Un cas de cystite idiopathique féline - Le Point Vétérinaire n° 293 du 01/03/2009
Le Point Vétérinaire n° 293 du 01/03/2009

Urologie et comportement du chat

Pratique

CAS CLINIQUE

Auteur(s) : Virginie Daniel-Lesnard

Fonctions : Clinique vétérinaire
113, boulevard Maxime-Gorki
94400 Villejuif

Une alimentation humide et le respect des exigences éco-éthologiques du chat sont à la base du traitement des cystites idiopathiques félines.

La cystite idiopathique est une maladie chronique et récidivante. Elle affecte préférentiellement des chats adultes, obèses, qui vivent en communauté et/ou en espace clos et qui reçoivent une alimentation sèche de mauvaise qualité. Elle représente à elle seule deux tiers des affections du bas appareil urinaire (ABAU) [1, 6, 11, 13]. Son diagnostic est établi par l’exclusion des autres causes d’ABAU, ce qui requiert la réalisation d’examens complémentaires.

Cas clinique

1. Anamnèse et commémoratifs

Une chatte européenne de dix mois est amenée en consultation pour une malpropreté qui évolue depuis plusieurs jours. Elle urine plusieurs fois par jour hors de son bac à litière. Elle présente une dysurie, une pollakiurie et une hématurie. Elle vit avec un congénère en appartement, ne sort pas et reçoit une alimentation sèche de mauvaise qualité. À l’apparition des signes cliniques, les chats sont en garde chez le frère du propriétaire, qui est absent. La chatte est décrite comme craintive.

2. Examen clinique

L’inspection révèle un bon état général. La palpation abdominale met en évidence une vessie de petite taille.

3. Diagnostic différentiel

L’ensemble des signes cliniques (pollakiurie, dysurie et hématurie) est évocateur d’une affection du bas appareil urinaire. Les hypothèses diagnostiques regroupent la cystite idiopathique, les urolithiases, les néoplasmes et les infections urinaires.

4. Examens complémentaires

Un examen échographique abdominal est réalisé pour évaluer les hypothèses d’urolithiases et de tumeur. Il permet la visualisation d’une vessie modérément dilatée avec un contenu parfaitement anéchogène et une paroi d’échostructure et de taille normales (photo 1). Aucun calcul ni aucune masse n’est mis en évidence. Les reins sont de forme, de taille et d’échostructure normales.

Une cystocentèse échoguidée est pratiquée. Elle permet la mise en évidence d’une hématurie macroscopique (photo 2). L’analyse des urines récoltées indique une densité urinaire de 1,042 au réfractomètre. La bandelette urinaire révèle une leucocyturie (non interprétable chez le chat car il s’agit d’un faux positif), une protéinurie et la présence de sang. La présence d’une infection urinaire est peu probable compte tenu d’une densité urinaire supérieure à 1,035 et de la faible fréquence de la cystite infectieuse chez le chat. Néanmoins, l’examen cytobactériologique est le seul qui permette d’exclure avec certitude une cause infectieuse. Un culot et un examen cytobactériologique mettent en évidence des hématies (4 à 5 par champ, grossissement x 400, valeurs usuelles de 0 à 1 lors de prélèvement par cystocentèse), mais pas de bactéries.

5. Diagnostic

Les examens complémentaires ne sont pas en faveur d’une urolithiase, d’une tumeur ou d’une infection urinaire, le diagnostic de cystite idiopathique est établi par exclusion.

6. Traitement

Afin de lever les spasmes vésicaux, la chatte reçoit du phloroglucinol (Spasmoglucinol®, un comprimé deux fois par jour pendant cinq jours per os). Il est également conseillé au propriétaire d’améliorer l’environnement de l’animal en répartissant plusieurs bacs à litière dans son logement, d’éviter tout stress et d’interagir au maximum avec lui.

