Recommandations concernant le sevrage de médicaments avant la réalisation de tests allergologiques - Le Point Vétérinaire expert canin n° 336 du 01/06/2013
Le Point Vétérinaire expert canin n° 336 du 01/06/2013

ALLERGOLOGIE CANINE

Analyse d’article

Auteur(s) : Catherine Laffort

Fonctions : Clinique vétérinaire Alliance
8, boulevard Godard
33300 Bordeaux

Cette revue a été conduite par les deux auteurs pour le compte du groupe d’experts sur la dermatite atopique animale (International Committee on Atopic Diseases of Animals, Icada).

Elle a pour objectif d’établir des recommandations fondées sur des preuves actuelles concernant le délai de sevrage de médicaments antiallergiques avant la réalisation d’un test intradermique ou d’un dosage sérologique d’immunoglobulines E (IgE) spécifiques d’allergènes chez le chien. Ces tests allergologiques sont fréquemment utilisés pour déterminer le profil de sensibilisation (aéro-allergènes seulement) des chiens atopiques afin de pratiquer une éviction ou de mettre en place une immunothérapie spécifique. La dermatite atopique canine se définit comme une dermatite allergique prurigineuse d’origine génétique, caractérisée par des signes cutanés caractéristiques et associée, dans la plupart des cas, à la synthèse d’IgE spécifiques d’antigènes environnementaux [3]. Les chiens atopiques reçoivent fréquemment, y compris pendant la phase d’investigation, des médicaments antiprurigineux et anti-inflammatoires qui pourraient interférer avec la lecture ou l’interprétation des tests allergologiques. Les préconisations sur les délais de sevrage de ces médicaments étaient jusqu’alors fondées plus souvent sur des impressions cliniques que sur des faits scientifiques. Cette synthèse fait le point sur les données à notre disposition et dégage quelques recommandations pratiques.

La stratégie de recherche des auteurs a été large mais non exhaustive puisqu’elle s’est concentrée sur des articles disponibles dans trois bases de données électroniques, les actes de conférences des congrès mondiaux de dermatologie vétérinaire, des congrès de l’AAVD (American Academy of Veterinary Dermatology)/ACVD (American College of Veterinary Dermatology) et de l’ESVD (European Society of Veterinary Dermatology)/ECVD (European College of Veterinary Dermatology). Elle a permis d’identifier seulement un petit nombre d’essais appréciant l’influence de différentes interventions antiallergiques sur les résultats des tests allergologiques usuels.

TESTS INTRADERMIQUES

Les données les plus nombreuses concernent les tests intradermiques : 3 études évaluent l’effet d’antihistaminiques oraux, 5 celui de corticoïdes oraux d’action courte, 1 l’influence de corticoïdes d’action retard, 4 celle de dermocorticoïdes, 2 celle de corticoïdes contenus dans des préparations auriculaires, 4 l’effet de la ciclosporine, et 1 celui du tacrolimus, de la pentoxifylline orale, du kétoconazole ou des acides gras essentiels. Dans ces essais, les auteurs se fondent le plus souvent sur les variations des réactions immédiates à l’histamine ou à un extrait de puce avant et après chaque intervention. Il n’est pas démontré que la réactivité à d’autres allergènes, en particulier les acariens de la poussière de maison, suive le même profil d’inhibition, puis de retour à la normale [7]. De plus, les extraits allergéniques de puce, hormis la salive de puce pure, sont de piètre qualité et leur utilisation pourrait nuire à la répétabilité du test intradermique [5]. Cette répétabilité des tests intradermiques pour un même opérateur et pour plusieurs a été évaluée comme bonne à modérée [2]. Les auteurs de la synthèse ont recoupé les données afin d’évaluer l’effet de l’extrait testé sur les délais de sevrage minimal et optimal. Après éviction des extraits allergéniques de puce, les résultats seraient identiques. Le délai de sevrage optimal ne serait pas affecté par l’exclusion de la réactivité à l’histamine et seul celui de sevrage minimal serait modifié pour les antihistaminiques [4]. Les recommandations faites par les auteurs de cette revue ne peuvent être extrapolées à d’autres molécules (y compris de la même famille), ou à des dosages et pour des durées d’administration différents de ceux testés dans les essais identifiés pour cette synthèse. Ainsi, il serait souhaitable, à l’avenir, de connaître les délais de sevrage nécessaires pour les antidépresseurs tricycliques, certains antihistaminiques comme la loratadine ou la fexofénadine, ou bien encore l’association antihistaminiques-corticoïdes.

