Cholécystite chez une chatte - Le Point Vétérinaire expert rural n° 334 du 01/04/2013
Le Point Vétérinaire expert rural n° 334 du 01/04/2013

MÉDECINE FÉLINE

Cas clinique

Auteur(s) : Nicolas Medina-Layachi

Fonctions : Clinique vétérinaire
309, boulevard Alfred-Daney
33300 Bordeaux
layachivet@yahoo.fr

Probablement mésestimées, les cholécystites sont recherchées systématiquement lors de troubles digestifs chez le chat.

Une chatte européenne stérilisée âgée de 9 ans est présentée pour un amaigrissement et de l’anorexie. Des vomissements jaunâtres et une diarrhée décolorée pâteuse sont notés. La chatte est moins vive et son comportement habituel est modifié depuis au minimum une semaine.

CAS CLINIQUE

1. Examen clinique

À l’examen, l’amaigrissement est confirmé par une perte de 1 kg en un mois, le score corporel étant passé de 4/5 à 3/5. Cependant, l’état général est bon, le poil encore brillant et l’animal réactif. Une hyperthermie modérée est relevée (39,5 °C). Une légère gêne abdominale craniale est notée à la palpation. Les muqueuses sont roses et le reste de l’examen est normal.

2. Diagnostic différentiel

Le diagnostic différentiel est celui de tout abdomen douloureux. Les urgences traumatiques et chirurgicales (hémorragie, péritonite, rupture d’organe, torsion utérine, pyomètre, etc.), et les atteintes urinaires (pyélonéphrite et lithiase/obstruction urinaire, etc.) sont exclues. En revanche, la douleur abdominale craniale semble assez spécifique des atteintes gastro-hépato-pancréatiques.

3. Examens complémentaires

Une radiographie du corps entier, une échographie abdominale, un bilan sanguin et une analyse d’urine sont réalisés.

Le bilan sanguin est considéré comme normal, hormis une hyperprotéinémie/hyperglobulinémie pouvant signer l’existence d’un phénomène inflammatoire (tableau 1). La radiographie abdominale met en évidence une dilatation aérique discrète des anses intestinales (photo 1). La présence d’air et la visualisation des parois et des crêtes de l’estomac orientent vers une gastro-entérite aspécifique.

L’examen microscopique des urines après coloration ne permet pas d’observer de micro-organismes. Cependant, l’analyse urinaire par bandelette montrant la présence de métabolites des sels biliaires (urobilinogène et bilirubinurie), un examen échographique des voies biliaires est réalisé (tableau 2 et photo 2). Le pancréas n’a pu être visualisé et les anses intestinales sont indemnes de modification notable. Le foie présente une hyperéchogénicité diffuse avec quelques foyers plus denses et une paroi de la vésicule biliaire épaissie et hyperéchogène. Une cholécystocentèse échoguidée est réalisée afin de procéder à une analyse bactériologique de la bile.

L’examen microscopique de la bile après étalement-coloration montre des éléments bactériens coccoïdes.

À ce stade, un diagnostic de cholécystite infectieuse a pu être posé sans en déterminer encore l’agent responsable, dans l’attente des résultats d’analyses.

4. Traitements et évolution

Dans l’attente des résultats de la microbiologie, une antibiothérapie à large spectre est commencée. Pour des raisons pratiques, la chatte étant difficile, un traitement antibiotique parentéral est instauré avecde la céfovécin (Convenia®) en injection unique de 10 mg/kg par voie sous-cutanée (SC), associée à de la marbofloxacine (Marbocyl®, 4 mg/kg/j, SC). Parallèlement, une fluidothérapie et un traitement de soutien à base de maropitant (Cerenia®, 1 mg/kg/j, SC), de métoclopramide (Primperan®, à la dose de 1 mg/kg toutes les 12 heures, SC) et de buprénorphine (Vetergesic®, à la dose de 10 µg/kg toutes les 8 heures, SC) sont mis en place. Afin de prévenir des interactions médicamenteuses, la prise en charge spécifique de la diarrhée est retardée de quelques jours.

Une franche amélioration clinique est observée après 3 jours, maisl’hyperthermie a déjà disparu en 12 heures et une prise spontanée d’aliment est notée en 24 heures. Aucun vomissement n’étant observé pendant l’hospitalisation, la chatte est rendue à son propriétaire le deuxième jour afin qu’elle retrouve un environnement favorable à sa convalescence. La culture bactérienne revenant positive pour Micrococcus sp., sensible à la céfovécine et à la marbofloxacine, l’antibiothérapie initiale à large spectre est maintenue. La chatte est revue deux fois à 3 jours d’intervalle pour une injection de marbofloxacine à la dose de 8 mg/kg. Au douzième jour, l’injection de céfovécine à la même dose de 10 mg/kg est renouvelée sans contrôle bactériologique de la bile. Ce choix est motivé par des raisons financières et les risques liés à la réalisation d’une cholécystocentèse.

