L’accrochement néphrosplénique chez le cheval : revue bibliographique et actualités thérapeutiquesNephrosplenic entrapment in horses : literature review and current treatments - Pratique Vétérinaire Equine n° 134 du 01/04/2002
Pratique Vétérinaire Equine n° 134 du 01/04/2002

Accrochement néphrosplénique

Auteur(s) : J. ARNAULD des LIONS*, G. BATTAIL**, X. GLUNTZ***, L. MAURIZI****, G. FONTAINE*****

Fonctions :
*Service vétérinaire du Centre Sportif d’Equitation Militaire,
Quartier du Carrousel, 77307 FONTAINEBLEAU Cedex
**Clinique vétérinaire du Lys, 678 avenue Jean-Jaurès,
77190 DAMMARIE-LES-LYS
***Clinique vétérinaire du Lys, 678 avenue Jean-Jaurès,
7190 DAMMARIE-LES-LYS
****Service vétérinaire du Centre Sportif d’Equitation Militaire,
Quartier du Carrousel, 77307 FONTAINEBLEAU Cedex
*****Clinique vétérinaire, 3 route de Rosel, 14280 SAINT-CONTEST

Rencontré assez fréquemment chez le cheval, l’accrochement néphrosplénique peut être traité médicalement ou chirurgicalement avec, en général, un bon pronostic vital

L'accrochement néphrosplénique est un déplacement dorsal d’anses intestinales qui viennent se localiser entre le rein et la rate sur le ligament néphrosplénique. Les anses concernées sont en général les portions ventrale et dorsale gauche du côlon ascendant (figures et ). Pour cette raison, la terminologie d’accrochement du côlon ascendant ou de déplacement à gauche du côlon est régulièrement employée. Le terme d’“entrappement” , issu du vocabulaire anglosaxon (“entrapment” ), est aujourd’hui couramment utilisé.

Beaucoup plus rarement, d’autres portions intestinales peuvent s’accrocher sur le ligament néphrosplénique. Plusieurs cas ont été décrits pour des portions de côlon flottant [8] et d’intestin grêle [5, 10]. La compression des anses intestinales déplacées dans l’espace néphrosplénique va être à l’origine de coliques d’expression très variable chez le cheval.

Épidémiologie

L’accrochement néphrosplénique est une cause de coliques non négligeable chez le cheval. Il représente environ 2,5 % des cas de coliques admis dans une structure hospitalière comme l’Ecole vétérinaire de Bâton Rouge, en Louisiane (États-Unis) [5] et 1,3 % du nombre total des cas de coliques sur une population de 300 chevaux militaires au Centre Sportif d’Equitation Militaire de Fontainebleau sur une période de sept ans comprise entre 1995 et 2001.

L’âge ne semble pas avoir une grande influence. La majorité des chevaux sont d’un âge moyen situé autour de six ans [1, 35].

En revanche, le sexe semble plus important, car cette affection est plus fréquente chez les hongres et chez les mâles que chez les juments [14, 19].

La taille serait un facteur prédisposant, le risque augmentant avec la taille [16].

L’influence de la race, bien que suggérée dans certaines études, semble discutable car la répartition de chaque race dans la population locale doit être prise en compte [1, 5].

Étiopathogénie

L’étiologie précise de l’accrochement néphrosplénique n’est pas encore connue. Le déplacement du côlon ventral et dorsal gauche le long de la paroi abdominale gauche pourrait être favorisé par des perturbations de la motilité intestinale et par l’accumulation de gaz dans le côlon, notamment dans le côlon ventral gauche lors d’impaction de la courbure pelvienne. Une distension de l’estomac pourrait également déplacer la rate ventromédialement, créant ainsi un espace entre la rate et la paroi abdominale favorisant la migration dorsale du côlon [5, 16, 37]. Les cas décrits par certains auteurs d’entrappement incomplet avec la présence du côlon entre la rate et la paroi abdominale gauche sembleraient conforter cette hypothèse [11, 16].

Deux cas d’accrochement néphrosplénique ont également été décrits sur des chevaux restés de façon prolongée en décubitus latéral droit avant le début des symptômes [21]. Cette position pourrait donc être un facteur étiologique important. Les chevaux qui ont tendance à se rouler d’un côté à l’autre seraient également des sujets à risques [1, 37].

