Diagnostic des affections locomotrices chez le cheval via l'imagerie par résonance magnétiqueDiagnosis of locomotor problems in horses using magnetic resonance imaging - Pratique Vétérinaire Equine n° 133 du 21/12/2001
Pratique Vétérinaire Equine n° 133 du 21/12/2001

Auteur(s) : J. TAPPREST*, F. AUDIGIÉ**, C. RADIER***, V. COUDRY****, F. RIEU*****, D. MATHIEU******, J.-M. DENOIX*******

Fonctions :
*ENVA, Cirale, IPC, 14430 GOUSTRANVILLE
**ENVA, Cirale, IPC, 14430 GOUSTRANVILLE
***Hôpital Henri Mondor, 51 avenue du Maréchal de Lattre de Tassigny,
94010 CRETEIL CEDEX
****Rochester Equine Clinic, Ten Rod Road, PO Box 2071, ROCHESTER, NH, Etats-Unis
*****74, allée des Glaïeuls, 84130 LE PONTET
******Hôpital Henri Mondor, 51 avenue du Maréchal de Lattre de Tassigny,
94010 CRETEIL CEDEX
*******ENVA, Cirale, IPC, 14430 GOUSTRANVILLE

Les techniques d'imagerie par résonance magnétique (IRM) s'appliquent essentiellement aux parties distales des membres et participent au diagnostic des affections de l'appareil locomoteur.

L'application de l'imagerie par résonance magnétique (IRM) à l'examen des parties distales des membres semble l'une des plus accessibles, dans l'état actuel du développement des appareils.

Par rapport aux méthodes d'imagerie classiquement utilisées pour le diagnostic des affections locomotrices chez le cheval, les avantages majeurs de l'IRM sont :

- l'obtention d'une image “anatomique”, avec la visualisation simultanée des tissus mous (ligaments, tendons) et de l'os [18, 19] ;

- sa capacité d'imagerie en coupes dans tous les plans de l'espace, alors que les autres techniques sont limitées par la voie d'abord ou le nombre d'incidences ;

- des perspectives d'évaluation précise et ciblée du cartilage articulaire [18].

Ces avantages sont illustrés dans cet article consacré à l'interprétation des images obtenues par résonance magnétique et à son intérêt dans le diagnostic des boiteries chez le cheval.

Principes d'interprétation

Le contraste en IRM correspond à la traduction des signaux RMN (aimantation) en niveaux de gris. Lorsque le signal émis est faible, il s'agit d'un hyposignal, représenté en noir sur l'image. Lorsque le signal est de forte intensité, il s'agit d'un hypersignal, représenté en blanc.

Les trois facteurs T1, T2 et densité de protons interviennent toujours à des degrés divers dans le contraste de l'image. L'opérateur peut, par le choix des paramètres de la séquence (TE et TR : voir l'article “Principes et applications de l'imagerie par résonance magnétique chez le cheval” dans ce numéro), favoriser l'un de ces facteurs, c'est-à-dire pondérer la séquence [8, 16] (figures et et encadré 1).

Reconnaissance des formations anatomiques normales

L'IRM permet de visualiser simultanément les différentes formations anatomiques (os et tissus mous) sous la forme de coupes dans tous les plans de l'espace. L'apparence normale des différentes structures est présentée sur des coupes sagittales de référence réalisées sur des membres isolés. Les images sont obtenues avec des séquences d'acquisition qui favorisent soit un contraste T1, soit un contraste T2 (photos et ). Les différentes formations anatomiques sont identifiées sur la coupe anatomique correspondante (photo ).

L'intensité du signal des différents tissus dépend de la pondération de l'image (tableau 1) :

l'os cortical émet un signal d'intensité très basse, en raison de la faible quantité de protons libres, et apparaît en hyposignal (noir) sur l'image pondérée en T1 et sur l'image pondérée en T2 ;

l'os spongieux, en raison de son contenu graisseux, présente un signal très intense sur l'image pondérée en T1 (blanc) et faible sur l'image pondérée en T2 (gris) ;

le liquide synovial, riche en eau, apparaît en hyposignal (noir) sur l'image pondérée en T1 et en hypersignal (blanc) sur l'image pondérée en T2 ;

le cartilage articulaire émet un signal d'intensité intermédiaire (gris) : il apparaît en hyper-signal par rapport au liquide synovial sur l'image pondérée T1 et en hyposignal par rapport au liquide synovial sur l'image pondérée T2 ;

les ligaments et les tendons sont pauvres en protons libres et émettent un signal faible (noir), quelle que soit la pondération de la séquence ;

la boîte cornée émet un signal d'intensité très faible en raison de sa faible teneur en protons libres et apparaît donc en hyposignal, sur l'image pondérée en T1 comme sur celle pondérée en T2.

