Fracture par balle traitée par ostéosynthèse d’alignement - Le Point Vétérinaire n° 296 du 01/06/2009
Le Point Vétérinaire n° 296 du 01/06/2009

Orthopédie féline

Pratique

CAS CLINIQUE

Auteur(s) : Bertrand Pucheu*, Sébastien Connefroy**, Bruno Duhautois***

Fonctions :
*Clinique vétérinaire 19, avenue Saint-Maur 59110 La Madeleine
**Clinique vétérinaire 19, avenue Saint-Maur 59110 La Madeleine
***33, rue de l’Herrengrie 59700 Marcq-en-Barœul

Une chatte européenne âgée de 15mois présente une boiterie de soutien et un gonflement du membre antérieur droit. L’examen radiographique révèle une fracture par balle.

Les propriétaires ignorent les circonstances et la date d’apparition de la boiterie car la chatte passe la journée à l’extérieur. Seules deux petites plaies sont visibles en regard de l’humérus droit, en faces médiale et latérale. Les maîtres révèlent que plusieurs animaux ont déjà été blessés par balle dans leur quartier.

Cas clinique

1. Examen clinique

L’examen clinique général est normal, excepté le membre antérieur droit qui présente un gonflement sévère, localisé au-dessus du coude. La palpation de cette zone met en évidence une chaleur, un hématome, des crépitements et une douleur intense à la manipulation. Deux petites plaies sont présentes en face interne de l’humérus droit (photo 1). L’examen neurologique du membre semble normal. Un fracture ouverte de l’humérus est suspectée.

2. Examens complémentaires

Les examens radiographiques du thorax ne révèlent aucune lésion. Des clichés de face et de profil du membre sont réalisés sous anesthésie générale (xylazine et kétamine aux doses respectives de 1,1 mg/kg et 11 mg/kg administrées par voie intramusculaire). Ils mettent en évidence une fracture comminutive de l’extrémité distale de l’humérus et la présence de fragments de plomb (photos 2a et 2b).

Dans l’attente d’une intervention chirurgicale, prévue le lendemain, un antalgique (de la morphine à la dose de 0,1 mg/kg toutes les 4 heures par voie intramusculaire), un anti-inflammatoire (de l’acide tolfénamique à la dose de 4 mg/kg/j par voie sous-cutanée) et un antibiotique (de la céfalexine à la dose de 30 mg/kg/j en deux fois par voie intramusculaire) sont administrés.

Les plaies de petite taille sont traitées selon le protocole utilisé pour la gestion d’une fracture ouverte : tonte, nettoyage, antiseptie, pansement stérile.

En raison de la localisation de la fracture, un pansement de Robert-Jones pour la stabiliser temporairement ne peut être mis en place. L’animal est alors confiné dans une cage avec une collerette en attendant l’intervention chirurgicale.

3. Traitement

Protocole anesthésique

Un bilan sanguin préanesthésique (numération et formule sanguines, ionogramme et bilan biochimique complet) est réalisé. Tous les paramètres sont compris dans les valeurs usuelles.

Après la pose d’un cathéter sur la veine céphalique, la prémédication est pratiquée à l’aide de xylazine à la dose de 1,1 mg/kg par voie intraveineuse et l’induction avec de la kétamine à la dose de 11 mg/kg par voie intraveineuse. Le protocole antalgique initié la veille (morphine + acide tolfénamique) est poursuivi. L’entretien de l’anesthésie est effectué avec un mélange gazeux d’oxygène et d’isoflurane.

