Six pour-cent d’avortements positifs en PCR pour le BoHV-4 dans la Manche - Le Point Vétérinaire expert rural n° 332 du 01/01/2013
Le Point Vétérinaire expert rural n° 332 du 01/01/2013

AVORTEMENTS DES VACHES

Étude

Auteur(s) : Christophe Lebœuf

Fonctions : Maison de l’Agriculture
Avenue de Paris
BP 231
50001 Saint-Lô Cedex
christophe.leboeuf@gds-manche.fr

D’abord étudiée indirectement via la sérologie, la circulation du BoHV-4 dans des élevages bovins bas-normands est évaluée “directement” à la faveur de la mise au point d’une technique PCR spécifique.

L’herpèsvirus bovin 4 (BoHV-4), de la famille des herpèsvirus et de la sous-famille des Gammaherpesvirinae, partage avec l’herpèsvirus bovin 1 (BoHV-1), responsable de la rhinotrachéite infectieuse bovine (IBR), la capacité à établir une infection latente chez l’hôte.

La sérologie a donc ses limites : des anticorps contre le BoHV-4 sont retrouvés dans des élevages sans signes cliniques, comme pour l’IBR.

La mise au point de techniques par amplification génique permet de mettre en évidence la présence de virus dans le sang, une sécrétion ou un tissu (mais pas de diagnostiquer l’infection latente). Elle aide à “dater” un événement infectieux relatif au BoHV-4.

Elle permet de mieux cerner l’implication de ce virus dans divers épisodes infectieux en élevage bovin, difficiles à relier à d’autres agents pathogènes [12](1).

OBJECTIFS

→ Estimer la prévalence de l’infection par le BoHV-4 dans les élevages de la Manche, parallèlement à celle d’autres agents infectieux impliqués dans les avortements.

→ Progresser dans la détermination de l’implication réelle de cet agent pathogène dans les avortements de bovins.

MATÉRIEL ET MÉTHODE

→ Courant 2012, le Laboratoire départemental d’analyses de la Manche (LDA 50) a mis au point, avec l’aide d’un partenaire privé établi près de Saint-Lô (Adiagène, Saint-Brieuc), une technique PCR (polymerase chain reaction) pour la recherche du virus BoHV-4 sur le placenta des vaches avortées(1). Dans un premier temps, cette méthode a été éprouvée de manière rétrospective sur 639 extraits d’ADN issus d’avortements concernant la période d’avril 2011 à avril 2012 recrutés sur la base d’un prélèvement sur trois réalisés (concernant 484 cheptels).

→ Les virus BVD (diarrhée virale bovine), Salmonella, Neospora et Coxiella burnettii ont été parallèlement recherchés sur ces mêmes prélèvements (respectivement par PCR, culture, Elisa et PCR complétée par technique de Stamp).

→ Un complément à cette étude-épreuve a été réalisé entre le 1er juillet et le 30 septembre 2012 (période de prélèvements des échantillons), en partenariat avec le Groupement de défense sanitaire de la Manche (GDS 50), sur 469 échantillons supplémentaires issus d’avortements (dont les résultats sur la BVD, les salmonelles, la néospose et la fièvre Q étaient négatifs), concernant un total de 334 cheptels.

RÉSULTATS

→ Dans la première série test du laboratoire s’étendant jusqu’au printemps 2012, 43 recherches sont positives sur 639 (soit un taux de prévalence apparente de 6,9 %). Parmi elles, 36 ne sont positives que pour le BoHV-4.

Pour les recherches entreprises en été 2012, 29 supplémentaires sont positives sur 462 recherches interprétables, pour un total de 26 cheptels (sur 334 troupeaux représentés dans l’étude). Le taux de prévalence individuelle apparente est de 6,3 % et le taux de prévalence cheptel de 7,8 %.

