Obligations d’information et de moyens et responsabilité du vétérinaire
Pratique
LÉGISLATION
Auteur(s) : Christian Diaz
Fonctions : 7, rue Saint-Jean, 31130 Balma
Lorsque le praticien respecte son obligation de moyens selon les commémoratifs disponibles et la clinique, une erreur de diagnostic ne constitue pas une faute.
En fin d’après-midi, M. Maître présente sa chienne au Dr Véto. L’animal, en bon état général, fait des efforts pour vomir et a régurgité une chaussette. Après des examens clinique et radiographique, le praticien pose un diagnostic de gastrite par irritation et administre un antivomitif. Le lendemain matin, la chienne est présentée à nouveau. Elle est agonisante et meurt rapidement. L’autopsie révèle qu’une seconde chaussette obstrue le duodénum.
M. Maître engage la responsabilité du Dr Véto. Le juge missionne un expert.
L’expert considère que les soins n’étaient pas appropriés, l’administration d’un produit antivomitif ayant favorisé le passage de la chaussette dans le duodénum. Il envisage deux hypothèses, toutes deux défavorables au vétérinaire.
Hypothèse 1 : Si la présence d’une seconde chaussette avait été évoquée, il appartenait au praticien d’effectuer un transit baryté afin de la mettre en évidence.
Hypothèse 2 : Si la disparition de la seconde chaussette n’avait pas été évoquée, le praticien aurait malgré tout dû envisager la possibilité d’un corps étranger non visible radiologiquement, en informer le propriétaire et mettre en place, avec son consentement éclairé, les moyens de diagnostic appropriés.
Il conclut que, quels que soient les commémoratifs fournis par M. Maître, la responsabilité du vétérinaire est engagée, soit par défaut d’information envers le propriétaire, soit par défaut de moyens mis en œuvre pour établir le diagnostic.
L’expert estime le préjudice consécutif à la faute, à la somme de 5 800 €.
Selon le magistrat, « le contenu de l’obligation d’information doit s’apprécier en fonction des renseignements recueillis et des manifestations cliniques présentées par l’animal […] le Dr Véto n’avait aucune raison de suspecter la chienne d’avoir avalé deux chaussettes […] au moment de l’examen, l’état général de la chienne était convenable, la palpation abdominale normale, et elle ne présentait pas de signes d’occlusion […] le décès n’était alors pas envisageable.
Attendu qu’il ne peut être reproché au praticien de ne pas avoir pratiqué des examens dont l’utilité n’est apparue qu’après la mort de l’animal […], que le vétérinaire n’a commis aucune faute dans la mise en œuvre des mesures préalables au diagnostic […], que l’erreur dans l’administration des soins consécutive à l’erreur de diagnostic ne lui est pas imputable […], la responsabilité du Dr Véto n’est pas engagée ».
Plusieurs enseignements doivent être tirés de ce jugement.
1° L’obligation d’information relève aussi du client. Dans le cas d’espèce, ce dernier n’avait pas apporté la preuve qu’il avait informé le praticien de la possibilité d’ingestion d’une seconde chaussette.
2° Le vétérinaire ayant rempli son obligation de moyens, l’erreur de diagnostic n’est pas une faute et, à ce titre, n’engage pas sa responsabilité. Rappelons que, pour que cette responsabilité soit engagée, il est nécessaire de mettre en évidence trois éléments indissociables : une faute (et non une erreur), un dommage, et un lien de causalité entre la faute et le dommage.
3° Le magistrat n’a pas hésité à contredire l’expert qui avait, contrairement aux dispositions de l’article 238 du Code de procédure civile, porté des appréciations d’ordre juridique en concluant de façon formelle à la responsabilité du praticien. Il s’agit là de l’application du principe de souveraineté du juge, seul habilité à dire le droit, que les experts doivent garder en mémoire lors de leurs opérations, sous peine de sévères désillusions, voire de sanctions(1).