Prise en charge des parasitoses digestives des reptiles - Le Point Vétérinaire n° 307 du 01/07/2010
Le Point Vétérinaire n° 307 du 01/07/2010

Parasitologie des NAC

Mise à jour

LE POINT SUR…

Auteur(s) : Claire Grosset

Fonctions : Clinique vétérinaire de la gare
2, rue du Départ
95150 TavernyENVA
Service des Nouveaux
Animaux de Compagnie
7, av. du Général de Gaulle
94704 Maisons Alfort
contact@nac-docteur-grosset.com

Les reptiles, notamment les tortues, prennent une place croissante parmi les NAC. Comme pour les chiens et chats, leur vermifugation est nécessaire et à la portée de tout praticien.

Les parasites digestifs sont très fréquents chez les reptiles en captivité [39]. La coproscopie est un moyen rapide et peu coûteux de dépister les infestations, à condition de la réaliser correctement et de savoir l’interpréter. En effet selon les espèces de reptiles, certains protozoaires et nématodes sont symbiontes [29]. L’objectif de cet article est d’identifier les parasites ayant une importance clinique les plus fréquemment rencontrés. Les techniques rapides de détection sont citées et les traitements antiparasitaires actuellement disponibles en France détaillés.

Réalisation d’un examen coproscopique en clinique

Le recueil des selles peut s’effectuer lors de défécation spontanée ou par lavage cloacal si le reptile est anorexique ou constipé. Le lavage cloacal consiste à introduire délicatement une sonde lubrifiée (par exemple avec de l’Hydragel® ou du Lacrilube® ; la vaseline et la paraffine sont à éviter) dans le cloaque (sur une distance variable selon la taille du reptile, par exemple 3 cm pour un agame barbu adulte et 10 cm pour un iguane vert adulte), à injecter du chlorure de sodium 0,9 % avec une seringue (environ 10 ml pour 200 g) et à aspirer le contenu du cloaque. Les selles sont, de préférence, recueillies sans urates (partie blanche de la fiente, l’un des constituants des déchets azotés dans les espèces urichothéliques) pour diminuer le nombre d’artefacts, sans substrat du terrarium, et placées dans un pot propre. L’analyse est réalisée idéalement dans les 10 minutes qui suivent la collecte, afin de détecter les parasites mobiles. Il est possible de différer l’examen si le prélèvement est conservé au réfrigérateur ou dilué dans de l’eau formolée à 8 % [3]. Pour les petits reptiles (gecko léopard juvénile par exemple), les selles peuvent être récoltées pendant plusieurs jours pour en obtenir une quantité suffisante et un frottis est réalisé directement sur la selle la plus fraîche. Une coproscopie de groupe est aussi possible pour augmenter la sensibilité du test en cas d’excrétion intermittente des parasites (coccidies, cryptosporidies). Une coproscopie doit toujours être effectuée en deux temps :

– un examen direct dans une goutte d’eau distillée, à température ambiante (encadré 1) ;

– puis une concentration par centrifugation ou flottaison (encadrés 2 et 3).

Éventuellement, le prélèvement initial peut être séparé en deux parties, pour un envoi dans un laboratoire spécialisé ou pour des tests supplémentaires (colorations, immunofluorescence, polymerase chain reaction [PCR], etc.). Il est possible de se procurer les solutions pour flottaison ou centrifugation sur Internet chez les fournisseurs de laboratoires (par exemple : http://fr.vwr.com).

Plusieurs types de solutions denses sont disponibles dans le commerce (encadré 4).

Après centrifugation, des colorations spéciales peuvent être employées pour dépister les kystes de cryptosporidies et d’amibes (encadré 5).

Parasites les plus fréquents, pathogénicité et artefacts

1. Protozoaires

Les coccidies, les cryptosporidies, les flagellés, les ciliés et les amibes sont des parasites fréquemment détectés chez les reptiles captifs comme chez les reptiles sauvages [39]. La plupart de ces parasites possèdent un cycle direct, sans passage par un hôte intermédiaire, ce qui favorise leur transmission en captivité dans le cas d’un reptile isolé dans un terrarium. Les symptômes sont peu spécifiques : diarrhée, régurgitation, rectorragie, déshydratation, amaigrissement, léthargie et mort après une évolution chronique [29, 37, 39]. L’examen au microscope est réalisé au grossissement × 100 puis au × 400.

