identification de comportements pathologiques.

La consultation comportementale chez le cheval, comme toute consultation des autres spécialités cliniques, vise à rassembler des signes et symptômes comportementaux afin d'identifier autant que possible des processus et des états pathologiques. Cette étape d'identification est primordiale d'une part pour déterminer la ou les causes du trouble observé, et d'autre part pour entamer un plan thérapeutique étayé d'arguments cliniques. L'objectif de cet article est d'énumérer les items comportementaux qu'il convient de recueillir au cours de l'examen clinique pour mener à bien cette identification de l'état pathologique.

Motif de consultation

Le trouble comportemental est couramment rattaché à un défaut de résultat dans l'exécution des apprentissages que l'homme a tenté d'inculquer au cheval.

Lorsque ce défaut d'apprentissage existe depuis toujours, il peut être le témoin d'un procédé d'apprentissage raté, imputable au dresseur, ou d'une incapacité de l'animal à se plier aux contraintes du dressage. Dans ce cas, les troubles comportementaux peuvent être associés à un déficit qualitatif du développement de l'animal.

Lorsque ce défaut d'apprentissage est acquis ou intermittent, il est indispensable de rechercher les causes organiques et comportementales de ce changement. Ces modifications d'humeurs sont souvent associées à des troubles hormonaux (cas des juments “pisseuses”), mais dans l'état actuel des connaissances, rien ne permet de relier les symptômes comportementaux à un profil hormonal type.

La consultation comportementale ne doit pas uniquement se limiter à analyser un comportement gênant, rapporté par le propriétaire, et ses circonstances de déclenchement. Elle a aussi pour objectif d'identifier des comportements pathologiques, pour lesquels le lien avec le motif de consultation n'est pas toujours établi de prime abord.

Le comportement gênant constitue en soi le motif de consultation rapporté par le détenteur ou l'utilisateur de l'animal. Le trouble comportemental est un élément bien identifié des “gens de chevaux”. Il n'est pas rare de constater que la modification du comportement de l'animal est citée comme le premier signe perceptible d'une atteinte organique perturbant l'état général ou modifiant le geste sportif. Il convient donc de prendre en compte, en tant que motif de consultation, les nuisances occasionnées par ce trouble comportemental et les répercussions qu'il peut avoir sur l'utilisation sportive, voire de loisir, du cheval.

Les comportements pathologiques nécessitent, pour être identifiés, de dérouler une sémiologie complète qui abordera aussi bien la perception émotionnelle que l'animal a de son environnement que les comportements qu'il produit (encadré 1).

Reformulation

D'un point de vue purement sémantique, le monde du cheval dispose d'un langage spécifique et il est parfois nécessaire de reformuler les informations données à l'aide de termes médicaux, à partir de l'interprétation que font les utilisateurs de l'animal. La rétivité en est un exemple. Dans la description de réactions rétives, il est parfois difficile de faire la distinction entre la réponse d'agression par irritation en situation de contrainte (voir plus loin) et un défaut de socialisation à l'espèce humaine. Il est essentiel de décrypter la séquence comportementale pour identifier le type d'agression. En effet, la réponse d'évitement produite par l'animal est souvent pertinente d'un point de vue éthologique. Le cheval, comme toutes les espèces qui ont un statut de proie, possède dans son panel comportemental trois consignes possibles en réponse à la menace : l'immobilisation, la fuite ou la lutte (freeze, fly or fight). L'intensité de la réponse va donc dépendre de la façon dont l'animal perçoit “l'agression humaine”.

Examen clinique

L'examen clinique est incontournable dans la consultation de comportement, pour deux raisons majeures.

D'une part, il permet de relever l'existence d'une affection organique génératrice de troubles comportementaux.

• Lésions algiques : elles sont la première cause d'augmentation de la fréquence ou de l'intensité de la réponse de défense ou d'agression par irritation.

• Atteinte neurologique : l'intégrité de la fonction neurologique conditionne la cohérence de la réponse comportementale. Un examen neurologique succinct est nécessaire lors de la consultation comportementale.

