Tests endocriniens et hypercorticisme chez le chien - Le Point Vétérinaire n° 303 du 01/03/2010
Le Point Vétérinaire n° 303 du 01/03/2010

Endocrinologie canine

Fiche clinique

Auteur(s) : Nicolas Pouletty

Fonctions : Département de pathologie et de microbiologie, Faculté de médecine vétérinaire, Université de Montréal, CP 5000, Saint-Hyacinthe, Québec, J2S 7C6

Les tests de la fonction endocrinienne sont une étape obligatoire dans la démarche diagnostique de l’hypercorticisme chez le chien.

L’hypercorticisme (HC), ou syndrome de Cushing, est une maladie fréquente chez le chien âgé (souvent de plus de 9 ans et de petite race) [1]. Il correspond à une production non régulable de cortisol par les glandes surrénales. Cette maladie peut être d’origine hypophysaire (85 % des cas) ou surrénalienne (15 %) [1]. Les signes cliniques sont souvent évocateurs (polyuro-polydipsie [PU-PD], polyphagie, alopécie bilatérale, abdomen penduleux, etc.). Cependant, le recours à des tests d’exploration de l’axe corticotrope est indispensable. Ces derniers peuvent établir le diagnostic définitif d’HC et, dans la plupart des cas, précisent l’origine hypophysaire ou surrénalienne de la maladie (figure). Ils sont un préalable essentiel à l’évaluation du pronostic et au choix du traitement. Aucun test n’est totalement fiable et le diagnostic de l’HC est avant tout fondé sur la présentation clinique et l’examen physique de l’animal. Variables selon les laboratoires, les valeurs indiquées dans cet article sont celles fréquemment citées dans les ouvrages de référence. Elles sont données à titre indicatif pour faciliter les prises de décision.

Confirmer ou exclure l’hypercorticisme

1. Ratio cortisol/créatinine urinaire et analyse urinaire

Avantages

La sensibilité de ce test est très bonne (le ratio cortisol/créatinine urinaire est augmenté chez presque 100 % des chiens atteints d’un HC) [1, 5, 6]. L’examen est rapide (une prise d’échantillon urinaire), peu coûteux, facile à interpréter et disponible en routine.

Inconvénients

La spécificité est très faible. De nombreux faux positifs sont recensés (stress chronique, affections diverses dont le diabète sucré, anti-convulsivants, glucocorticoïdes, etc.) [1, 4-6].

Réalisation

Le prélèvement d’urine est effectué par le propriétaire à son domicile (diminue le stress et le risque de faux positif), puis l’échantillon est réfrigéré. La procédure est pratiquée le matin (pour évaluer la quantité approximative de cortisol excrété durant la nuit) et idéalement deux matins consécutifs pour obtenir une moyenne.

Interprétation

Il s’agit d’un test d’exclusion. Si le ratio est inférieur à 10 × 10-6, un HC est exclu. S’il est supérieur à 10 × 10-6, il n’est pas possible de conclure. D’autres examens sont alors requis (test de freination à la dexaméthasone faible dose ou de stimulation à l’hormone corticotrope [ACTH]).

2. Test de stimulation à l’ACTH

Avantages

La spécificité de ce test est d’environ 85 % (15 % de faux positifs : stress chronique, glucocorticoïdes, anticonvulsivants, affections chroniques entraînant une hyperréactivité des surrénales dont le diabète sucré, pancréatite, etc.) [4]. L’examen est rapide (1 à 2 heures), peu coûteux, facile à interpréter et disponible en routine. Il s’agit du seul test à pouvoir mettre en évidence un syndrome de Cushing iatrogène [1, 3, 6].

Inconvénients

La sensibilité est près de 60 %. En moyenne, 40 % des chiens atteints d’HC ne sont pas diagnostiqués par ce test, notamment les animaux de races de moyenne et de grande tailles. Un HC d’origine hypophysaire n’est pas différenciable d’une tumeur surrénalienne [1, 6].

Réalisation

La première prise de sang est réalisée à T0, avant l’injection de Synactène®(1) (tétracosactide), 1 ampoule de 0,25 mg, par voie intramusculaire.

La seconde prise de sang est pratiquée 1 à 2 heures après l’injection de Synactène®(1).

Idéalement, le plasma est envoyé après réfrigération (T0 et T0 + 1 ou 2 heures).