Les amibes d’Entamoeba invadens sont pathogènes dans les espèces carnivores (sauf les crocodiliens) et les insectivores, mais rarement chez les herbivores [29]. Toutefois, des épizooties ont été décrites chez des tortues charbonnières (Geochelone carbonaria) à la sortie de l’hivernation et chez des tortues herbivores juvéniles (Gopherus polyphemus, Geochelone sulcata, Geochelone denticulata) [19, 20]. Si la seule espèce d’amibe pathogène pour les reptiles est E. invadens, en revanche, de nombreuses amibes symbiontes existent (photo 1). Pour les distinguer, il convient d’avoir recours à la PCR [6]. Parmi les flagellés, cinq genres de Trichomonas ont été associés à des entérites parfois mortelles chez les reptiles : Hexamita, Hypotrichomonas, Monocercomonas, Tetratrichomonas et Tritrichomonas [40]. Hexamita est surtout rencontré chez les chéloniens, entraînant des nécroses duodénales et des insuffisances rénales, alors que Monocercomonas est plus fréquent chez les sauropsidés [29, 39, 40]. En plus des entérites, Monocercomonas peut être à l’origine de cholécystites, de pneumonies et d’oophorites (inflammation de l’ovaire) [29, 40]. La distinction morphologique entre les genres de Trichomonas requiert l’aide d’un laboratoire de parasitologie et la microscopie électronique peut être nécessaire dans certains cas [29]. Les Giardia spp. semblent rarement pathogènes, même si un cas d’entérite a été rapporté chez un serpent dans les années 1950 [29, 40]. Une colite hémorragique a été décrite chez un caméléon infesté par Leptomonas sp. Toutefois, ces flagellés sont considérés comme des parasites d’insectes, et une cause sous-jacente n’est pas exclue dans ce cas [39, 40]. Balanthidium sp. est le seul cilié considéré comme un pathogène opportuniste, les autres étant commensaux [40]. Balanthidium sp. peut être responsable d’une colite lorsque la muqueuse intestinale est abrasée par une infection concomitante, voire provoquer des abcès hépatiques lors d’infestation massive [39].

Les coccidies du genre Isospora sont pathogènes pour certaines espèces, comme les caméléons casqués du Yémen (Chameleo calyptratus) [18]. Les agames barbus (Pogona vitticeps) peuvent être porteurs sains d’Isospora amphiboluri, mais, parfois, ils développent des symptômes létaux dans des situations de stress (photo 2) [16, 29]. Des coccidies intranucléaires à l’origine des entérites, des pancréatites, des néphrites, des hépatites nécrosantes et des pneumonies ont aussi été associées à une mortalité chez des tortues terrestres et aquatiques [40]. Certaines espèces du genre Eimeria ont été retrouvées dans des cas d’entérite et de cholécystite [40]. Les coccidies du genre Caryospora peuvent être responsables d’une entérite mortelle chez les tortues aquatiques [40]. Beaucoup plus rarement, des coccidies du genre Sarcocystis, au cycle de développement indirect, entraîneraient des entérites chez les ophidiens [10].

Jusqu’à présent, huit espèces de cryptosporidies dont l’hôte est un reptile ont été décrites par des techniques moléculaires. Aucune ne semble présenter de potentiel zoonotique (tableau 1). Chez les serpents, Cryptosporidium serpentis est une cause de mortalité lors d’infection chronique [14, 29]. Chez les lézards, la pathogénicité des cryptosporidies a été démontrée, entre autres, chez le gecko léopard (Eublepharis macularius), l’iguane vert (Iguana iguana), le varan des savanes (Varanus exanthematicus) et plusieurs caméléons [11, 12, 16, 26, 33]. En revanche, les agames barbus, les monstres de Gila (Heloderma suspectum) et certaines tortues semblent être porteurs sains de ces parasites (photo 3) [17, 29, 34]. Les cryptosporidies sont souvent responsables d’épidémies car elles sont peu spécifiques. De plus, elles sporulent dans le tube digestif et sont directement infectantes, contrairement aux autres coccidies moins contagieuses qui sporulent dans l’environnement en 48 heures environ. D’où l’importance des dépistages en quarantaine avant l’introduction dans une colonie de reptiles, y compris pour les espèces porteuses saines. Cryptosporidium parvum n’est pas pathogène pour les reptiles, mais peut être transporté à la suite de l’ingestion d’une proie contaminée. Des PCR permettent de distinguer C. parvum d’autres espèces de cryptosporidies, ce qui est utile pour déterminer si le reptile est contaminé ou un simple transporteur mécanique.