Une alimentation humide est également recommandée afin de diluer les urines. Un diffuseur de phéromones faciales apaisantes est proposé mais refusé par le propriétaire.

7. Suivi

La chatte est revue pour un contrôle au retour de son propriétaire, soit cinq jours après la mise en place du traitement. Ce dernier a noté une nette régression des signes dans les 48 heures qui ont suivi son retour, et leur disparition après 4 jours.

Une rechute s’est produite dès la reprise du travail par le propriétaire. L’animal refuse l’alimentation humide du commerce, et une nourriture humide pour chat adulte de meilleure qualité est alors conseillée. Un traitement à base de phloroglucinol (Spasmoglucinol®, un comprimé deux fois par jour pendant cinq jours per os), d’acide tolfénamique (Tolfédine®, 4 mg/kg/j en une prise pendant trois jours, per os) et de phéromones faciales (diffuseur Féliway®) est prescrit. Une amélioration des conditions de la prise de boisson (bol en porcelaine à distance de la litière et du bol de croquettes car les chats n’apprécient pas que les lieux d’abreuvement et d’alimentation soient trop proches dans l’espace, changement fréquent de l’eau, voire fontaine à eau, humidification des croquettes) est également recommandée.

Un suivi téléphonique permet d’apprendre que la chatte a accepté l’alimentation humide et que les signes cliniques ont disparu. Au cours des huit mois de suivi, aucune récidive n’est observée.

Discussion

1. Épidémiologie

Les ABAU regroupent un ensemble de signes cliniques (hématurie, dysurie, pollakiurie et malpropreté) rencontrés lors d’atteinte de la vessie et de l’urètre. Ces affections représentent 1 à 10 % des motifs de consultation [12]. Face à ces signes non spécifiques, le diagnostic différentiel comprend, par ordre de fréquence décroissante, la cystite idiopathique féline, les urolithiases, les infections bactériennes, les malformations anatomiques, les tumeurs, les troubles du comportement et les anomalies neurologiques (tableau). La cystite idiopathique féline touche 55 à 69 % des chats présentés pour ABAU non obstructives [2, 7, 12, 14].

Les examens clinique et complémentaires (examens physico-chimique et cytobactériologique des urines, examens échographique et/ou radiographique de la vessie) ne mettent en évidence aucune anomalie dans la majorité des cas. Le diagnostic de cystite idiopathique féline est donc établi par exclusion. Si un examen cystoscopique est réalisé et qu’il révèle de nombreuses pétéchies de la sous-muqueuse vésicale, le terme de “cystite interstitielle” peut être employé [2, 14]. Il s’agit alors d’un diagnostic lésionnel. L’appellation “cystite interstitielle” ne peut donc pas être utilisée en l’absence d’examen cystoscopique. Dans ce cas, le terme de “cystite idiopathique” doit lui être préféré.

La majorité des chats présentés pour cystite idiopathique a entre deux et six ans. Le premier épisode se rencontre rarement chez des chats âgés de moins d’un an ou de plus de dix ans. L’embonpoint et une alimentation sèche constituent des facteurs de risque [9].

Dans ce cas, il s’agit d’un animal âgé de dix mois présenté en consultation pour malpropreté. D’autres signes cliniques spécifiques du bas appareil urinaire sont présents (hématurie, dysurie et pollakiurie). Les examens complémentaires ont permis d’établir un diagnostic de cystite idiopathique féline peut-être induite par l’absence du propriétaire.

2. Physiopathologie

Des recherches ont mis en évidence l’implication des systèmes nerveux orthosympathique et central, de l’axe hypothalamo-hypophyso-surrénalien et des glycosaminoglycanes (GAG) dans la pathogénie de la cystite idiopathique [14].