• Déficit ophtalmologique : la capacité perceptive de l'animal peut être altérée et modifier la réponse comportementale face à un stimulus inhabituel. L'examen ophtalmologique, notamment en cas de phobie, fait partie intégrante de l'examen comportemental.

• Dysendocrinie : chez la jument, le cycle œstral est parfois un facteur favorisant, voire un facteur déclenchant des troubles comportementaux. Les variations de l'humeur liées aux hormones sexuelles sont encore mal élucidées, même si des manifestations cliniques, qui s'apparentent aux troubles thymiques, sont observées sur le terrain.

D'autre part, l'examen général permet de rechercher des lésions morphologiques associées au trouble émotionnel.

• Dermite d'automutilation ou self-trauma (photo ) : elle constitue l'un des symptômes les plus spectaculaires des troubles anxieux, observé lors des situations de privation des contacts sociaux vis-à-vis des congénères, avec une forte incidence chez les mâles entiers. D'un point de vue éthologique, l'automutilation est considérée comme une auto-agression, produite en substitution de la réponse comportementale adéquate, avec une perte rapide de toute capacité d'autocontrôle. D'un point de vue neurobiologique, elle est le résultat d'une désorganisation croissante des systèmes de neuromédiateur : la libération d'endorphines inhibe notamment le système dopaminergique responsable du signal d'arrêt de la séquence comportementale.

• Lésions liées aux stéréotypies : l'exécution répétitive de l'acte stéréotypé peut occasionner des lésions morphologiques. C'est le cas de l'usure des incisives chez le cheval tiqueur à l'appui. Chez le tiqueur au balancement (tic “à l'ours”), des lésions dermiques chroniques de frottement peuvent être observées. En revanche, le lien de cause à effet entre le tic à l'air et les coliques gastriques par aérophagie n'est pas établi. D'un point de vue neurobiologique, l'apaisement relatif issu de l'exécution du tic implique successivement les systèmes noradrénergique, sérotoninergique et β-endorphinique. Le renforcement de l'acte par la récompense endorphinique auto-entretient le tic.

Des manifestations organiques directes peuvent être observées lors de l'examen clinique ou rapportées dans les commémoratifs :

- tachycardie-tachypnée ;

- diarrhée ou colite chroniques ;

- sudation ;

- mictions et/ou défécations à répétition.

Ces manifestations organiques directes résultent de l'activation des différentes voies neurovégétatives qui accompagnent les réponses émotionnelles. Leur observation n'a de sens que si elles sont rapportées avec une forte intensité ou fréquence. Le système noradrénergique est principalement impliqué dans l'expression clinique de la maladie anxieuse ou de la phobie chez le cheval. Ce profil noradré-nergique est un élément commun à de nombreuses espèces qui ont le statut de proie.

D'autres éléments peuvent être rapportés dans les commémoratifs :

- le syndrome des coliques abdominales récidivantes, lorsqu'il est établi qu'il est sans support organique, peut faire partie intégrante du tableau clinique de l'anxiété chez le cheval ;

- l'obésité est à considérer en premier lieu comme un état résultant d'une affection organique ou d'un déséquilibre alimentaire. Néanmoins, le comportement alimentaire du cheval est susceptible d'être fortement modifié par le mode de vie consécutif à la domestication ;

- la potomanie, peu décrite chez le cheval, peut toutefois faire partie du tableau clinique de l'anxiété.

Observation directe du comportement

Le comportement qui motive la consultation est rarement observé pendant l'examen.

Cependant, des attitudes pathologiques peuvent être recherchées :

- concernant le comportement exploratoire : lorsque le cheval est dit “sur l'œil”, des postures figées, des états d'hyper vigilance vis-à-vis de l'environnement, des mimiques ou des vocalises émotionnelles peuvent trahir son état de crainte ou de peur ;

- concernant la socialisation à l'espèce humaine : la facilité de contention et de réalisation de l'examen clinique est le premier élément qui permet au clinicien d'évaluer la socialisation à l'espèce humaine.