2. Nématodes et acantocéphales

Les nématodes sont détectés soit par leurs œufs, soit directement par la forme adulte ou larvaire retrouvée dans les selles. Parfois, selon les espèces, l’identification n’est possible qu’avec la diagnose de la forme imaginale. Il convient donc de pouvoir s’adresser à un laboratoire de parasitologie. Parmi les nématodes parasites des reptiles, les oxyuridés, les hétérakidés, les spirures, les capillaires, les ascaridés, les anisakidés, les strongles et les acanthocéphales sont principalement distingués.

Certains nématodes sont peu pathogènes pour leurs hôtes.

Les oxyures sont souvent des habitants commensaux de l’écosystème digestif des lézards insectivores et des tortues (photo 4) [39]. Ces parasites sont spécifiques d’une espèce de reptiles [24, 29]. Ils sont localisés dans l’appareil digestif distal. Leur cycle est direct [39]. Lors de fortes infestations, certains cliniciens ont observé des diarrhées et des prolapsus cloacaux qui se sont résolus après traitement, mais la pathogénicité des oxyures est controversée.

De même, les hétérakidés possèdent un faible pouvoir pathogène chez les reptiles, et entraînent occasionnellement des entérites et une diminution de l’appétit [39].

Les spiruridés présentent un cycle indirect. Selon l’espèce du parasite, l’hôte intermédiaire est un arthropode crustacé, un poisson ou un amphibien [29]. Les spiruridés sont plutôt retrouvés chez des reptiles importés et très rarement chez des animaux captifs. Le seul symptôme observé chez l’hôte serait une diminution de l’appétit [39].

Les œufs bipolaires des capillaires sont caractéristiques. Les capillaires peuvent provoquer des inflammations du site parasité, principalement dans l’intestin grêle, l’estomac et le foie de certains varans et serpents [29, 39]. Leur pouvoir pathogène est controversé. Pour certaines espèces de capillaires, un cycle direct est suspecté [39].

En revanche, le pouvoir pathogène des ascaridés, des anisakidés, des strongles et des acanthocéphales n’est plus à démontrer.

Les ascaridés présentent un cycle indirect chez les sauropsidés : l’hôte intermédiaire est un vertébré, amphibien, mammifère ou reptile selon l’espèce du parasite [29]. Certaines espèces parasitant les tortues ont un cycle direct [39]. Les agents pathogènes se situent dans l’estomac et l’intestin, où ils s’attachent à la muqueuse par leurs trois lèvres caractéristiques, en formant une lésion en “cratère” [29]. Les symptômes sont non spécifiques et dépendent des sites de migrations larvaires : régurgitation, anorexie, amaigrissement et parfois constipation [39]. La mort peut survenir par hémorragie ou par perforation intestinale.

Les anisakidés sont surtout rencontrés chez les tortues marines. Ils peuvent être à l’origine d’ulcérations gastroduodénales [7]. Cependant, détecter ce nématode en pratique courante est peu probable en raison de son cycle indirect.

Les strongles ont un cycle direct. La larve infectante est ingérée et pénètre dans la muqueuse de l’hôte, où elle se nourrit par spoliation. Selon l’espèce, les strongles résident dans l’œsophage des serpents (Kalicephalus sp.), l’estomac des tortues (Chapiniella sp.) ou dans l’intestin grêle [29].