L’urothélium d’une vessie normale est tapissé d’une couche de glycosaminoglycanes qui empêche l’adhérence des bactéries et protège l’urothélium des substances urinaires irritantes. Chez les personnes et les animaux atteints de cystite interstitielle, les glycosaminoglycanes sont quantitativement et qualitativement altérés. Ces modifications entraînent une augmentation de la perméabilité de l’urothélium aux divers constituants urinaires (protéines, potassium, urée, cristaux) qui entrent alors en contact avec les nerfs sensitifs. Cela induit une inflammation vésicale [2, 5, 9]. Un réflexe local est égalementimpliqué. Il induit la libération d’un neuromédiateur, la substance P, qui accentue l’inflammation locale. Cette substance provoque une augmentation de la perméabilité vasculaire (actions directe sur la paroi vasculaire et indirecte via la libération de médiateurs de l’inflammation comme l’histamine) et une contraction des muscles lisses.

Le locus cœruleus a été récemment impliqué dans la physiopathologie de la cystite idiopathique. Ce noyau est localisé dans la région du pont du tronc cérébral, près du quatrième ventricule.Ses fibres sont descendantes et ipsilatérales, et localisées dans la substance blanche de la moelle épinière. Il serait responsable d’une synthèse accrue en catécholamines et d’une augmentation de leur concentration plasmatique [9]. Cette hypersécrétion induirait une stimulation sympathique locale et centrale. Au sein de la vessie, il en résulte une stimulation des fibres C nociceptives de la paroi, d’où une sécrétion de substance P, algogène, et par augmentation de la perméabilité pariétale, un œdème de la sous-muqueuse, une contraction des muscles lisses et une dégranulation mastocytaire sont notés [9].

Les récepteurs α2-adrénergiques semblent aussi impliqués dans la pathogénie de cette affection. Dans le système nerveux central, ils se situent dans le locus cœruleus et la moelle épinière, où ils inhibent respectivement la libération des catécholamines et l’arrivée de l’influx douloureux dans le cerveau. Dans le système neurologique périphérique, ils sont présents dans la muqueuse vésicale où ils régulent le flux sanguin. Une perte de la sensibilité de ces récepteurs au niveau central lors de stimulation chronique, ainsi qu’une libération exagérée de catécholamines seraient responsables d’une réponse inflammatoire chez les animaux atteints de cystite idiopathique [9].

3. Tableau clinique

La cystite idiopathique affecte plus particulièrement des chats adultes en surpoids qui reçoivent une alimentation sèche et qui vivent dans un espace clos et/ou en cohabitation avec des congénères [2, 4, 7, 11]. Cette maladie ne touche qu’exceptionnellement des chats âgés de plus de 10 ans, chez lesquels les infections du tractus urinaire représentent 50 % des causes d’ABAU [9]. Bien qu’aucun signe clinique (pollakiurie, strangurie, hématurie) ne soit spécifique, le principal motif de consultation est la malpropreté [2]. La résolution spontanée des signes urinaires, d’une durée moyenne de cinq à sept jours et qui récidivent chez des animaux de moins de dix ans, doit orienter le praticien vers l’hypothèse de cystite idiopathique [9].

Une étude sur les facteurs environnementaux et comportementaux associés à la cystite idiopathique a mis en évidence que les chats atteints étaient plus craintifs et moins actifs. Cette inactivité serait due à une anxiété permanente car les chats chroniquement stressés ont des comportements exploratoire et ludique diminués. Des essais concluent à une prédisposition des mâles, alors qu’une étude antérieure ne montrait aucune prédisposition sexuelle [2, 4, 8]. Dans le cas décrit, la chatte reçoit une alimentation sèche de mauvaise qualité et vit en appartement avec un congénère. Elle est décrite comme craintive et est amenée en consultation pour malpropreté, ce qui correspond bien aux données épidémiologiques. En revanche, elle ne présente aucun surpoids et est âgée de moins d’un an.