Symptomatologie

Les signes cliniques qui accompagnent cette affection sont variables et dépendent de la longueur de l’intestin accroché, du volume du contenu du côlon et du délai depuis le début de l’accrochement [16, 21].

Pendant les premières heures, voire même dans certains cas pendant plusieurs jours, les signes de douleur abdominale sont modérés et souvent intermittents, en particulier lors d’entrappement de l’intestin grêle [10, 21]. En général, la douleur abdominale augmente ensuite en intensité et en durée au fur et à mesure de la distension des anses intestinales accrochées [9, 24]. Dans certains cas rares, les symptômes peuvent être rapidement intenses, en particulier si une grande partie du côlon gauche est comprimée [21].

L’examen clinique du cheval peut mettre en évidence une diminution, voire même une disparition du creux du flanc gauche liée à la dilatation gazeuse des anses accrochées. Ces phénomènes de météorisation gazeuse peuvent concerner d’autres portions du tube digestif, entraînant une dilatation abdominale et même la disparition du creux du flanc droit par dilatation cæcale [16, 19].

En général, le sondage nasogastrique ne met pas en évidence de reflux gastrique ou un reflux minime [9, 35]. Cependant, dans certains cas, un reflux volumineux a été décrit et pourrait être lié à un déplacement gastrique secondaire à la migration des courbures sternale et diaphragmatique entre l’estomac et le lobe gauche du foie [30].

La fréquence cardiaque est souvent un peu augmentée (50 à 65 battements par minute). Cette accélération correspond principalement aux épisodes de douleur abdominale. Le temps de remplissage capillaire est normal ou légèrement augmenté. L’hématocrite varie peu pendant les premières heures, mais peut augmenter lors d’épisodes d’entrappement de longue durée [16].

Diagnostic

Palpation transrectale

En général, un diagnostic de certitude peut être établi par palpation transrectale en raison des modifications palpables caractéristiques [16]. Le plus souvent, des bandes convergentes sont palpables suivant une orientation diagonale de haut en bas allant du plafond de la cavité abdominale à gauche vers la partie ventrale de l’abdomen à droite à proximité de l’ouverture de la cavité pelvienne [21]. Il est fréquent de pouvoir palper une bande charnue du côlon ventral gauche et de la suivre cranialement et dorsalement jusqu’à l’espace néphrosplénique [5]. La rate est en général déplacée médialement, caudalement et ventralement. Elle est souvent recouverte par les parties dilatées du côlon ventral gauche qui peuvent limiter ou même parfois rendre la palpation de la rate impossible [5, 21, 22]. La portion du côlon qui est accrochée au niveau du ligament néphrosplénique subit fréquemment une rotation de 180 ° par rapport à son grand axe, ce qui amène le côlon ventral en position supérieure par rapport au côlon dorsal [1, 16].

Sur certains cas évoluant depuis plusieurs heures, une dilatation marquée du côlon ventral et dorsal gauche, et également du cæcum, peut être constatée, rendant la palpation transrectale très difficile, voire dangereuse. Il est alors nécessaire de vidanger une partie des gaz contenus dans le cæcum par ponction à l’aiguille dans le creux du flanc droit avant de renouveler l’examen, qui est ensuite plus facile [19].

Cependant, la palpation transrectale ne peut pas toujours apporter un diagnostic de certitude. C’est le cas si la dilatation du côlon ne permet pas l’exploration de l’espace néphrosplénique ou si le cheval est agité, voire dangereux et encore sur les animaux de grande taille dont l’espace néphrosplénique est difficilement palpable [1, 5, 37].

La méthode de diagnostic de choix qui peut être utilisée également comme méthode de confirmation est alors l’échographie.

Echographie

L’échographie est pratiquée par voie percutanée sur la partie dorso-caudale de la paroi abdominale gauche [32, 33]. Il est nécessaire d’utiliser une sonde sectorielle de 2,5 MHz ou éventuellement de 3,5 MHz. L’examen est réalisé entre le quinzième espace intercostal et la partie craniale de la musculature de la cuisse, ventralement à la masse commune des muscles lombaires [31, 32].

