Hyperplasie bénigne de la prostate : actualités - Le Point Vétérinaire n° 293 du 01/03/2009
Le Point Vétérinaire n° 293 du 01/03/2009

Médecine interne canine

Mise à jour

LE POINT SUR …

Auteur(s) : Xavier Lévy*, Philippe Mimouni**

Fonctions :
*Centre de reproduction des carnivores du Sud-Ouest (CRECS)
16, rue Jean-Moulin
32600 L’Isle-Jourdain
**Centre de reproduction des carnivores du Sud-Ouest (CRECS)
16, rue Jean-Moulin
32600 L’Isle-Jourdain

L’hyperplasie bénigne de la prostate est une affection fréquente chez le chien adulte. Un nouveau test Elisa sur sang permet de la dépister et de la diagnostiquer.

L’hyperplasie bénigne de la prostate (HBP) est une affection très fréquente chez le chien adulte vieillissant. À l’analyse histologique, 50 à 80 % des chiens âgés de plus de cinq ans présentent une hyperplasie et une hypertrophie prostatique [7]. Dans la plupart des cas, l’HBP est sans répercussion pour le chien et ne nécessite donc a priori aucun traitement. Néanmoins, elle est à l’origine de manifestations cliniques lorsqu’elle est importante (taille de la prostate de deux à six fois supérieure à la normale), et d’autres affections prostatiques plus graves surviennent parfois : prostatite, kystes volumineux, abcès prostatiques, etc.

Il est donc essentiel pour le praticien de savoir diagnostiquer une HBP au plus tôt afin de prévenir le développement de lésions et de complications. L’HBP est une affection chronique (si le chien n’est pas castré chirurgicalement) : la prostate grossit progressivement après l’arrêt d’un traitement médical. Afin d’éviter une reprise des signes cliniques, il convient de suivre l’évolution de la maladie.

Diagnostic clinique

1. Anamnèse et signes d’appel

• L’HBP est une lésion hormono-dépendante d’apparition progressive [3]. Il peut exister un long laps de temps (souvent plusieurs années) entre les lésions histologiques débutantes et les manifestations cliniques initiales : la première conséquence est une dégradation de la qualité de la semence (signe précurseur qui passe inaperçu chez la plupart des chiens) suivie par des symptômes plus “traditionnels” (urinaires, digestifs, locomoteurs) [7].

• Les différents signes d’appel qui amènent le propriétaire à consulter sont :

– des pertes de sang par goutte au fourreau entre les mictions (d’origine prostatique) ;

– une hématurie ;

– une constipation ;

– une boiterie des membres postérieurs.

Lors de l’examen du spermogramme, une hématospermie et une altération de la qualité des spermatozoïdes (asthéno-térato-zoospermie) sont des anomalies qui doivent interpeller le praticien. La fonction reproductrice est la première à être touchée lors d’une affection prostatique.

2. Toucher rectal

Le toucher rectal est le premier geste à effectuer lors de suspicion d’atteinte prostatique. Il permet d’apprécier l’intégrité de la glande prostatique. L’examen est simple à réaliser, peu invasif et peu couteux. Il permet le plus souvent d’exclure une HBP (photo 1).

L’examen permet d’évaluer si :

– la prostate est en position pelvienne ou basculée dans l’abdomen (lors d’HBP) ;

– les deux lobes sont symétriques par rapport au sillon médian. Une asymétrie peut être notée en cas d’HBP ou d’autres affections ;

– la texture est homogène. Un parenchyme hétérogène au toucher (zones indurées ou molles) est en faveur d’une affection prostatique (prostatite, kyste, métaplasie, tumeur) ;

– une douleur existe à la palpation-pression (absence de douleur lors d’HBP).

Le toucher prostatique présente toutefois de nombreuses limites liées :

– à l’opérateur. Il convient de palper de nombreuses prostates saines pour reconnaître une HBP ;

– au chien. Le toucher rectal est impossible chez les races de grande taille et miniatures. De plus, il existe des spécificités raciales : chez le scottish terrier, la prostate est plus grosse que chez les autres races et son bassin est de forme rectangulaire (aplati dorso-ventralement), ce qui entraîne une bascule de la prostate dans l’abdomen à l’âge adulte ;

– à l’examen lui-même. La palpation se limite à la surface dorsale de la prostate. L’HBP doit être déjà à un stade avancé pour être diagnostiquée.

Le toucher rectal bien que limité dans ses informations, doit systématiquement être pratiqué lors de la consultation (vaccinale) des chiens adultes et âgés.

Diagnostic radiographique

1. Mesures

La radiographie est l’examen historique d’évaluation de la prostate.

Une HBP est diagnostiquée quand le diamètre de la prostate est supérieur à 70 % de la distance définie entre l’os promontoire du sacrum (S) et la pointe du pubis (P) sur une vue latérale (photo 2), ou à 50 % de la largeur du diamètre pelvien interne sur une vue ventro-dorsale [6].

La mesure de la prostate est réalisée parallèlement à la ligne tracée par la distance S-P.

Un examen radiographique avec préparation (urétro-pneumocystographie rétrograde) révèle souvent la présence de trajets intraparenchymateux d’un diamètre supérieur à l’urètre prostatique.

2. Limites

La radiographie présente plusieurs limites qui en font actuellement un examen d’imagerie de second plan.

Elle surestime la taille de la prostate [6]. Les organes avoisinants, le côlon, les parois abdominale et du tissu adipeux péricapsulaire rendent la délimitation de la prostate difficile [6].

La norme des 70 % ne tient pas compte de l’âge du chien et de sa race. La prostate grossit physiologiquement avec l’âge.

