Facteurs influençant les taux d’IgE sériques spécifiques d’allergènes chez le chat - Le Point Vétérinaire expert canin n° 334 du 01/04/2013
Le Point Vétérinaire expert canin n° 334 du 01/04/2013

ALLERGOLOGIE FÉLINE

Analyse d’article

Auteur(s) : Catherine Laffort

Fonctions : Clinique vétérinaire Alliance
8, boulevard Godard
33300 Bordeaux

L’allergologie féline est une discipline complexe en raison de la variété des tableaux cliniques associés et de l’absence de preuve formelle de l’implication des immunoglobulines E (IgE) dans la pathogénie des réactions d’hypersensibilité.

SIGNES CLINIQUES D’HYPERSENSIBILITÉ

Les signes cliniques se manifestent le plus souvent sous forme d’entités lésionnelles spécifiques du chat : prurit cervico-facial, dermatite miliaire, alopécie auto-induite, lésions du complexe granulome éosinophilique. Un animal peut développer une ou plusieurs de ces entités de façon concomitante. Aucune de ces présentations cliniques n’est spécifique d’une dermatose par hypersensibilité et encore moins d’une catégorie d’allergènes (salive de puce, allergènes alimentaires ou environnementaux) [2, 4, 8].

CRITÈRES DIAGNOSTIQUES CLINIQUES

Dans l’espèce féline, des études récentes se sont attachées à établir des critères cliniques positifs pour le diagnostic des dermatoses par hypersensibilité et à valider un score pour l’évaluation de la sévérité de l’atteinte clinique et de la réponse aux interventions thérapeutiques testées lors d’essais [2, 4, 9]. Ainsi, un essai prospectif sur 501 individus présentés pour un prurit a permis de constituer une liste de critères pour aider à l’établissement du diagnostic des dermatoses par hypersensibilité chez le chat. Des lésions dorsales et caudales sont observées le plus souvent chez les animaux atteints d’allergie aux piqûres de puces. La présence de cinq des huit critères suivants chez un animal présenté pour un prurit permet de diagnostiquer une dermatite allergique non liée aux piqûres de puces avec une sensibilité de 75 % et une spécificité de 76 % :

– deux sites atteints au minimum ;

– présence d’au minimum deux des patrons lésionnels suivants : alopécie symétrique, dermatite miliaire, dermatite éosinophilique, érosions ou ulcérations de la tête et du cou ;

– une alopécie symétrique ;

– des lésions labiales ;

– des érosions ou des ulcérations sur le menton ou sur le cou ;

– pas de lésions dorso-lombaires ;

– absence d’alopécie non symétrique en région dorso-lombaire ou sur la queue ;

– absence de nodules ou de tumeurs [2].

Il n’a pas été possible d’établir une liste de critères qui permettent de distinguer les chats atteints d’hypersensibilité alimentaire de ceux présentant une dermatose par hypersensibilité, non liée à des allergènes alimentaires ou aux piqûres de puces [2]. L’atteinte cervico-faciale érosive à ulcérative est plus fréquente chez ceux atteints d’hypersensibilité alimentaire, mais n’est pas pathognomoniques de cette entité [2]. L’atteinte classique lors de dermatite atopique canine (lèvres, pavillons auriculaires, pieds) est beaucoup moins fréquente, mais serait sous-estimée pour certains auteurs qui considèrent, de façon beaucoup plus réductrice, la dermatite atopique féline comme une entité clinique prurigineuse, cortico-sensible, caractérisée par un érythème facial et podal touchant de jeunes animaux [6].

DERMATITE ATOPIQUE FÉLINE ?

La contrepartie féline de la dermatite atopique canine est une entité encore mal comprise et mal définie. Pourtant, plusieurs éléments immunologiques militent en faveur de son existence : tests d’anaphylaxie cutanée positifs, caractérisation des IgE félines, nature de l’infiltrat inflammatoire en peau lésée ou non chez les animaux suspects, augmentation des taux d’IgG spécifiques d’allergènes chez ces derniers, tests épicutanés positifs avec des extraits d’acariens et présence d’un infiltrat inflammatoire dans les zones réactionnelles en faveur d’une réaction allergique. Pour autant, comme le confirme à nouveau l’étude présentée, des anticorps spécifiques d’allergènes sont présents chez des chats sains et leurs taux ne sont pas significativement différents de ceux observés chez des individus suspects de dermatose par hypersensibilité [3]. Cette étude précise aussi certains des facteurs qui influent sur les taux d’IgE spécifiques chez les animaux sains ou suspects de dermatose par hypersensibilité. Ainsi, l’âge, le mode de vie (accès ou non à l’extérieur) et les traitements antiparasitaires internes et externes sont positivement corrélés aux taux d’IgE spécifiques d’allergènes.