Reconnaissance et interprétation des images anormales

Modalités d'interprétation

Les images anormales sont représentées par des anomalies de signal et/ou par des anomalies morphologiques et/ou par la présence d'une distension synoviale. Leur interprétation s'effectue selon la pondération de l'image et il est souvent nécessaire de combiner les images pondérées en T1 et en T2. Dans tous les cas, comme pour n'importe quelle technique d'imagerie, les anomalies en IRM doivent être interprétées d'après l'observation clinique et les autres examens complémentaires réalisés.

Exemple d'interprétation

Les images présentées dans cet article (photos et ) ont été réalisées sur un membre isolé pathologique, prélevé sur un cheval euthanasié “pour raisons humanitaires”. L'anamnèse était la suivante : à la suite d'une plaie pénétrante située en regard de la fourchette, l'animal avait développé une boiterie avec une suppression d'appui complète. Cette dernière était présente depuis plus d'un mois malgré la mise en place d'une antibiothérapie à large spectre.

Les principales anomalies identifiables sur les images par résonance magnétique sont :

- une interruption de la corticale palmaire de la phalange distale qui correspond à la présence d'une fracture parcellaire de cette dernière ;

- une distension synoviale interphalangienne distale sévère, bien visible sur l'image pondérée en T2 ;

- une ulcération de la moitié dorsale du cartilage et de l'os sous-chondral de la phalange moyenne et un ulcère ponctuel du cartilage et de l'os sous-chondral de la phalange distale ;

- une discontinuité tendineuse et ligamentaire avec une disparition complète du signal normal des parties distales du tendon fléchisseur profond du doigt et du ligament sésamoïdien distal. Aucune structure tendineuse ou ligamentaire normale n'est reconnaissable.

Ces anomalies morphologiques sont particulièrement nettes sur l'image pondérée en T2 en raison de l'hypersignal naturel du liquide synovial, qui permet une bonne délimitation du contour des anomalies. Elles sont associées à des anomalies de signal diffus de la partie distale de l'os spongieux de la phalange moyenne, avec une inversion du signal normal (hyposignal sur l'image pondérée T1 et hypersignal sur l'image pondérée T2). Il s'agit d'un signal de type liquidien, compatible avec la présence d'un œdème en territoire osseux spongieux.

Ces images montrent ainsi la présence de plusieurs types d'anomalies qui atteignent à la fois les tissus mous et l'os.

Comparaison avec les clichés radiographiques

Sur les clichés radiographiques (photos et ) de ce même membre, les principales anomalies observées sont :

- une ostéolyse et une fracture d'avulsion sur la surface articulaire de la phalange distale ;

- une ostéolyse du bord distal de l'os sésamoïde distal ;

- une distension du récessus dorsal de l'articulation interphalangienne distale.

La radiographie permet ainsi d'identifier des lésions osseuses sévères, mais ne met pas en évidence les lésions associées des tissus mous. L'IRM complète l'examen radiographique et permet à la fois de dresser un bilan complet de l'extension des lésions osseuses et d'identifier les lésions des tissus mous.

Cet exemple illustre ainsi les principaux avantages de l'IRM pour l'imagerie du pied du cheval :

évaluation simultanée de l'os, du cartilage et des tissus mous ;

absence de contrainte de voies d'abord ou d'incidences grâce à sa capacité d'imagerie multiplan et multicoupe.

Place de l'IRM parmi les autres techniques d'imagerie diagnostique

La radiographie a longtemps été la seule technique d'imagerie utilisée pour documenter les lésions locomotrices chez le cheval. Cependant, elle ne fournit d'informations précises que sur la composante osseuse. Depuis une dizaine d'années, le développement de l'échographie a permis d'identifier les lésions des tissus mous (capsule articulaire, ligaments, synoviales, ménisques, cartilage) [3]. L'IRM présente l'avantage de permettre de visualiser de façon simultanée les tissus mous et l'os.