4. Examens complémentaires

Lors de cystite idiopathique, les résultats des examens complémentaires (examens sanguins, urinaires, d’imagerie) sont normaux dans 85 % des cas [9]. Lors de l’examen cystoscopique, des glomérulations (pétéchies de la sous-muqueuse vésicale), un œdème et une augmentation de la vascularisation de la paroi vésicale sont observés. La présence de telles lésions permet alors d’établir un diagnostic de cystite interstitielle [2, 9].

Dans le cas décrit, les examens complémentaires ne révèlent aucun de ces signes, ce qui a permis de conclure à une cystite idiopathique.

Examens sanguins

Les résultats des analyses de sang sont, en général, dans les normes. Si des anomalies sont notées, une autre affection, comme une insuffisance rénale, est alors présente.

Examens urinaires

Une hématurie et une protéinurie sont souvent décrites lors d’ABAU, mais elles ne sont spécifiques d’aucune affection urinaire [9]. Lors de la réalisation d’une bandelette urinaire, la plage des leucocytes est souvent faussement positive chez le chat, ce qui rend cet examen inutile pour la mise en évidence d’une leucocyturie dans l’espèce féline [9]. L’existence d’urines diluées associées à une pyurie à l’examen du culot urinaire doit orienter vers une infection urinaire et conduire à la réalisation d’un examen cytobactériologique [9]. Dans un contexte d’ABAU, une densité urinaire basse doit inciter à la mise en œuvre d’un examen bactériologique urinaire.

L’examen du sédiment urinaire permet souvent la visualisation d’un petit nombre de leucocytes, témoins uniquement d’une inflammation du tractus urinaire [9]. L’existence d’une cristallurie n’a aucune signification clinique en l’absence de calcul ou de bouchon urétral. À eux seuls, des cristaux ne peuvent endommager un urothélium sain. De plus, les urines réfrigérées ou stockées plusieurs heures contiennent souvent une quantité importante de cristaux. Cet artefact est important si les urines sont concentrées [9].

La visualisation de bactéries dans le culot urinaire est le plus souvent un résultat faussement positif (débris cellulaires soumis à des mouvements brownien). Seule la mise en culture des urines est fiable [9].

Examens d’imagerie

Des clichés radiographiques de l’abdomen caudal peuvent mettre en évidence des calculs radio-opaques (calculs de struvites et d’oxalates de calcium) de plus de 3 mm de diamètre. Lors de cystite idiopathique, les clichés sont normaux, et ce même lors d’utilisation de produits de contraste qui détectent des tumeurs vésicales et des calculs radiotransparents ou de taille inférieure à 3 mm [9].

Un examen échographique abdominal peut également être réalisé. Il permet une meilleure évaluation de la paroi vésicale et révèle la présence de calculs même de petite taille ou radiotransparents [9].

Dans le cas décrit, l’examen échographique n’a montré ni calcul ni tumeur vésicale.

Bien que plus invasive, un examen endoscopique permet d’étudier l’urètre sur toute sa longueur. C’est également un examen plus sensible pour la détection des petites lésions vésicales (tumeurs, pétéchies, œdème de la paroi), des calculs de toute petite taille et/ou radiotransparents ou des vestiges du canal de l’ouraque. C’est d’ailleurs le seul examen permettant d’établir un diagnostic de cystite interstitielle [9].

5. Traitement

Le traitement de la cystite idiopathique comprend des mesures comportementales, diététiques, voire pharmacologiques.

Les cystites idiopathiques sont souvent liées à une anxiété, à un stress, qu’il convient de définir [6]. Le stress est une réponse non spécifique du corps à toute demande qui lui est faite. Bien que cette réaction puisse être positive ou négative, ce terme est, en général, utilisé pour décrire des situations défavorables et responsables de troubles psychosomatiques. Un chat stressé est victime soit de la pression de son environnement, soit de son propre tempérament et de sa génétique. Les stratégies comportementales consistent donc à rendre l’environnement plus apaisant ou à diminuer les réactions personnelles à l’aide de médicaments [6].

