Examens complémentaires en dermatologie équineAncillary tests used in equine dermatology - Pratique Vétérinaire Equine n° 134 du 01/04/2002
Pratique Vétérinaire Equine n° 134 du 01/04/2002

Auteur(s) : J.-L. CADORÉ*, G. BOURDOISEAU.**

Fonctions :
*Département hippique de l’École vétérinaire de Lyon 1, avenue Bourgelat
BP 83, 69280 MARCY-L’ÉTOILE.
** Unité de parasitologie de l’École vétérinaire de Lyon 1, avenue Bourgelat
BP 83, 69280 MARCY-L’ÉTOILE.

La consultation de dermatologie équine repose sur des règles identiques à celles de la médecine interne et des autres spécialités médicales. Le clinicien doit ainsi procéder au recueil des commémoratifs et de l’anamnèse, effectuer un examen général de l’animal, puis un examen particulier de la peau et des muqueuses, avant d’avancer hiérarchiquement plusieurs hypothèses diagnostiques. À chaque hypothèse correspond au moins un examen complémentaire approprié, dont la réalisation et l’interprétation des résultats permettent de retenir ou d’exclure l’hypothèse correspondante. Certains de ces examens sont simples, peu onéreux, faciles à interpréter et fiables (donc incontournables) ; d’autres sont plus complexes, onéreux, discutables ou facultatifs. À chaque situation clinique donnée correspond un (parfois deux) examen complémentaire optimal, qui associe la simplicité et la rapidité d’exécution et d’analyse, une spécificité et une sensibilité correctes et un coût acceptable.

Pour chaque motif de consultation dermatologique (dermatoses prurigènes, alopéciques, croûteuses, nodulaires, ulcératives : encadré 1), il existe des examens complémentaires usuels pour lesquels il convient de rappeler le principe, la réalisation pratique, les avantages et les inconvénients et l’interprétation pour un choix optimal.

Prélèvements à la pince

Il est possible de prélever des parasites macroscopiques visibles à l’œil nu (> 500 μm) à la pince, en vue de procéder à leur diagnose. Il s’agit des tiques, des poux, des larves de diptères (agents de myiases), des aoûtats, des dermanysses (“pou rouge des volailles”) et des œufs de gastérophiles.

Cet examen repose sur l’utilisation de pinces à dents de souris ou à bouts ronds, d’un peigne métallique ou d’un crochet à extrémité fourchue. Selon la taille, le prélèvement est déposé sur une lame porte-objet, dans un tube à hémolyse ou dans une boîte de Pétri. Il est ensuite examiné à la loupe au laboratoire pour effectuer une diagnose (tableaux , , ).

Raclage cutané

Principe

Le raclage cutané consiste à racler la peau avec une lame de bistouri jusqu’à la rosée sanguine, de manière à recueillir les parasites présents dans les couches superficielles de la peau (ou au moins de la couche cornée de l’épiderme jusqu’au derme superficiel) en vue de leur diagnose. Des acariens agents de gales et des demodex (outre les aoûtats, les poux et les lentes) sont susceptibles d’être observés.

Technique

La réalisation ne diffère en rien de ce qui est décrit chez d’autres espèces animales ; il convient :

- de couper préalablement les poils ;

- de déposer une goutte d’huile minérale ou de lactophénol sur la lame du scalpel afin que le produit de raclage adhère à celle-ci ;

- d’effectuer ce raclage jusqu’à l’observation de la rosée sanguine, signe de l’atteinte du derme ;

- de choisir judicieusement le lieu du prélèvement, qui est variable selon l’hypothèse clinique envisagée, et d’éliminer les lésions anciennes, remaniées, très modifiées et épaissies ou déjà traitées ;

- de multiplier les raclages afin d’augmenter la sensibilité de la méthode ;

- de déposer le produit de raclage sur une lame porte-objet sur laquelle est versée préalablement une goutte de lactophénol ou d’huile minérale.