Cependant, l'IRM s'inscrit dans une démarche diagnostique et doit être considérée comme un complément ultime de l'examen physique et dynamique, ainsi que des autres techniques d'imagerie.

L'examen par résonance magnétique chez le cheval présente deux particularités spécifiques : il implique une anesthésie générale et se limite à l'étude d'une région prédéterminée (par exemple, le doigt antérieur droit). Afin que cet examen apporte les informations complémentaires attendues, il convient de remplir deux conditions :

l'examen d'IRM d'une région ne doit être effectué que si la localisation de l'origine de la boiterie dans cette zone a été établie (anesthésies sémiologiques, voire scintigraphie et/ou identification d'une lésion lors d'une radiographie et/ou d'une échographie) ;

un examen d'imagerie complet (radiographique et échographique) doit avoir été réalisé au préalable chez le cheval debout.

Dans ces conditions, les principales indications de l'IRM correspondent :

à l'imagerie des tissus mous qui n'ont pas pu faire l'objet d'un examen échographique en raison de l'absence de fenêtre acoustique : il s'agit en particulier des structures internes du pied et des ligaments interosseux du carpe et du tarse ;

au diagnostic plus précoce d'une affection ostéo-articulaire grâce à l'identification d'anomalies de l'os sous-chondral et/ou du cartilage avant l'apparition d'anomalies radiographiques ;

à la documentation plus précise et plus complète d'une lésion déjà identifiée lors des examens d'imagerie précédents.

Conclusion

L'IRM représente une nouvelle modalité d'imagerie maintenant disponible pour le diagnostic des affections locomotrices chez le cheval [1, 2, 4, 5, 7, 9 à 15, 18 à 21]. Sa reconnaissance comme méthode d'imagerie ostéo-articulaire de référence en médecine humaine [6, 17] démontre ses potentialités diagnostiques et l'intérêt de son développement en médecine équine. Cette technique amorce son essor, même si la complexité logistique et le coût inhérents à la réalisation de l'IRM chez le cheval cantonnent actuellement sa disponibilité aux structures universitaires. Ainsi, même si l'imagerie par résonance magnétique n'est pas encore disponible en pratique courante, cette technique devrait faire progresser la connaissance des affections locomotrices chez le cheval. Elle devrait apporter au praticien des informations documentées sur les causes potentielles des boiteries, en particulier en l'absence de manifestations radiographiques et/ou échographiques. l

Éléments à retenir

• L'IRM permet de visualiser simultanément les tissus mous et osseux sous la forme de coupes dans tous les plans de l'espace.

• Il est possible de faire varier le contraste (pondération) en modifiant les paramètres TR, TE et densité de proton selon la nature des tissus à visualiser.

• Les principales anomalies distinguées sont celles de signal, les modifications morphologiques et les distensions synoviales.

• L'examen par l'IRM ne doit cependant être envisagé que dans le cadre d'une démarche diagnostique réfléchie.

Contraste d'une image par résonance magnétique

◊ Le temps de répétition (TR) conditionne la pondération en T1 d'une séquence. Plus il est raccourci, plus la séquence est pondérée T1 : le tissu dont le T1 est le plus court renvoie alors le signal le plus intense (graisse).

◊ Le temps d'écho (TE) conditionne la pondération en T2 d'une séquence. Plus il est allongé, plus la séquence est pondérée T2 : le tissu dont le T2 est le plus long produit le signal le plus intense (liquide).

◊ Une pondération en densité de proton est obtenue avec un TR long, qui minimise le contraste en T1, et un TE court, qui minimise le contraste en T2.

• Pour les images pondérées T1 : les tissus à T1 long (liquides) apparaissent en hyposignal, les tissus à T1 court (graisse) en hypersignal.

• Pour les images pondérées T2 : les tissus à T2 court (graisse) apparaissent en hyposignal et les tissus à T2 long (liquides) apparaissent en hypersignal.

L'air et l'os compact se présentent sous forme d'un hyposignal.

Encadré 1. D'après [8, 16].

Références

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