Il convient de différencier les chats dont c’est le premier épisode de cystite de ceux qui rechutent. Dans le premier cas, le vétérinaire doit s’attacher à identifier la cause de la déstabilisation émotionnelle en s’informant sur l’organisation du territoire, sur la disponibilité des ressources et sur la composition de la population animale. Le traitement repose sur la lutte contre la douleur et la correction des erreurs éthologiques du milieu. Dans le second cas, il s’agit d’individus anxieux, mal adaptés aux variations de leur environnement. Un traitement anxiolytique et une réorganisation du milieu sont alors prescrits [13]. Devant une telle affection chronique, les propriétaires doivent être informés que leur animal présente une maladie dont l’étiologie précise reste inconnue, et que l’objectif du traitement consiste à réduire la sévérité et la fréquence des récidives. Une gestion efficace nécessite des propriétaires motivés et compréhensifs [9].

De nombreux traitements ont été et sont à l’étude, mais l’existence de rémission spontanée rend l’évaluation de leur efficacité difficile.

Traitement comportemental

Afin de lutter contre le stress, principal facteur de risque dans la cystite idiopathique, les auteurs recommandent d’améliorer et d’enrichir l’environnement du chat.

L’amélioration du milieu inclut une gestion adéquate des bacs à litière, des gamelles de nourriture et d’eau. Lorsque plusieurs chats cohabitent, la règle des “n + 1” (n correspond au nombre de chats) pour la disposition des ressources est à appliquer. Les propriétaires doivent donc fournir n + 1 bacs à litière, lieux de couchage, gamelles d’eau et de nourriture. Après une à deux semaines de stabilité, tous les éléments en excès pourront ensuite être supprimés [3, 9, 13, 14]. Cette gestion a pour objectif de diminuer la compétition vis-à-vis des ressources et le stress associé qui peut exacerber les signes de cystite.

Les bacs à litière doivent être régulièrement nettoyés et entièrement vidés et lavés une fois par semaine. Ils sont placés en divers endroits, au calme et à l’écart de tout passage. Il est également conseillé d’utiliser une litière sans odeur [6, 9].

Des gamelles de nourriture et de boisson fabriquées en un seul bloc nuisent à la prise de boisson. Les chats ont besoin d’un lieu d’abreuvement à distance de leur site d’alimentation (photo 3) [13]. Il est conseillé de déterminer quel type de bol l’animal préfère. Il semblerait que les chats sont plus enclins à boire dans des bols en porcelaine ou en verre et dont la taille permet d’éviter le contact de leurs vibrisses avec les parois [13, 14]. Il convient d’expliquer aux propriétaires que les chats préfèrent une eau fraîche, sans goût et en mouvement (fontaine à eau, eau du robinet) [14]. La gamelle d’eau doit être placée dans un endroit calme où le chat se trouve dos à une zone de sécurité (dos au mur par exemple) et face à une zone bien dégagée afin de visualiser toute intrusion [13].

Si une transition alimentaire est préconisée, le nouveau produit doit être proposé en même temps que la nourriture habituelle, et ce dans une gamelle à part [9].

L’enrichissement de l’environnement consiste à fournir un écosystème adapté et enrichissant. Celui-ci est très important pour le chat qui doit organiser ses champs territoriaux. Dans ce cadre, un milieu trop stimulant ou trop pauvre est inducteur de stress. L’équilibre comportemental se construit sur quatre piliers : l’espace, le temps, l’activité et la socialité [6].

Pour respecter le premier pilier, l’occupation de l’espace dans les trois dimensions est facilitée par l’utilisation d’étagères, de poteaux et d’arbres à chats. Les marquages faciaux et les griffades doivent être possibles et laissés tels quels en évitant les nettoyages intempestifs de ces marques. La distance entre les zones de couchage, d’alimentation, de boisson et d’élimination doit être d’au moins un mètre. L’espace doit être modulable sans en modifier la structure, via notamment l’utilisation d’objets mobiles et un changement régulier des zones de repas. Le chat doit avoir accès à des cachettes qui lui permettent de voir sans être vu, à des abris sûrs pour échapper aux autres individus du territoire, à des lieux de repos et d’élimination sécurisés et isolés, sans être cependant trop éloignés des lieux d’activité [6].