Protocole opératoire

L’humérus est abordé par une voie d’abord médiale limitée aux extrémités proximale et distale afin d’épargner le foyer de fracture (photo 3). Après avoir récliné cranialement le muscle brachio-céphalique, la partie proximale de l’humérus est approchée en réclinant caudalement le muscle pectoral superficiel et le muscle biceps brachial. La partie distale de l’humérus est abordée en réclinant le muscle biceps brachial cranialement et le chef médial du muscle triceps brachial caudalement. Le nerf ulnaire est récliné caudalement. Il est isolé au moyen d’un fil de suture pour mieux le visualiser et le protéger (photo 4). La dissection mousse est effectuée en prenant soin d’épargner l’artère brachiale et le nerf médian qui passent dans le foramen supracondylien chez le chat. Afin de pouvoir fixer la plaque jusqu’au condyle huméral médial, le nerf médian est dégagé du foramen supracondylien au moyen d’une pince gouge permettant le glissement de la plaque directement sous le nerf. Une plaque DCP de 2,7 mm est précontournée grâce aux clichés radiographiques du membre controlatéral sain (photo 5). Celle-ci est insérée dans le sens proximo-distal au contact de l’os de l’extrémité proximale, puis tunnellisée en la faisant glisser sous les fascias musculaires jusqu’à l’extrémité distale (photo 6). Après vérification de l’alignement correct des surfaces articulaires, la plaque est fixée à l’os d’abord par trois vis de 2,7 mm bicorticales dans l’extrémité proximale, puis par deux autres de 2,7 mm dans l’extrémité distale (une vis transcondylienne puis une vis monocorticale, leur nombre étant limité par la petite taille du fragment) (photo 7). Après rinçage du site opératoire, les deux ouvertures sont refermées en trois plans. Les points d’entrée et de sortie des plombs sont flushés et refermés après un parage limité (tissus cutané et sous-cutané) (photo 8).

Des clichés radiographiques de contrôle postopératoire montrent un alignement correct des surfaces articulaires malgré l’absence de réduction anatomique (photos 9a et 9b). L’ancrage des vis, en particulier dans l’extrémité distale, est correct et préserve l’articulation du coude.

L’analgésie est poursuivie par des injections de morphine (à la dose de 0,1 mg/kg/4 heures par voie intramusculaire) pendant 24 heures. Le chat est rendu à ses propriétaires dès le lendemain de l’intervention chirurgicale avec un traitement antibiotique (céfalexine) per os à suivre pendant 1 semaine et un traitement anti-inflammatoire (acide tolfénamique) per os de 5 jours. Une cageothérapie (confinement dans un espace clos) est imposée pendant les 6 semaines postopératoires.

4. Suivi

Lors de la consultation de contrôle, 6 semaines après l‘intervention, l’animal ne présente pas de boiterie. Aucune douleur n’est observée à la manipulation du membre. Les clichés radiographiques de contrôle montrent une bonne stabilité des implants (photos 10a et 10b). Un remodelage des abouts osseux a eu lieu en regard du trait de fracture et un cal rectiligne déjà minéralisé a ponté l’espace entre les deux fragments, incorporant les esquilles présentes. La longueur de l’os est conservée et le cal osseux respecte parfaitement l’alignement de l’humérus.

Le contrôle radiographique à 18 semaines postopératoires met en évidence un épaississement et une homogénéisation du cal, avec une densité d’os cortical (photos 11a et 11b). Aucune déviation du membre n’est observée et l’examen clinique de l’animal ne révèle toujours ni douleur ni boiterie.

Discussion

1. Plaies par balle

L’énergie cinétique d’un projectile est convertie en travail sur les tissus lors de l’impact, ce qui se traduit par une déformation élastique et plastique de ces derniers et par une dissipation d’énergie sous forme de chaleur. L’énergie cinétique d’un projectile est un moyen de quantifier sa capacité de destruction : E = (m.v2)/2, avec E pour énergie cinétique, m pour masse du projectile et v pour vitesse du projectile [14]. L’étendue des lésions dépend donc de la vitesse mais aussi de la masse du projectile. Même des projectiles à basse vitesse peuvent provoquer des lésions importantes.

