Supplément : Les modificateurs de la motricité digestive - Le Point Vétérinaire n° 293 du 01/03/2009
Le Point Vétérinaire n° 293 du 01/03/2009

Pharmacologie du chien et du chat

Thérapeutique en gastro-entérologie

Auteur(s) : Fabrice Hébert

Fonctions : Consultant itinérant en échographie et endoscopie en région Normandie

Les modificateurs de la motricité digestive peuvent être utilisés à des fins curatives (vomissements, diarrhée, etc.) ou préventives (mal des transports, chimiothérapie, prémédication anesthésique, etc.).

Les molécules employées en gastro-entérologie vétérinaire sont très nombreuses. Les modificateurs de la motricité sont probablement ceux qui sont le plus administrés, mais leur mode d’action, leurs indications et leurs effets secondaires ou indésirables sont souvent en partie oubliés.

Antivomitifs

Les antivomitifs principalement utilisés en médecine vétérinaire appartiennent à plusieurs familles telles que les antidopaminergiques D2, les antagonistes des récepteurs sérotoninergiques 5-HT3, les antagonistes des récepteurs aux neurokinines NK1, les antihistaminiques H1, les anticholinergiques et les anticholinestérasiques (encadrés 1 et 2). Certaines molécules peuvent posséder différents modes d’action.

Les antiémétiques sont contre-indiqués lorsque les vomissements sont la conséquence d’une infection digestive ou d’une ingestion de produit toxique car ils favorisent la persistance des toxines ou des toxiques dans le tube digestif.

1. Métoclopramide

Mode d’action et indications

Le métoclopramide est un antiémétique à action centrale et périphérique [1, 2, 3, 4, 5, 10]. C’est un antidopaminergique D2 et un antagoniste des récepteurs 5-HT3. Il stimule la vidange gastrique, ainsi que le péristaltisme intestinal sans augmenter les sécrétions digestives.

Il est indiqué dans le traitement des vomissements secondaires aux traitements anticancéreux, à un retard de la vidange gastrique, aux gastrites (virales notamment) et aux œsophagites par reflux.

Effets secondaires et contre-indications

Les effets secondaires sont des modifications du comportement, un syndrome extrapyramidal (contractions musculaires involontaires, agressivité), une agitation, une désorientation, une sédation et une stimulation de la sécrétion lactée (effet antidopaminergique).

Le métoclopramide ne doit pas être associé avec les antimuscariniques (atropine, scopolamine ou hyoscine, bromure de prifinium) car leurs effets sont antagonistes. Il est contre-indiqué lors d’occlusion ou de perforation intestinale en raison de ses effets stimulants sur le péristaltisme intestinal.

2. Dompéridone

Le dompéridone est un antidopaminergique comme le métoclopramide [1, 2, 3, 4, 5, 10]. Cette molécule ne traverse pas la barrière hématoméningée. Elle est active seulement sur les récepteurs périphériques et n’agit donc que sur la motricité gastrique, duodénale, et, dans une moindre mesure, œsophagienne. Les indications sont les mêmes que celles du métoclopramide. Elle stimule aussi la sécrétion lactée.

Son utilisation est contre-indiquée lors de phénomènes occlusifs et de perforation digestive. Aucun effet secondaire ne semble connu.

3. Métopimazine

La structure chimique de la métopimazine s’apparente à celle de la phénothiazine. Cette molécule est utilisée comme antiémétique. Elle agit spécifiquement sur les récepteurs de la trigger zone (centre du vomissement, ou CTZ) et possède aussi les propriétés neuroleptiques des phénothiazines (somnolence) [1, 2, 3, 4, 5, 10]. Il est déconseillé de l’employer lors de glaucome à angle fermé. Il est principalement indiqué pour le traitement des vomissements et leur prévention lors de chimiothérapie.