Une organisation temporelle adéquate consiste en un respect du rythme et du nombre des repas, et des temps spontanés de repos, de sommeil et d’activité. Il revient également aux propriétaires d’interagir régulièrement, via le jeu, avec leurs chats [6]. Ces derniers sont des prédateurs qui chassent en moyenne trois à quatre heures par jour. Le respect de cette activité est donc primordial pour l’équilibre mental de cet animal. De nombreuses solutions alternatives peuvent permettre de répondre à cette demande : observation de poissons dans un aquarium ou d’oiseaux par l’aménagement des rebord de fenêtres, traque de la nourriture en la cachant ou en l’enfermant dans une bouteille en plastique trouée, attaque et capture d’objets mobiles, etc.

Les chats parcourent environ 300 à 500 mètres par jour. Ils doivent donc pouvoir accéder à un espace suffisant pour courir, sauter et explorer des espaces restreints et obscurs, comme l’intérieur d’une armoire ou d’un sac. Ils ont aussi besoin d’activités cognitives, qui peuvent être entretenues en cachant des objets sous un linge, un tapis, ou en laissant rouler une balle sous un meuble. Il est également possible, avec des techniques de renforcement positif, d’apprendre à un chat à s’asseoir ou à sauter d’une chaise à une autre [6].

Le dernier pilier pour avoir un chat équilibré consiste à lui fournir un environnement social adapté et enrichissant. En effet, l’organisation sociale féline est un équilibre instable dont la perturbation entraîne un stress. Une activité individuelle suffisante est nécessaire afin que les chats ne s’utilisent pas mutuellement comme des objets de chasse ou de harcèlement. Selon une étude portant sur 76 chats atteints de cystite idiopathique, l’anxiété en milieu clos est la cause des signes cliniques chez les animaux qui vivent seuls, alors que c’est l’anxiété de cohabitation qui est à l’origine de la maladie chez des animaux qui sont en groupe [14].

Toutes ces modifications doivent s’effectuer progressivement et sur plusieurs jours afin de ne pas être elles-mêmes une source de stress. De nombreuses études ont montré une diminution du nombre et de la sévérité des épisodes de cystite avec cette approche environnementale [3, 9, 14].

La phéromone faciale F3 de synthèse (Feliway®), qui mime le marquage naturel du chat, peut être utilisée seule ou en association avec la phéromone faciale F4 (Felifriend®) lors d’anxiété de cohabitation [1, 7, 14]. Bien que leur mécanisme d’action ne soit pas encore connu, il semblerait que les phéromones modifient le statut émotionnel de l’animal par son influence sur le fonctionnement du système limbique et de l’hypothalamus [14]. Le Feliway® diminue la crainte et les manifestations agressives, et apaise les protagonistes [1]. Alors qu’une étude n’a montré aucune différence significative entre le groupe traité par phéromone et celui qui reçoit un placebo quant à la satisfaction des propriétaires, l’emploi de cette molécule entraîne toutefois une diminution de la durée et de la sévérité des épisodes de cystite [7].

Le Felifriend® stimule les relations sociales et inhibe les conduites agressives. Il diminue les manifestations de peur du chat vis-à-vis des inconnus. Les résultats sur les troubles de la cohabitation sont inconstants. Pour être efficace, il doit être préalablement humé quelques minutes par le chat à distance. De plus, l’odeur peut être très aversive pour certains individus [1].

