Abord de la parésie spastique des veaux - Le Point Vétérinaire n° 294 du 01/04/2009
Le Point Vétérinaire n° 294 du 01/04/2009

Affections nerveuses et musculaires des bovins

Mise à jour

CONDUITE À TENIR

Auteur(s) : Geert Vertenten

Fonctions : Chirurgie et anesthésie des animaux domestiques
Faculté de médecine vétérinaire
Université de Gand Salisburylaan 133
9820 Merelbeke (Belgique)
geert.vertenten@ugent.be

Une bonne connaissance de l’évolution récente des données scientifiques sur la parésie spastique facilite le diagnostic et le conseil avisé au propriétaire.

La parésie spastique des gastrocnémiens (PSG) est connue depuis plusieurs décennies (première description en 1922 par Hamoir) [5]. Toutefois, les cas touchant les autres groupes musculaires des membres pelviens sont de plus en plus fréquents selon notre expérience. Face à un mouvement de balancier vers l’avant ou à un mouvement circulaire des membres postérieurs, le diagnostic de certitude et le pronostic ne sont pas toujours aisés à établir.

Étape 1 : signes à rechercher

1. Parésie spastique des muscles gastrocnémiens

La parésie spastique des muscles gastrocnémiens du bovin est une affection neuromusculaire localisée uni- ou bilatérale caractérisée par l’hyperextension d’un ou des deux membres postérieurs chez le veau debout (photo 1).

La plupart des animaux manifestent un piétinement continu dès qu’ils se mettent debout. Ils soulagent alternativement un membre, puis l’autre. Leur démarche est raide et saccadée. Les spasmes du muscle atteint obligent le membre postérieur à se diriger vers l’arrière, en suspension. En effet, l’angle du jarret est souvent exagérément ouvert (jarrets droits et tendus).

2. Parésie spastique des autres groupes musculaires

Des parésies spastiques ont été décrites sur d’autres groupes musculaires :

- semi-tendineux ;

- semi-membraneux ;

- biceps fémoral ;

- quadriceps fémoral ;

- extenseurs de la colonne vertébrale et abducteurs (figure) [1, 2].

Dans ces cas atypiques, le membre postérieur décrit un mouvement de balancier vers l’avant. Une forme intermédiaire est caractérisée par un mouvement circulaire du membre. Les animaux affectés présentent généralement une tension importante des extenseurs dorsaux du membre postérieur. De plus, une tension élevée du quadriceps fémoral est observée (photo 2). À la palpation, le muscle quadriceps et les extenseurs des doigts sont en contraction continue. Touati et coll. parlent à propos de cette entité de parésie spastique du quadriceps fémoral (PSQ) [8]. Toutefois, chez les veaux affectés, des spasmes dans d’autres groupes musculaires sont souvent présents de façon concomitante.

Étape 2 : éléments d’orientation

1. Race

La parésie spastique affecte toutes les races de bovins, à l’échelle mondiale. L’absence de politique d’éradication de la parésie spastique en race blanc-bleu-belge est sans doute à l’origine de sa prévalence élevée. La forme atypique récente de la parésie spastique n’a été rapportée que dans cette race.

2. Âge

Lors de parésie spastique, les contractions involontaires des muscles gastrocnémiens peuvent déjà être présentes à la naissance. Elles apparaissent souvent avant l’âge de 3 à 4 mois.

L’affection se développe rarement chez des adultes.

Pour la nouvelle forme de la parésie spastique, les veaux montrent presque toujours les signes cliniques dès la naissance.

3. Anamnèse

La plupart des veaux atteints de PSG depuis la naissance restent longtemps en décubitus après celle-ci. Parfois, l’éleveur ne les voit debout pour la première fois qu’après quelques jours. Le jeune bovin ne se lève que pour s’alimenter ou quand il est stimulé, même s’il en a les capacités. Dès qu’il commence à marcher ou à courir, les contractions involontaires disparaissent. Comme les veaux sont souvent couchés et se lèvent difficilement, ils sont très sales au niveau du ventre. Des infections ombilicales sont alors fréquemment associées (gros nombril). Des escarres peuvent être observées latéralement aux jarrets. Certains veaux placent leurs membres antérieurs sous le ventre pour mieux porter leur poids.

Pour la nouvelle forme de parésie spastique, les veaux ne peuvent parfois pas se lever sans aide ni rester debout. Les contractions involontaires ne disparaissent presque jamais. L’apparition d’escarres sur la face dorsale des boulets antérieurs est une complication fréquente. En effet, l’animal déporte son centre de gravité vers l’avant. L’avant-main doit supporter davantage de poids, ce qui engendre une flexion des articulations métacarpo-phalangiennes (bouleture) et des plaies associées [8].

L’état général des animaux atteints se dégrade rapidement, en lien avec la douleur constante et le stress physique provoqués par les spasmes. De plus, souvent couchés, les veaux se nourrissent mal. Le dépérissement induit peut motiver l’appel du vétérinaire (pertes économiques) [9].

