Rupture du ligament croisé chez le chien : techniques chirurgicales - Le Point Vétérinaire expert canin n° 335 du 01/05/2013
Le Point Vétérinaire expert canin n° 335 du 01/05/2013

CHIRURGIE ORTHOPÉDIQUE CANINE

Analyse d’article

Auteur(s) : Alexandre Caron

Fonctions : Fitzpatrick Referrals Ltd
Halfway lane, Eashing lane
Godalming, GU72QQ
Surrey, United Kingdo

La rupture du ligament croisé chez le chien est un sujet d’étude fréquent et de nombreuses techniques chirurgicales ont été décrites. Cependant, à ce jour, aucun essai n’a établi une comparaison statistiquement forte entre les différentes méthodes modernes. L’étude résumée est la première qui présente une comparaison entre l’avancement de la tubérosité tibiale (TTA) et d’autres procédures chirurgicales [2].

PLUSIEURS TECHNIQUES

Les ostéotomies tibiales sont désormais acceptées et pratiquées par une grande majorité de spécialistes dans le traitement de la rupture du ligament croisé cranial (LCCr), notamment chez les chiens de moyenne à grande taille [8]. La mise en place d’une suture latérale reste néanmoins toujours couramment pratiquée.

Plusieurs comparaisons directes entre l’ostéotomie de nivellement du plateau tibial (TPLO) et la suture extracapsulaire latérale ont été publiées, et une seule a récemment démontré une supériorité de la TPLO pour l’utilisation du membre [1, 3, 4, 11]. L’étude résumée est la première incluant une troisième technique chirurgicale : Tight Rope (TR) [2].

Une étude a également mis en évidence un risque accru de développement d’arthrose après le traitement chirurgical d’une rupture du LCCr à l’aide d’une suture extracapsulaire latérale [9].

DE RÉELLES DIFFÉRENCES ?

Afin de s’assurer que la différence finale soit liée à la technique étudiée, il convient que les populations soient initialement identiques. Dans l’article résumé, la durée de la boiterie et le degré d’arthrose préopératoire ne sont pas mentionnés, bien qu’ils auraient pu avoir une influence importante [2].

La différence majeure entre les trois techniques évaluées dans l’article est le taux de complications majeures et plus précisément celui de lésions méniscales différées (12,3 % des TPLO, 27,8 % des TTA et 6,3 % des TR) [2]. Cependant, il est intéressant de relever que le taux de lésions méniscales était initialement de 52 %, de 28 % et de 71 % pour les cas traités respectivement par TPLO, TTA et TR. De plus, un relâchement méniscal a été réalisé dans 7,7 %, 22,2 % et 8,9 % des cas traités respectivement par TPLO, TTA et TR. Ainsi, respectivement 60 %, 50 % et 80 % environ des cas traités par TPLO, TTA et TR ont subi une chirurgie méniscale initialement. Le plus faible nombre de ménisques lésés dans le groupe traité par TTA peut expliquer, tout au moins partiellement, la plus grande probabilité de développer une lésion méniscale différée pour ces animaux. Cela apparaît comme un biais majeur.

De plus, l’évaluation articulaire par voie arthroscopique dans le groupe traité par TR peut avoir eu un impact non négligeable à deux niveaux. D’une part, la magnification de l’arthroscopie offre une sensibilité (80 %) plus importante dans la détection des lésions méniscales [12]. Ainsi, le risque de lésion méniscale différée peut être plus faible par réduction du nombre de lésions méniscales peu sévères non détectées. Cela souligne également la différence entre les taux de lésions méniscales détectées lors de la chirurgie, de 71 % dans le groupe TR, c’est-à-dire deux fois plus élevé que les taux généralement rapportés dans la littérature [5, 7]. D’autre part, sur le plan de la récupération fonctionnelle, il a été clairement démontré que les chiens bénéficiant d’une arthroscopie récupèrent plus rapidement que ceux subissant une arthrotomie [6].

Concernant l’évaluation à long terme, l’emploi, ou non, et la fréquence d’administration d’un traitement médical ne sont pas mentionnés. Cela pourrait néanmoins introduire une différence de récupération fonctionnelle et de degré de douleur rapporté par les propriétaires.

Enfin, le protocole de réhabilitation n’est pas indiqué alors qu’il a été démontré que cela peut influer sur les résultats fonctionnels [10].

MOYENS D’ÉVALUATION

Dans l’étude résumée, l’évaluation fonctionnelle est purement subjective et celle à long terme repose essentiellement sur l’avis des propriétaires. L’évaluation subjective du degré de boiterie est d’intérêt limité par rapport à l’utilisation d’un plateau de force [13]. De même, l’appréciation par les propriétaires a été démontrée comme faiblement corrélée aux résultats du plateau de force lors de boiterie du membre thoracique. Bien que cela n’ait pas été prouvé scientifiquement pour le membre pelvien, une évaluation par plateau de force semble plus précise.

Considérant le peu de différences entre les techniques, l’emploi d’un plateau de force permettrait une analyse plus approfondie. Ainsi, les résultats seraient beaucoup plus solides et il serait plus aisé de tirer des conclusions pouvant avoir un impact clinique.

Conclusion

Une attention toute particulière à la puissance statistique, ainsi qu’aux protocoles scientifiques est requise afin de ne pas établir de conclusions de manière hâtive. Les différences observées entre les techniques chirurgicales de traitement de la rupture du LCCr sont faibles. Ainsi, une large population est nécessaire afin d’obtenir des résultats statistiquement intéressants. De plus, il convient que les moyens d’évaluation des résultats soient les plus objectifs possible et la population initiale homogène en tous points (nombre réduit de chirurgiens, signalement et taux de lésions articulaires identiques) afin de limiter les biais autant que possible.