Traitement diététique

Un autre facteur de risque, souvent cité, est le type d’alimentation [2, 3, 5, 11]. En effet, de nombreuses études soulignent que les chats qui reçoivent une alimentation sèche sont plus souvent touchés par la cystite idiopathique et rechutent davantage, comparés à ceux dont la nourriture est humide (11 % de récidives avec une alimentation humide contre 39 % pour une alimentation sèche sur un an) [11]. Plusieurs essais démontrent que l’augmentation de la prise d’eau diminue les rechutes de manière significative. En effet, elle favorise une densité urinaire moindre et induit alors une baisse de la concentration en molécules délétères pour l’urothélium [5, 11]. Le passage d’une alimentation sèche à une alimentation humide est une composante, avec l’amélioration de l’environnement, du traitement [3, 5, 11].

Traitement pharmacologique

Lorsque les mesures comportementales et diététiques n’ont pas réussi à diminuer la sévérité des signes cliniques et/ou la fréquence des crises, il est alors recommandé d’y adjoindre un traitement médical.

Lors de crises aiguës, des anti-inflammatoires non stéroïdiens, voire des dérivés morphiniques peuvent être prescrits afin de lutter contre la douleur et améliorer le confort des chats [9, 13]. Les glucocorticoïdes ne permettent ni d’atténuer les signes ni d’accélérer la guérison [9]. Leur utilisation n’est donc pas recommandée.

La prescription de glycosaminoglycanes repose sur les connaissances de la physiopathologie de la cystite idiopathique. Après administration orale, ils sont théoriquement excrétés dans les urines et adhèrent à l’urothélium lésé. Cela permet une diminution de la perméabilité de la paroi vésicale, et, par conséquent, de l’inflammation. Les molécules utilisées sont le pentane polysulfure et la glucosamine. Toutefois, aucune étude n’a mis en évidence une efficacité statistiquement significative de ces molécules pour lutter contre la sévérité et la fréquence des récidives [8, 9].

L’amitriptyline (Elavyl®(1)), un antidépresseur tricyclique, a également été testé. Il possède une action analgésique par diminution de la transmission aux fibres C (intervenant dans les phénomènes douloureux) de la paroi vésicale, par inhibition de la recapture de la noradrénaline et de la sérotonine, par stabilisation des mastocytes et blocage des récepteurs au glutamate et des canaux sodium. Il présenterait également une activité anticholinergique [5, 9, 10]. Une étude avec placebo conclut à une inefficacité à court terme de la molécule, alors qu’une autre sans placebo démontre une efficacité à long terme [5, 10]. Une administration journalière de 10 mg per os a permis, respectivement à 6mois et à 1 an, de diminuer les rechutes chez 73 % et 60 % des chats [5]. Il est donc conseillé de prescrire l’amytriptyline sur plusieurs mois pour juger de son efficacité. En raison d’une hépatoxicité potentielle, il est recommandé de doser les enzymes hépatiques avant, puis à un, deux et six mois de traitement. Les doses usuelles sont de 2,5 à 12,5 mg/j. Chez la plupart des chats, la dose initiale efficace est de 5 mg/j. Elle peut être progressivement augmentée jusqu’à obtenir une résolution des signes cliniques. Si aucun effet bénéfique n’est obtenu après quatre mois de traitement, la dose est progressivement diminuée, puis arrêtée [7].

De nombreux psychotropes peuvent être prescrits afin de faciliter la réadaptation du chat à son environnement, et ce à condition qu’ils ne présentent pas de propriétés anticholinergiques marquées. Afin de diminuer la vigilance et l’instabilité émotionnelle, l’alprazolam (Xanax®(1), 0,01 à 0,05 mg/kg/12 h, par voie orale), la clomipramine (Clomicalm®, 0,25 à 0,5 mg/kg/12 à 24 h, par voie orale), la fluoxétine (Prozac®(1), 0,25 à 4 mg/kg/j, par voie orale), la fluvoxamine (Floxyfral®(1), 2 à 10 mg/kg/12 h, par voie orale), la sélégiline (Selgian®, 1 mg/kg, le matin à jeun, par voie orale) et la sertraline (Zoloft®(1), 0,5 à 3 mg/kg/j, par voie orale) peuvent être prescrits [6, 13, 14].