Interprétation

C’est la valeur absolue du cortisol mesuré après stimulation à l’ACTH qui est interprétée, et non le degré d’augmentation, ce qui signifie que la mesure du cortisol avant l’injection de l’ACTH a peu d’importance [1, 6].

Un résultat supérieur à 600 nmol/l (22 µg/dl, ou supérieur aux normes du laboratoire) est en faveur d’un HC (15 % de risque de faux positif).

Un résultat compris entre 470 nmol/l (17 µg/dl) et 600 nmol/l (22 µg/dl) est difficilement interprétable.

Un résultat inférieur à 470 nmol/l (17 µg/dl, ou inférieur aux normes du laboratoire) ne permet pas de conclure. Il convient de le confronter à la suspicion clinique. Si celle-ci est forte, un HC ne peut être écarté car ce test est peu sensible (40 % de faux négatifs). Il est donc recommandé de réaliser un test de freinage de la cortisolémie à la dexaméthasone faible dose (LDDST, low dose dexamethasone suppression test).

3. Test de freinage de la cortisolémie à la dexaméthasone faible dose

Avantages

La sensibilité de ce test est très bonne, de 99 %. La quasi-totalité des chiens atteints d’HC y répondent positivement.

Sa spécificité est de 85 à 95 % (5 à 15 % de faux positifs : stress chronique, affections diverses dont le diabète sucré, anticonvulsivants, glucocorticoïdes, etc.) [4]. Selon certaines études, elle serait inférieure à celle du test de stimulation à l’ACTH (75 %) [5].

L’examen est peu coûteux et disponible en routine. Il permet parfois de distinguer une origine hypophysaire d’une origine surrénalienne [1, 2, 6].

Inconvénients

Le chien doit être hospitalisé une journée.

Réalisation

La première prise de sang est réalisée à T0, avant l’injection de 0,01 mg/kg de dexaméthasone par voie intraveineuse stricte (mesure du cortisol basal). Les deuxième et troisième prises de sang sont pratiquées respectivement à T0 + 4 heures et à T0 + 8 heures après l’injection de dexaméthasone.

Le sérum ou le plasma sont envoyés si possible réfrigérés (T0, T0 + 4 heures, T0 + 8 heures).

Interprétation

C’est la valeur du cortisol à T0 + 8 heures qui permet de confirmer ou non l’hypothèse d’HC [1, 6].

Si la mesure à T0 + 8 heures est supérieure à 40 nmol/l (1,4 µg/dl, ou supérieure aux normes du laboratoire), la dexaméthasone n’a pas freiné la production endogène de cortisol et le diagnostic d’HC est probable (5 % de faux positifs).

Un résultat à T0 + 8 heures compris entre 28 nmol/l (1 µg/dl) et 40 nmol/l (1,4 µg/dl) est difficilement interprétable.

Un résultat inférieur à 28 nmol/l (1 µg/dl, ou inférieur aux normes du laboratoire) permet d’exclure l’hypothèse d’un HC.

Déterminer l’origine de l’hypercorticisme

1. Test de freinage de la cortisolémie à la dexaméthasone faible dose

Avantages, inconvénients, réalisation

Voir ci-dessus.

Interprétation

Après confirmation de l’existence d’un syndrome de Cushing, au moins un de ces trois critères doit être présent pour valider l’origine hypophysaire de l’HC :

– cortisol T0 + 4 heures inférieur à 40 nmol/l (1,4 µg/dl ou norme donnée par le laboratoire) ;

– cortisol T0 + 4 heures inférieur à 50 % du cortisol T0 ;

– cortisol T0 + 8 heures inférieur à 50 % du cortisol T0.

65 % des chiens atteints d’un HC d’origine hypophysaire sont détectés par ce test. Les 35 % restants ne montrent pas de signe de freinage, tout comme les animaux présentant une tumeur surrénalienne.

Si aucun de ces critères n’est présent (freinage absent), il est impossible de déterminer l’origine de l’HC [1, 2, 6].

2. Test de freinage de la cortisolémie à la dexaméthasone forte dose

Avantages

Le test de freinage de la cortisolémie à la dexaméthasone forte dose (HDDST, high dose dexamethasone suppression test) augmente les chances de différencier un HC d’origine hypophysaire d’une tumeur surrénalienne. Il est peu coûteux et disponible en routine.

Inconvénients

Le chien doit être hospitalisé une journée.

Réalisation

Le protocole est identique à celui du test à faible dose, excepté que la dose de dexaméthasone est de 0,1 mg/kg (soit 10 fois plus forte).