Interprétation

L’interprétation est simple : l’observation de tout acarien agent de gale (ou d’un fragment de celui-ci), quel que soit le stade (adulte, nymphe ou larve), signifie l’existence de la gale correspondante (tableau ). En revanche, un raclage qualifié de négatif ne permet pas d’exclure l’hypothèse clinique de gale.

Prélèvement de poils et mise en culture

Les principaux dermatophytes agents de teigne sont Trichophyton equinum et Microsporum equinum (tableau ). D’autres espèces peuventêtreimpliquéeschezlecheval : T. (Microidon) mentagrophytes fréquemment isolé chez les rongeurs, T. verrucosum responsable des dartres des bovins, T. quinckeanum et M. gypseum d’origine tellurique et M . canis agent de teignes chez les carnivores. La diagnose spécifique du champignon parasite permet ainsi d’identifier, selon une certaine probabilité, l’origine de la contamination du cheval et de définir une prophylaxie efficace.

L’examen en lumière de Wood est peu intéressant chez le cheval : il requiert une lampe à rayons ultraviolets mobile et la lecture nécessite une pièce assez sombre. En outre, il n’est positif qu’avec Microsporum equinum, qui n’est pas l’espèce la plus fréquemment rencontrée chez le cheval.

Principes

Le prélèvement de poils consiste à recueillir, à l’aide d’une pince, des poils situés en périphérie de lésions récentes, non traitées et peu remaniées, en vue de confirmer ou d’infirmer l’hypothèse de teigne (ou dermatophytie) :

- soit par examen direct microscopique ;

- soit par ensemencement d’un milieu de culture.

Le prélèvement doit être abondant (couvrir, par exemple, le fond d’une boîte de Pétri) et conservé à l’abri des souillures extérieures éventuelles. Les poils de longueur supérieure à 2 cm doivent être coupés en ne conservant que la partie proximale.

Examen microscopique

L’examen microscopique des poils (ou trichogramme) est de réalisation facile, mais la lecture est parfois délicate, ce qui nécessite de suivre certaines règles.

• Il est indispensable de commencer l’observation avec un faible objectif (grossissement 40) afin de repérer plus facilement, sur l’ensemble de la lame, les poils suspects qui paraissent flous, de couleur plus claire, aux contours irréguliers par rapport aux poils sains, aux bords nets et à la cuticule brune. Cette première étape permet ainsi de balayer assez rapidement l’ensemble du prélèvement.

• Dans un second temps, il est possible d’observer les poils préalablement repérés, à l’aide d’un objectif plus puissant et en diaphragmant afin de détecter la présence de spores réfringentes (disposées en manchon autour et sur le poil, ou plus ou moins alignées sur le fût même du poil, de taille variable : 5 μm définit le type mégasporé ; 2 μm correspond au type microïde).

Mise en culture

La mise en culture est souvent nécessaire, au moins à des fins de diagnose générique du champignon responsable. Elle peut être pratiquée à partir du même prélèvement (d’où la nécessité de travailler à l’aide d’un matériel abondant), mais elle n’autorise pas un diagnostic immédiat au cours de la consultation. Elle consiste à :

- ensemencer un milieu d’épreuve de Sabouraud avec les poils et les squames récoltés. À notre connaissance, aucune étude n’a été réalisée pour estimer les milieux commercialisés qui associent un indicateur coloré de pH (rouge de phénol) ;

- garder ce milieu en aérobiose, à la température de la pièce (au moins 20 °C), pendant au moins quatre semaines avant d’exclure toute hypothèse de teigne ;

- observer le développement d’une colonie dont il convient de noter l’aspect macroscopique (couleurs recto et verso) et microscopique, ainsi que les éléments morphologiques caractéristiques.

Il est indispensable de retenir les points suivants afin d’éviter des résultats faux ou ininterprétables :

- l’examen direct, surtout lorsqu’il est réalisé à partir d’un raclage cutané et d’un recueil de poils, autorise, en cas de positivité, un diagnostic immédiat (il nécessite toutefois une certaine habitude de lecture) ;

- la non-observation de spores ne permet pas d’exclure l’hypothèse de dermatophytie : la mise en culture est très souvent requise.