Malgré l’amélioration clinique rapide, la chatte présente une fatigue légère pendant une dizaine de jours. La diarrhée persistante est traitée symptomatiquement au cinquième jour par l’injection d’un mélange de butylscopolamine et de dipyrone (Estocelan®, à la dose de 0,5 ml, SC).

DISCUSSION

La cholécystite infectieuse féline isolée est rarement décrite dans les données publiées et la majorité des publications la rapporte comme étant associée à une cholangite [2, 8]. Il est plus volontiers fait mention d’atteintes multiples et étagées du tube digestif sous forme de triade féline (maladie inflammatoire chronique de l’intestin, pancréatite et cholangio-hépatite) [4]. Pour rappel, la cholangiohépatite a été renommée “cholangite féline” par le groupe de standardisation hépatique de la WSAVA et redivisée en trois types histopathologiques(1) :

– cholangite neutrophilique (anciennement cholangite/cholangio-hépatite suppurée ou exsudative) ;

– cholangite lymphocytaire (anciennement cholangio-hépatite lymphocytaire ou cholangite non suppurée) ;

– cholangite chronique associée à la douve du foie (Opisthorchiidae).

La cholangite neutrophilique est la forme la plus fréquente, le plus souvent associée à une infection bactérienne ascendante d’origine digestive (E. coli, Clostridium, Bacteroides, Actinomyces,etc.) [2, 3, 11, 17]. Cette cholangite neutrophilique est aussi plus fréquente chez le chat que chez le chien et après l’âge de 10 ans. Un ictère par choléstase (rapportée à une fibrose post-inflammatoire des voies biliaires) est fréquemment observé. La stase et la distension des canaux biliaires pourraient être des facteurs prédisposants de l’infection. Les obstructions biliaires vraies restent néanmoins rares chez le chat et sont plutôt le fait de masses compressives tumorales (pancréas et canaux biliaires) [1, 8, 12]. La cholélithiase est très peu décrite chez le chat [13].

1. Présentation clinique

La cholécystite se présente généralement sous la forme d’un syndrome fébrile d’installation rapide (quelques jours). L’animal est léthargique et anorexique, parfois ictérique. Une douleur abdominale, une diarrhée et des vomissements sont souvent rapportés.

2. Diagnostic

Les paramètres de cytolyse hépatique (alanine aminotransférase [Alat], phosphatase alcaline [ALKP], aspartate aminotransférase [Asat]) et de choléstase (γ-glutamyltransférase [γGT], bilirubine totale [TBIL], acides biliaires [BA]) sont augmentés plutôt dans les cas d’atteintes multiples ou compliquées. Une neutrophilie est fréquente. Parfois, aucune modification biologique n’est visible. Il est donc toujours utile de doser la bilirubinurie, qui est un bon indicateur d’atteinte hépatobiliaire chez le chat. Le diagnostic de certitude ne peut être établi que par la microbiologie.

L’examen de choix est l’échographie car elle seule peut visualiser les trois éléments fréquemment associés aux atteintes de la vésicule biliaire (dilatation, épaississement de la paroi, boue biliaire/cholélithiase) [9]. Elle permet aussi de réaliser une cholécystocentèse diagnostique et d’exclure un processus tumoral dont l’approche est différente [16]. L’échographie met en évidence un épanchement ou une péritonite (complications rares chez le chat).

La radiographie permet de visualiser rapidement des cholélithes ou un emphysème de la paroi de la vésicule biliaire, et garde donc son intérêt de screening.

L’imagerie doit cependant être interprétée avec précaution car, parfois, aucune altération n’est observée ou bien des anomalies aspécifiques (hyperéchogénicité diffuse du foie, par exemple).

Une biopsie hépatique est conseillée pour écarter une autre affection hépatobiliaire.

L’histologie montre généralement une inflammation neutrophilique des voies biliaires et parfois une abcédation du parenchyme hépatique [3].

3. Traitement

La pierre angulaire du traitement est l’antibiothérapie s’appuyant sur les résultats de l’antibiogramme.

