Asymétrie testiculaire chez le chien - La Semaine Vétérinaire n° 335 du 01/05/2013
La Semaine Vétérinaire n° 335 du 01/05/2013

PATHOLOGIE DE LA REPRODUCTION CANINE

Dossier

Auteur(s) : Fernando Mir

Fonctions : Centre d’études en reproduction des carnivores (Cerca)
Université Paris-Est, ENV d’Alfort
7, avenue du Général-de-Gaulle
94704 Maisons-Alfort

Chez le chien, plusieurs affections autres que les tumeurs peuvent être à l’origine d’une asymétrie testiculaire.

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L’asymétrie testiculaire correspond à une différence de taille, de consistance ou de forme entre les deux testicules. Chez le chien mâle, la palpation des testicules permet de déceler cette anomalie et doit être effectuée à chaque examen clinique.

1 Causes d’asymétrie testiculaire

Tumeurs testiculaires

Chez le chien âgé de plus de 8 ans, les tumeurs testiculaires sont la cause la plus fréquente d’asymétrie testiculaire. La taille et la consistance des testicules atteints augmentent progressivement. Parfois, le testicule s’atrophie et devient plus mou (cas, le plus souvent, du testicule controlatéral). Les testicules tumoraux sont en général non douloureux et présentent un contour irrégulier.

Orchites et épididymites

L’inflammation du testicule (orchite) est souvent associée à celle de l’épididyme (épididymite) en raison de leur proximité.

Les infections bactériennes ascendantes d’origine urinaire ou prostatique en sont la cause principale (Escherichia coli, Staphylococcus intermedius, Enterococcus faecalis, Proteus spp., Klebsiella spp., etc.) [4]. L’asymétrie testiculaire est alors associée à des signes de cystite (dysurie, pollakiurie, strangurie, hématurie) ou de prostatite (fièvre, pertes intermictionnelles de pus ou de sang, ou ténesme). Un abcès intratesticulaire peut se former en cas d’infections bactériennes sévères, avec parfois un trajet fistuleux localement (photo 1).

Lesorchites et les épididymites sont dites aiguës ou chroniques selon leur vitesse d’apparition. Les inflammations aiguës sont plus fréquemment retrouvées chez le chien adulte âgé de 2 à 4 ans [4]. Elles sont caractérisées par une augmentation brutale de la taille du testicule. Ce dernier devient chaud et douloureux (photo 2). Des répercussions sur l’état général (fièvre, dysorexie, abattement, difficulté à la démarche, etc.) sont possibles. Leur origine est principalement infectieuse (infection bactérienne ascendante, brucellose, leishmaniose, babésiose, mycoplasmose ou mycose), mais un traumatisme ou la remontée stérile d’urine via le conduit déférent (lors d’une augmentation brutale de la pression vésicale en cas d’accident de la voie publique, par exemple) en est parfois la cause [3].

En revanche, les orchites et les épididymites chroniques touchent les chiens de tout âge. Souvent consécutives à l’évolution d’orchites ou d’épididymites aiguës non traitées, elles peuvent passer initialement inaperçues en raison d’une augmentation plus discrète de la taille du testicule. Celui-ci présente ensuite une dégénérescence et une fibrose testiculaire qui se traduit par une réduction de sa taille et de sa consistance.

Torsion testiculaire

Lors de torsion testiculaire, le cordon testiculaire s’enroule sur lui-même, entraînant un défaut de vascularisation, une douleur aiguë, une augmentation de taille et une nécrose progressive du testicule. La torsion est une affection très rare qui concerne des testicules tumoraux dans environ un tiers des cas (notamment en cas de cryptorchidie abdominale) et ne se produit que très rarement sur des testicules sains en position scrotale (1 cas sur 13 dans une étude rétrospective) [7]. Ce dernier cas de figure concerne les jeunes chiens actifs (de type boxer) après un mouvement brusque [4, 7].

