Les agents d’intoxication chez le furet - Le Point Vétérinaire n° 292 du 01/01/2009
Le Point Vétérinaire n° 292 du 01/01/2009

Toxicologie des NAC

Mise à jour

LE POINT SUR…

Auteur(s) : Adeline Linsart*, Hervé Pouliquen**

Fonctions :
*41 rue du Président Roosevelt
78500 Sartrouville
**Unité de pharmacologie et toxicologie
ENV de Nantes
BP 40706
44307 Nantes Cedex 03

En raison de son caractère joueur et explorateur, les intoxications domestiques sont fréquentes chez le furet. L’automédication par le propriétaire est également à l’origine d’accidents médicamenteux.

En raison de ses particularités anatomiques, le furet est relativement sensible aux intoxications (encadré).

Les agents d’intoxication sont variés. Cet animal est exposé à de nombreux produits, plantes ou tubercules qu’il cherche à stocker jusqu’aux produits dangereux qu’il peut lécher. L’automédication par les propriétaires et l’administration inappropriée de médicaments par les vétérinaires sont les premières causes reconnues d’intoxication chez le furet. Cette constatation est toutefois faussée car les autres circonstances d’intoxication sont méconnues. Elles sont souvent mal identifiées et les propriétaires, qui n’assistent pas à l’exposition ou pensent qu’elle est impossible, ne contactent pas toujours les professionnels.

Intoxications domestiques

1. Intoxications par les produits ménagers

Les furets sont très joueurs et sont exposés aux intoxications : ils lèchent le bidon de lessive, entrent dans le lave-vaisselle ou renversent les seaux de produits nettoyants (photo 1). Il existe peu de cas spontanés décrits [2]. La symptomatologie peut être extrapolée à partir des cas rencontrés chez les chiens et les chats (troubles digestifs, inflammation des muqueuses buccales, insuffisance rénale aiguë lors de l’ingestion d’éthylène glycol).

Les absorbeurs d’humidité de type silicagel sont souvent volés par les furets. Ils ne présentent pas de danger toxique.

En revanche, les absorbeurs d’humidité ambiante, de type chlorure de calcium (CaCl2), sont très corrosifs. Des lésions buccales (brûlures sévères) et une hypercalcémie peuvent être observées après l’ingestion.

Les colles blanches en bâton et les gommes ne sont pas toxiques mais des désordres digestifs (diarrhée) et des occlusions peuvent survenir.

Les stylos et marqueurs contiennent de l’acide borique et du xylène. Ils sont à l’origine de troubles digestifs (acide borique), respiratoires (xylène) et d’une insuffisance rénale.

Une intoxication spontanée à l’éthylène glycol a été décrite chez des furets appartenant à un même propriétaire [4]. Ces animaux possèdent une forte attirance pour ce produit. Les signes seraient semblables à ceux décrits chez le chien : troubles digestifs et nerveux puis insuffisance rénale aiguë. Après l’ingestion, l’éthylène glycol est rapidement résorbé et transformé en métabolites toxiques (acides glycolique, glyoxalique et oxalique, glycoaldéhyde) à l’origine des signes digestifs et rénaux. La conduite thérapeutique est identique à celle préconisée chez le chien.

Larsen a utilisé comme antidote une dose empirique de 1 à 2 ml/kg d’alcool fort, administrée toutes les quatre heures pendant 12 heures à chaque animal. Même si certains furets ont présenté des signes d’ébriété, tous ont été sauvés [4]. Il convient toutefois d’évaluer les risques et les bénéfices attendus pour chaque cas, de monitorer avec soin les paramètres vitaux de l’animal et d’obtenir le consentement éclairé des propriétaires. L’ingestion d’alcool entraîne rapidement une hypothermie et un état comateux dangereux chez le furet.

2. Intoxications par les plantes

Comme le jeune chien, le furet peut s’intoxiquer par jeu : transport de bulbes de plantes, fouissement dans la terre où est enracinée une plante irritante [6]. Le cannabis est aussi souvent mentionné [8]. Les intoxications décrites concernent des plantes d’intérieur. Elles ne sont pas connues et semblent peu probables pour les champignons. En effet, les sorties en extérieur ont souvent lieu en laisse ou enclos, sous la surveillance des propriétaires [5].

Intoxication par les Aracées

La famille des Aracées regroupe notamment Dieffenbachia spp, Philodendron sp, Anthurium spp, etc. Les racines, les feuilles et surtout les tiges de ces plantes d’ornement renferment une sève riche en cristaux d’oxalate de calcium et en enzymes protéolytiques, telles que la dumbaïne, qui provoque des destructions cellulaires [8].

Des projections oculaires peuvent survenir lors de fouissement dans la terre où est enracinée la plante. Une douleur oculaire importante, une kérato-conjonctivite sévère et un jetage sont observés. Des cristaux peuvent persister pendant plus d’un mois dans la cornée [8].