Le site le plus utilisé est en général le dix-septième espace intercostal. La peau peut être tondue et humidifiée, mais l’application d’alcool à 70 ° sur les poils est souvent suffisante pour avoir une image de bonne qualité.

Sur un animal sain (photo ), la rate, qui a un aspect assez échogène caractéristique à l’échographie, est entourée latéralement par la paroi abdominale, dorsalement par la masse commune des muscles lombaires et médialement, par le rein gauche et les anses digestives. L’extrémité dorsale de la rate est arrondie et régulière.

Lors d’entrappement néphrosplénique, deux modifications caractéristiques sont notées (photo ) :

- la présence d’un écho gazeux provenant du côlon qui cache la partie dorsale de la rate et forme une ligne rectiligne sur l’extrémité dorsale de la rate ;

- la disparition fréquente, mais non systématique de l’image du rein gauche. Cette absence d’image est en effet conditionnée par la présence de gaz dans la portion de côlon entrappée. Exceptionnellement l’absence de gaz et la présence d’un contenu fluide peut permettre la visualisation du rein gauche.

Lors de déplacement latéral du côlon entre la rate et la paroi abdominale (photo ), la rate est en général cachée par des échos gazeux et des images d’anses intestinales [31, 32].

Dans certains cas physiologiques, des anses intestinales situées à proximité de la rate peuvent être visualisées sur le bord de la rate, mais l’extrémité dorsale de la rate et le rein gauche restent visibles (photo ).

Laparoscopie

Avant de mettre en œuvre le traitement, si un doute persiste sur le diagnostic, il est possible d’avoir recours à la laparoscopie sur animal debout, de manière à examiner l’espace néphrosplénique [5].

Paracentèse abdominale

Une paracentèse abdominale peut également être pratiquée afin de s’assurer de l’absence de lésions intestinales associées, mais elle est en général normale lors d’accrochement néphrosplénique [5, 23]. La présence de sang peut être liée à la ponction de la rate, qui n’est pas rare en raison de son déplacement fréquent vers le plan médian [1, 30]. La nécessité de cet examen pourra être appréciée en fonction de l’état clinique de l’animal et de la durée de l’épisode de coliques.

Traitement

Certains cas de guérison spontanée sans aucune manipulation ont été décrits [35]. Malgré l’absence d’études chiffrées, le voyage en van pourrait avoir un effet bénéfique sur certains cas d’accrochement néphrosplénique [7]. Après l’induction de l’anesthésie et le positionnement du cheval en décubitus dorsal, une correction spontanée a également été constatée dans de nombreux cas [21, 35]. Nous avons pu observer deux cas de réduction spontanée lors du roulage volontaire d’un cheval dans son box pendant un épisode douloureux et un autre cas lors de l’examen par palpation transrectale, où la pression manuelle a permis involontairement de libérer l’espace néphrosplénique.

Lorsque le diagnostic est précoce et que l’état général du cheval est bon, une période d’observation de 12 à 24 heures, en mettant le cheval à jeun, à été proposée par certains auteurs. Un traitement spécifique doit cependant être mis en œuvre à l’issue de cette période si l’entrappement persiste, ou plus tôt si l’état général du cheval se dégrade [16, 21]. Cette solution thérapeutique n’est véritablement efficace que lorsque le côlon gauche n’est pas accroché sur le ligament néphrosplénique, mais est localisé entre la rate et la paroi abdominale [13].

Lors de dilatation abdominale marquée, liée à une distension gazeuse du côlon et du cæcum, il est nécessaire, avant tout traitement visant à réduire l’entrappement et parfois même, avant la palpation transrectale, de réaliser une décompression abdominale [3, 16, 19]. Elle est faite par ponction à l’aiguille du cæcum dans le creux du flanc droit qui, dans certains cas, peut avoir complètement disparu en raison de la dilatation abdominale.

Un sondage nasogastrique doit également être réalisé avant toute anesthésie générale afin de vidanger le contenu gastrique d’un éventuel reflux intestinal ou d’une surcharge gazeuse.

On distingue classiquement deux types de traitements sous anesthésie générale : les manipulations non invasives avec différentes techniques de correction par roulage et les méthodes chirurgicales.