Hydrocèle, spermatocèle et kyste testiculaire

Le terme d’hydrocèle est utilisé lorsque du liquide est présent dans les feuillets de la tunique vaginale et celui de spermatocèle dans les cas où le liquide s’accumule dans l’épididyme. Ce sont des affections rares. En revanche, les kystes testiculaires sont plus fréquents. Leur taille varie de quelques millimètres à plusieurs centimètres et, par compression, ils peuvent générer une atrophie du parenchyme testiculaire.

Cliniquement, les hydrocèles ou les spermatocèles s’installent progressivement. Ils ne sont pas douloureux, et leur consistance est molle et fluctuante. En revanche, les testicules kystiques ont une consistance ferme. Les hydrocèles, les spermatocèles et les kystes sont souvent dus à une compression en amont du testicule, secondaire à une tumeur, à un granulome spermatique (tissu fibreux et tissu inflammatoire se développant autour d’un faisceau de tubules séminifères, généralement localisé dans l’épididyme caudal), à une hernie inguinale ou à une épididymite (photos 3a et 3b).

Hernie scrotale

La hernie scrotale est une variante de la hernie inguinale dans laquelle une partie du contenu abdominal (graisse, intestin grêle, vessie, etc.) passe à travers l’anneau inguinal jusqu’au scrotum. Les hernies scrotales indirectes, où le contenu se retrouve dans la tunique vaginale, sont plus fréquentes que les hernies scrotales directes, où le sac herniaire est adjacent à la tunique vaginale. Les hernies scrotales unilatérales sont plus courantes que les présentations bilatérales. Il s’agit cependant d’une affection rare, avec une incidence de 0,02 % [5]. Leur origine est congénitale chez le jeune chien ou traumatique chez le chien adulte (augmentation brutale de la pression intra-abdominale lors d’un accident, par exemple).

Les hernies scrotales d’origine congénitale (parfois liées à une anomalie de la différenciation sexuelle) sont de consistance molle et non douloureuse. En revanche, elles peuvent être dures et douloureuses si le contenu hernié est incarcéré dans le sac herniaire ou dans les cas aigus d’origine traumatique (souvent en concomitance d’autres lésions cutanées dues au choc).

Tumeurs scrotales et scrotites

Les tumeurs du scrotum et les scrotites, parfois associées à un œdème scrotal, sont responsables d’une “pseudo-asymétrie testiculaire”.

Les tumeurs scrotales les plus fréquentes sont les carcinomes épidermoïdes, les mélanomes et les mastocytomes (photo 4) [5]. Ces tumeurs sont susceptibles de métastaser.

Les scrotites peuvent présenter une évolution aiguë ou chronique, ou des épisodes aigus à répétition (photo 5). Leur origine est variable : infectieuse (leishmaniose, brucellose, babésiose, etc.), dysimmunitaire (lupus érythémateux disséminé, pemphigus foliacé, atopie, etc.), allergique (dermatite par contact, hypersensibilité alimentaire, etc.), liée à l’action de produits irritants, etc. [1].

Atrophie et dégénérescence testiculaire

Les testicules de petite taille et de consistance molle sont atrophiés et dégénérés. Dans un nombre non négligeable de cas, la dégénérescence testiculaire reste idiopathique. Les autres hypothèses à suspecter sont les suivantes :

– une atrophie du parenchyme testiculaire due à un rétrocontrôle négatif d’origine hormonale lors de tumeurs testiculaires sécrétantes ;

– une hyperthermie locale (fièvre, scrotite, orchite controlatérale) ;

– une orchite ou une épididymite chronique secondaire à un phénomène infectieux (infection ascendante, brucellose, leishmaniose, etc.) ou dysimmunitaire (orchite lymphocytaire associé à une thyroïdite lymphocytaire, orchite auto-immune d’origine idiopathique, etc.) ;

– une dégénérescence sénile ;

– une origine iatrogène (hormones stéroïdiennes, chimiothérapie, radiothérapie, etc.).

2 Approche diagnostique

Déterminer la cause de l’asymétrie testiculaire est une étape préalable pour compléter l’approche diagnostique, prendre une décision thérapeutique et émettre un pronostic. Cela est d’autant plus important chez les chiens reproducteurs. Ainsi, un bilan d’extension s’impose lors de tumeur testiculaire(1). Un foyer infectieux doit être recherché et traité en cas orchite ou d’épididymite.