L’interprétation correcte de la culture nécessite de :

- toujours procéder à l’examen microscopique de la colonie à l’aide d’un papier adhésif transparent ou d’un petit carré de tissu stérile qui, mis en contact avec la colonie, permet de recueillir du matériel observable (technique dite du “drapeau de Roth”) : filaments plus nombreux, de formes variées (en raquette), spores, fuseaux caractéristiques. En effet, la simple observation à l’œil nu d’une colonie évocatrice d’un dermatophyte n’est pas suffisante : les prélèvements sont souvent riches en nombreux contaminants non pathogènes ;

- conserver la culture pendant quatre semaines : Trichophyton verrucosum (toutefois rarement observé chez le cheval) pousse très lentement et presque jamais sur un milieu type DTM (dermatophyte test medium : milieu de Sabouraud commercialisé avec du rouge de phénol) ;

- signaler, en cas de recours à un laboratoire d’analyses de médecine humaine, que l’agent le plus fréquent des teignes équines (Trichophyton equinum) nécessite, pour se développer, l’addition d’acide nicotinique, ce qui confère à ce champignon une spécificité rarement observée chez les dermatophytes.

Calques cutanés

Principe

Les calques cutanés sont très faciles à réaliser et ils sont recommandés en présence de pustules, de vésicules, de croûtes, de fistules et d’ulcères. Diverses modalités sont envisageables selon la nature de la lésion ; il est ainsi possible de réaliser des calques par impression, par incision, etc.

Cette technique consiste à récolter du matériel cellulaire afin d’identifier des cellules impliquées et éventuellement, des agents figurés (bactéries, champignons, etc.).

Technique

Après une tonte au ciseau des poils qui entourent ou qui masquent la lésion identifiée, la face d’une lame porte-objet préalablement dégraissée est appliquée sur la fistule ou l’ulcère.

• Lors d’une collection liquidienne, il est conseillé de sectionner le “chapeau” de celle-ci (vésicule, bulle, pustule), puis d’appliquer la face inférieure du petit chapeau ainsi isolé sur une lame et de récolter le contenu de la collection (variante de calque cutané appelée “calque de Tzanck”). Il est également possible de racler au bistouri la lésion cutanée avec une lame puis de déposer et d’étaler le produit de raclage.

• Lors de croûtes, celles-ci sont récoltées à l’aide d’une pince et la face inférieure de celles-ci est appliquée directement sur une lame : il est toutefois nécessaire d’éviter de nettoyer, de frotter ou de désinfecter la lésion avant le prélèvement en raison du risque de supprimer des éléments figurés indispensables à la reconnaissance. Cette technique d’apposition des croûtes est utile lors de dermatophyties suppurées, de folliculites et d’autres pyodermites comme la dermatophilose.

Le matériel ainsi récolté, la préparation doit être mise à l’abri de la poussière, conservée à la température de la pièce, puis colorée selon les méthodes classiques : May Grünwald Giemsa ou méthode commercialisée de coloration rapide type Diff-Quick®.

Tests intradermiques

Principe

Le principe des tests intradermiques est d’observer, par comparaison avec l’effet d’une injection témoin positif (histamine) et négatif (solvant des allergènes), la réaction éventuelle d’un phénomène d’hypersensibilité que sont l’œdème et l’érythème aux points d’injection des divers allergènes utilisés. Cette double réaction est la conséquence d’un phénomène d’hypersensibilité immédiate (lecture de 20 à 30minutes) et retardée (lecture de 36 à 48 heures).

Intérêt des tests

Ces tests sont utiles pour confirmer, lors de suspicions épidémiologique et clinique, une hypothèse de dermatite allergique (photo ) comme la dermatite estivale récidivante (ou “gale d’été”). Plusieurs difficultés limitent toutefois considérablement l’utilisation de tels tests :

- il n’existe pas à l’heure actuelle de batteries d’allergènes utilisables chez le cheval dans le commerce. Il est alors indispensable de recourir aux produits destinés au chien. Cette extension d’utilisation devrait faire l’objet d’études comparatives qui permettent une véritable validation ;

- malgré ce recours, il n’est pas possible d’utiliser les allergènes majeurs comme les extraits de Tabanidés, de Simuliidés et de Cératopogonidés (Culicoides) impliqués dans les dermatites allergiques, en particulier la dermatite estivale récidivante ;

- enfin, le moment optimal de la lecture après les injections des allergènes n’est pas défini et il n’est pas certain que les délais habituels retenus chez le chien (respectivement 20 minutes et 48heures) soient valables chez le cheval.