Les acanthocéphales parasitent l’intestin grêle, où ils s’ancrent dans la muqueuse par une trompe épineuse appelée “proboscis” [29]. Les œufs possèdent une capsule épaisse formée de multiples couches concentriques [29]. Le cycle indirect passe par un hôte intermédiaire arthropode. Les reptiles peuvent être des hôtes définitifs ou paraténiques [20]. Ils sont contaminés par ingestion de l’arthropode infesté, qui contient des larves encapsulées dans sa cavité cœlomique.

3. Plathelminthes

Les trématodes et les cestodes sont assez rarement détectés chez les reptiles captifs [37]. Il existe quelques exceptions comme les cestodes du genre Oochoristica, dont l’hôte intermédiaire est un arthropode, qui ont été observés chez des agames barbus et des caméléons nés en captivité [39].

Les œufs de cestodes sont semblables à ceux détectés chez les mammifères, avec la présence d’une larve hexacanthe (munie de six crochets), sauf chez une espèce de la sous-classe des Cestodaria Austraphilina elongata dont la larve possède dix crochets [37]. Ils peuvent être retrouvés après éclatement des proglottis [29]. Le cycle est toujours indirect, avec un ou plusieurs hôtes intermédiaires arthropodes ou vertébrés [39]. Les reptiles peuvent développer une cestodose imaginale ou larvaire selon qu’ils interviennent comme hôte définitif ou intermédiaire du parasite. À titre d’exemple, citons l’ordre des Proteocephalidea : le genre Ophiotaenia niloticus, responsable d’une cestodose imaginale chez le varan du Nil (Varanus niloticus), ou dans l’ordre des Pseudophyllidea : Bothridium pythonis dont l’hôte définitif est un boa [37]. De nombreux reptiles sont des hôtes intermédiaires de Mesocestoides sp., genre appartenant à l’ordre des Cyclophyllidea dont le cysticerque se transforme en tétrathyridium après s’être enkysté dans un organe [37]. Les cestodes exercent un pouvoir pathogène par spoliation de l’hôte, parfois par ulcérations de la paroi intestinale au point de fixation du scolex et action mécanique des cysticerques pour certaines cestodoses larvaires : c’est le cas, par exemple, des tétrathyridiums hépatiques, cœlomiques, mésentériques et éventuellement cardiaques de Mesocestoides [37]. Un amaigrissement, des régurgitations, une constipation par obstruction mécanique et des troubles nerveux par carence en vitamine B peuvent être observés [39]. Le risque zoonotique est présent seulement lors d’ingestion de viande de reptile dans le cas de la sparganose (Spirometra sp.) et de la mésocestoïdose.

Les trématodes qui parasitent les reptiles présentent un cycle indirect, sauf certains trématodes monogènes infestant les tortues aquatiques et localisés dans les cavités nasales, l’œsophage et la vessie, mais considérés comme non pathogènes [29, 39]. Les trématodes digènes peuvent entraîner une inappétence, un amaigrissement et des déficits de croissance. Ils sont rares en captivité en raison de leur cycle indirect.

De nombreux artefacts sont possibles dans les coproscopies. En effet, avant de lire une lame, mieux vaut demander au propriétaire ce que mange son reptile car des poils de souris, mais surtout des œufs de parasites de souris (Hymenolepis sp.) ou d’autres rongeurs, des ookystes coccidiens de lapin, des œufs de grillon ou d’autres insectes sont parfois observés (photo 5). Des végétaux peuvent également être pris pour des parasites, surtout en cas de maldigestion. De plus, des protozoaires symbiontes ne doivent pas être confondus avec des parasites : c’est le cas des Nycthoterus ou des protozoaires flagellés, courants chez les herbivores (photo 6) [29].

Traitements antiparasitaires internes

En France, aucun traitement ne dispose d’une autorisation de mise sur le marché (AMM) pour les reptiles. Les thérapeutiques sont donc instaurées sous la responsabilité du vétérinaire dans le cadre de la cascade.