Techniques de roulage

Décrites pour la première fois en 1985 [3, 18], ces techniques se sont progressivement développées et représentent aujourd’hui une alternative de choix au traitement chirurgical. Elles sont toutes fondées sur le même principe d’action : en positionnant le cheval en décubitus latéral et en lui imposant un mouvement de roulage, on cherche à bien décoller la rate de la paroi abdominale et à favoriser le glissement des anses accrochées le long de la face pariétale de la rate jusqu’à leur retour à leur emplacement normal (figure ).

De courte durée, cette manipulation est réalisée sous anesthésie générale. Pour des raisons de sécurité et pour obtenir une bonne myorelaxation, il est conseillé de travailler avec un stade d’anesthésie profond.

Selon les auteurs, différentes techniques de roulage peuvent être utilisées. Leur mise en œuvre est conditionnée par l’établissement d’un diagnostic de certitude [1, 35, 37]. Nous décrirons les trois techniques les plus courantes pour lesquelles le cheval, vu de derrière, est toujours roulé dans le sens des aiguilles d’une montre.

• La première technique consiste à rouler le cheval en position horizontale [19, 21, 37]. Il est d’abord placé en décubitus latéral droit (photo ) de façon à provoquer l’abaissement de la rate et à faciliter le glissement des anses accrochées. Les membres sont fixés entre eux et attachés à un système de levage. Des mouvements de ballottement sont réalisés sur l’abdomen pendant plusieurs minutes. Les membres sont ensuite soulevés en plusieurs phases successives et l’opération de ballottement est reproduite à chaque arrêt. Quand les membres du cheval font un angle de 80 ° avec la table, le cheval est positionné en décubitus latéral gauche de manière à ce que la rate retrouve sa position normale au contact de l’abdomen. Une variante, moins utilisée, consiste à rouler le cheval en le positionnant d’abord en décubitus sternal et en le ramenant après un tour complet à sa position initiale [37].

• Pour la deuxième technique (photo ), le cheval est positionné en décubitus latéral droit mais les membres postérieurs sont attachés indépendamment et suspendus [1, 5, 9, 34, 35]. Dans cette position, les portions antérieures des anses accrochées sont situées plus bas que les portions postérieures, ce qui pourrait faciliter leur glissement en dehors de l’espace néphrosplénique sous l’effet de la gravité [3, 5, 9, 34, 35].

• Dans la troisième technique, le cheval, en position horizontale, est roulé peu à peu sans secousses. Avant le début du roulage, un manipulateur insère sa main prudemment dans le rectum et attrape avec ses doigts une bande charnue de l’anse accrochée en dirigeant la paume de sa main vers la paroi abdominale gauche.

Pendant le roulage, les mouvements de la main sont toujours de petite amplitude. Lorsque la rotation du cheval est initiée, la main a un mouvement ascendant afin de faciliter la progression du côlon par dessus le bord dorso-caudal de la rate [1, 5, 19]. Ces manipulations rectales peuvent cependant être dangereuses, en particulier si elles sont faites par un manipulateur inexpérimenté [19].

Quelle que soit la technique utilisée, de nombreux auteurs préconisent de renouveler l’opération une fois ou même deux fois de façon systématique, ou après une éventuelle évaluation par palpation transrectale sur cheval anesthésié ayant permis de noter une persistance de l’entrappement [9, 19, 34, 35, 37]. En cas d’échec, le roulage peut également être recommencé, si l’état général de l’animal le permet, en attendant un délai de 12 heures [21]. Le taux de réussite des différentes techniques de roulage varie, selon les auteurs, entre 50 et 100 % des cas [1, 4, 13, 19,21, 33, 35]. La palpation transrectale permet de constater la réduction de l’entrappement et d’après nos observations, son interprétation s’avère plus facile plusieurs heures après le relevé du cheval. Il est souvent et rapidement noté une élimination de gaz lors de succès du roulage [6]. L’examen échographique permet également de confirmer la correction du déplacement intestinal [32].

Certains facteurs comme la durée de l’épisode de coliques, la longueur, le remplissage et la distension des anses de côlon accrochées peuvent favoriser les échecs lors de roulage [1, 4, 19].

Lors d’échec au roulage ou en première intention, des méthodes de correction chirurgicales peuvent être mises en œuvre.

