Pemphigus foliacé chez un chat - Le Point Vétérinaire n° 293 du 01/03/2009
Le Point Vétérinaire n° 293 du 01/03/2009

Dermatologie féline

Pratique

SUR ORDONNANCE

Auteur(s) : Marc Gogny*, Hervé Pouliquen**

Fonctions :
*Unité de pharmacologie et toxicologie, ENV de Nantes
Atlanpôle La Chantrerie, 44307 Nantes Cedex 3

L’idée d’utiliser l’acéponate d’hydrocortisone par voie locale est intéressante mais audacieuse. Son efficacité doit être réévaluée après quelques semaines de traitement.

Un chat européen mâle âgé de quatre ans, castré, est présenté en consultation pour une lésion cutanée sur le chanfrein et la base de l’oreille gauche. L’état général est bon. La lésion présente un aspect général squamo-croûteux, peu érosif mais parsemé de renflements érythémateux et légèrement suintants. Le signe de Nikolsky (décollement cutané après frottement tangentiel de la peau à la base de la lésion) est positif. Le chat se gratte peu. Les propriétaires décrivent l’apparition en premier lieu de “boutons” assimilables à des pustules.

Les examens complémentaires mis en œuvre permettent d’éliminer une dermatose parasitaire. L’hypothèse d’une réaction allergique ne peut être complètement écartée, mais le vétérinaire suspecte un pemphigus foliacé et réalise des biopsies cutanées sur la lésion pour un examen histopathologique. En attendant les résultats, il décide d’instaurer une corticothérapie locale et de revoir le chat deux semaines plus tard.

  • Fiche DMV du médicament vétérinaire Cortavance Spray® est consutable sur le site www.WK-Vet.fr, rubrique DMV/Roy.

Pemphigus foliacé

Une maladie auto-immune mal connue chez le chat

Le pemphigus foliacé semble être la maladie auto-immune à expression cutanée la plus fréquente chez le chat. Mais elle reste rare et sa pathogénie est encore inconnue. Chez l’homme et dans d’autres espèces comme le chien, l’antigène est identifié : il s’agit d’une protéine nécessaire à la cohésion des kératinocytes au niveau des desmosomes. La réaction antigène-anticorps provoque une acantholyse, terme qui caractérise l’absence de cohérence interkératinocytaire. Des cavités emplies d’acanthocytes, de neutrophiles et d’éosinophiles se forment peu à peu. Comme toutes les maladies auto-immunes, la base du traitement repose sur l’immunodépression. Les corticoïdes seuls peuvent suffire, mais il est souvent nécessaire de les compléter par un autre immunomodulateur.

Cortavance Spray®

Le renouveau d’un concept ancien

Cortavance Spray® est une spécialité destinée au chien, à base d’acéponate d’hydrocortisone. L’hydrocortisone n’est autre que le cortisol naturel. Le terme d’acéponate désigne une double estérification des fonctions alcool portées par les carbones 17 et 21, respectivement par l’acide propionique et l’acide acétique. C’est donc un diester caractérisé par une liposolubilité encore plus marquée que celle de l’hydrocortisone-base. Le concept date d’une vingtaine d’années, mais il a fallu attendre à la fois la “dédiabolisation” des corticoïdes et les avancées galéniques des formes à usage local pour voir réapparaître les diesters, tant chez l’homme que chez l’animal.

Pulvérisé sur la peau, le corticoïde est très vite résorbé en raison de sa liposolubilité importante. Il se concentre alors dans le derme. Sa résorption dans la circulation générale est très lente. Elle n’est possible qu’après hydrolyse des liaisons esters par les estérases locales. Un équilibre résorption-élimination se met ainsi en place. Les effets systémiques de l’hydrocortisone restent donc limités. La balance bénéfices/risques est le résultat de ce double pari :

– une bonne action locale liée à la rémanence cutanée du produit ;

– des effets secondaires cutanés et systémiques limités par le choix d’un corticoïde de puissance modérée à résorption lente.

Cortavance Spray® ne dispose pas d’autorisation de mise sur le marché pour l’espèce féline. Rien ne permet donc d’affirmer que les données pharmacocinétiques du chien soient transposables au chat et que l’innocuité d’un traitement long soit aussi bonne dans cette espèce. Enfin, si le diagnostic de pemphigus foliacé est confirmé, il est probable que le traitement local soit insuffisant et qu’une corticothérapie par voie orale s’impose à des doses permettant un bon contrôle de l’immunodépression, avec son cortège d’effets indésirables.

Il n’existe pas de spécialité à usage cutané destinée au chat, avec un corticoïde à profil équivalent. Il est donc tout à fait possible d’appliquer le principe dit “de la cascade”, l’objectif étant d’atteindre des concentrations locales immunodépressives. Le vétérinaire engage cependant sa responsabilité sur les éventuels effets indésirables que ce traitement pourrait entraîner.

EN SAVOIR PLUS

– Bensignor E, Pin D, Carlotti DN. Le pemphigus foliacé des carnivores domestiques. Ann. Méd. Vét. 1998;142:5-13.

– Chapelin F, Cadiergues MC, Delverdier M et coll. Le pemphigus foliacé chez le chat : étude d’un cas et synthèse des données actuelles. Revue Méd. Vét. 2004;155(2):87-91.

– Görmar FE, Bernd A, Holzmann H. The effect of hydrocortisone aceponate on proliferation, total protein synthesis and collagen synthesis in human skin fibroblasts in vitro. Arzneimittelforschung. 1990;40:192-196.

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