Supplément : Les protecteurs de la muqueuse digestive - Le Point Vétérinaire n° 293 du 01/03/2009
Le Point Vétérinaire n° 293 du 01/03/2009

Pharmacologie du chien et du chat

Thérapeutique en gastro-entérologie

Auteur(s) : Fabrice Hébert

Fonctions : Consultant itinérant en échographie et endoscopie en région Normandie

Les protecteurs de la muqueuse digestive sont nombreux. Certaines molécules inhibent l’acidité gastrique, d’autres ont un effet couvrant et adsorbant.

Les protecteurs de la muqueuse de l’estomac regroupent les antisécrétoires, les antiacides et les pansements digestifs.

Les antisécrétoires agissent le plus souvent en bloquant la sécrétion acide de l’estomac. Les antiacides neutralisent l’acidité sans intervenir directement sur les mécanismes de la sécrétion gastrique.

Les pansements digestifs ont un effet protecteur grâce à leur pouvoir couvrant et adsorbant. Certaines molécules ont divers modes d’action et appartiennent à plusieurs catégories (encadré 1).

Antisécrétoires

1. Modes d’action et indications

Les antisécrétoires regroupent les antihistaminiques H2 et les inhibiteurs de la pompe à protons [1, 2, 3, 5, 6]. Le misoprostol est aussi considéré comme un antisécrétoire (encadré 2). Ces spécialités limitent la production d’acide gastrique selon deux mécanismes différents.

Les indications sont très diverses : gastrite chronique, œsophagite, reflux gastro-œsophagien, ulcères gastriques ou duodénaux liés ou non à l’administration d’anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS), syndrome de Zollinger-Ellison (gastrinome) et mastocytose systémique (utilisation d’antihistaminiques H2 pour prévenir les effets dus à la dégranulation des mastocytes). Ce sont également des antiémétiques.

2. Effets secondaires et contre-indications

Certains chiens peuvent présenter des vomissements, des diarrhées (inhibiteurs de la pompe à protons) et une hypertrophie mammaire (antihistaminiques H2).

Les effets sédatifs connus chez l’homme sont rares chez le chien.

Pansements digestifs

Les pansements digestifs possèdent un effet protecteur pour les muqueuses gastrique et intestinale et une activité adsorbante [1, 2, 3, 4, 5, 6].

1. Modes d’action et indications

Les sels à base d’aluminium ou de magnésium (hydroxyde d’aluminium, phosphate d’aluminium, silicate d’aluminium ou kaolin et de magnésium : attapulgite, smectite), le charbon, les alginates et les pectates disposent de plusieurs modes d’action :

- ils neutralisent l’acidité gastrique (sels d’aluminium et de magnésium) ;

- ils inhibent l’activité peptidique (sels d’aluminium et de magnésium) ;

- ils adsorbent de manière non spécifique notamment les endotoxines bactériennes ;

- ils forment à la surface de la muqueuse une pellicule protectrice (kaolin, pectate, attapulgite, smectite) ;

- ils adsorbent les sels biliaires (sels d’aluminium et de magnésium) (encadré 3).

Le charbon fixe par un mécanisme physique l’excès de liquides et de gaz du tube digestif.

Les pansements digestifs sont donc administrés lors de vomissements et/ou de diarrhées en traitement adjuvant et plus particulièrement lors de troubles digestifs d’origine infectieuse ou toxique en raison de leur pouvoir adsorbant. Les alginates sont surtout utilisés lors de reflux gastro-œsophagien. Les pansements sous forme de gel sont à préférer lors de gastropathie.

2. Effets secondaires et contre-indications

Lors d’administration prolongée, les pansements digestifs peuvent entraîner une constipation (cas fréquent) ou une lithiase urinaire (plus rare).

En raison des teneurs en phosphore du phosphate d’aluminium, son utilisation doit être prudente chez l’individu insuffisant rénal. Lors d’une administration prolongée d’hydroxyde d’aluminium, notamment comme chélateur du phosphore lors d’insuffisance rénale chronique, des diarrhées peuvent survenir. Les pansements ne sont pas particulièrement indiqués dans les diarrhées chroniques. Ils peuvent même contrecarrer l’absorption de l’eau et des électrolytes à l’étage colique.