Le contact de la peau avec la sève peut provoquer une dermite avec érythème, phlyctène, douleur, œdème facial et alopécie en regard des points en contact régulièrement avec la plante.

Quelle que soit la voie d’exposition, le pronostic est favorable (séquelles rares). Les signes cliniques disparaissent le plus souvent en 12 à 24 heures, parfois plus lentement (une semaine). Lors de projection oculaire ou cutanée, un lavage avec des solutions stériles riches en calcium est recommandé (gluconate de calcium 10 % Lavoisier®(1)).

Intoxication par le cannabis

Cette plante herbacée annuelle, Cannabis satiiva (famille des Cannabinaccées, genre cannabis), est souvent incriminée. Des intoxications spontanées sont rapportées chez le furet à la suite de l’ingestion de tabac (marijuana), de résine (haschich) ou de l’inhalation de la fumée dégagée par le consommateur [8, 11]. La teneur en principe actif est très variable selon la drogue, sa provenance et son utilisation. Il est donc difficile d’évaluer le risque toxique réel car la dose de principe actif ne peut être déterminée précisément. Le toxique s’accumule et s’élimine très lentement de l’organisme.

Lors d’intoxication aiguë, des éternuements et des troubles de la démarche sont initialement observés, puis une hypothermie, un coma et une hypotension s’installent, ce qui peut entraîner la mort [11]. L’évolution tend le plus souvent vers la récupération lorsqu’un traitement efficace est rapidement instauré. La phase critique se situe dans les quelques heures à quelques jours qui suivent l’exposition car le toxique est éliminé très lentement. Le risque de mort par hypothermie est alors élevé. La prise en charge repose sur un nursing soigneux.

L’utilisation de l’eau oxygénée diluée est recommandée, elle permet d’obtenir des vomissements. En raison du cycle entéro-hépatique des toxiques, l’administration répétée de charbon activé pendant plusieurs jours est essentielle.

Intoxication par les oignons

L’oignon (Allium cepa) contient des dérivés soufrés qui provoquent une hémolyse. Les furets aiment voler et cacher ces plantes (tout comme les pommes de terre) (photo 2). La toxicité est conservée après cuisson (notamment dans les petits pots pour bébés) [8]. Le délai d’apparition des signes après l’ingestion d’oignons par le chien est de quelques jours [8]. Les premiers signes sont une adynamie et une faiblesse du train postérieur avec anorexie et éventuellement d’autres troubles digestifs. Ensuite, d’autres signes cliniques en rapport avec l’anémie hémolytique apparaissent. La récupération est progressive et nécessite 8 à 15 jours, ce qui correspond au temps de synthèse des nouvelles hématies.

L’administration d’acide ascorbique (30 mg/kg par voie orale ou sous-cutanée toutes les six heures) et de fer serait bénéfique.

Intoxications par les anticoagulants antivitaminiques K

Le furet peut être exposé aux anticoagulants par l’ingestion de concentrés toxiques huileux ou de graines empoisonnées au cours de jeux [2, 5]. Le temps de latence et la durée d’évolution des signes cliniques seraient plus courts que chez le chien et le chat [10]. Les hémorragies sont rapidement fatales en raison de la petite taille de l’animal. Une faiblesse voire une léthargie, une hypothermie, des troubles respiratoires (dyspnée, toux) et un gonflement des articulations sont décrits [10].

Les anomalies sanguines sont identiques à celles qui sont observées chez les chiens et les chats. Elles comprennent une anémie normochrome et normocytaire en début d’évolution, une hypoprotéinémie et une hypoalbuminémie, des temps de Quick et de Céphaline Kaolin augmentés avec un temps de thrombine non modifié. En effet, ce dernier évalue l’efficacité de l’enzyme thrombine à transformer le fibrinogène en fibrine. Cette étape de la coagulation est indépendante de la présence de vitamine K1 dans l’organisme.

La vitamine K1 ne doit pas être administrée par voie sous-cutanée car un risque de choc anaphylactique existe [10].

Intoxications par les métaux

1. Zinc

Plusieurs cas d’intoxications au zinc sont rapportés chez le furet. Il semble qu’il soit l’une des espèces les plus sensibles à ce toxique [12, 13]. Toutefois, ces intoxications sont liées à des conditions particulières de logement (animaux d’expérimentation le plus souvent) où les cages et les gamelles en zinc sont stérilisées, ce qui favorise un relargage du cation.

2. Cuivre

Une exposition chronique au cuivre est nécessaire pour que des signes cliniques apparaissent. Le furet, qui a l’habitude de lécher chaque jour les conduites d’eau anciennes de la salle de bains, peut présenter une intoxication au cuivre. Une publication mentionne l’intoxication de furets exposés au seul apport alimentaire de cuivre [3]. Une sensibilité individuelle à des doses normales serait en cause comme dans certaines races de chien.