→ Ces données peuvent être rapprochées de précédents résultats sérologiques obtenus localement. Dès 2008, dans la Manche, les élevages suspectés d’être atteints par le BoHV-4 dans des contextes épidémiologiques de troubles de la reproduction avec des métrites ont fait l’objet de sondages sérologiques volontaires. Une circulation virale massive ou faible avait ainsi été mise en évidence indirectement dans 50 des 79 exploitations sondées, soit 63 % de séroprévalence cheptel, avec la loi du “tout ou rien”, spécifique des herpèsvirus (les circulations “moyennes” étant exclues de ce résultat car elles sont anciennes et stabilisées). Un résultat positif en sérologie indique une circulation du BoHV-4, mais ne permet pas de la dater. Il est donc difficile d’affirmer la participation du virus BoHV-4 lors d’avortement séropositif.

→ En novembre 2009, dans une étude rétrospective locale sur les sérums de bovins femelles âgés de plus de 24 mois soumis à des prélèvements à l’introduction, 25 résultats séropositifs sont mis en évidence sur 211 tests, soit une séroprévalence de 11,8 %. À ce moment-là, aucune recherche virale n’a été entreprise vis-à-vis du BoHV-4 car l’isolement en culture n’était pas disponible localement et la PCR de routine, pas encore mise au point (tableau).

DISCUSSION

1. La notion de synergie pathogène améliore la compréhension des tableaux cliniques

Le rôle pathogène de l’herpèsvirus bovin de type 4 a longtemps été discuté car il est isolé lors de signes cliniques variés, mais également chez des animaux en bonne santé (photo) [8, 10].

Les taux d’infection entre 6 et 7 % en PCR dans la Manche sur des cas d’avortement sont proches de résultats publiés précédemment (par exemple, en Israël, 6 avortons positifs sur 96) [6].

Le LDA 50 et le GDS 50 ont conduit en 2008, sur la sérothèque de 2006 et 2007, une enquête sérologique sur le BoHV-4 par la méthode d’immunofluorescence indirecte (IFI) sur cultures cellulaires. Ainsi, 16,9 % des vaches ayant avorté étaient séropositives (59 sur 350) et 5,9 % des bovins prélevés en prophylaxie, soit des proportions qui évoquent celles observées pour la néosporose, autre maladie impliquée dans des troubles de la reproduction. Pour cette parasitose abortive, les taux d’infection sont de 16,9 % (75 sur 443) chez les vaches avortées et de 7,4 % chez les bovins en prophylaxie dans une étude similaire élaborée par le GDS 50 et le LDA 50 entre 1997 et 1998 [7].

En 1998, des taux de séroprévalence comparables aux résultats BoHV-4 de la Manche ont été rapportés en Belgique (dans les environs de Liège) dans une étude cas-témoin chez des vaches avortées : 17,2 % (contre 10 % dans le groupe témoin de vaches sélectionnées au hasard dans les mêmes élevages). Ces auteurs ont établi que l’infection par le BoHV-4 est un facteur de risque d’avortement des vaches laitières (odds ratio [OR] à 1,87) [2].

La notion de synergie pathogène entre les bactéries environnementales et le BoHV-4 a récemment émergé et expliquerait les tableaux cliniques observés dans la Manche autour de l’infection par le BoHV-4 (encadré 1) [2]. L’implication de ce virus à tropisme particulier pour la lignée blanche est suspectée dans une variété assez large de troubles de la reproduction (endométrites, mammites, vulvovaginites [1, 4-6, 8, 10]). Le BoHV-4 est aussi isolé dans des élevages présentant seulement des cas isolés de conjonctivite, de trouble respiratoire, voire de plaie des sillons mammaires [6, et 9, d’après A. Leleu, communication personnelle](2).

2. Vers la recherche de facteurs de risque

Sur les 29 vaches reproductrices dépistées comme positives vis-à-vis du BoHV-4 dans l’étude de l’été 2012, des éléments d’information épidémiologiques ont été accessoirement recueillis et analysés (encadré 2).

Les avortements susceptibles d’être liés à l’infection par le BoHV-4 sont observés isolément [2, 4, 5, 7](2).

Pareille remarque peut être faite pour la Manche, où seulement trois élevages positifs détenaient deux vaches avortées positives (étude de l’été 2012).

Le stade de gestation et le rang de lactation des reproductrices positives en PCR sont variables, ce qui n’incite pas à rechercher un risque statistique pour le rang de lactation.