Plusieurs “anciens” traitements sont toujours d’actualité. Citons le fenbendazole (Panacur®), le praziquantel (Milbemax®, Droncit®, Drontal®, Cestocur®, etc.) et le métronidazole (Flagyl®(1)), qui sont efficaces chez les reptiles (tableau 2) [21-22, 24, 26-28]. Des effets secondaires hémato-biochimiques ont été rapportés à la suite de l’administration de fenbendazole chez des tortues d’Hermann en mauvais état général est dégradé [32]. Le métronidazole peut provoquer des atteintes nerveuses centrales lors de surdosage, avec pour conséquence une dorso-flexion de la nuque et des crises convulsives [21]. Le mécanisme exact de la toxicité est inconnu, mais implique des dysfonctionnements des noyaux cérébelleux et vestibulaires [13]. Des intoxications ont été décrites chez des serpents à la suite de l’administration de 100 mg/kg, mais dépendent probablement de l’espèce, le seuil de toxicité étant abaissé chez les animaux insuffisants hépatiques. Selon certains auteurs, la dose de 50 mg/kg/j ne devrait jamais être dépassée [13, 27]. Mieux vaut utiliser le métronidazole avec précaution et ne pas le renouveler chez un reptile ayant déjà présenté des intolérances (les lésions sont réversibles en plusieurs mois chez le chien, mais le temps de persistance est indéterminé chez les reptiles) [1].

L’ivermectine est toxique chez les chéloniens et certains lézards. Chez un caméléon du Sénégal (Chameleo senegalensis), une léthargie d’une semaine a été observée à la suite de l’administration de 0,2 mg/kg par voie sous-cutanée, mais cette réaction était probablement due à la lyse de Foleyella furcata plutôt qu’au traitement [41]. Depuis, un protocole de 10 µg/kg par voie orale 5 fois à 1 mois d’intervalle n’a pas produit d’effets secondaires chez un caméléon panthère (Furcifer pardalis) infesté par le même parasite [4]. L’ivermectine serait donc utilisable à très faible dose chez ces animaux.

L’administration de colostrum de bovin hyperimmun contre C. parvum a donné quelques résultats concluants contre les cryptosporidies stomacales des serpents [14, 15]. Mais ce produit n’est pas commercialisé et il est inefficace lors de cryptosporidiose intestinale.

Des molécules plus récentes ont été testées chez les reptiles. Les présentations transcutanées (spot-on) sont plus pratiques et moins stressantes pour le reptile. Frontline spot-on® est inefficace chez les reptiles car c’est un spot-on dit de surface qui diffuse par les glandes sébacées et le sébum, contrairement à d’autres formulations, dites systémiques, qui se propagent à travers la peau. Donc, s’il fallait traiter les ectoparasites, il conviendrait d’utiliser du Frontline spray®, mais ce n’est pas le sujet de cet article. Il est à noter que des neurotoxicités ont été rapportées avec le fipronil chez les reptiles.

L’Advocate® contient de la moxidectine, un endectocide à action nématodicide, insecticide et acaricide, et de l’imidaclopide, dont l’activité est insecticide. La moxidectine, qui présente une action systémique, est efficace chez les reptiles. L’Advocate chien® a été testé en 2005 dans plusieurs espèces de reptiles naturellement infestés par des nématodes, à des posologies 2 à 10 fois supérieures à celle du chien [30]. Toutefois, cette étude ne précisait pas le nombre de reptiles inclus. Toutes les présentations d’Advocate® pour chien contiennent la même concentration en principes actifs, et peuvent donc être utilisées indifféremment, alors que celles pour chat et chaton sont moins concentrées en moxidectine. La dose préconisée est de 1 goutte pour 60 g, soit 16 mg/kg de moxidectine. L’application est conseillée dans les zones où les écailles sont fines, c’est-à-dire dans les fosses préfémorales et gulaires chez les tortues, sur le pli de l’aine et les aisselles chez les lézards et sous la mandibule des serpents. Toutefois, chez les reptiles pesant quelques grammes, le dosage est peu précis et des surdosages ont été suspectés. Des praticiens préfèrent donc prescrire de la sélamectine (Stonghold®), même si la dose efficace n’a pas été étudiée chez les reptiles.