Les signes cliniques sont semblables à ceux rencontrés chez le chien : perte de poids, vomissements, léthargie, ictère, urines très foncées, dépression du système nerveux central, puis mort malgré une prise en charge médicale. L’analyse biochimique met en évidence une augmentation variable de la bilirubinémie et de l’urémie. Les signes apparaissent brutalement sans réelle possibilité de traitement.

Intoxications iatrogéniques

1. Intoxications par les antiparasitaires externes

Les antiparasitaires externes sont assez bien tolérés chez le furet. Cependant, des accidents peuvent être observés avec certaines molécules.

Les bains d’amitraze sont fortement déconseillés. Les expositions respiratoire et orale sont inévitables, ce qui conduit à des irritations oculaires, une dyspnée, une hyperglycémie voire une hypotension. Des molécules plus fiables doivent être prescrites (avermectines par exemple).

L’ivermectine est bien tolérée. Cependant, un surdosage peut rapidement provoquer une intoxication en raison du solvant utilisé dans les préparations injectables (propylène glycol par exemple). Une inflammation locale après une injection sous-cutanée peut être observée. Des troubles nerveux (ataxie) sont également possibles.

Le fipronil ne présente pas de toxicité chez le furet. Les présentations spray ou spot-on pour chats sont couramment prescrites. Toutefois, il convient de peser l’animal et de s’assurer de ne pas surdoser la molécule. L’administration d’une demi-pipette chat sur un furet mâle adulte (1 à 1,5 kg environ) est la dose maximale à respecter.

2. Intoxications par les anti-inflammatoires non stéroïdiens

L’ingestion accidentelle de médicaments mal rangés et l’automédication par les propriétaires sont les causes les plus fréquentes d’intoxications (photo 3).

Il semblerait que le furet soit assez sensible à l’ibuprofène et au paracétamol bien que les mécanismes d’action toxiques de ces molécules soient mal connus dans cette espèce.

Les cas d’intoxication décrits concernent, en général, des surdosages ou l’administration d’anti-inflammatoires à des animaux débilités. Cependant, la forte fréquence des ulcères gastriques chez le furet doit conduire à associer un pansement digestif aux anti-inflammatoires.

Ibuprofène

Une étude rétrospective sur une quarantaine de cas d’intoxication à l’ibuprofène chez le furet a été réalisée [9]. Plus de 90 % des furets qui ont ingéré de l’ibuprofène développent des troubles nerveux en quatre à huit heures : dépression centrale, coma, ataxie, trémulations et fatigue musculaire. Le plus long temps de latence observé est de 48 heures après l’ingestion. La moitié des animaux présente également des troubles digestifs : anorexie, vomissements, régurgitations et hoquets, diarrhée avec méléna, douleur abdominale. Quelques animaux sont atteints de graves troubles rénaux (polyuro-polydipsie, dysurie, déshydratation, hypothermie, acidose métabolique et respiration superficielle) [1, 9]. La plus faible dose ingérée associée à une mortalité est de 220 mg/kg [9].

Les doses thérapeutiques sont de 1 mg/kg toutes les 12 à 24 heures.

Paracétamol

Nombre de propriétaires réalisent une automédication de leur animal avec du paracétamol. Ils croient ce médicament sans danger car il peut être administré aux jeunes enfants.

Des cas d’intoxication au paracétamol sont suspectés chez le furet. L’animal peut avaler les comprimés laissés sur une table. Les signes cliniques observés sont liés à des lésions rénales et hépatiques : néphrose diffuse sévère avec une forte atteinte des tubes contournés proximaux, nécrose hépatique diffuse et sévère, foie friable, pâle et de volume augmenté. Il n’est pas rapporté de méthémoglobinémie [7].

3. Intoxication par les anesthésiques locaux

Les préparations à base d’anesthésique à usage local peuvent être anormalement résorbées sur le site d’application léché par l’animal [14]. Le tube peut être également ingurgité. Les signes cliniques de toxicité de la benzocaïne chez le furet sont des vomissements, de durée et d’intensité variables, une dépression, une cyanose, une dyspnée et une tachypnée.

Comme chez les autres carnivores domestiques, le risque toxique est plus important chez les jeunes furets, qui, par jeu, mâchonnent et ingèrent des substances dangereuses. Cependant, des individus plus âgés peuvent être touchés (appétence pour certains toxiques tels que les composés huileux et l’éthylène glycol ou encore automédication par les propriétaires). La conduite à tenir lors d’intoxication chez le furet s’appuie sur un traitement de soutien et des mesures d’élimination. Il convient de tenir compte des particularités liées à la faible taille de l’animal (gestes techniques, doses toxiques), à son comportement (contention) et à sa physiologie (devenir du toxique, procédures d’élimination).