Les protecteurs de la muqueuse digestive sont nombreux en médecine humaine, mais les antisécrétoires disponibles en médecine vétérinaire sont plus rares. Cependant, lors de troubles aigus, leur emploi systématique ne se justifie pas. Ils sont utiles lors de maladie chronique et dans de rares cas aigus, comme les syndromes torsion-dilatation gastrique, l’insuffisance rénale aiguë ou pendant une corticothérapie. Dans les autres troubles aigus, les pansements digestifs représentent l’essentiel de l’arsenal thérapeutique conseillé comme protecteurs de la muqueuse digestive.

Références

  • 1 - Collectif. Dictionnaire Vidal. Éd. du Vidal. 2008.
  • 2 - Collectif. Dictionnaire des médicaments vétérinaires. Éd. du Point vétérinaire. 2008.
  • 3 - Collectif. Pharmacothérapeutiques systémiques du système digestif. Manuel vétérinaire Merck. 2nde éd. française. Éd. d’Après, Paris. 2002.
  • 4 - Jergens AE. Acute diarrhea. In : Kirk’s current veterinary therapy XII. Small animal practice. WB Saunders, Philadelphia. 1995:701-705.
  • 5 - Matz ME. Gastrointestinal ulcer therapy. In: Kirk’s current veterinary therapy XII. Small animal practice. WB Saunders, Philadelphia. 1995:706-710.
  • 6 - Strombeck DD, Guilford WG. In : Small animal gastroenterology. Wolfe Publishing, London. 1991:187-190.

POINTS FORTS

• Les pansements sous forme de gel sont à préférer lors de gastropathie.

• Le phosphate d’aluminium doit être utilisé avec prudence chez l’animal insuffisant rénal

• Les pansements sont plus utiles lors de diarrhée aiguë que lors de diarrhée chronique.

Encadré 1 : Proposition de classification des protecteurs de la muqueuse intestinale

• Les antisécrétoires. Les inhibiteurs des récepteurs H2 à l’histamine (cimétidine, ranitidine, famotidine, nizatidine) bloquent la sécrétion gastrique acide basale et stimulée par un repas ou différents stimulants pharmacologiques. Les inhibiteurs de la pompe à protons (oméprazole, lansoprazole et pantoprazole) sont des antisécrétoires gastriques qui agissent en inhibant l’activité enzymatique de l’ATPase H+/K+ (proton/potassium) de la cellule pariétale gastrique. Leur activité antisécrétoire est puissante et prolongée. Le principal inhibiteur de la pompe à protons employé chez le chien est l’oméprazole. Il n’agit pas directement par contact avec la muqueuse gastrique, mais après absorption intestinale puis distribution dans l’organisme (contrairement aux topiques).

• Les antiacides neutralisent la sécrétion acide directement dans l’estomac.

• Le sucralfate, sel d’aluminium de sucrose octo-sulfate, agit localement sur l’ulcération par un effet topique protecteur. De plus, il stimule la synthèse des prostaglandines endogènes gastriques.

• L’analogue des prostaglandines (misoprostol) possède une activité à la fois antisécrétoire et cytoprotectrice sur les cellules de la muqueuse gastroduodénale.

D’après [1].

Encadré 2 : Cas particulier du misoprostol

Le misoprostol est un analogue synthétique de la prostaglandine E1. Il réduit la sécrétion d’acide gastrique et possède une action cytoprotectrice sur la muqueuse de l’estomac. Un effet antisécrétoire a aussi été mis en évidence chez certains modèles animaux et chez l’homme lors d’essais pharmacologiques. Aucune étude chez le chien ni chez le chat ne semble exister à ce jour. Il est principalement employé en prévention des ulcères duodénogastriques lors d’administration prolongée d’anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS). Le principal effet secondaire rapporté est une diarrhée et son usage est contre-indiqué lors de gestation en raison du risque d’avortement.

Encadré 3 : Cas particulier du sucralfate

Le sucralfate est un sel d’aluminium qui forme un écran protecteur sur les ulcères gastriques ou duodénaux en s’associant à l’exsudat protéique. Il inhibe aussi l’action de la pepsine et des sels biliaires. Il est principalement employé lors d’ulcères gastroduodénaux en association avec un antisécrétoire.

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