L’emodepside (Profender® pour-on) a été testé contre certains nématodes digestifs des reptiles [31, 38]. La dose initialement recommandée est de 56 µl/100 g de poids, soit 2 gouttes pour 100 g, à appliquer sur les mêmes sites que l’Advocate®. Toutefois, un essai plus récent recommande une augmentation de dose à 112 µl/100 g de poids corporel, soit 4 gouttes pour 100 g, notamment chez les espèces à téguments plus épais [38]. Pour les espèces aquatiques, il est conseillé de soustraire le reptile à l’eau pendant les 48 heures qui suivent l’application du traitement afin de permettre une absorption correcte de l’emodepside [38]. Il semble donc plus judicieux d’utiliser l’association emodepside-praziquantel (Profender® pour-on) à la posologie de 4 gouttes pour 100 g, plutôt que l’Advocate®, afin de limiter les effets indésirables potentiels.

Les traitements anticoccidiens sont actuellement en pleine évolution. Les dérivés des triazines comme le toltrazuril (Baycox®), le diclazuril (Vecoxan®) ou le ponazuril (Marquis®, non disponible en Europe) sembleraient plus efficaces que les sulfamides, dont la sulfadiméthoxine classiquement utilisée contre les coccidies. Mais les dérivés des triazines ne sont pas actifs contre les cryptosporidies. Le ponazuril a été testé chez 8 agames barbus à 30 mg/kg sans toxicité cliniquement visible, contrairement aux sulfamides susceptibles de cristalliser dans l’appareil urinaire et qui sont déconseillés en cas de déshydratation prononcée ou d’urolithiase [5, 25, 29]. Toutefois, de plus amples travaux seraient nécessaires, avec des autopsies complètes, afin d’étudier plus précisément la toxicité de ces produits pour les reptiles. La durée du traitement reste aussi à déterminer car la posologie de deux prises à 48 heures d’intervalle, décrite dans cette étude, ne permet pas toujours d’éradiquer les coccidies [16].

Contre les cryptosporidies, de nouvelles molécules ont donné des résultats prometteurs : la paromomycine (Halocur®, Humatin®) et le nitazoxanide (Navigator® aux États-Unis, Alinia® en Europe). Des résultats concluants ont été obtenus avec la paromomycine chez des lézards infectés par des cryptosporidies : des geckos léopards (100 mg/kg et 300 à 800 mg/kg), des monstres de Gila (360 mg/kg) et des agames barbus (360 mg/kg) [9, 16, 33, 34]. Cet antibiotique aminoside est contre-indiqué en cas d’ulcères digestifs, qui pourraient provoquer son absorption accidentelle, et entraîner une néphrotoxicité, une ototoxicité et des pancréatites. À ce jour, aucun effet secondaire n’a été mis en évidence chez les reptiles. Le nitazoxanide est un triazolide utilisé en médecine humaine chez les patients immunodéprimés atteints de cryptosporidiose, mais aussi chez le cheval et les ruminants. Son avantage, par rapport à la paromomycine, est son absorption par voie orale et le fait qu’il est capable d’atteindre des sites extradigestifs de cryptosporidiose. Or dans certaines espèces de reptiles, les cryptosporidies peuvent se trouver dans le rein ou l’oreille moyenne [12]. Actuellement, cette molécule a été testée sans succès chez le gecko léopard pendant 3 jours [18]. Il serait probablement intéressant de tenter un traitement plus prolongé dans les études à venir [33].

La coproscopie est un examen complémentaire facile, peu coûteux et rapide car réalisable dans la clinique vétérinaire. La fréquence des infestations parasitaires en fait un outil diagnostique de choix chez les reptiles. Même si l’utilisation empirique des antiparasitaires dans ces espèces a fait des progrès notables, des études scientifiques, comportant une infection expérimentale et une comparaison entre un groupe témoin et un groupe traité demeurent indispensables. De tels travaux permettront de tester plus rigoureusement les effets de ces médicaments administrés hors AMM. Par conséquent, en cas de traitement d’une colonie de reptiles, il est recommandé de tester le produit chez quelques individus au préalable et de rester vigilant quant aux effets secondaires chez des animaux déjà affaiblis.

  • (1) Médicament humain.

Références

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Encadré 1 : Réalisation de l’examen direct

• Ajouter de l’eau au prélèvement de façon à pouvoir diluer, pour un étalement correct.

• Homogénéiser la solution de selles en mélangeant avec une spatule de bois à usage unique.

• Placer une goutte d’eau sur une lame en verre.

