Le MEOPA provoque une bonne analgésie et une sédation consciente - Le Point Vétérinaire n° 292 du 01/01/2009
Le Point Vétérinaire n° 292 du 01/01/2009

NEUROLEPTANALGÉSIE VOLATILE

Infos

FOCUS

Auteur(s) : Bénédicte Calmon*, Thierry Poitte**

Fonctions :
*Docteur en pharmacie, Air Liquide Santé France
Tour Ariane
92800 Paris-La Défense 9
**Clinique vétérinaire, 9, avenue du Général-de-Gaulle
17410 Saint-Martin-de-Ré

L’utilisation du mélange équimolaire oxygène et protoxyde d’azote (MEOPA) est une solution alternative à l’anesthésie pour les actes courts douloureux.

Conditionné en bouteilles de 5 ou 15 l par Air Liquide Santé, le MEOPA est un mélange équimolaire d’oxygène et de protoxyde d’azote, contenant ainsi 50 % d’O2 et 50 % de N2O.

En médecine humaine, il s’agit d’un médicament réservé à l’usage hospitalier dont l’administration nécessite un personnel paramédical spécifiquement formé. Compte tenu de ces contraintes, le dispositif de la cascade ne permet pas à un vétérinaire de recourir facilement à ces bouteilles. Dans la perspective d’une future autorisation de mise sur le marché (AMM) vétérinaire, l’Agence nationale du médicament vétérinaire pourrait accorder une autorisation temporaire d’utilisation (ATU) à ce mélange à Air Liquide Santé (photo 1).

Analgésique, anxiolytique et sédation consciente

Les vertus analgésiques du N2O sont connues depuis la fin du XVIIIe siècle, mais son conditionnement sous la forme d’un mélange équimolaire avec de l’O2 est apparu dans les années 1960. Il a été utilisé en Grande-Bretagne en dehors des blocs opératoires, en particulier dans le soulagement des douleurs obstétricales.

L’originalité du MEOPA associe une action anxiolytique, euphorisante (“gaz hilarant”) et un effet antalgique. L’état de conscience et les perceptions sensorielles sont modifiés. La rapidité d’action (trois minutes) et la réversibilité (moins de cinq minutes) représentent un atout pour ce mélange.

L’utilisation du N2O à la concentration de 50 % ne rentre pas dans le cadre de l’anesthésie car cette concentration est insuffisante pour induire une anesthésie générale. Le niveau de sédation obtenu avec le MEOPA correspond à une sédation consciente, c’est-à-dire que l’animal est relaxé, détendu, avec une attitude détachée de l’environnement.

Implication de la voie opioïde et action anti-NMDA

Les mécanismes impliqués dans l’effet analgésique du N2O semblent complexes et controversés.

L’implication de la voie opioïde est établie par l’annulation partielle des effets du N2O par la naloxone, antagoniste des récepteurs µ, δ et κ.

Des interactions se produisent avec les substances qui agissent sur les récepteurs opiacés, mais aussi les adrénorécepteurs (1 et (2, les récepteurs à la dopamine et aux benzodiazépines, et, plus récemment, les récepteurs NMDA (N-méthyl-D-aspartate). Des études réalisées chez l’animal montrent la limitation de l’hyperalgésie postopératoire par l’utilisation peropératoire de N2O. Ce sont ses propriétés anti-NMDA qui expliqueraient cette action.

L’activation des voies descendantes inhibitrices noradrénergiques dans la corne postérieure de la moelle épinière est suggérée par de nombreux auteurs. Cela aurait pour effet une inhibition présynaptique du relargage de neurotransmetteurs par les fibres afférentes primaires, associée à une hyperpolarisation du neurone de la corne postérieure par l’intermédiaire des récepteurs α2.

Analgésique d’urgence ou des petits actes douloureux

• En médecine humaine, les indications thérapeutiques figurant dans les AMM du MEOPA sont nombreuses : analgésie lors de l’aide médicale d’urgence (traumatologie, brûlés, transport de patients douloureux), préparation des actes douloureux de courte durée (ponction lombaire, myélogramme, intervention superficielle, réduction de certaines luxations, ponction veineuse et biopsie rénale chez l’enfant, etc.), soins dentaires en milieu hospitalier, en obstétrique, dans l’attente d’une analgésie péridurale (ou en cas de refus ou de contre-indication à celle-ci).

