La buprénorphine, analgésique morphinique de palier III de longue durée - Le Point Vétérinaire n° 293 du 01/03/2009
Le Point Vétérinaire n° 293 du 01/03/2009

ANALGÉSIE CHIRURGICALE

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FOCUS

Auteur(s) : Éric Vandaële

Fonctions : 4, square de Tourville, 44470 Carquefou

La buprénorphine s’emploie en prévention des douleurs postopératoires des chiens et des chats sur une durée de 6 à 12 heures.

La buprénorphine n’est pas le premier analgésique disponible en France pour les vétérinaires. La morphine, découverte en 1804, est indiquée pour ses usages analgésiques dans le Codex dès 1818. Néanmoins, deux siècles plus tard, à défaut d’ampoules de morphine disposant d’une autorisation de mise sur le marché (AMM) vétérinaire, la commercialisation en France de solutions injectables de buprénorphine constitue probablement l’une des avancées les plus importantes de cette année 2009 dans l’arsenal des analgésiques facilement accessibles aux vétérinaires praticiens.

Des ampoules de 1 ml dosées à 0,3 mg de buprénorphine

Axience vient ainsi de rendre disponible Buprecare® : des ampoules de 1 ml d’une solution injectable dosée à 0,3 mg/ml de buprénorphine. La boîte de cinq ampoules est commercialisée à environ 15 € (prix HT en centrales). Une ampoule de 1 ml correspond ainsi à la dose de buprénorphine (10 à 20 µg/kg) recommandée pour un chien pesant entre 15 et 30 kg (soit 0,3 à 0,6 ml/10 kg). Chez le chat, la même fourchette posologique conduit généralement à injecter moins d’une demi-ampoule par animal : 0,15 à 0,3 ml/5 kg. Le coût de l’analgésie par ce morphinique est donc assez faible : 1 € pour un chat de 5 kg, au maximum 3 € si l’ampoule entamée ne peut pas être immédiatement utilisée pour un autre animal. Enfin, le laboratoire Dechra (anciennement VetXX) dispose depuis peu des AMM pour une autre spécialité équivalente : Buprenodale®, qui devrait être commercialisé prochainement.

Action courte sur les douleurs viscérales pour le butorphanol

En quelques années, c’est le second opiacé vétérinaire disponible dans les centrales après le butorphanol : en 2006, les flacons de Torbugesic® destinés aux équidés, puis Dolorex® un an plus tard avec des indications à la fois chez les chevaux, les chiens et, depuis février 2009, les chats selon les résumés officiels des caractéristiques du produit (RCP).

Ces deux opiacés vétérinaires, apparemment concurrents, doivent plutôt être considérés comme complémentaires. Ils ont tous deux leur place dans l’arsenal des molécules à utiliser lors d’analgésie préventive et multimodale, dès qu’une intervention chirurgicale, même la plus courante, nécessite l’emploi d’un analgésique de palier II ou III (tableaux 1 et 2). Les opérations les plus fréquentes comme la stérilisation d’un chat mâle ou femelle entrent dans cette catégorie.

Le butorphanol est un agoniste-antagoniste, agoniste des récepteurs morphiniques k et antagoniste des récepteurs µ. Ainsi, il est plus efficace contre les douleurs viscérales que somatiques. Sa durée d’action, courte, généralement inférieure à une heure, lui permet de prévenir la douleur opératoire, mais pas la douleur postopératoire.

Une durée d’action d’environ six heures pour la buprénorphine

À l’inverse, la buprénorphine est un agoniste partiel des récepteurs µ (figure complémentaire sur www.WK-Vet.fr). Son affinité vis-à-vis de ces récepteurs est beaucoup plus importante que la morphine, voire que la naloxone (l’antidote antagoniste des morphiniques). Sa durée d’action est donc plus longue que sa persistance dans le plasma (tableau 3).

Sa longue durée d’action entre quatre et huit heures, voire 12 heures, est le principal atout de ce morphinique en chirurgie. La buprénorphine prévient les douleurs per- et postopératoires, et le plus souvent jusqu’au réveil de l’animal. Le relais peut alors être pris, si nécessaire, par un anti-inflammatoire non stéroïdien (AINS), par voie orale. Indiquée chez les chiens et les chats, la buprénorphine s’administre avant l’intervention et permet ainsi de diminuer de moitié les doses d’α2-agonistes, ainsi que celles d’anesthésiques (effet sédatif associé). Les effets secondaires de ces anesthésiques sont donc réduits, tout comme le coût global du protocole anesthésique et analgésique.

La buprénorphine peut ainsi être associée à la quasi-totalité des molécules utilisées dans les protocoles anesthésiques telles que l’atropine, l’acépromazine, la kétamine, les α2-agonistes (médétomidine, xylazine), les barbituriques, le propofol, l’alfaxalone, l’halothane, l’isoflurane, ainsi qu’aux AINS. Elle est donc une des molécules à utiliser en analgésie dite multimodale, avec les α2-agonistes, les AINS et les anesthésiques locaux. Il n’est toutefois pas recommandé de l’associer à d’autres morphiniques (morphine, butorphanol ou fentanyl).

Un risque réduit d’effets indésirables dépresseurs

En outre, les doses plafonds, au-delà desquelles il n’est plus nécessaire d’augmenter les quantités de buprénorphine, semblent être de l’ordre de 20 à 40 µg/kg, donc proches des doses thérapeutiques (10 à 20 µg/kg). À ces doses, les effets secondaires de la buprénorphine sont réduits : salivation et bradycardie chez le chien, mydriase chez le chat. La dépression respiratoire, décrite chez l’homme, n’est que rarement observée chez l’animal et souvent sans conséquence clinique. Le RCP recommande toutefois d’éviter d’employer tout morphinique chez les animaux ayant une fonction respiratoire altérée (une suspicion de perforation du poumon par exemple).

La buprénorphine présente une bonne biodisponibilité par voie orale chez le chat, avec une résorption par la muqueuse buccale. Les praticiens britanniques la prescrivent ainsi à la dose de 0,3 ml par chat.

Disponible sans contrainte réglementaire supplémentaire

Contrairement à la morphine, la buprénorphine n’est pas inscrite dans la liste des stupéfiants, mais seulement en liste I des substances vénéneuses (comme de nombreux autres médicaments vétérinaires). Une ordonnance sécurisée n’est donc pas nécessaire, ni pour son approvisionnement, ni pour son usage.

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