• À l’aide d’une pipette, déposer une goutte de la solution sur la goutte d’eau et recouvrir avec une lamelle.

Le frottis direct permet de détecter les parasites mobiles, notamment certains protozoaires flagellés ou amibes.

Encadré 2 : Concentration par flottaison

• Placer les matières fécales dans un contenant (tube à essai, pot à flottaison à usage unique).

• Remplir le contenant avec une solution plus dense que les parasites (solution saturée de sulfate de magnésium par exemple) en formant un ménisque sur le dessus.

• Ajouter une lamelle de verre en haut du contenant.

• Attendre 20 à 30 minutes que les parasites remontent en surface.

• Déposer la lamelle sur une lame de verre sans perdre la goutte de solution qui se trouve en dessous.

D’après [3].

Encadré 3 : Concentration par centrifugation

• Mettre les selles en suspension dans l’eau.

• Filtrer en versant le prélèvement dans un contenant recouvert d’une compresse pliée en deux, afin d’éliminer les plus gros débris.

• Placer le prélèvement dans un tube à essai.

• Ajouter de l’eau et homogénéiser avec une spatule en bois.

• Placer la préparation dans la centrifugeuse et équilibrer avec un tube de même poids.

• Centrifuger le tube 5 minutes à 2 000 tours/min (cette étape permet de concentrer les parasites et leurs œufs).

• Jeter le surnageant.

• Remettre le culot en suspension (si possible utiliser un vortex).

• Ajouter du sulfate de zinc jusqu’à former un ménisque.

• Ajouter une lamelle sur le dessus du tube, placer le tout dans la centrifugeuse et équilibrer avec un tube de même poids.

• Centrifuger le tube 10 minutes (cette étape permet de concentrer les parasites). Les parasites et les débris les moins denses se retrouvent sous la lamelle. Une centrifugeuse qui soulève les tubes à l’horizontal est nécessaire pour garder la lamelle en place.

D’après [3].

Encadré 4 : Principales solutions denses

• Liquide de Faust : solution de sulfate de zinc à 33 % (d = 1,18).

• Liquide de Willis : solution aqueuse de chlorure de sodium à saturation (d = 1,20).

• Sulfate de magnésium heptahydraté à saturation (d = 1,28) (300 g MgSO4 pour 1 l d’eau).

• Sulfate-acétate de zinc : 33 g de sulfate de zinc et 15 g d’acétate de zinc pour 100 ml d’eau (d = 1,33).

• Solution de sulfate de zinc à saturation (d = 1,42).

Encadré 5 : Colorations spéciales après la centrifugation

Pour dépister les cryptosporidies

Déposer une goutte de solution sucrée à 30 % (1 500 g de sucre dans 1 l d’eau) sur une lame en verre, puis déposer la lamelle avec la goutte centrifugée. La solution sucrée évite que les parasites ne se retrouvent à la périphérie de la lamelle, et colore les cryptosporidies et les ookystes coccidiens en rose. Une coloration de Ziehl-Nielsen modifiée peut aussi être réalisée, mais elle requiert des produits spécifiques et prend plus de temps. Il est donc conseillé de la demander à un laboratoire de parasitologie [3, 29].

Pour détecter les kystes amibiens

Déposer une goutte de lugol sur une lame en verre, puis déposer la lamelle avec la goutte centrifugée. Ce colorant se trouve dans les kits pour coloration de Gram : c’est le deuxième colorant utilisé. Le lugol teinte les amibes en brun orangé. Toutefois, cette coloration n’est pas spécifique ; par exemple, les ookystes coccidiens ou les kystes de Giardia sont aussi colorés.

POINTS FORTS

• Les amibes et les oxyures sont rarement pathogènes chez les herbivores.

• La recherche de kystes de cryptosporidies nécessite un examen au fort grossissement en solution sucrée saturée ou avec des colorations spéciales.

• Les cryptosporidies des reptiles ne sont pas responsables de zoonoses.

• Les avermectines sont toxiques pour certains reptiles.

• L’association emodepside-praziquantel (Profender®) peut être utilisée comme anthelminthique chez les reptiles, mais n’a pas d’action sur les protozoaires.

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