Malgré une rémission spontanée fréquente, le traitement de choix de la cystite idiopathique est l’association de mesures hygiéniques, diététiques et environnementales, dont l’objectif est de diminuer la fréquence et la sévérité des signes. Si ces mesures sont insuffisantes, un traitement médical peut alors être instauré. Seule l’amitriptyline semble efficace, et ce uniquement à long terme.

  • (1) Médicament humain.

Références

  • 1 - Beaumont-Graff E. Indications et utilisations de la phéromonothérapie. Les traitements en comportement du chien et du chat. Point Vét. 2004; 35(n° spéc.):50-54.
  • 2 - Buffington CA, Chew DJ, Kendall MS et coll. Clinical evaluation of cats with non obstructive urinary tract diseases. J. Am. Vet. Med. Assoc. 1997;210(1):46-50.
  • 3 - Buffingtoon CA, Westropp JL, Chew DJ et coll. Clinical evaluation of multimodal environmental modification (MEMO) in the management of cats with idiopathic cystitis. J. Feline Med. Surg. 2006;8(4):261-268.
  • 4 - Cameron ME, Casey RA, Bradshaw JWS et coll. A study of environmental and behavioural factors that may be associated with feline idiopathic cystitis. J. Small Anim. Pract. 2004;45(3):144-147.
  • 5 - Chew DJ, Buffington CA, Kendall MS et coll. Amitriptyline treatment for severe recurrent idiopathic cystitis in cats. J. Am. Vet. Med. Assoc. 1998;213(9):1282-1286.
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  • 8 - Gunn-Moore DA, Shenoy CM. Oral glucosamine and the management of feline idiopathic cystitis. J. Feline Med. Surg. 2004;6(4):219-225.
  • 9 - Hostutler RA, Chew DJ, DiBartola SP. Recent concepts in feline lower urinary tract disease. Vet. Clin. North Am. Small Anim. 2005;35(1):147-170.
  • 10 - Kruger JM, Conway TS, Kaneene JB et coll. Randomized controlled trial of the efficacy of short-term amitriptyline administration for treatment of acute, nonobstructive, idiopathic lower urinary tract disease in cats. J. Am. Vet. Med. Assoc. 2003;222(6):749-758.
  • 11 - Markwell PJ, Buffington CA, Chew DJ et coll. Clinical evaluation of commercially available urinary acidification diets in the management of idiopathic cystitis in cats. J. Am. Vet. Med. Assoc. 1999;214(3):361-365.
  • 12 - Osborne CA, Kruger JM, Lulich JP. Feline lower urinary tract disorders. Definition of terms and concepts. Vet. Clin. North Am. Small Anim. Pract. 1996;26(3):169-179.
  • 13 - Pageat P. Traitement des cystites idiopathiques, vers un consensus ? L’essentiel. 2008;91:13-15.
  • 14 - Westropp JL, Tony Buffington CA. Feline idiopathic cystitis : current understanding of pathophysiology and management. Vet. Clin. Small Anim. 2004;34(4):1043-1055.

POINTS FORTS

• À elle seule, une cristallurie ne peut induire ni expliquer des signes de cystite.

• Le diagnostic différentiel comprend la cystite idiopathique, les urolithiases, les tumeurs et les infections du bas appareil urinaire.

• Un examen physico-chimique et cytobactériologique des urines, ainsi qu’un examen échographique de la vessie doivent être réalisés dès le premier épisode de cystite.

• Le diagnostic de cystite idiopathique est établi par exclusion.

• Le traitement consiste en une alimentation humide de bonne qualité et une meilleure gestion éco-éthologique.

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