Selon la classification de Gustillo-Anderson, les fractures par balle sont considérées comme des fractures ouvertes de degré 2 ou 3 (tableau 1). Selon celle d’Altemeier, elles sont toujours estimées comme des plaies contaminées ou infectées (tableau2). La gestion des plaies associées comprend plusieurs étapes [7, 17] :

- réaliser un examen physique et neurologique complet de l’animal (lésions associées, dégâts collatéraux dus aux fragments de plomb ayant ricoché sur l’os) et des clichés radiographiques sous deux incidences orthogonales de la zone touchée ;

- mettre en place une antibiothérapie à large spectre (en attendant les résultats d’un antibiogramme si nécessaire) ;

- désinfecter et parer la plaie. La gestion de la plaie dépend des caractéristiques du projectile. Pour un projectile de faible énergie cinétique, s’il n’a pas touché une structure vitale, le lavage, l’antiseptie, un parage local de la plaie (peau et tissus sous-cutanés) et la pose d’un pansement peuvent suffire, et la balle ou ses gros fragments ne sont retirés que s’il est possible de les atteindre facilement ou qu’ils sont logés dans une articulation. Pour un projectile à haute énergie cinétique, en raison de l’importance des lésions des tissus mous associées, il convient d’effectuer une exploration et un parage de la plaie, d’enlever les tissus dévitalisés et nécrotiques en profondeur, et de mettre en place un système de drainage (encadré complémentaire sur www.WK-Vet.fr).

Si le thorax est touché, le traitement est conservateur, avec une thoracocentèse ou la pose d’un drain thoracique en cas de pneumothorax ou d’hémothorax. Une thoracotomie (ou une thoracoscopie) n’est réalisée que lors d’un saignement incontrôlé, qu’une structure vitale est touchée (attention à l’œsophage), que le pneumothorax est ouvert ou, s’il est fermé, qu’il persiste malgré la mise en place d’un drain thoracique (persistance du pneumothorax fermé après 5 jours).

Il convient de se méfier d’une atteinte abdominale avec pénétration du projectile dans le péritoine. Une laparotomie d’urgence est indispensable en raison des risques élevés de péritonite, d’atteinte du système digestif (dans 55 % des cas chez le chien), et de lacération splénique ou hépatique.

2. Classification des fractures par balle

Il existe un système de classification des différents types de fractures par balle, utile pour mettre en place un protocole de traitement (tableau 3) [22].

Fracture de type 1

Le type 1 correspond à des fractures de basse énergie. La fracture est simple. Aucun trou de sortie du projectile n’existe et une atteinte des tissus mous est mise en évidence uniquement le long de son trajet. Les fragments de la balle restent in situ pour leur plus grande partie et sont souvent de grande taille (même si de tout petits fragments sont présents).

Fracture de type 3

Le type 3 correspond à des fractures de haute énergie. L’os est fracassé en petites esquilles et la balle est littéralement réduite en poussière (même si une partie ressort par le trou de sortie). Une plaie de sortie est toujours observée. Un phénomène de cavitation est noté sur les tissus mous. Ceux-ci se dilatent autour du passage du projectile (transmission d’énergie cinétique), créant une cavité qui se collabe immédiatement. Cela inflige des dégâts très importants aux tissus et à la vascularisation.

De plus, des ondes de choc hydrostatique sont créées et lèsent les tissus dans un rayon de 30 fois le diamètre de la balle.

La fragmentation en esquilles, le détachement des tissus mous et la thrombose des capillaires de l’os cortical produisent une dévasculatisation majeure de l’os. Enfin, le risque infectieux est très important, en raison de l’introduction de bactéries, de la présence de corps étrangers, et des dégâts tissulaires et vasculaires.

Fracture de type 2

Les fractures de type 2 présentent des caractéristiques des fractures de types 1 et 3, et dépendent du projectile. Il s’agit en général de balles relativement lourdes, évoluant à basse ou à moyenne vitesse. Dans ce cas, de gros fragments osseux et de la poussière de fragments coexistent.