Étape 3 : diagnostic différentiel

• La parésie spastique doit être distinguée de trois entités (encadré 1).

En général, l’examen clinique et les commémoratifs permettent d’établir un diagnostic.

La parésie spastique du gastrocnémien doit être différenciée de celle des autres muscles. La diversité des muscles qui peuvent être affectés ne facilite pas la gestion des cas atypiques. En effet, il est difficile d’évaluer le degré de spasticité et de circonscrire le groupe musculaire atteint. À la palpation, une tension est parfois observée dans plusieurs groupes.

• Un test avec des anesthésiques locaux peut se justifier. De Ley et De Moor ont constaté une disparition complète des spasmes du muscle gastrocnémien 15minutes après une administration de procaïne à 0,38 % par voie épidurale [3].

Cette utilisation est purement diagnostique.

• À l’université de Gand, cette procédure a été mise en œuvre pour quatre cas de spasticité atypique. La disparition des spasmes n’a pas été observée.

Envisageable en recherche, l’électromyographie (EMG) ne permet pas de localiser les spasmes [6]. En effet, l’électromyogramme reste normal lors de spasticité musculaire.

Étape 4 : traitement

1. PSG : deux techniques chirurgicales

• La ténectomie consiste en une extraction des parties tendineuses à la corde du jarret. Cette méthode n’est pas mise en œuvre à la faculté de Gand [7].

• La névrectomie a été mise au point par De Moor et Bouckaert en 1964 [4]. Un morceau du nerf tibial (qui innerve les trois chefs du gastrocnémien) est retiré sur une longueur de 3 cm. Cette technique est utilisée dans le service de chirurgie et d’anesthésie des animaux de rente de la faculté de Gand. L’animal est tranquillisé avec de la xylazine (20 mg/100 kg). Une injection épidurale est ensuite effectuée, à base de procaïne 4 %, à la dose de 15 à 35 ml (selon effet), associée à de l’adrénaline : 40mg de procaïne hydrochloride + 0,036 mg/ml de bitartrate d’épinéphrine(1). Après l’intervention, des antibiotiques et des anti-inflammatoires non stéroïdiens sont administrés pendant 3 jours par voie parentérale (encadré 2). Le bovin est gardé au moins 1 mois dans un box à dimensions réduites afin de prévenir une rupture des gastrocnémiens (limiter les mouvements).

Lors de parésie spastique bilatérale, le côté le plus atteint est traité chirurgicalement en première intention. Le côté opposé ne nécessite pas d’intervention dans 50 % des cas.

Dans le cas contraire, une seconde intervention peut être mise en œuvre, au plus tôt 4 à 5 semaines après la première.

2. Autres groupes musculaires : pas de technique appropriée

Aucun traitement adéquat de la parésie spastique de groupes musculaires autres que les gastrocnémiens n’existe à ce jour. La névrectomie des muscles atteints pourrait être une solution. Cependant, aucune technique appropriée n’est disponible pour identifier les muscles spastiques. En outre, l’accès chirurgical des nerfs impliqués est problématique. En effet, aucune information n’est disponible dans les publications sur l’identification des différentes branches des nerfs fibulaire et fémoral (encadré 3).

L’évolution de la parésie spastique du veau rend la tâche du praticien difficile (encadré 4). Chez les animaux qui présentent une spasticité du membre postérieur, avec mouvement de balancier vers l’avant ou circulaire, la dénervation du gastrocnémien détermine trois cas de figure :

- les spasmes disparaissent complètement et la locomotion du veau est normale ;

- la spasticité est plus prononcée après l’intervention chirurgicale et la station debout ne peut s’effectuer de façon indépendante ;

- la spasticité est réduite, mais toutefois présente.

Références

  • 1 - Arnault G. Étude de la parésie spastique des bovins. Ed. Rivation et Cie, Bobigny. 1979:97p.
  • 2 - Baird JD, Hjonson KG, Hartley WJ. Spastic paresis in friesian calves. Austr. Vet. J. 1974;50:239-245.
  • 3 - De Ley G, De Moor A. Bovine spastic paralysis : results of selective y-efferent suppression with dilute procaine. Vet. Sci. Com. 1980;3:289-298.
  • 4 - De Moor A, Bouckaert JH. Chirurgische behandeling van spastische parese bij het rund door denervatie van de M. gastrocnemius. Vlaams Diergen. Tijds. 1964;33:1-18.
  • 5 - Hamoir J. La contracture des muscles jumeaux chez le bœuf. L’Écho Vét. 1922;51:163-175.
  • 6 - Ledoux JM. Bovine spastic paresis : etiological hypotheses. Med. Hypotheses. 2001;57:573-579.
  • 7 - Pavaux Cl, Sautet J, Lignereux JY. Anatomie du muscle gastrocnémien des bovins appliquée à la cure chirurgicale de la parésie spastique. Vlaams Diergen. Tijds. 1985;54:196-312.
  • 8 - Touati K, Muller P, Gangl M, Grulke S, Peters F, Serteyn D. La parésie spastique du quadriceps fémoral : une nouvelle entité clinique chez le veau de race blanc-bleu-belge. Ann. Méd. Vét. 2003;147:261-265.
  • 9 - Vlaminck L, De Moor A, Martens A, Steenhaut M, Gasthuys F, Desmet P, Van Branteghem L. Partial tibial neurectomy in 113 Belgian blue calves with spastic paresis. Vet. Rec. 2000;147:16-19.