Une anamnèse précise et un examen clinique complet permettent d’établir un diagnostic dans la majorité des cas d’asymétrie testiculaire (figure).

L’échographie est l’examen complémentaire de choix. Afin d’obtenir une meilleure appréciation des modifications subtiles du parenchyme, il convient de comparer l’aspect des deux testicules. Dans la plupart des cas, cet examen permet d’établir le diagnostic définitif (tableau).

Le reste de l’appareil génito-urinaire doit être échographié. Cela est particulièrement important dans les cas d’orchite, d’épididymite, de prostatite ou d’abcès prostatique, possiblement à l’origine de l’infection testiculaire. Des nœuds lymphatiques locorégionaux (inguinaux, iliaques médiaux et lombo-aortiques) augmentés de taille, hypoéchogènes et de forme ronde, et non ovale, peuvent signaler une infiltration métastatique, voire une réaction inflammatoire, en relation avec l’affection testiculaire [6].

En cas d’orchite ou d’épididymite, une brucellose est à rechercher en raison des risques épidémiologique et zoonotique qu’elle entraîne. Fontbonne et Garrin-Bastuji décrivent une séroprévalence de 8,5 % en France, avec une identification formelle par PCR (polymerase chain reaction, réaction d’amplification en chaîne) et culture bactérienne chez 3 chiens [2]. L’examen sérologique est généralement suffisant pour exclure cette maladie. Toutefois, environ 60 % des séropositifs sont des faux positifs en raison d’une réaction croisée entre les immunoglobulines M (IgM) d’autres bactéries telles que Pseudomonas spp., Streptococcus spp. ou Staphylococcus spp. [10]. Dans ce cas, il convient de renouveler l’examen sérologique en ajoutant du 2-mercapto-éthanol au sérum pour détruire les IgM. Une PCR sur la semence et le tissu testiculaire ou une hémoculture sont aussi diagnostiques.

3 Gestion thérapeutique

La castration (uni- ou bilatérale) est le traitement de choix, notamment en cas de torsion ou de tumeur testiculaire, épididymaire ou scrotale. Chez de jeunes chiens reproducteurs, une prise en charge médicale peut être tentée pour préserver leur fertilité. Toutefois, hormis les tumeurs testiculaires, ces affections sont rares et les résultats à attendre des traitements autres que la castration sont peu connus.

Face à une orchite ou à une épididymite aiguë, une antibiothérapie de 3 semaines avec une bonne diffusion dans le tractus génital du mâle (fluoroquinolones ou sulfamides-triméthoprime) est instaurée [8]. Elle est idéalement réadaptée après la mise en culture et l’antibiogramme réalisé sur l’éjaculat [8]. L’administration d’antiandrogènes tels que l’acétate d’osatérone (Ypozane®) ou l’acétate de delmadinone (Tardak®) est conseillée si une prostatite est confirmée (ou suspectée) [9]. Le pronostic reproducteur reste toutefois réservé. Le même traitement peut être instauré en cas d’orchite ou d’épididymite chronique, mais le pronostic est encore plus réservé compte tenu de la dégénérescence et de la fibrose du parenchyme testiculaire.

Des hydrocèles et des spermatocèles secondaires à un granulome spermatique peuvent être traités avec des corticoïdes pour diminuer l’inflammation qui entoure l’agglomérat de tubules remplis de cellules épithéliales et de spermatozoïdes qui composent le granulome. L’efficacité de ce traitement reste aléatoire dans la mesure où une sténose épididymaire congénitale, traumatique ou secondaire à une infection peut être à l’origine du granulome et qu’il est impossible à déceler sans exciser le tissu pour son analyse histologique [5]. La rareté des granulomes spermatiques ne permet pas de fournir des chiffres précis sur l’efficacité de ce traitement.

Lors de hernies scrotales ou inguinales, l’herniorraphie après résection du sac herniaire et réintroduction dans la cavité abdominale de son contenu est le seul traitement possible.