La sévérité des dégâts osseux dépend de l’os concerné. Par exemple, une grande partie de l’énergie cinétique initiale d’une balle se dissipe au contact de la diaphyse du fémur, contrairement au tibia. Les fractures du tibia sont donc plus complexes.

3. Traitement chirurgical

Dans le traitement chirurgical des fractures, les fragments osseux de grande taille, ceux qui font partie d’une surface articulaire et tous les fragments vascularisés (présence d’insertions musculaires) sont laissés en place [3]. Pour les fractures par balle de types 1 et 2, il est possible soit d’effectuer une réduction anatomique avec compression du foyer de fracture (si celle-ci est réductible) et fixation interne stable, soit de réaliser une ostéosynthèse d’alignement pour laquelle les facteurs biologiques de la cicatrisation osseuse sont privilégiés. Lors de fracture de type 3, une forte dévascularisation est présente et une union retardée probable ; une fixation de soutien durable et une approche limitée de l’os pour préserver au maximum la vascularisation restante sont à la fois requises. Une plaque de soutien, un enclouage verrouillé, un fixateur externe ou une association plaque/enclouage centro-médullaire peuvent donc être utilisés. Lors d’ostéosynthèse biologique, les fragments ne sont pas réduits, l’alignement axial, la rotation et la longueur de l’os sont restaurés. Les lésions importantes des tissus mous permettent en effet de préserver la cascade des facteurs locaux et humoraux nécessaires à l’établissement d’un cal précoce. Il convient d’éviter d’interférer avec ces phénomènes lors de l’ostéosynthèse.

Si les fractures par balle de types 1 et 2 cicatrisent en 6 à 10 semaines, celles de type 3 présentent en général une union retardée (12 à 20 semaines). Le pronostic est excellent à bon pour le type 1, bon à acceptable pour le type 2 et acceptable à faible pour le type 3 [22].

Le cas décrit est une fracture de type 2, associant de grosses esquilles osseuses et de la poussière de fragments, du plomb fragmenté avec un trou de sortie et des lésions des tissus mous modérées. La fracture comminutive a été traitée avec succès par une plaque de soutien placée avec un abord minimal (minimally invasive percutaneous osteosynthesis). Un parage local de la peau et des tissus sous-cutanés, associé à une antibiothérapie, a suffi pour prévenir toute complication infectieuse. En présence d’une plaie infectée, la stabilisation externe temporaire permettant une phase de détersion préalable est indiquée avant la stabilisation chirurgicale.

4. Ostéosynthèse “biologique”

Les facteurs biologiques de la cicatrisation osseuse doivent être pris en compte dans le traitement de toutes les fractures, et les techniques pour lesquelles la préservation de ces derniers est une priorité sont souvent qualifiées de manière abusive d’ostéosynthèse “biologique”. Les principes du traitement des fractures selon l’AO/ASIF(1) s’articulent autour de quatre points fondamentaux [3] :

- la réduction anatomique des fragments (surtout pour les fractures articulaires) ;

- la fixation stable ;

- la préservation de la vascularisation des fragments osseux et des tissus mous environnants par une technique chirurgicale et une réduction atraumatiques ;

- la mobilisation précoce et active des muscles et des articulations adjacentes à la fracture pour prévenir toute maladie fracturaire.