Interprétation

Au moins un des quatre critères suivants doit être présent pour confirmer l’origine hypophysaire de l’HC :

– cortisol T0 + 4 heures inférieur à 40 nmol/l (1,4 µg/dl ou norme du laboratoire) ;

– cortisol T0 + 8 heures inférieur à 40 nmol/l (1,4 µg/dl ou norme du laboratoire) ;

– cortisol T0 + 4 heures inférieur à 50 % du cortisol T0 ;

– cortisol T0 + 8 heures inférieur à 50 % du cortisol T0.

75 % des chiens atteints d’HC d’origine hypophysaire sont détectés par ce test. Les 25 % restants ne montrent pas de signe de freinage, tout comme les animaux présentant une tumeur surrénalienne.

Si aucun de ces quatre critères n’est présent, il est impossible de déterminer l’origine de l’HC [1, 2, 6].

3. Mesure de l’ACTH endogène

Avantages

Cet examen permet de différencier un HC hypophysaire d’une tumeur surrénalienne. Il est rapide (deux prises de sang avec un intervalle de 20 minutes au minimum).

Inconvénients

L’ACTH est très labile et requiert des conditions de prélèvement, de conservation et d’envoi particulières [1, 6]. Le test est coûteux et peu disponible en routine.

Réalisation

Le sang est collecté dans un tube EDTA siliconé (éviter le verre car l’ACTH y adhère) et centrifugé, et le plasma est récolté dans un tube en plastique. Le plasma doit être immédiatement congelé et envoyé au laboratoire en respectant la chaîne du froid. L’utilisation de tubes contenant un inhibiteur des protéases (aprotinine par exemple) permet d’alléger les conditions de centrifugation et d’envoi en matière de température.

Interprétation

Un chien atteint d’une tumeur surrénalienne présente une valeur d’ACTH effondrée. À l’inverse, lors d’HC d’origine hypophysaire, la mesure de l’ACTH est de normale à augmentée [1, 6].

Une mesure de l’ACTH endogène supérieure à 2,2 pmol/l (10 pg/ml) est en faveur d’une origine hypophysaire.

Une mesure de l’ACTH endogène inférieure à 2,2 pmol/l (10 pg/ml) évoque une origine surrénalienne.

Lorsque les signes cliniques sont en faveur d’un hypercorticisme, les tests hormonaux permettent de confirmer cette hypothèse diagnostique et d’en déterminer souvent l’origine (hypophysaire ou surrénalienne). Toutefois, d’autres outils (examens échographique, tomodensitométrique, etc.) sont utiles, voire indispensables si ces tests n’établissent pas un diagnostic étiologique de certitude. Ils sont également complémentaires des explorations surrénaliennes (appréciation de la taille d’un adénome hypophysaire, bilan d’extension d’une tumeur surrénalienne).

  • (1) Médicament humain

Références

  • 1 – Feldman EC, Nelson RW. Canine and feline endocrinology and reproduction. Saunders, St. Louis. 2004;363p.
  • 2 – Feldman EC, Nelson RW, Feldman MS. Use of low- and high-dose dexamethasone tests for distinguishing pituitary-dependent from adrenal tumor hyperadrenocorticism in dogs. J. Am. Vet. Med. Assoc. 1996;209(4):772-775.
  • 3 – Huang HP, Yang HL, Liang SL et coll. Iatrogenic hyperadrenocorticism in 28 dogs. J. Am. Anim. Hosp. Assoc. 1999;35(3):200-207.
  • 4 – Kaplan AJ, Peterson ME, Kemppainen RJ. Effects of disease on the results of diagnostic tests for use in detecting hyperadrenocorticism in dogs. J. Am. Vet. Med. Assoc. 1995;207(4):445-451.
  • 5 – Kintzer PP, Peterson ME. Diseases of the adrenal gland. In: Birchard SJ, Sherding RG, eds. Manual of small animal practice. 3rd ed. Saunders Elsevier, Philadelphia. 2006;357-375.
  • 6 – Smiley LE, Peterson ME. Evaluation of a urine cortisol: creatinine ratio as a screening test for hyperadrenocorticism in dogs. J. Vet. Intern. Med. 1993;7(3):163-168.
  • 7 – Stockham SL, Scott MA. Fundamentals of veterinary clinical pathology. Blackwell Pub., Ames. 2008;640p.
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