La contrainte imposée à l'animal tout au long de l'examen clinique est susceptible de générer une réponse agressive, de type agression par irritation. Il est alors intéressant d'objectiver la structure de la séquence d'agression afin de discriminer les états réactionnels de l'agressivité instrumentalisée (encadré 2). Une agression par peur peut également être observée dans des situations dites fermées ou perçues comme telles par l'animal. Elles sont donc fréquentes lors d'état phobique.

Les comportements non observables directement sont explorés grâce à l'entretien avec le propriétaire, cavalier et/ou soigneur du cheval. Ils peuvent se répartir en trois groupes fonctionnels :

- les comportements centripètes, qui correspondent à l'expression des perturbations émotionnelles ;

- les comportements centrifuges, correspondant aux états productifs ;

- les comportements mixtes.

Exploration des comportements centripètes

Comportement lors de la prise de nourriture

Le biotope naturel du cheval montre une adaptation :

- à un temps de prise alimentaire prolongé, de l'ordre de seize heures sur vingt-quatre ;

- à une alimentation de faible valeur nutritionnelle, de type pâturage. Le biotope “originel” du cheval est la steppe eurasiatique.

Le mode de vie domestique implique donc l'apparition d'un comportement alimentaire adaptatif. Dans ces circonstances, la perte de la régulation alimentaire favorise l'apparition d'obésité.

A contrario, l'état de maigreur est souvent associé à des tableaux cliniques qui incluent des stéréotypies. Une polyphagie peut être observée, rendant d'autant plus incompréhensible cet état de maigreur.

La coprophagie et la lignophagie font partie du répertoire comportemental normal du cheval. Cependant, ces comportements, de même que le pica, peuvent être hypertrophiés (Wood-chewing) en tant qu'activités de substitution, lors de situation de contrainte.

La distribution alimentaire au pré en présence de congénères permet d'apprécier le statut hiérarchique de l'animal au sein du groupe. La circonstance de compétition alimentaire est l'un des principaux moments d'expression des préséances hiérarchiques entre chevaux. Les agressions observées sont de type hiérarchique.

Si la distribution alimentaire s'effectue exclusivement au box, l'état d'agitation de l'animal sera particulièrement noté. C'est l'un des stades préférentiels d'expression des activités de substitution (automutilation, potomanie, lignophagie, etc.) ou de stéréotypies (tic à l'ours, tic à l'air, tournis, etc.). La distribution de l'aliment agit alors comme un facteur déclenchant, l'obtention de l'aliment comme un renforçateur du comportement produit.

Comportement dipsique

La prise de boisson est un comportement peu observable chez le cheval domestique. Cela est d'autant plus vrai qu'en milieu naturel elle est limitée en fréquence (une à trois fois par vingt-quatre heures) et s'effectue le plus souvent en groupe. En box au contraire, l'accès à l'eau de boisson en libre-service individuel est de règle. La potomanie peut constituer un signe d'anxiété et représente alors une activité de substitution.

Comportement éliminatoire

Deux cas de figure sont distingués.

• Les mictions et défécations émotionnelles : lors de l'exposition à un stimulus qui génère un déséquilibre émotionnel, l'augmentation de la fréquence des émissions d'urine ou de crottins, en quantité restreinte, est observée. Cette séquence d'élimination ne se produira que lors de l'exposition à un stimulus ou à un groupe de stimuli identifiable et caractérise le trouble émotionnel phobique ou anxieux.

• Les déjections sociales : l'élimination revêt une fonction de communication visuelle et olfactive majeure au sein de l'espèce équine, avec une différentiation sexuelle.

Chez les mâles entiers, la communication sociale repose sur l'émission et la répartition spatiale des fèces. Chez les juments, le comportement d'élimination urinaire et l'urine en tant que telle sont les principaux vecteurs d'information pour les congénères.