Ces inconvénients multiples limitent considérablement l’intérêt des tests intradermiques et, face à une dermatite pour laquelle la pathogénie d’hypersensibilité est fortement suspectée, il est plus simple de recourir à une biopsie cutanée qui permet à la fois de confirmer (ou d’infirmer) l’hypothèse retenue et d’avancer d’autres mécanismes pathogéniques éventuels.

Biopsie cutanée

Technique

Pour réaliser une biopsie cutanée, il convient de réunir au préalable le matériel nécessaire (photo ).

• Il est recommandé d’effectuer une bonne contention accompagnée d’une anesthésie locale (injection traçante de 1 à 2 ml de lidocaïne 2 % en région sous-cutanée).

• Tondre si besoin le site lésionnel et nettoyer la surface à l’alcool à 70 %. Il convient de respecter les squames (ne pas frotter de façon énergique) et d’inclure les croûtes éventuellement présentes dans le prélèvement.

• Utiliser un trépan d’un diamètre minimal de 6 mm (type Tru-cut®).

• La biopsie en “côte de melon” est indiquée en cas de lésions étendues, de vésicules, bulles ou pustules, ou encore lors de suspicion d’atteinte du tissu adipeux sous-cutané.

• Extraire la biopsie en n’utilisant que de très petits instruments atraumatiques.

Site de prélèvement

Il est nécessaire de prélever en pleine zone lésionnelle. La peau non lésée, si elle est prélevée, doit faire l’objet d’une biopsie à part entière.

Il est utile d’inclure des biopsies provenant de lésions d’apparition récente et de lésions plus anciennes.

Nombre de prélèvements

Il convient d’effectuer au minimum deux prélèvements (de préférence plusieurs), de façon à représenter le spectre complet (en aspect et en chronicité) des lésions cutanées.

Comment référer les prélèvements ?

• Les prélèvements sont fixés dans du formol à 10 %.

• Il convient d’accompagner les prélèvements des commémoratifs et d’une anamnèse complète, de décrire l’apparence, la répartition et la localisation des lésions, d’indiquer sur un schéma les sites de prélèvement et d’accompagner éventuellement l’envoi d’un cliché photographique de la lésion. l

Pour en savoir plus

- BOURDEAU P. Dermatologie équine, CESV de dermatologie vétérinaire. Polycopié.

- BOURDEAU P, PETRIKOWSKI M. La dermatite estivale récidivante des équidés : données actuelles. Point Vét. 1995 ; 27 (169): 207-216.

- LITTLEWOOD JD. Diagnostic procedures in equine skin disease. Equine Vet. Educ, 1997 ; 9 : 174-176.

- MARIE S. La dermatologie équine par l’image : élaboration d’un CD-Rom à visée pédagogique. Thèse doct. vét. Lyon. 2001.

- PASCOE RR. Dermatologie du cheval. Paris, Maloine. 1993 : 204 pages. l

Liste non exhaustive des dermatoses équines selon le symptôme majeur

Chaque affection cutanée peut être classée selon un symptôme ou une lésion prédominante, qui constitue le plus souvent le motif de la consultation (tableau ). Ceci n’exclut pas les diverses combinaisons possibles entre tous les symptômes observables.

Sont exclues de ce tableau :

- la gale sarcoptique parce qu’elle a disparu. Dans le cas d’une suspicion, cette hypothèse relève de multiples raclages cutanés classiques ;

- la démodécie, rarissime, nécessite des raclages cutanés et/ou des biopsies : Demodex caballi au niveau de la face, D. equi sur la tête, sur l’encolure et sur les membres antérieurs.

Encadré 1.

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