4. Maropitant

Mode d’action et indications

Le maropitant est un antagoniste sélectif des récepteurs aux neurokinines NK1 qui agit en inhibant la liaison de la substance P [4]. Il est donc efficace contre les causes nerveuses et humorales (stimulation de la CTZ par certaines molécules véhiculées par voie sanguine telles que l’urée, la digoxine, certains antibiotiques et antimitotiques) centrales et périphériques du vomissement. Sa puissance d’action est importante. Il ne semble pas avoir d’effet sur la motricité digestive.

Il est utilisé pour prévenir (mal des transports, chimiothérapie) et traiter les vomissements chez le chien. Il n’a pas d’autorisation de mise sur le marché (AMM) chez le chat.

Effets secondaires et contre-indications

À dose élevée (dans la prévention du mal des transports), le maropitant peut induire des vomissements dans les deux heures qui suivent son administration. Il doit être utilisé avec précaution chez les animaux atteints de troubles cardiaques en raison de son affinité avec les canaux ioniques calciques et potassiques. Il en est de même avec les individus insuffisants hépatiques. Ses effets n’ont pas été étudiés chez les chiens de moins de 16 semaines et les femelles gestantes ou allaitantes.

5. Chlorpromazine

Mode d’action et indications

La chlorpromazine est un antagoniste des récepteurs α2-adrénergiques dont l’action est principalement centrale. Elle possède aussi une activité anticholinergique et antihistaminique faible [1, 2, 3, 4, 5, 10].

Cette molécule peut être utilisée dans tous les cas de traitement ou de prévention des vomissements, mais son efficacité reste cependant assez limitée.

Effets secondaires et contre-indications

Ce médicament possède des effets hypotensifs et sédatifs. Il est donc contre-indiqué chez les individus qui présentent une hypovolémie.

6. Antihistaminiques H1

Mode d’action et indications

Les antihistaminiques H1 inhibent les récepteurs antihistaminiques dans la CTZ et les centres vestibulaires. Les principaux représentants de cette famille sont la diphénhydramine et le diménhydrinate [1, 2, 3, 4, 5, 10].

Ils sont surtout utilisés dans la prévention du mal des transports chez le chien et le chat.

Effets secondaires et contre-indications

Ces molécules possèdent un effet sédatif. Elles ne peuvent être employées chez les animaux de moins de quatre mois.

7. Anticholinestérasiques

Les anticholinestérasiques inactivent l’acétylcholinestérase, ce qui prolonge l’action de l’acétylcholine : stimulation des contractions des fibres musculaires lisses (effet muscarinique) et striées (effet nicotinique) du tube digestif [3].

La néostigmine, la pyridostigmine et l’ésérine sont les principales représentantes de cette famille. Elles stimulent l’activité musculaire digestive. Leur principale indication est donc l’iléus paralytique, le mégacôlon et, dans certains cas, le mégaœsophage. Les principaux effets secondaires sont des diarrhées et des douleurs abdominales.

Modificateurs de la motilité intestinale

1. Antispasmodiques

Les antispasmodiques ou spasmolytiques digestifs ont pour effet de réduire les contractions de la musculature lisse en agissant soit directement sur les muscles lisses (spasmolytiques musculotropes : iodure de tiémonium et alvérine) soit sur le système nerveux autonome (spasmolytiques neurotropes : butylscopolamine et bromure de prifinium) [1, 2, 3, 4, 5].

Mode d’action et indications

Ces molécules diminuent les contractions segmentaires et propulsives de l’intestin et réduisent dans une moindre mesure les sécrétions digestives.

Elles sont employées comme antispasmodiques lors de douleur abdominale (spasmolytique musculotrope) et antidiarrhéiques (spasmolytique neurotrope), mais également parfois pour leurs propriétés antiémétiques.

Effets secondaires et contre-indications

Les spasmolytiques neurotropes peuvent être à l’origine d’iléus et aggraver une diarrhée ou favoriser l’apparition d’une constipation. Dans une moindre mesure, ils peuvent induire une rétention urinaire, une tachycardie et une excitation du système nerveux. Ils sont contre-indiqués lors de diarrhées toxiques ou infectieuses car ils ralentissent le transit, donc l’élimination des toxines ou des bactéries.