Ces comportements peuvent persister et s'hypertrophier au box en l'absence d'individu récepteur. Leur dérégulation donne lieu à des modifications du milieu de vie chez ces chevaux réputés pour souiller de façon excessive leur litière.

Sommeil

D'un point de vue éthologique, le cheval, comme toutes les proies, possède un sommeil paradoxal peu développé et un état d'hyperesthésie permanente. L'étude qualitative du sommeil est donc particulièrement difficile dans cette espèce. L'hypervigilance observée lors de trouble émotionnel est l'élément principal d'une diminution quantitative du sommeil.

Exploration des comportements centrifuges

Stéréotypies

Les stéréotypies sont, par définition, des successions d'actes exécutés de façon répétitive, dénués de toute fonction, exempts de toute régulation et sans arrêt spontané. L'arrêt d'une séquence de stéréotypies donne lieu au démarrage d'une autre séquence ou d'une activité à motivation supérieure.

De nombreux tics sont décrits chez le cheval :

- tic à l'air (Wind-sucking) ;

- tic à l'appui (Cribbing) (photo ) ;

- tic à l'ours (Weaving) ;

- langue serpentine (Tongue lolling) ;

- encensement (Head-shaking) ;

- tournis (Stall-circling) ;

- piaffé (Pawing) ;

- taper au box (Stall-kicking) ;

- grattage de queue stéréotypé (Tail-rubbing).

Cette liste, non exhaustive, peut aisément être complétée tant la description d'actes stéréotypés est fréquemment rapportée chez le cheval.

L'expression de ces stéréotypies est pathognomonique de l'état de contrainte psychomotrice. Cet état de contrainte est la résultante de l'environnement sensoriel et moteur du cheval domestique.

• Privation sociale vis-à-vis des congénères : l'animal est placé dans l'impossibilité de réceptionner les réponses émises par ses congénères lors de tentatives d'interactions sociales. Les situations de compétition sociale alimentaire sont supprimées.

• Trouble de la communication intraspécifique : la perception des signaux de communication émis par les congénères est tronquée. La perception des informations olfactives et sonores persiste au sein de l'écurie, mais les contacts visuels sont limités, voire inexistants. La communication tactile, pourtant si importante dans l'espèce comme en témoigne la fréquence des comportements de toilettage mutuel au sein des groupes de chevaux normo-socialisés, est impossible.

• Alternance de phases d'hyperstimulation et de phases d'hypostimulation, du fait de la diminution du temps de recherche alimentaire et des périodes d'activité sportive intense.

• Existence de punitions hors contexte, lors de l'activité sportive.

Comportements d'agression

L'agressivité fait partie intégrante des fonctions comportementales. C'est l'une des composantes réactionnelles de toutes les espèces animales.

D'un point de vue fonctionnel, trois types d'agression sont identifiables chez le cheval (encadré 2) :

- l'agression par peur ;

- l'agression hiérarchique ;

- l'agression par irritation, qui peut s'instrumentaliser.

Ces séquences agressives comportent trois phases, d'importance différente selon le type d'agression :

la phase de menace : oreilles rabattues, ouverture de l'angle cervico-céphalique, encolure tendue déclive (agressions hiérarchiques) ou vers le haut (agression par irritation), mouvements de queue, esquive de mouvements de tête vers la cible, découvrement des incisives ;

la phase d'attaque : charges, morsures, ruades, jet des antérieurs chez le cheval entier ;

la phase d'apaisement : retour à la posture initiale.

Dans le cas des agressions intraspécifiques, la réponse comportementale classique du congénère est la soumission par la fuite coulée, le plus souvent au pas, ou simplement par un détournement de la tête. Elle peut intervenir dès la phase de menace.

Exploration des comportements mixtes

Il s'agit de l'exploration des comportements sexuels et maternels.

L'absence de groupes incluant des étalons et l'apparition d'une catégorie sexuelle majoritaire constituée par les hongres sont des caractéristiques particulières du cheval domestique. Cela rend bien évidemment impossible l'exploration du comportement sexuel de cette catégorie. La pathologie du comportement sexuel de l'étalon reproducteur est une entité complexe que nous n'aborderons pas ici.