Encadré 1 : Diagnostic différentiel

Le diagnostic différentiel de la parése spastique comprend :

- la crampe : extension alternée du membre postérieur vers l’arrière (principalement chez des animaux âgés) ;

- l’accrochement de la rotule : quasi inexistante chez l’animal jeune, il ne provoque ni raccourcissement du membre, ni contractions spastiques ;

- l’hyperextension congénitale du tarse, principalement bilatérale. L’angle du tarse est plus droit que la normale, parfois même inversé, ce qui entraîne une flexion de l’articulation vers l’avant. La corde du jarret (tendon d’Achille) n’est pas tendue, les contractions involontaires et douloureuses sont inexistantes.

Encadré 2 : Technique de névrectomie lors de PSG

• L’animal tranquillisé est positionné en exposant le côté atteint (vers le haut). La peau est largement rasée, savonnée et désinfectée à l’endroit de l’incision qui s’effectue à quelques millimètres de la ligne de démarcation entre les deux parties du muscle glutéo-biceps, cranialement par rapport à celle-ci. Cette procédure permet de limiter les hémorragies. Selon la taille de l’animal, la peau est incisée sur une longueur de 15 à 20 cm.

Après ouverture du fascia glutéal, les deux parties du muscle glutéo-biceps sont écartées. Afin d’exposer les structures sous-jacentes, un écarteur est placé dans la plaie. Les vaisseaux sanguins et les nerfs sont accessibles après incision du fascia genu.

• Les nerfs tibial et fibulaire commun (anciennement péronier commun) sont différenciés (photo 3). Le nerf tibial, plus caudal et plus profond que le nerf fibulaire commun, passe entre les chefs latéral et médial du muscle gastrocnémien. Le nerf fibulaire commun effectue une trajectoire plus latérale, étant posé sur le chef latéral du muscle gastrocnémien. Le nerf tibial est isolé.

• L’épinèvre est disséqué. Les deux branches nerveuses qui alimentent les trois chefs du gastrocnémien sont recherchées. La branche caudale, dont le positionnement est fixe, innerve les chefs médial et axial du gastrocnémien. La branche en biais, dont la position est aléatoire, innerve le chef latéral. Afin de confirmer l’identité des deux branches, celles-ci sont soumises à des pulsions électriques à l’aide d’une lampe de poche de 4,5 V modifiée (photo 4).

Trois centimètres de chaque branche sont éliminés. Les deux parties du muscle glutéo-biceps sont suturées par un surjet superficiel, avec un fil résorbable tressé USP2 (exemple : Surgicryl®). La peau est fermée classiquement (surjet à points passés).

Encadré 3 : Vers la névrectomie dans les cas atypiques : difficultés anatomiques

Les branches du nerf fibulaire commun innervent les extenseurs des doigts et sont facilement accessibles. Le nerf fibulaire commun connaît un parcours sous-cutané, et peut être repéré à la palpation entre le chef latéral du muscle gastrocnémien et le muscle tibial cranial. Il est facilement exposé. Il bifurque en plusieurs branches nerveuses distales (photo 5).

Des pulsions électriques permettent d’identifier les branches nerveuses responsables de l’innervation des muscles troisième péronier, tibial cranial, extenseur latéral des doigts et long extenseur des doigts (extenseurs des doigts) (photo 6). Toutefois, l’innervation motrice du muscle quadriceps fémoral rend l’intervention compliquée.

En effet, ce dernier est constitué de quatre chefs (muscles droit de la cuisse, vaste intermédiaire, vaste latéral et vaste médial) fixés à l’aide d’un tendon commun. Le muscles quadriceps fémoral est innervé par le nerf fémoral, dont la dissection est extrêmement difficile en raison de l’importante masse musculaire qui l’entoure. La technique nécessite une recherche plus approfondie.

Encadré 4 : Évolution après névrectomie

• Une étude rétrospective de la névrectomie lors de PSG a été effectuée sur 113 veaux de race bleu-blanc-belge dans le service d’anesthésie et de chirurgie des animaux de rente de la faculté vétérinaire de l’université de Gand.

• Le résultat de la névrectomie est satisfaisant dans 83,2 % des cas.

• Une amélioration, mais avec persistance des spasmes, est notée dans 4,4 % des cas.

• Une hyperextension postopératoire du jarret est observée chez 4,4 % des animaux. Ces derniers ont été abattus précocement.

• 8 % des bovins soumis à la névrectomie n’ont pas présenté d’amélioration [9].

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