Méthodes chirurgicales

Avant 1985, le traitement chirurgical était la principale solution thérapeutique pour réduire un accrochement néphrosplénique. Après cette date, il est resté le traitement de choix pour certains cliniciens, en raison notamment de risques parfois décrits de torsion du cæcum ou du côlon et de déchirures intestinales lors de roulage [6, 19, 26]. De nombreux auteurs considèrent cependant maintenant que, dans la grande majorité des cas, les techniques de roulage peuvent être utilisées en première intention et réservent plus particulièrement les techniques chirurgicales pour les cas réfractaires au roulage [1, 4, 5, 19, 21, 34]. Le traitement chirurgical doit également être envisagé lors de dégradation des paramètres hémodynamiques du cheval, lors de l’installation d’un état de choc et si une paracentèse abdominale révèle des lésions de nécrose intestinale [1, 6, 23, 34, 35].

Pour la technique chirurgicale la plus courante, le cheval, sous anesthésie générale, est positionné en décubitus dorsal. Une laparotomie est réalisée sur la ligne blanche et le chirurgien introduit une main entre la paroi abdominale et la rate afin de localiser l’anse entrappée. Si le côlon est dilaté, une décompression gazeuse ou une entérotomie avec vidange intestinale peuvent être pratiquées afin de faciliter les manipulations ultérieures [1, 5, 6, 21]. Pour la réduction de l’accrochement, la rate est poussée médialement avec une main tandis que l’autre main est engagée entre la rate et la paroi abdominale, passée sous la portion digestive entrappée et la ramène vers l’ouverture abdominale. Après avoir repositionné la rate contre la paroi abdominale, le chirurgien inspecte et irrigue avec du sérum physiologique les portions du côlon libérées afin de s’assurer de leur vitalité avant de les remettre en place dans la cavité abdominale [5, 6, 37]. La paroi abdominale est ensuite refermée.

Le taux de réussite de cette technique chirurgicale est situé, selon les auteurs, entre 50 et 100 %. Il est donc tout à fait comparable avec les résultats des techniques de roulage [11, 15, 21]. Elle permet d’inspecter les anses intestinales, donc de dépister les lésions et de les traiter immédiatement. Elle nécessite cependant une convalescence prolongée, a un coût plus élevé que le roulage et présente des risques de complication potentielles (péritonite, infection locale, déhiscence, hernie, adhérences) [1, 5].

Le taux de récidive des entrappements néphrospléniques est assez faible et varie entre 7,5 et 8,1 % selon les auteurs [1, 13]. Pour les chevaux présentant une récidive, certaines techniques chirurgicales peuvent être utilisées [1, 37]. Trois techniques distinctes ont été décrites : la résection d’une portion de gros côlon, la colopexie du gros côlon sur la paroi abdominale ventrale et l’ablation de l’espace néphrosplénique. La résection d’une portion significative du gros côlon peut limiter les déplacements et les torsions de cet organe mais n’est indiquée que lorsque la viabilité du côlon est compromise [2, 28].

La colopexie consiste à suturer le côlon ventral gauche à la paroi abdominale ventrale. Cette technique a donné de bons résultats chez des chevaux de loisirs, mais les effets de l’adhérence du gros côlon sur la paroi abdominale n’étant pas connus, il est conseillé de ne pas utiliser cette technique chez des chevaux de course [27, 28, 37, 38].

L’ablation de l’espace néphrosplénique, pratiquée chez le cheval debout, a également été décrite. L’abord chirurgical se fait par le flanc gauche, suivi d’une résection de la 18e côte qui peut être évitée sous laparoscopie et d’une fermeture de l’espace néphrosplénique en suturant le ligament néphrosplénique au fascia de l’extrémité dorsomédiale de la rate. Cette technique, qui se pratique sur le cheval debout, présente l’avantage d’être moins onéreuse que les techniques chirurgicales précédentes mais elle s’avère difficile chez les chevaux de grande taille et elle ne permet pas de prévenir les autres déplacements du côlon [16, 25, 28, 38].

Depuis 1994, les effets sur la rate d’un traitement médical à base de phényléphrine ont été décrits et sont à l’origine d’une nouvelle option thérapeutique [12].