Les spasmolytiques musculotropes entraînent peu d’effets secondaires et de contre-indications.

2. Opiacés

Mode d’action et indications

Les opiacés ne sont pas des antispasmodiques au sens propre, mais plutôt des spasmogènes. Les deux molécules les plus employées en médecine vétérinaire sont le diphénoxylate (non disponible en France) et le lopéramide [1, 2, 3, 4, 5].

Ce sont des spasmogènes de type morphinique qui provoquent dans l’intestin une contracture des fibres lisses circulaires et un relâchement des fibres longitudinales. L’augmentation des mouvements de segmentation freine le transit intestinal.

Ils sont employés comme antidiarrhéiques lors de phénomènes aigus.

Effets secondaires et contre-indications

Comme les antispasmodiques, ils peuvent provoquer un iléus, une constipation et un mégacôlon. Ils induisent également le même phénomène de rétention de bactéries ou de toxines en ralentissant le transit, et sont contre-indiqués lors de diarrhées toxiques ou infectieuses. Il n’existe pas d’AMM chez le chat.

3. Laxatifs

Mode d’action et indications

Les laxatifs augmentent la motilité intestinale ou le volume fécal. Cette action est liée à leurs propriétés spécifiques sur la muqueuse digestive (intestin grêle ou côlon) : effets irritant (huile végétale comme l’huile de ricin, bisacodyl), hyperosmotique (lactulose, dioctylsulfosuccinate de sodium), lubrifiant (huile de paraffine ou de vaseline) [1, 2, 3, 4, 5].

Les laxatifs sont employés pour faciliter l’élimination du contenu intestinal lors de constipation, de fécalome, de préparation à des examens radiographique abdominal et endoscopique, pour ramollir les selles après certaines interventions (côlon, sphincter anal) ou diminuer l’absorption de toxines (encéphalose hépatique).

Effets secondaires et contre-indications

Les effets secondaires possibles sont une diarrhée et, dans une moindre mesure, des troubles électrolytiques (hypokaliémie, hypernatrémie) et des vomissements. Les occlusions intestinales représentent une contre-indication. Chez le chat, il existe un risque de pneumonie lipidique lors de mauvaise déglutition (“fausse route”) d’huile minérale. Les présentations sous forme de pâte sont à privilégier.

Cas particulier du misoprostol

Le misoprostol est un analogue synthétique de la prostaglandine E1 qui stimule les fibres musculaires lisses [1, 7]. La diarrhée est considérée habituellement comme un effet secondaire, mais qui peut être recherché chez les chats ou les chiens atteints d’un mégacôlon [7, 8]. Cette molécule peut donc être utilisée en remplacement du cisapride. Elle stimule la libération d’acétylcholine à partir des terminaisons nerveuses postganglionnaires. Elle agit sur les musculatures œsophagienne, gastrique, intestinale et colique. Ses effets prokinétiques gastriques sont plus puissants que ceux du métoclopramide. Ses principales indications en médecine vétérinaire sont celles du métoclopramide, ainsi que le mégaœsophage et le mégacôlon, mais elle n’est plus disponible en France.

Les principaux troubles digestifs rencontrés en médecine vétérinaire, à savoir les vomissements et les diarrhées, bien que fréquents, doivent être traités de façon raisonnée à l’aide des molécules à disposition. Les mécanismes d’action et les effets secondaires potentiels de ces spécialités sont également à prendre en compte dans la démarche thérapeutique.