TESTS ALLERGOLOGIQUES CHEZ LE CHAT

Le diagnostic final reste fondé sur l’exclusion des autres causes de dermatites prurigineuses (selon la présentation clinique : ectoparasitoses, dermatophytose, dermatite par allergie aux piqûres de puces, piqûres de moustiques, allergie alimentaire, dermatose psychogénique, pemphigus foliacé, dermatose virale, pyodermite). Une fois les causes non allergiques de prurit exclues, la difficulté de réalisation et d’interprétation des tests allergologiques constitue une barrière importante en allergologie féline. L’étude présentée apporte cependant une avancée intéressante qui avait déjà été suspectée par d’autres auteurs au cours d’études sur le diagnostic allergologique de la dermatite par allergie aux piqûres de puces (DAPP) [1, 5]. Le dosage d’IgE spécifiques antipuces à l’aide d’un test Elisa reposant sur l’utilisation du récepteur de haute affinité aux IgE, Fce, peut être mis en œuvre dans le diagnostic de la DAPP et ainsi, à la lumière de l’anamnèse et des signes cliniques, orienter la démarche allergologique initiale vers une épreuve thérapeutique insecticide ou un régime d’éviction. La sensibilité est de 87 % (14 résultats positifs chez 16 chats atteints de DAPP) et la spécificité de 74 % (47 résultats positifs chez 183 animaux allergiques non atteints de DAPP). Les intra-dermo-réactions semblent moins fiables qu’un test sérologique utilisant le récepteur de haute affinité aux IgE, FceRIa, lorsque les résultats de ces tests allergologiques sont comparés à ceux d’une épreuve de provocation chez des individus sensibilisés à la salive de puce, mais qui ne présentent pas de signes cliniques [1]. McCall avait obtenu des résultats similaires en employant le même test sérologique et des intradermoréactions à l’aide de salive pure [5].

Les intra-dermo-réactions sont rarement réalisées chez le chat car elles sont plus difficiles à mettre en œuvre et à interpréter que chez le chien. L’utilisation de fluorescéine, par voie intraveineuse avant les tests, permet d’améliorer la qualité de la lecture après 20 à 30 minutes [7]. Chez des animaux atteints de dermatose par hypersensibilité non induite par les puces ou des trophallergènes, elles restent le meilleur moyen de caractériser les sensibilisations allergiques afin de mettre en place une désensibilisation. Des progrès restent à faire pour déterminer la nature et la concentration des allergènes utilisés et améliorer leur répétitivité [3].

Conclusion

Les résultats de cette étude confirment le faible intérêt des dosages d’IgE spécifiques d’allergènes dans la démarche diagnostique des dermatoses félines par hypersensibilité, sauf pour déterminer le rôle joué par les allergènes de Ctenocephalides felis felis. Le diagnostic d’une dermatose par hypersensibilité non liée aux puces reste un diagnostic clinique après exclusion des autres dermatoses entrant dans le diagnostic différentiel.

RÉSUMÉ

OBJECTIFS

• Évaluer l’influence possible de l’âge, du sexe, du statut de vermifugation, du mode de vie et du traitement contre les puces sur les taux d’immunoglobulines E (IgE) sériques spécifiques d’allergènes chez le chat.

• Étudier la fiabilité des tests sérologiques pour prédire le diagnostic final chez un chat présenté pour du prurit.

MÉTHODE

Des dosages d’IgE spécifiques d’allergènes environnementaux, alimentaires ou contenus dans la salive de puce ont été effectués à l’aide d’un test Elisa fondé sur l’utilisation du récepteur Fcε à partir du sérum de 179 chats présentés pour une dermatose prurigineuse d’étiologie variée et de 20 individus sains. Le résultat de ces dosages a été comparé au diagnostic final établi par un vétérinaire spécialiste en dermatologie au terme d’une démarche diagnostique incluant, au minimum, des raclages cutanés, une culture mycologique et un contrôle antipuces adapté. Les animaux ont ainsi été répartis dans quatre groupes : dermatoses non liées à une hypersensibilité, hypersensibilité induite par des trophallergènes, hypersensibilité due à des aéro-allergènes et hypersensibilité d’origine indéterminée en l’absence de réalisation d’un régime d’éviction.

RÉSULTATS

• Une corrélation positive existe entre l’âge, le mode de vie, la non-vermifugation, l’absence de traitement antipuces et les taux d’IgE spécifiques d’allergènes. Le sexe et le lieu de vie (urbain ou rural) ne semblent pas affecter la formation d’IgE spécifiques d’allergènes.

• Le dosage d’IgE spécifiques d’allergènes ne constitue pas une méthode fiable pour diagnostiquer une hypersensibilité à des allergènes alimentaires ou environnementaux chez le chat. En revanche, ce test peut être utilisé pour diagnostiquer une hypersensibilité aux piqûres de puces dans l’espèce féline.

Conflit d’intérêts

Aucun.

Retrouvez toute l’actualité vétérinaire
dans notre application