Il est cependant légitime pour la majorité des auteurs de suivre un protocole probabiliste fondé sur les études antérieures, en première intention et dans l’attente des résultats microbiologiques [2, 8]. Ainsi, l’emploi d’un antibiotique à large spectre, bactéricide et efficace sur les entérobactéries (majorité des micro-organismes responsables des cholécystites), est une solution acceptable [2, 3, 11, 17]. Celui-ci doit être à excrétion biliaire et à faible métabolisme hépatique (par exemple, amoxicilline-acide clavulanique) afin de maximiser sa concentration locale, donc ses effets in vivo. L’efficacité du traitement peut être renforcée par une bi- ou une trithérapie (associations aux fluoroquinolones et/ou au métronidazole). Le traitement doit durer au minimum 4 semaines. Une durée de 8 semaines est rapportée comme limite souhaitable par de nombreux auteurs, mais des études plus puissantes vont probablement venir valider une antibiothérapie raisonnée moins longue [2, 3, 10, 16].

La chirurgie est décrite dans les cas graves de rupture, de cholélithiase et d’affection néoplasique. Cependant, ses indications, son mode précis (avec ou sans cholécystectomie) et son taux de réussite sont encore mal définis et mal chiffrés, malgré au moins une étude positive [7]. Elle reste donc marginale et déconseillée pour le moment.

L’approche diététique peut être évoquée. Elle n’est, à ce jour, pas présentée clairement dans les études les plus poussées, mais une extrapolation peut être faite de trois éléments. Premièrement, la corrélation nette entre cholécystite et complexe cholangio-hépatique. Deuxièmement, la description de certains facteurs diététiques responsables de modification de la bile, de stase biliaire et de cholélithiase [10]. Troisièmement, l’usage et l’efficacité démontrée de l’alimentation dans le traitement des affections hépatiques. Il est donc probable que l’alimentation ait une place importante dans la prise en charge de la cholécystite, surtout si elle est associée à une hépatite et/ou une entérite. Dans ce dernier cas, les prescriptions spécifiques doivent être considérées, jusqu’à preuve du contraire, comme le meilleur choix.

4. Contrôle et suivi

La cholécystocentèse avec un antibiogramme de suivi est le seul moyen de confirmer la disparition de l’infection. Pourtant, cet examen de contrôle est souvent abandonné en pratique en raison des risques iatrogènes importants (anesthésie, infection, péritonite biliaire, rupture pariétale, etc.). Une antibiothérapie bien menée et associée à une guérison clinique est retenue comme un bon indicateur de guérison bactériologique.

5. Pronostic

Le pronostic est généralement bon si le traitement est précoce et si les atteintes secondaires (lipidose, hépatite) sont maîtrisées. Si une fibrose est suspectée, la prednisolone peut être utilisée à faibles doses (1 mg/kg/j en une prise), après la mise en place de l’antibiothérapie. En cas d’obstruction biliaire, la chirurgie est parfois proposée, mais le pronostic s’assombrit alors, avec un taux de réussite plus faible que chez le chien et serait probablement inférieur à 20 % [5, 6].

Conclusion

Ce cas montre la difficulté diagnostique de certaines affections digestives chez le chat. Il remet en évidence la triade anorexie-abattement-douleur abdominale, commune mais non spécifique. Les douleurs abdominales du chat se réduisent le plus souvent à des corps étrangers digestifs ou à des maladies extra-intestinales comme les hépato-pancréatites au sens large. Il semble donc justifié de rechercher systématiquement une cholécystite en présence d’une douleur abdominale diffuse. Il convient surtout de veiller à ne pas se laisser induire en erreur par l’absence d’un syndrome fébrile et/ou ictérique.

La prise en charge est identique pour les différentes affections évoquées, le traitement de fond reposant sur une fluidothérapie efficace, une gestion optimisée de la douleur et un contrôle des symptômes digestifs. Une reprise rapide de la digestion est l’objectif principal puisqu’elle permet de lutter efficacement contre une balance azotée négative et, surtout, une lipidose hépatique toujours redoutable.

  • (1) Voir l’article “Les maladies inflammatoires hépatiques du chat : classification et diagnostic” de J.-L. Philippe et coll., dans ce numéro.

Références

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  • 3. Callahan Clark JE et coll. Feline cholangitis: a necropsy study of 44 cats (1986-2008). J. Feline Med. Surg. 2011;13(8):570-576.
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Conflit d’intérêts

Aucun.

Points forts

→ Rares chez les carnivores domestiques, les cholécystites sont le plus souvent dues à des entérobactéries.

→ La douleur abdominale est inconstante, mais sa présence doit alerter le clinicien.

→ Une cholécystite infectieuse n’est pas obligatoirement associée à une cholangio-hépatite ou à une cholélithiase, à des anomalies bio-chimiques, hématologiques ou échographiques, à un syndrome fébrile ou à des éléments cliniques clairs.

→ Le traitement est aussi symptomatique.

→ L’antibiothérapie dure plusieurs semaines.

→ Le pronostic est bon en l’absence de pancréatite ou de maladie inflammatoire chronique des intestins.

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