Ces principes ont subi quelques changements avec le développement, depuis quelques années, du concept de fixation biologique (c’est-à-dire mini-invasive), fondé sur :

- la protection des tissus mous et la vascularisation des fragments osseux. Les fragments osseux ne sont pas manipulés pour protéger leur vascularisation, la zone de fracture est pontée (enjambée) par une plaque de soutien fixée à chaque extrémité de l’os ou stabilisée par un fixateur externe ou un enclouage verrouillé. Une cicatrisation osseuse indirecte avec stabilisation par un cal précoce est ici recherchée (volumineux et solide, permettant un appui et une mobilisation précoces) (tableau complémentaire 4 sur www.WK-Vet.fr) ;

- la restauration d’un alignement axial de l’os dans les plans frontal et sagittal, en éliminant toute rotation du membre et en maintenant la longueur de l’os. Les micromouvements entre les fragments osseux sont recherchés pour favoriser la formation du cal. En effet, la vascularisation sanguine des os longs a trois origines : l’artère nourricière (vascularisation des deux tiers intérieurs du cortex), les artères métaphyso-épiphysaires et les artères périostées (des insertions fasciales, ligamentaires et périostées, assurant la vascularisation du tiers extérieur du cortex) [3]. Dans le cas d’une fracture sans déplacement (ou avec une fixation interne rigide), l’artère nourricière intacte procure la vascularisation nécessaire à la cicatrisation.

Lors d’une fracture avec déplacement (ou avec une fixation interne instable), la première source vasculaire du site de fracture est la circulation périostée : un abord mini-invasif, sans les désinsertions musculaires et l’élévation périostée nécessaires à la pose d’une plaque conventionnelle, autorise une meilleure perfusion du site de fracture [5].

Ainsi, le traitement par ostéosynthèse biologique de fractures comminutives de fémurs de moutons a permis d’obtenir un début de cicatrisation osseuse dès 2 à 3 semaines et une résistance augmentée à 8 semaines avec un cal satisfaisant, contre un début de cicatrisation osseuse à 6 semaines avec une réduction anatomique (les implants utilisés et les plaques étaient les mêmes dans les deux cas) [2].

L’ostéosynthèse biologique, avec la conservation de la vascularisation des fragments osseux par réduction indirecte et des implants moins invasifs (modelés de façon à diminuer la surface de contact os-implant), améliore la cicatrisation osseuse.

La réduction anatomique avec reconstruction totale de tous les traits de fracture est désormais essentiellement utilisée lors de fracture articulaire ou de fracture diaphysaire reconstructible, avec possibilité de mise en compression.

5. Critère de choix du montage pour le cas décrit

Dans le cas clinique présenté, toute reconstruction anatomique étant impossible, diverses techniques d’ostéosynthèse sont envisageables.

• Un enclouage verrouillé avec une vis de verrouillage distale est une solution alternative intéressante [4, 11]. Cependant, sa mise en place sans ouvrir le foyer de fracture est parfois difficile.

• Des fixateurs externes peuvent être mis en place. Toutefois, comme il s’agit d’une fracture humérale, il convient de réaliser un montage de type IA ou IB. Le montage de type IB a été jugé trop volumineux pour ce chat et la stabilité engendrée par un montage de type IA aurait peut-être été insuffisante. En revanche, la pose d’un fixateur de type FESSA (fixateurs externes du service de santé des armées) aurait pu être une solution pour augmenter le nombre d’implants sur le petit fragment distal. Son emploi est rapporté avec succès pour des fractures du tiers distal du radius de chats et de petits chiens [9]. La rigidité d’un montage peut aussi être augmentée avec un fixateur externe par l’ajout d’un enclouage centro-médullaire [10].

• L’association d’un enclouage centromédullaire et d’une plaque (plate-rod construct) est une autre possibilité. Avec des vis monocorticales et bicorticales en nombre limité (au moins deux vis monocorticales et une vis bicorticale de chaque côté du trait de fracture) et un clou dont le diamètre est 30 à 50 % de celui de la cavité médullaire, les forces de flexion exercées sur la plaque sont réduites de moitié [19]. Mais, chez ce chat, la stabilité obtenue par une plaque seule a été jugée suffisante, et la pose d’un clou centromédullaire aurait été délicate (humérus de chat, avec en plus un petit fragment distal), avec une perturbation de la vascularisation accrue [13].