Les élevages atteints semblent assez concentrés géographiquement, dans un secteur dont la densité de bovins d’engraissement est importante. Cela est rapporté pour l’autre herpèsvirus bovin, le BoHV-1, agent de l’IBR [7].

Sur les 26 cheptels concernés par un avortement BoHV-4 positif, plus d’un tiers possèdent ou possédaient un atelier dérogataire. Ces chiffres sont à rapprocher des 542 élevages détenant un atelier dérogataire parmi les 8 274 ateliers reproducteurs de la Manche (soit seulement 6,5 %).

La présence d’un atelier d’engraissement dérogataire pourrait être un facteur de risque pour la contamination d’un cheptel (comme cela est évoqué pour l’IBR [9]).

Conclusion

Dans le prolongement de ces travaux, des mesures de lutte sont désormais recommandées au niveau local. Lors de métrites associées à la présence du BoHV-4, elles reposent sur le respect des mesures classiques d’hygiène. En particulier, un vide sanitaire annuel systématique des bâtiments est préconisé. Les médicaments contenant de la cortisone sont déconseillés dans ces élevages. La prévention comporte le contrôle à l’achat, idéalement avant la vente ou par la signature préalable d’un billet de garantie conventionnelle lors du contrôle à l’arrivée.

  • (1) Voir l’article “Progrès dans la mise en évidence du BoHV-4 en routine” de M. Treilles etcoll., dans ce numéro.

  • (2) Voir l’article “Flambée d’avortements positifs au BoHV-4” de X. Quentin, dans ce numéro.

Références

  • 1. Chastant Maillard S. BoHV-4 et reproduction chez les bovins. Point Vét. 2012;323:66-69.
  • 2. Czaplicki G, Thiry E. An association exists between bovine herpesvirus 4 seropositivity and abortion in cows. Prev. Vet. Med. 1998;33:235-240.
  • 3. Dubuisson J, Thiry E, Bublot M et coll. Experimental infection of bulls with a genital isolate of bovine herpesvirus-4 and reactivation of latent virus with dexamethasone. Vet. Microbiol. 1989;21(2):97-114.
  • 4. Frazier K, Pence M, Mauel MJ et coll. Endometritis in postparturient cattle associated with bovine herpesvirus-4 infection: 15 cases. J. Vet. Diag. Invest. 2001;13(6):502-508.
  • 5. Frazier S, Baldwin CA, Pence M et coll. Seroprevalence and comparison of isolates of endometriotropic bovine herpesvirus-4. J. Vet. Diag. Invest. 2002;14:457-462.
  • 6. Fridgut O, Stram Y. Bovine herpesvirus 4 in Israeli dairy cattle isolation, PCR and serology. Israel J. Vet. Med. 2006;61(2):56-59.
  • 7. Leboeuf C. Enquête dans la Manche : le BoHV-4 circule notamment chez les avortées. Point Vét. 2009;294:18-19.
  • 8. Markine-Goriaynoff N, Minner F, De Fays K et coll. L’herpèsvirus bovin 4. Ann. Med. Vet. 2003;147:215-247.
  • 9. Souffleux G. Rhinotrachéite infectieuse bovine (IBR) et ateliers dérogataires. Bull. Soc. Vét. Prat. France. 1999;83(10):593.
  • 10. Thiry E. Maladies virales des ruminants. 2e éd. Éd. du Point Vétérinaire, Rueil-Malmaison. 2007:301p.

ENCADRÉ 1
Tableaux cliniques observés dans des élevages infectés par le BoHV-4 dans la Manche

→ Parallèlement aux études de prévalence et de séroprévalence pour le BoHV-4, le GDS 50 a été confronté à des troubles cliniques susceptibles d’être attribués à celui-ci dans plusieurs élevages, dont quatre retiennent l’attention ces 5 dernières années. Le premier a été brièvement décrit précédemment et n’est pas repris ici [7].