En ce qui concerne les juments suitées, toute approche du poulain déclenche une agression particulière, de type territorial, de la part de la jument qui s'interpose entre l'intrus et son poulain. Elle se caractérise par une charge, suivie d'une poursuite et le plus souvent de morsures. Ces agressions, bien connues des éleveurs, sont dangereuses pour l'homme, mais n'en sont pas moins éthologiquement pertinentes.

Le cas particulier des juments tueuses (de leur poulain) met en évidence les conséquences d'une imprégnation hétérospécifique. Chez ces juments, exclusivement imprégnées par l'espèce humaine et non par leur propre espèce, la non-reconnaissance du partenaire social et sexuel naturel rend impossible le processus d'attachement à leur propre poulain. Les agressions portées sont des agressions par peur, donc non régulées, qui mettent rapidement en jeu la survie du nouveau-né.

Passé comportemental

Les troubles du développement sont déterminants dans la genèse des troubles comportementaux. Ainsi, pour le jeune, l'existence d'un milieu de développement riche en stimuli favorise l'installation d'un seuil d'homéostasie sensorielle élevé, véritable banque de données de référence qui conditionnera le comportement de l'adulte.

De la même façon, le cheval étant une espèce sociale à organisation hiérarchique complexe, des contacts précoces et durables avec les congénères, de tous âges et des deux sexes, permettent l'établissement de règles de communication claires au sein de l'espèce et garantissent une bonne socialisation intraspécifique.

Au niveau des contacts avec l'espèce humaine, certains événements traumatisants, tels que le sevrage et le débourrage, peuvent contribuer à perturber l'état émotionnel de l'animal de façon durable. S'il est confronté uniquement à ce type de contacts aversifs, un défaut de socialisation à l'espèce humaine peut en résulter. Des réactions émotionnelles de peur et des réponses comportementales d'évitement (fuite, agression) seront de règle en cas de contact. A contrario, l'établissement de contacts précoces (voir les méthodes des “nouveaux cavaliers”, encadré 3) et surtout répétés avec l'homme favorise une bonne socialisation de l'animal à l'espèce humaine.

Conclusion

Tous ces éléments sémiologiques permettent de mieux appréhender l'expression variée des troubles comportementaux au sein de l'espèce équine. Les signes cliniques peuvent être ponctuels et liés à l'exposition à un stimulus déclencheur, comme dans le cas des phobies, ou être plus généralisés et parfois spectaculairement productifs, lorsqu'un état anxieux est présent. L'important est de reconnaître, au sein de l'examen clinique du cheval, les signes comportementaux pathologiques.

Si les tableaux cliniques restent encore à préciser, c'est par l'observation clinique qu'il sera possible d'identifier les états pathologiques avec des particularités liées à l'espèce et au mode de vie domestique. Mener à bien cette démarche sémiologique permet d'interpréter les comportements produits et constitue une étape primordiale à la mise en place d'un programme de thérapie.

Éléments à retenir

• La consultation comportementale équine doit s'attacher autant aux conséquences du comportement problème qu'aux comportements pathologiques recueillis grâce à une sémiologie rigoureuse.

• L'anxiété est une entité pathologique dont le tableau clinique est plus productif, plus constant et plus varié que celui de la phobie.

• La démarche sémiologique comportementale s'intègre à une conduite médicale comprenant un examen clinique et la recherche de troubles organiques.

• La sémiologie comportementale du cheval doit apprécier l'ensemble des comportements centripètes, centrifuges et mixtes de l'animal.