Utilisation de la phényléphrine

La phényléphrine(1) est un sympathomimétique alpha de synthèse qui provoque une vasoconstriction périphérique, une augmentation de la pression artérielle et une contraction splénique dose-dépendante [5, 12]. Son utilisation par voie veineuse chez le cheval a été décrite pour le traitement des hypotensions consécutives à une vasodilatation périphérique ou à un collapsus cardiovasculaire [20, 29].

La perfusion par voie veineuse de phényléphrine à la dose de 6 µg/kg/minute dans une solution de NaCl isotonique pendant 15 minutes est à l’origine d’une diminution importante de la surface de la rate. Cette diminution est maximale à la fin de la perfusion et la surface de la rate est alors réduite à 17 % de sa surface initiale. L’épaisseur de la rate est également diminuée de manière très significative avec un effet maximal 5 minutes après la fin de la perfusion. L’épaisseur de la rate est alors réduite à 48 % de son épaisseur initiale [12]. La rate reprend ensuite ses dimensions initiales dans un délai de 25 à 35 minutes [12].

Pendant la perfusion, des signes d’agitation, de transpiration, d’inconfort abdominal et de défécation occasionnelle sont observés [12].

Pour des doses dépassant 10 µg/kg/minute, certains effets sont notés sur le fonctionnement cardiaque : une bradycardie marquée, des blocs atrio-ventriculaires du deuxième degré et des contractions ventriculaires précoces [12].

La phényléphrine a été utilisée par certains auteurs depuis plusieurs années en raison de ses effets sur les dimensions de la rate et pour faciliter ainsi la correction de l’entrappement néphrosplénique. Les produits employés sont des formes injectables de chlorhydrate de phényléphrine (néosynéphrine) ou d’hydrochloride de phényléphrine à des doses variant entre 1 et 8 µg/kg/minute. La valeur de 3 µg/kg/minute est le plus souvent retenue en raison des effets secondaires minimes à cette posologie [13, 17, 36, 38].

Deux techniques sont employées :

- administration de phényléphrine associée à un exercice du cheval au pas et au trot pendant la perfusion ou juste après celle-ci. La durée de l’exercice est en moyenne de trente minutes. Il permet de réduire l’agitation du cheval et accélère le rythme cardiaque, diminuant ainsi la fréquence des blocs atrioventriculaires du deuxième degré [13, 17, 36, 38] ;

- administration de phényléphrine associée simultanément à une technique de roulage du cheval [13].

Les premiers résultats connus de ce traitement médical portent sur une trentaine de cas et sont encourageants, car le taux de réussite varie entre 57 et 100 % [13, 17, 36].

Les formes injectables de phényléphrine ne sont cependant pas commercialisées en France, ce qui rend difficile leur utilisation en pratique courante.

Conclusion

Parmi les coliques du cheval, l’accrochement néphrosplénique est un des déplacements intestinaux les plus fréquemment rencontrés. La palpation transrectale, complétée maintenant par des examens échographiques, permet d’établir un diagnostic de certitude qui est indispensable pour mettre en œuvre un traitement spécifique. Le choix du traitement, médical ou chirurgical, devra prendre en compte l’état général de l’animal, le délai d’intervention après le début de l’épisode, le coût pour le client et la maîtrise technique des actes par le clinicien. Le pronostic vital est en général bon. Il l’est d’autant plus que le cheval est hospitalisé rapidement et que la structure d’accueil est en mesure de mettre en œuvre une thérapeutique chirurgicale dans des délais brefs en cas d’échec du traitement médical.

Note :

  • (1) Principe actif non commercialisé en France sous forme injectable.

Éléments à retenir

• Lorsd’un accrochement néphrosplénique, les anses intestinales concernées sont la plupart du temps les portions ventrale et dorsale gauche du côlon ascendant et, dans certains cas plus rares, des anses de côlon flottant ou d’intestin grêle.

• Le diagnostic de certitude peut être établi par palpation transrectale dans la majorité des cas. Il peut être confirmé par échographie.

• Les techniques de roulage donnent de bons résultats thérapeutiques en première intention.

• Les techniques chirurgicales restent le traitement de choix en cas d’échec lors du roulage.

• L’utilisation de la phényléphrine en perfusion semble une alternative thérapeutique intéressante pour les années à venir.

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