  • (1) Médicament humain.

Références

  • 1 - Cathers TE, Isaza R, Oehme F. Acute ibuprofen toxicosis in a ferret. J. Am. Vet. Med. Assoc. 2000;216(9):1426-1428.
  • 2 - Dumonceaux GA. Household toxicoses in exotic animals and pet birds. In : Bonagura JD, Kirk RW. Current Veterinary Therapy XI. WB Saunders, Philadelphia. 1992:178-182.
  • 3 - Fox JG, Zeman DH, Mortimer JD. Copper toxicosis in sibbling ferrets. J. Am. Vet. Med. Assoc. 1994;205(8):1154-1156.
  • 4 - Larsen RS. Ethylene glycol toxicosis in multiple ferrets (Mustela putorius furo). Exotic Pet Practice. 1996;1(11): 7.
  • 5 - Lewington JH. Ferret husbandry, medicine and surgery. 2nd éd. Saunders-Elsevier, Oxford. 2007:520p.
  • 6 - Linsart A. Conduite diagnostique et thérapeutique des principales intoxications chez les Rongeurs, le lapin et le furet. Thèse Méd. Vét. Nantes. 2005;41:363p.
  • 7 - Lucas J. Paracetamol toxicity in the ferret. Intern. Med. Small Comp. Anim. 1998:33-37.
  • 8 - Masson L. Intoxications par les plantes et produits d’origine végétale chez les animaux de compagnie. Thèse Méd. Vet. Alfort. 1999;84:287p.
  • 9 - Richardson JA, Balabusko RA. Ibuprofen ingestion in ferrets : 43 cases. J. Vet. Emerg. Crit. Care. 2001;11(1):53-58.
  • 10 - Richardson JA, Gwaltney-brant SM. Tips for treating anticoagulant rodenticide toxicity in small mammals. Exotic DVM. 2002;4(1):5.
  • 11 - Smith RA. Coma in a ferret after ingestion of cannabis. Vet. Human Toxicol. 1988;30(5):486.
  • 12 - Straube EF, Schuster NH, Sinclair AJ. Zinc toxicity in the ferret. Comparative Pathology. 1980;90:355-361.
  • 13 - Straube EF, Walden NB. Zinc poisoning in ferrets (Mustela putorius furo). Laboratory Animals. 1981;15:45-47.
  • 14 - Welch SL. Local anesthetic toxicosis. Vet. Med. 2000;Sept.670-673.

Encadré : Particularités physiologiques et anatomiques du furet

• L’anatomie digestive du furet contribue à raccourcir les délais de latence et à augmenter la résorption des toxiques par voie orale. En effet, la capacité stomacale du furet est importante compte tenu de son poids. Un mâle adulte peut laper 5 à 10 ml d’une substance liquide qu’il apprécie [3, 5]. Les quantités ingérées atteignent vite des doses nocives. Le pH acide de l’estomac, sa vidange complète quasi immédiate après chaque repas et le transit digestif rapide (trois heures chez l’adulte) entraînent une résorption très rapide des toxiques (notamment acides) [6]. Les temps de latence sont par conséquent très courts.

• Par ailleurs, en raison de sa petite taille, le rapport surface sur volume est élevé chez le furet. Une exposition cutanée est donc plus souvent à l’origine d’une intoxication que chez les mammifères de plus grande taille. La résorption orale est augmentée lors du léchage (toilettage ou substance appétente).

• Si la symptomatologie des intoxications est souvent semblable entre le chien, le chat et le furet, certaines particularités cliniques doivent rester à l’esprit du praticien. Le furet est un animal vif et curieux, l’absence de comportement exploratoire sur la table de consultation est complètement anormale. La couleur du nez ou des coussinets sont d’excellents indicateurs d’un état de cyanose (muqueuses violacées) ou d’un choc hypotensif (nez très pâle, blanc). Les atteintes du train postérieur (boiterie, ataxie) ne sont pas toujours des signes nerveux ou locomoteurs et il convient de rechercher en priorité un état de faiblesse de l’animal (hypoglycémie, forte douleur abdominale, etc.) [3, 5].

POINTS FORTS

• Certaines lignées de furet présenteraient une sensibilité accrue au cuivre. La seule exposition au cuivre alimentaire pourrait être à l’origine d’intoxication mortelle.

• Les produits ménagers (lessive, substances savonneuses, éthylène glycol, etc.) sont appréciés par le furet.

• Le comportement exploratoire oral et le caractère joueur du furet l’exposent aux intoxications par les plantes (fouissage, mâchonnement et transport de bulbes).

• Les anti-inflammatoires doivent être systématiquement associés à un pansement digestif afin de diminuer le risque d’ulcération gastrique.

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