Les entités pathologiques identifiables

◊ L'état phobique, caractérisé par une réaction émotionnelle de peur disproportionnée et hors de propos, est similaire à celui défini dans les autres espèces animales, l'homme compris. L'expression clinique est une réponse comportementale d'évitement, accompagnée de signes neurovégétatifs, d'intensité forte et systématique dès l'exposition au stimulus phobogène ou à des stimuli précurseurs parfaitement identifiés. En dehors de l'exposition à ces stimuli déclencheurs, le comportement de l'animal est normal. Cet état pathologique est également identifiable chez le cheval, avec cependant des particularités liées à cette espèce (voir l'article “La phobie des transports chez le cheval : approche par l'éthologie clinique”, dans ce numéro).

◊ L'état anxieux est défini par une perturbation plus durable ou plus généralisée de la capacité de l'animal à s'adapter à son milieu. Tout changement du milieu, même mineur, entraîne une perturbation de l'animal. Le déséquilibre émotionnel est plus général que dans le cas de la phobie. L'expression clinique est plus durable, le tableau clinique plus varié et plus productif. Des activités stéréotypées, communément appelées tics, des comportements rétifs lors du travail et des comportements agressifs semblent participer aux différents tableaux cliniques de l'anxiété chez le cheval.

Encadré 1.

Les différents types d'agression chez le cheval

◊ Agression hiérarchique

Elle s'exprime dans les situations de compétition ou de conflit intraspécifiques. Elle a pour fonction la distanciation.

L'agression hiérarchique chez le cheval se caractérise :

- par une séquence d'agression discrète de la part du dominant, souvent limitée à une phase de menace discrète pour l'observateur ;

- par l'émission précoce, du côté du dominé, de signaux de soumission clairs.

La communication sociale hiérarchique chez le cheval repose sur l'évitement, à une exception près : en milieu naturel, l'agression entre étalons est quasiment la seule qui dépasse le stade de la menace et laisse la séquence se poursuivre jusqu'à son terme, c'est-à-dire jusqu'à la soumission par la fuite.

◊ Agression par peur

Lors d'une agression par peur, la phase de menace est limitée, mais l'agression garde un certain niveau d'autocontrôle. Sa caractéristique est d'être déclenchée par une situation dite fermée, c'est-à-dire lorsque la fuite est impossible et tout autre comportement inopérant. Elle s'accompagne de l'émission de signes neurovégétatifs (sudation, mydriase, miction, défécation). C'est une réaction critique.

◊ Agression par irritation

Elle intervient en réponse à un stimulus douloureux ou à une contrainte physique. Au stade réactionnel, la séquence commence toujours par une phase de menace et se limite parfois à une ébauche de morsure ou de ruade.

◊ Agression instrumentalisée

Elle concerne les agressions par irritation qui ont évolué par le processus dit d'“instrumentalisation”. La disparition du stimulus déclencheur, conséquence de l'agression, agit comme un renforçateur. Par conditionnement, la séquence se déclenche de plus en plus facilement, dans un contexte qui tend à s'étendre à des situations connexes. L'agression a lieu sans phase de menace, d'emblée, avec une intensité non régulée. Le pronostic de ce type d'agression est évidemment plus sombre.

Encadré 2.

Les méthodes dites des “nouveaux cavaliers”

Depuis l'avènement des méthodes dites des “nouveaux cavaliers”, l'importance des contacts précoces et durables entre le jeune animal et l'homme est établie. Il n'est pas dans notre propos ici de discuter de l'intérêt et des limites des différentes techniques. Cependant, leur succès montre, s'il en est besoin, l'importance :

- du processus d'habituation du poulain aux stimuli que peuvent représenter les contacts humains pendant la période de développement. Ce processus permet d'installer, de façon durable, un niveau de tolérance aux contacts, sous réserve que la méthode soit appliquée correctement et pendant une période sensible du développement où la réceptivité du poulain est maximale ;

- des signaux de communication émis par l'homme dans ses interactions avec le cheval. Pour que la communication soit efficace, ces signaux doivent être cohérents et utiliser les différents canaux sensoriels accessibles (visuel, auditif et tactile). Quant aux techniques de communication paraverbales, qui intègrent les postures et les attitudes corporelles de l'homme dans son mode de communication, elles sont largement exploitables avec le cheval.

Encadré 3.

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