Références

  • 1 - Collectif. Le dictionnaire Vidal. Éd. du Vidal. 2008.
  • 2 - Collectif. Dictionnaire des médicaments vétérinaires. Éd. du Point vétérinaire. 2008.
  • 3 - Collectif. Pharmacothérapeutiques systémiques du système digestif. Dans : Le Manuel vétérinaire Merck. 2e éd. française. Éd. d’Après, Paris. 2002.
  • 4 - De la Puente-Redondo VA, Siedek EM, Benchaoui HA, Tilt N, Rowan TG, Clemence RG. The anti-emetic efficacy of maropitant (Cerenia) in the treatment of ongoing emesis caused by a wide range of underlying clinical aetiologies in canine patients in Europe. J. Small Anim. Pract. 2007;48(2):93-98.
  • 5 - Hall JA, Washabau RR. Gastric prokinetic agents. In: Kirk’s current veterinary therapy XIII. Small animal practice. WB Saunders, Philadelphia. 2000:614-617.
  • 6 - Jergens AE. Acute diarrhea. In: Kirk’s current veterinary therapy XII. Small animal practice. WB Saunders, Philadelphia. 1995:701-705.
  • 7 - Roarty TP, Weber F, Soykan I, McCallum RW. Misoprostol in the treatment of chronic refractory constipation : results of a long-term open label trial. Aliment Pharmacol. Ther. 1997;11(6):1059-1066.
  • 8 - Roarty TP, Weber F, Soykan I, McCallum RW. Misoprostol in the treatment of chronic refractory constipation : results of a long-term open label trial. Published Online, 2 oct. 2003.
  • 9 - Strombeck DD, Guilford WG. Small animal gastroenterology. Wolfe Publishing, London. 1991:187-190.
  • 10 - Washabau RJ, Elie MS. Antiemetic therapy. In: Kirk’s current veterinary therapy XII. Small animal practice. WB Saunders, Philadelphia. 1995:679-684.

POINTS FORTS

• L’usage des antiémétiques est contre-indiqué lors d’infection digestive ou d’ingestion de toxique.

• Pour la prévention et le traitement des vomissements, les doses de maropitant utilisées sont différentes.

• Les antispasmodiques et les opiacés sont contre-indiqués lors de diarrhées toxiques ou infectieuses.

• Dans le traitement du mégacôlon, le misoprostol peut être administré en remplacement du cisapride.

Encadré 1 : Antagonistes de la dopamine

La dopamine possède un effet émétique et inhibiteur sur la motricité digestive. Ses antagonistes ont donc des propriétés antiémétisantes et stimulantes de la motricité digestive. Les récepteurs dopaminergiques périphériques et centraux sont assez similaires, leur éventuelle spécificité d’action dépend essentiellement de leurs caractéristiques pharmacocinétiques. Si le médicament ne traverse pas (ou peu) la barrière hémato-encéphalique, les effets périphériques prédominent (dompéridone, métoclopramide, métopimazine) et inversement en cas de bonne pénétration dans le cerveau (neuroleptiques : chlorpromazine, halopéridol).

Antagonistes dopaminergiques périphériques

• Les antiémétiques sont utilisés dans le traitement des nausées et des vomissements, du hoquet et du reflux gastro-œsophagien. Les récepteurs dopaminergiques de la zone chémoréceptrice responsable des vomissements se trouvent en dehors de la barrière hémato-encéphalique et sont accessibles aux antagonistes dopaminergiques périphériques.

• Les stimulants de la motricité gastro-intestinale, entre autres mécanismes, réduisent l’effet inhibiteur de la dopamine.

Antagonistes dopaminergiques centraux : neuroleptiques

Les neuroleptiques peuvent être classés selon différents critères : structure chimique, propriétés antipsychotiques à prédominance sédative, désinhibitrice ou atypique, durée d’action ou présentation.

Encadré 2 : Antagonistes des récepteurs 5-HT3

Le principal effet des antagonistes des récepteurs 5-HT3 est de s’opposer aux vomissements provoqués par les médicaments antinéoplasiques, tels que le cisplatine et la doxorubicine. Ces molécules sont cytotoxiques et libèrent de la sérotonine à partir du tube digestif, qui en contient beaucoup. La sérotonine ainsi libérée stimule les récepteurs 5-HT3 des terminaisons vagales à l’origine d’influx nerveux ascendants, ainsi que ceux de l’area postrema, ce qui entraîne des vomissements incoercibles. Les antagonistes spécifiques des récepteurs 5-HT3 inhibent ces vomissements et sont classés parmi les antiémétiques. En médecine vétérinaire, l’arrivée du maropitant relativise grandement leur intérêt.

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