À partir de l’étude résumée, une certaine supériorité de la TPLO et de la TR par rapport à la TTA peut être suspectée, mais une analyse plus approfondie est nécessaire.

Références

  • 1. Au KK, Gordon-Evans WJ, Dunning D et coll. Comparison of short- and long-term function and radiographic osteoarthrosis in dogs after postoperative physical rehabilitation and tibial plateau leveling osteotomy or lateral fabellar suture stabilization. Vet. Surg. 2010;39(2):173-180.
  • 2. Christopher SA, Beetem J, Cook JL. Comparison of long-term outcomes associated with three surgical techniques for treatment of cranial cruciate ligament disease in dogs. Vet. Surg. 2013;42(3):329-334.
  • 3. Conzemius MG, Evans RB, Besancon MF et coll. Effect of surgical technique on limb function after surgery for rupture of the cranial cruciate ligament in dogs. J. Am. Vet. Med. Assoc. 2005;226(2):232-236.
  • 4. Cook JL, Luther JK, Beetem J, Karnes J et coll. Clinical comparison of a novel extracapsular stabilization procedure and tibial plateau leveling osteotomy for treatment of cranial cruciate ligament deficiency in dogs. Vet. Surg. 2010;39(3):315-323.
  • 5. Fitzpatrick N, Solano MA. Predictive variables for complications after TPLO with stifle inspection by arthrotomy in 1000 consecutive dogs. Vet. Surg. 2010;39(4):460-474.
  • 6. Hoelzler MG, Millis DL, Francis DA et coll. Results of arthroscopic versus open arthrotomy for surgical management of cranial cruciate ligament deficiency in dogs. Vet. Surg. 2004;33(2):146-153.
  • 7. Kalff S, Meachem S, Preston C. Incidence of medial meniscal tears after arthroscopic assisted tibial plateau leveling osteotomy. Vet. Surg. 2011;40(8):952-956.
  • 8. Kim SE, Pozzi A, Kowaleski MP, Lewis DD. Tibial osteotomies for cranial cruciate ligament insufficiency in dogs. Vet. Surg. 2008;37(2):111-125.
  • 9. Lazar TP, Berry CR, deHaan JJ, Peck JN, Correa M. Long-term radiographic comparison of tibial plateau leveling osteotomy versus extracapsular stabilization for cranial cruciate ligament rupture in the dog. Vet. Surg. 2005;34(2):133-141.
  • 10. Monk ML, Preston CA, McGowan CM. Effects of early intensive postoperative physiotherapy on limb function after tibial plateau leveling osteotomy in dogs with deficiency of the cranial cruciate ligament. Am. J. Vet. Res. 2006;67(3):529-536.
  • 11. Nelson SA, Krotscheck U, Rawlinson J et coll. Long-term functional outcome of tibial plateau leveling osteotomy versus extracapsular repair in a heterogeneous population of dogs. Vet. Surg. 2013;42(1):38-50.
  • 12. Pozzi A, Hildreth BE, Rajala-Schultz PJ. Comparison of arthroscopy and arthrotomy for diagnosis of medial meniscal pathology: an ex vivo study. Vet. Surg. 2008;37(8):749-755.
  • 13. Quinn MM, Keuler NS, Lu Y, Faria ML, Muir P, Markel MD. Evaluation of agreement between numerical rating scales, visual analogue scoring scales, and force plate gait analysis in dogs. Vet. Surg. 2007;36(4):360-367.

Conflit d’intérêts

Aucun.

RÉSUMÉ

OBJECTIF

Comparer les résultats à long terme des trois techniques chirurgicales de traitement d’une rupture de ligament croisé cranial (LCCr) que sont le Tight Rope (TR), l’avancement de la tubérosité tibiale (TTA) et l’ostéotomie de nivellement du plateau tibial (TPLO).

MÉTHODE

Étude rétrospective. Un questionnaire d’évaluation a été envoyé aux propriétaires de chiens traités par TPLO, TTA ou TR pour une rupture du LCCr, au moins un an après le traitement chirurgical.

RÉSULTATS

79 TR, 65 TPLO et 18 TTA ont été inclus. Le grasset a été inspecté par arthrotomie dans la majorité des cas de TPLO ou de TTA alors qu’une arthroscopie a été réalisée dans les cas de TR. Une rupture partielle du LCCr a été identifiée dans environ un quart des cas de TPLO et de TR tandis que seulement la moitié des cas traités par TTA présentait une rupture complète. Une lésion méniscale a été diagnostiquée dans 52 % des cas de TPLO, 71 % des cas de TR et 28 % des cas de TTA. Un relâchement méniscal a été pratiqué dans 7,7 %, 8,9 % et 22,2 % des cas de TPLO, de TR et de TTA respectivement.

Les auteurs décrivent des complications majeures dans respectivement 18,5 %, 38,9 % et 8,9 % des cas de TPLO, de TR et de TTA. Ainsi, les cas traités par TTA sont associés à un plus grand risque de complication majeure que lors de TPLO et la technique de TR obtient un taux de complications majeures significativement plus faible que les deux autres procédures. Aucune différence significative n’a été relevée concernant le taux de complications mineures ou catastrophiques. La complication majeure la plus souvent rapportée dans tous les cas est le développement d’une lésion méniscale différée (12,3 % des TPLO, 27,8 % des TTA et 6,3 % des TR).

Les cas traités par TPLO et TR ont quatre fois plus de chances de retrouver une fonction complète du membre.

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