• Les plaques de soutien glissées sous la peau au niveau du site de fracture donnent de bons résultats sur des fractures comminutives du tibia chez le chat ou de l’humérus et du fémur chez l’homme [12, 15, 16, 20, 21]. Le matériel d’ostéosynthèse utilisable est de plus en plus diversifié en chirurgie vétérinaire, notamment avec le développement de nouvelles plaques telles que les LCP (locking compression plate), LC-DCP (limited contact-dynamic compression plate) et PC-Fix (point contact fixator). Celles-ci permettent de limiter de plus en plus les contacts implant-os, donc de mieux prévenir les risques de dévascularisation et d’ostéopénie, une limite non négligeable à leur utilisation restant leur coût plus élevé [18].

Le choix s’est porté sur une plaque DCP standard glissée sous les fascias au niveau du trait de fracture. Pour cela, une tunnellisation préalable est réalisée à l’aide d’une pince hémostatique en restant au contact de l’os afin de prévenir des lésions neurovasculaires. Une plaque VCP seule a été jugée trop fragile et deux plaques VCP superposées ont été considérées comme moins pratiques pour la réalisation de la tunnellisation et de la fixation. Ce montage a permis d’obtenir à la fois une stabilité suffisante et une dévascularisation minimale, conduisant à la formation d’un cal solide sans complications, et ce malgré le caractère contaminé de la fracture (une antibiothérapie et un parage superficiel des points d’entrée et de sortie des plombs ont suffi pour prévenir une infection).

Une greffe d’os spongieux est généralement réalisée lors d’une fracture ouverte qui présente un defect osseux important ou en cas de forte comminution du foyer de fracture [3]. Cela permet une rapide stimulation de la formation directe d’os, une vascularisation et une ostéo-induction précoces. Une greffe d’os cortical est en revanche évitée ; la greffe met du temps à se revasculariser et le risque de formation d’un séquestre est trop important en territoire contaminé. La greffe est prélevée et placée au cours de la chirurgie d’ostéosynthèse, après le parage chirurgical et la stabilisation. Enfin, sa mise en place peut être retardée en cas d’infection ou de suppuration dans l’attente de la phase de détersion de la plaie et de l’apparition d’un tissu de granulation. Dans le cas décrit, la réalisation de l’ostéosynthèse à foyer fermé ne permet pas d’envisager une greffe.

La prise en charge d’une plaie par balle nécessite une démarche raisonnée et un examen rigoureux, notamment pour localiser d’éventuels dégâts collatéraux dus aux fragments de plomb.

Une fois l’état de l’animal stabilisé, le traitement des fractures dépend de la gravité des lésions provoquées par le projectile. La gestion d’une fracture comminutive fait appel au concept d’ostéosynthèse biologique et repose sur des techniques mini-invasives afin d’assurer une cicatrisation correcte de l’os malgré une dévascularisation importante.

  • (1) AO/ASIF : - Arbeitsgemeinschaft Für Osteosynthesefragen - Association for the Study of Internal Fixation.

Références

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  • 3 - Brinker WO, Piermattei DL, Flo GL. Diagnostic and treatment of fractures, lameness and joint disease. In: Handbook of Small Animal Orthopedics and Fracture Repair. 4th ed. 2006.
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POINTS FORTS

• Les fractures par balle sont considérées comme des fractures ouvertes de type 2 ou 3.

• L’étendue des lésions dépend de la vitesse mais aussi de la masse du projectile ; des projectiles à basse vitesse peuvent ainsi induire des dommages considérables.

• Lors de fractures comminutives par balle, les lésions des tissus mous déclenchent la cascade des facteurs locaux et humoraux nécessaires à l’établissement d’un cal précoce. Les techniques d’ostéosynthèse biologique visent à préserver ce phénomène.

• L’ostéosynthèse biologique repose sur la restauration de l’alignement axial, de la rotation et de la longueur de l’os, tout en préservant l’hématome fracturaire.

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