Déficit pulsatile chez un dogue allemand - Le Point Vétérinaire n° 299 du 01/10/2009
Le Point Vétérinaire n° 299 du 01/10/2009

Cardiologie canine

Cas clinique

Auteur(s) : François Serres

Fonctions : Oncovet, avenue Paul-Langevin 59650 Villeneuve-d’Ascq

Un dogue allemand mâle âgé de 8 ans est présenté en consultation à la suite d’une fatigabilité marquée évoluant depuis une semaine, accompagnée depuis 48 heures de crises de syncope.

L’animal est suivi depuis 6 mois pour un ostéosarcome du radius gauche traité par radiothérapie et chimiothérapie (carboplatine).

Diagnostic

• L’examen clinique montre un animal en bon état général. Aucun signe de progression locale du processus tumoral n’est constaté. La palpation abdominale révèle un signe du flot positif. L’auscultation met en évidence une nette tachycardie (190 bpm) irrégulière, associée à un souffle systolique apexien gauche, d’intensité 3/6. La prise simultanée du pouls indique une fréquence basse (80 bpm) avec un pouls souvent bien frappé.

• Un examen électrocardiographique confirme la présence d’une fibrillation atriale de haute fréquence.

• Des clichés radiographiques du thorax montrent une cardiomégalie globale marquée, associée à une densification interstitielle pulmonaire modérée. Le liquide d’ascite est un transsudat modifié.

• L’association d’un déficit pulsatile et d’une fibrillation atriale à des signes d’insuffisance cardiaque congestive motive la réalisation d’un examen échocardiographique. Celui-ci met en évidence une nette dilatation du ventricule droit et du ventricule gauche, associée à une forte diminution de la contractilité (photo 1). L’examen au mode Doppler pulsé du flux aortique confirme que près d’une contraction sur deux ne s’accompagne pas d’une éjection systolique (photo 2). La vitesse du flux aortique est variable et proportionnelle au temps écoulé depuis la dernière contraction “efficace”. Une dilatation biatriale est mise en évidence, associée à des reflux mitraux et tricuspidien, ainsi qu’à un léger épanchement péricardique.

• Un dosage de taurine et un bilan thyroïdien ne montrent pas d’anomalie.

• Un diagnostic de cardiomyopathie dilatée décompensée, associé à une fibrillation atriale et à une insuffisance cardiaque congestive et circulatoire, est établi. Un traitement anti-arythmique (digoxine) et un traitement de l’insuffisance congestive (furosémide et inhibiteur de l’enzyme de conversion de l’angiotensine) sont instaurés. Après 10 jours de traitement, les signes congestifs ont rétrocédé, mais la fréquence cardiaque reste élevée et le déficit pulsatile reste présent. Du pimobendane et du diltiazem sont ajoutés au protocole. Ce traitement permet un net ralentissement de la fréquence cardiaque, le pouls redevenant synchrone.

Discussion

• L’observation d’un déficit pulsatile lors de fibrillation atriale est relativement fréquente. Cette anomalie clinique est due à l’association d’une fréquence cardiaque élevée et irrégulière, d’une part, et d’une dysfonction systolique, d’autre part. Lors de diastoles brèves, le remplissage ventriculaire est insuffisant et la systole ventriculaire suivante ne permet pas de développer une pression intraventriculaire suffisante pour ouvrir les valves sigmoïdes aortique et pulmonaire.

Cliniquement, cette contraction inefficace se traduit par une modification de l’auscultation (avec une disparition du deuxième bruit cardiaque, le « ta », correspondant à la fermeture des sigmoïdes) sans pouls concomitant palpable.

• La présence d’une fibrillation atriale lors de cardiomyopathie dilatée chez le dogue allemand est très fréquente (décrite dans 71 % des cas) [2]. La prise en charge de cette arythmie est un élément essentiel du traitement. Une étude prospective randomisée récente montre qu’une bithérapie (association de diltiazem libération prolongée à la dose de 3 mg/kg/12 h et de digoxine à la dose de 0,005 mg/kg/12 h) est nettement plus efficace qu’une monothérapie avec ces mêmes molécules [1].

Ce traitement permet de diminuer nettement la fréquence ventriculaire moyenne (de 194 à 126 bpm) et surtout de maintenir une fréquence basse (inférieure à 140 bpm) sur la quasi-totalité de la journée [1].

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