DOSAGE SÉROLOGIQUE D’IgE

Les éléments concernant les délais de sevrage optimal et minimal lors d’un dosage sérologique d’IgE spécifiques d’allergènes sont encore plus rares. Aucune étude ne s’est, par exemple, intéressée à ces données après l’administration d’antihistaminiques, de dermocorticoïdes ou de corticoïdes contenus dans des préparations auriculaires. Les seules données disponibles ont trait au délai à respecter après une administration de corticoïdes oraux d’action courte (2 essais) ou injectables d’action longue (1 essai) et de ciclosporine (3 essais). Pour les corticoïdes oraux et la ciclosporine, aucun sevrage ne semble nécessaire. Cependant, une étude rétrospective présentée au congrès de l’AAVD/AVCD en 1998 a montré que 50 % des chiens atopiques testés négativement in vitro une première fois ont développé des réactions positives lorsqu’ils étaient testés à distance de toute corticothérapie (sevrage d’un mois au minimum) [5]. Lors de l’administration d’acétate de méthylprednisolone (2 mg/kg, deux fois à 1 mois d’intervalle), aucun effet sur la détection d’IgE spécifiques d’allergènes salivaires de puces n’a été observé 1 mois après la seconde injection [1]. Sur la base de ces résultats, les auteurs de la synthèse suggèrent que le délai optimal de sevrage pourrait être inférieur à 28 jours (délai minimal de sevrage de 28 jours pour les tests intradermiques). Comme pour les tests intradermiques, ces valeurs ne sont pas extrapolables à d’autres situations thérapeutiques. Lors des essais sur les dosages sérologiques d’IgE spécifiques d’allergènes, les traitements antiallergiques étaient administrés sur des périodes inférieures à 2 mois.

Conclusion

Cette synthèse a été bien conduite. Cependant, de l’aveu même des auteurs, les études sélectionnées sont trop peu nombreuses. Au-delà des recommandations, cette revue met en avant le besoin de réaliser d’autres essais, avec de nouvelles molécules, et pour des dosages et des durées de traitement différents. Les auteurs de cette synthèse suggèrent que les fabricants puissent fournir de telles informations à la mise sur le marché de nouvelles molécules antiallergiques. Il serait également souhaitable de connaître ces valeurs lors de la réalisation d’un régime d’éviction dans le cadre des hypersensibilités alimentaires.

Références

  • 1. Clarke KB, Bevier DE, Radecki SV et coll. The effects of corticosteroid treatment on anti-flea saliva IgE, as measured by intredermal skin testing and Elisa, in laboratory Beagles with experimentally induced flea allergy dermatitis. Vet. Dermatol. 2000;11(suppl.1):50.
  • 2. Ferrer-Canals G, Plant JD, Beale KM et coll. Reliability of intradermal allergy tests in dogs with atopic dermatitis. Vet. Dermatol. 2009;20:228.
  • 3. Halliwell REW, Gilbert S. Allergy testing revisited. In: Advances in Veterinary Dermatology. Vol. 7. Torres SMF, Frank LA, Hargis AM (eds.). John Wiley & Sons, Ltd, Oxford, UK. 2013:305-312.
  • 4. Halliwell RE. Revised nomenclature for veterinary allergy. Vet. Immunol. Immunopathol. 2006;114:207-208.
  • 5. Laffort-Dassot C, Carlotti DN, Pin D, Jasmin P. Diagnosis of flea allergy dermatitis: comparison of intradermal testing with flea antigens and a fceRIa-based assay in response to flea control. Vet. Dermatol. 2004;15:321-330.
  • 6. McCall C. One year experience with IgE Fc RI testing. Proc. Annu. Memb. Meet. Am. Acad. Vet. Dermatol. Am. Coll. Vet. Dermatol. 1998;14:51.
  • 7. Miller WH, Griffin CE, Campbell KL. In: Muller and Kirk’s Small Animal Dermatology. 7th. Ed. Elsevier Mosby, St. Louis, USA. 2013:373.

Conflit d’intérêts

Aucun.

RÉSUMÉ

OBJECTIF

Donner des recommandations fondées sur le niveau de preuve relatif au sevrage de médicaments antiallergiques avant la réalisation de test intradermique (IDT) ou de dosage sérologique d’IgE spécifiques d’allergènes (Asis).

MATÉRIEL ET MÉTHODES

Une recherche électronique à partir de trois bases de données électroniques et une recherche manuelle complémentaire ont permis de sélectionner les essais qui ont trait au thème de cette revue. Ces derniers ont été groupés par test allergologique et par catégorie de molécules, essentiellement les glucocorticoïdes oraux (action courte), injectables (longue action), topiques ou auriculaires, les antihistaminiques et la ciclosporine. À partir de l’extrapolation des résultats des études sélectionnées, deux paramètres ont été proposés pour chaque catégorie : le délai de sevrage optimal pour lequel aucune interférence avec les résultats du test n’est attendue et le délai de sevrage minimal pour lequel un petit effet inhibiteur est tout au plus possible, sans effet sur l’interprétation du test.

RÉSULTATS

Le délai de sevrage optimal avant la lecture de réactions immédiates lors de test intradermique est de 7 jours pour les antihistaminiques et de 14 jours pour les glucocorticoïdes oraux, topiques ou auriculaires. Aucun sevrage n’est nécessaire pour la ciclosporine.

Sur la base des essais sélectionnés dans cette synthèse, aucun sevrage n’est requis pour la ciclosporine et la prednisone ou la prednisolone avant la réalisation de dosages sérologiques d’IgE spécifiques d’allergènes. À ce jour, il n’est pas possible de faire des recommandations sur le sevrage des glucocorticoïdes topiques et des antihistaminiques.

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