• En médecine vétérinaire, le MEOPA pourrait être indiqué pour les légers trau-matismes, les sutures cutanées, la pose de cathéters ou de drains, les ponctions abdominales, thoraciques, péricardiques, articulaires, les biopsies, le nettoyage d’abcès, les changements de pansements orthopédiques, les myélogrammes, la prise en charge des chats agressifs lors d’un examen, la mise en place de perfusions, etc (photos 2a, 2b et 2c).

En raison de son importante diffusibilité, potentiellement dans les cavités aériennes closes, le MEOPA ne doit pas être administré en cas d’affections “aériennes” comme le pneumothorax, l’emphysème ou les distensions gazeuses abdominales. Cependant, une augmentation significative du volume de l’épanchement gazeux ne survient qu’après 30 minutes d’inhalation.

Peu d’effets secondaires ou de risque professionnel

Les effets secondaires notés en médecine humaine (euphorie, vertiges, vomissements, hallucinations) concernent moins de 10 % des cas, et sont toujours mineurs et réversibles en moins de cinq minutes après l’arrêt de l’administration.

Pour les risques liés à une exposition professionnelle prolongée, l’effet tératogène du N2O, qui est observé chez le rat, n’a pas été retrouvé chez l’homme. L’étude à partir de 720 000 naissances extraites d’un registre suédois a montré que la fréquence des malformations fœtales congénitales n’est pas plus élevée chez les femmes qui ont reçu du N2O à l’occasion d’une anesthésie chirurgicale pendant le premier trimestre de leur grossesse. Les concentrations inhalées par ces jeunes femmes sont 5 000 fois supérieures à celles qui le sont par une infirmière se tenant à proximité d’un patient inhalant le N2O.

Matériel nécessaire

Le MEOPA est conditionné dans des bouteilles de 5 ou 15 l sous pression de 170 bars à 15 °C, munies d’un système de détente-débimétrie. Le circuit permettant l’inhalation est composé d’un tuyau d’alimentation, d’un ballon de 2 l, d’un tuyau d’évacuation, d’un filtre antibactérien et d’une valve unidirectionnelle (photo 3).

Selon le degré de coopération de l’animal, le système est relié à un masque, à une collerette oxyhood ou à une cage à oxygène (photos 4a et 4b).

Analgésie en cinq minutes, réversible en deux minutes

Le débit du détendeur est réglé en fonction de la ventilation spontanée de l’animal. L’effet analgésique est observé après trois à cinq minutes. L’inhalation est poursuivie pendant toute la durée de l’acte douloureux. Le retour à l’état initial est très rapide (une à deux minutes).

Un bon effet analgésique est subordonné à la justesse des indications (actes courts d’intensité douloureuse légère à modérée) et à la réalisation de la procédure dans un environnement calme. La présence des propriétaires coopératifs a très souvent facilité l’administration du gaz au masque. La recherche des effets anxiolytiques et de sédation consciente est déterminante pour la manipulation de chats difficiles, peureux ou agressifs.

Le MEOPA a été testé avec succès à la clinique vétérinaire de Saint-Martin-de-Ré (Charente-Maritine) sur une vingtaine de cas dans ces indications ; aucun effet secondaire n’est apparu. La poursuite des essais début 2009 permettra de préciser les indications et d’obtenir un échantillonnage plus large et plus représentatif.

Ainsi, le mélange équimolaire apporte une solution technique innovante pour la prise en charge des douleurs aiguës provoquées par des actes diagnostiques et/ou thérapeutiques. Il offre une solution alternative à l’anesthésie lorsque celle-ci est contre-indiquée ou potentiellement dangereuse et chez des animaux non manipulables.

Enfin, ce travail est mené en concertation avec le Pr Daniel Annequin, responsable de l’Unité douleur à l’hôpital Trousseau (Paris), précurseur de la prise en charge de la douleur chez l’enfant et de l’utilisation du MEOPA dans les services hospitaliers.

EN SAVOIR PLUS

- Richebe P, Pfeiff R. Faut-il supprimer le protoxyde d’azote au bloc opératoire ? Congrès national d’anesthésie et de réanimation. 2006 ; 23 p.

- Coutaux A, Salomon L, Rosenheim M et coll. Care related pain in hospitalized patients : A cross-sectional study. Eur. J. Pain. 2008 ; 12 : 3-8.

Retrouvez toute l’actualité vétérinaire
dans notre application