La prise en charge des scrotites repose sur un diagnostic précis, puis sur la suppression de la cause qui peut être infectieuse, tumorale ou par contact avec un agent allergène ou irritant, tels que des détergents pour le sol ou le linge, de la lessive, du ciment ou du plastique.

Conclusion

Les différentes origines d’une asymétrie testiculaire peuvent être distinguées cliniquement. Néanmoins, une confirmation échographique est requise avant l’instauration du traitement et l’émission d’un pronostic précis, qui dépend de l’affection en cause.

  • (1) Voir l’article “Tumeurs testiculaires du chien : approche clinique et diagnostique” de F. Mir et coll., dans ce numéro.

Références

  • 1. Cerundolo R, Maiolino P. Review cutaneous lesions of the canine scrotum. Vet. Dermatol. 2002;13(2):63-76.
  • 2. Fontbonne A, Garrin-Bastuji B. An outbreak of Brucella canis infection in a French kennel. In: Abstract book of the 3rd International Symposium on Reproduction of Dogs, Cats and Exotic Carnivores. 1966:79.
  • 3. Girard C, Despots J. Mineralized paraprostatic cyst in a dog. Can. Vet. J. 1995;36(9):573-574.
  • 4. Johnston SD, Root Kustritz MV, Olson PNS. Disorders of the canine testes and épididymes. In: Johnston SD, Root Kustritz MV, Olson PNS (eds). Canine and Feline Theriogenology. 1sted.Philadelphia, Saunders. 2001:312-332.
  • 5. Johnston SD, Root Kustritz MV, Olson PNS. Disorders of the canine scrotum. In: Johnston SD, Root Kustritz MV, Olson PNS (eds). Canine and Feline Theriogenology. 1sted.Philadelphia, Saunders. 2001:333-336.
  • 6. Llabrés-Díaz FJ. Ultrasonography of the medial iliac lymph nodes in the dog. Vet. Radiol. Ultrasound. 2004;45(2):156-165.
  • 7. Pearson H, Kelly DF. Testicular torsion in the dog: a review in 13 cases. Vet. Rec. 1975;97(11):200-204.
  • 8. Root Kustritz MV. Collection of tissue and culture samples from the canine reproductive tract. Theriogenology. 2006;66(3):567-574.
  • 9. Tsutsui T, Hori T, Shimizu M et coll. Effect of osaterone acetate on prostatic regression rate, peripheral blood hormone levels and semen quality in dogs with BPH. J. Vet. Med. Sci. 2001;63(4):453-456.
  • 10. Wanke MM. Canine brucellosis. Anim. Reprod. Sci. 2004;82-83:195-207.

Conflit d’intérêts

Aucun.

1. Fistule sur un abcès testiculaire chez un chien présentant une orchite ou une épididymite due à une infection ascendante (abcès prostatique).

FIGURE
Diagnostic différentiel lors d’asymétrie testiculaire

FIGUREDiagnostic différentiel lors d’asymétrie testiculaire

2. Asymétrie testiculaire chez un boxer âgé de 4 ans présentant une orchite ou une épididymite aiguë due à une prostatite.

3a et 3b. Vues peropératoires d’un hydrocèle (3a) et d’un spermatocèle (3b) chez un chien secondaires à un sertolinome envahissant l’épididyme et le cordon testiculaire.

3a et 3b. Vues peropératoires d’un hydrocèle (3a) et d’un spermatocèle (3b) chez un chien secondaires à un sertolinome envahissant l’épididyme et le cordon testiculaire.

4. Mastocytome scrotal chez un chien. Noter l’asymétrie testiculaire.

5. Scrotite chronique chez un chien secondaire à une dermatite de contact (projection de ciment).

6. Examen échographique testiculaire chez un chien atteint d’une orchi-épididymite aiguë (origine inconnue). Le testicule droit présente une taille augmentée, avec un parenchyme hypoéchogène et hétérogène par rapport au testicule controlatéral, d’aspect normal.

7. Examen échographique testiculaire chez un chien présentant un spermatocèle secondaire à un granulome spermatique. Noter la dilatation en nid d’abeille.

TABLEAU
Caractéristiques de l’examen échographique en fonction de l’affection testiculaire

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