→ Le deuxième cas rapporté date de septembre 2009. Des métrites affectent de façon récurrente une grande partie des vaches laitières de l’élevage depuis 3 ans. Les traitements à base d’antibiotiques paraissent inefficaces. Sept cas séropositifs au BoHV-4 sur 8 bovins testés sont observés dès 2008. Une séroconversion est mise en évidence chez 2 des 3 femelles testées au printemps 2009 et chez une femelle avortée à l’automne 2009 (titre passant de 160 à 640 à 6 semaines d’intervalle). Des recherches bactériologiques effectuées sur un liquide d’écoulement de métrite par le vétérinaire de l’élevage en juin 2008 incriminent Arcanobacterium pyogenes. Chez des vaches ayant présenté des métrites en 2008, un traitement antibiotique visant cette bactérie et choisi sur la base du résultat de l’antibiogramme n’apporte pas d’amélioration. Le GDS 50 fait réaliser un vide sanitaire de la stabulation et fait améliorer la ventilation fin 2009, à la suite d’un audit effectué dans l’élevage. Les médicaments à base de cortisone sont déconseillés [3]. Les métrites paraissent maîtrisées l’année suivante.

→ Dans le troisième cas, courant octobre 2010, un vétérinaire praticien a été confronté à des fièvres persistantes chez les génisses d’un élevage, avec une baisse d’appétit au vêlage et des troubles de la caillette. Une cinétique BoHV-4 chez 7 génisses révèle une séroconversion chez 2 d’entre elles en 6 semaines (avec des titres passant d’un résultat négatif à 1 280 pour l’une et de 320 à 1 280 pour l’autre). Six bovins sur les 10 testés sont séropositifs(2).

→ Dans le quatrième cas, courant octobre 2011, le GDS 50 a été sollicité pour une enzootie de métrites purulentes avec écoulements atypiques, survenant parfois jusqu’à 6 semaines après le vêlage. Deux d’entre elles ont évolué en pyomètres. Le vétérinaire praticien de l’élevage a suspecté la fièvre Q mais un sondage sérologique par Elisa sur 10 femelles affectées dans les semaines précédentes s’est révélé négatif pour cette maladie. La PCR (polymerase chain reaction) a été mise en œuvre pour rechercher la fièvre Q, mais aussi le BoHV-4 sur quatre prélèvements d’écoulements de métrites (réalisés 3 à 6 semaines après vêlage). Quatre résultats sont positifs pour le BoHV-4 et aucun pour la fièvre Q. De plus, un colibacille sensible à tous les antibiotiques testés est isolé dans un cas.

ENCADRÉ 2
Éléments d’information épidémiologiques disponibles

→ Sur les 29 vaches reproductrices dépistées comme positives vis-à-vis du BoHV-4 dans l’étude de l’été 2012, 18 sont de race prim’holstein et 11 de race normande.

Six vaches positives appartenaient à trois cheptels différents comportant chacun 2 vaches avortées positives vis-à-vis de ce virus.

Le rang de lactation est variable (figure 1). Des avortements en association avec une positivité BoHV-4 en PCR (polymerase chain reaction) semblent survenir à divers stades de gestation. Sur 28 avortements renseignés (et non 29, car la date d’insémination manquait pour un résultat), 21 vaches ont avorté après 7 mois de gestation (figure 2).

→ La surreprésentation des derniers mois de gestation est à interpréter avec prudence car les interruptions de gestation précoces sont peu déclarées (pourcentage d’échantillons avortés à plus de 7 mois dans la population des 639 extraits : 3,3 %).

→ 12 vaches positives n’ont pas présenté de retour en chaleur différé, alors que cela a été le cas pour 16 autres (toujours sur n = 28).

→ Sur les 26 cheptels dont est issue cette sous-population étudiée épidémiologiquement, 7 ont un atelier dérogataire. Trois autres en avaient un par le passé (jusqu’à respectivement 2007, 2009 et 2010).

→ La répartition géographique des cheptels infectés a été représentée (figure 3).

Points forts

→ Un résultat positif en sérologie indique une circulation du BoHV-4, mais ne permet pas de la dater. Il est donc difficile de prouver la participation du virus BoHV-4 lors d’avortement séropositif.

→ Les avortements susceptibles d’être liés à l’infection par le BoHV-4 sont souvent observés isolément.

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