La forme du bassin varie selon les races. Le scottish terrier présente notamment un bassin rectangulaire, soit plus large que haut ; ainsi le rapport entre le diamètre prostatique et la distance S-P est toujours élevé.

L’évaluation du parenchyme prostatique est limitée. Seules des calcifications ou des cavités de grandes tailles peuvent être observées.

Diagnostic échographique

L’échographie est le meilleur examen d’imagerie pour le diagnostic (et le dépistage) d’une HBP, ainsi que dans le suivi du chien traité médicalement (récidives quasi systématiques après plusieurs mois). Elle permet de mesurer la prostate et d’observer indirectement le parenchyme prostatique.

1. Mesures

L’HBP se traduit dans un premier temps par une augmentation harmonieuse de la taille de la prostate sans altération du parenchyme. Lors d’HBP avancée, de petits kystes peuvent se former (dilatation des acini par obstruction des canaux excréteurs) ; il s’agit alors d’hyperplasie glandulo- kystique de la prostate. Le diagnostic de l’HBP nécessite de mesurer la glande. Les mesures sont nombreuses : longueur (coupe longitudinale), largeur (coupe transversale), hauteur (coupes longitudinale et transversale), et permettent le calcul du volume prostatique.

Une étude qui compare les mesures échographiques à celles effectuées au cours de l’autopsie sur les mêmes chiens démontre que la taille (volume) de la prostate mesurée à l’échographie est quasi identique à la taille réelle : la longueur (coupe longitudinale) et la largeur (coupe transversale) étant les deux paramètres les plus représentatifs de la taille de la prostate (photos 3 et 4) [1].

Une étude réalisée en 1996 a permis de proposer des normes échographiques de la taille normale de la prostate du chien en fonction de son âge et de son poids [8]. Seules normes développées dans les publications, elles sont incontournables pour rechercher une HBP (encadré 1) [8].

2. Limites

L’examen échographique semble parfois sous-diagnostiquer une HBP débutante ou surdiagnostiquer une récidive [données personnelles, 8].

L’étude de Ruel propose une fourchette large de la taille normale de la prostate ; en effet, 14 % des chiens considérés comme normaux présentent un aspect glandulo-kystique du parenchyme prostatique (consécutif à une hyperplasie). L’étude ne tient pas compte de l’influence de la race sur la taille de la prostate.

L’étude d’Atalan et coll. met l’accent sur les limites de la fiabilité des mesures [1]. Selon la technique échographique (position de la sonde, toucher rectal associé), de grandes variations sont possibles. Pour la largeur (coupe transversale), une rotation de 30° de l’axe de la sonde en coupe transversale peut entraîner une variation de la largeur de la prostate allant jusqu’à 20 % (figure 1) [1].

La difficulté des mesures s’explique par :

– l’inclinaison de la sonde par rapport à l’axe de la prostate : présence du pénis (inclinaison latérale), prostate en partie engagée dans la filière pelvienne (inclinaison cranio-caudale) ;

– des contours prostatiques parfois difficiles à distinguer : qualité de l’échographe (fréquence de la sonde, etc.), prostate qui dépasse la fenêtre visuelle de la sonde ;

– une mauvaise position de la sonde sur la prostate. Il convient de prendre l’axe le plus grand. Un déplacement latéral de la sonde (coupe longitudinale) peut faire varier la mesure jusqu’à 10 %.

Ainsi, l’échographie est un examen de choix dans le diagnostic de l’HBP, mais elle n’est pas toujours fiable (subjectivité de l’opérateur) dans la prise des mesures.

De plus, le manque de reproductibilité de celles-ci rend le suivi de la taille de la prostate difficile au fil des mois et ne permet pas toujours de décider de la reprise d’un traitement.

3. Diagnostic de certitude

L’échographie peut s’accompagner d’une analyse cytologique (diagnostique dans 80 % des cas) ou histologique (diagnostique dans 100 % des cas) (encadré 2) [5]. Mais ces examens complémentaires, plus invasifs pour le chien, nécessitent une maîtrise de la technique de ponction ou de biopsie échoguidée, et entraînent un surcoût.

Diagnostic biologique

1. Marqueur prostatique

Depuis plusieurs années, différents chercheurs se sont intéressés à la mise en évidence de marqueurs des affections prostatiques chez le chien, à l’image de ce qui existe chez l’homme dans le dépistage du carcinome prostatique (PSA ou Prostate Specific Antigen et AcP ou Acid Phosphatase).

En 1984, Chapdelaine et coll. ont montré que la Canine Prostate Specific arginine Esterase (CPSE) est le plus important marqueur de la sécrétion prostatique du chien [4]. Sécrétée par les cellules épithéliales prostatiques sous contrôle des androgènes, la CPSE constitue plus de 90 % des protéines du liquide séminal du chien. Elle appartient au groupe des kallicréines (KLK2) comme la PSA (marqueur du cancer prostatique chez l’homme). Dès 1995, Bell et coll. ont mis en évidence que la CPSE sérique est plus élevée chez un chien atteint d’une affection prostatique (HBP, etc.) que chez un chien sain [2]. Un taux sanguin élevé de CPSE n’est pas spécifique d’un carcinome prostatique (objectif de l’étude), mais semble augmenté aussi lors d’HBP [2]. Cette constatation est confirmée par d’autres auteurs dans la recherche d’un marqueur du carcinome prostatique canin. Ainsi, la CPSE pourrait être un outil performant dans le dépistage d’une HBP.

2. Dosage du taux sanguin de CPSE : un nouvel outil diagnostique

Un test Elisa de laboratoire (Odelis® CPSE) permettant de diagnostiquer ou d’exclure une HBP a été mis au point et validé grâce à une étude multicentrique française dirigée par le Cerca en association avec d’autres vétérinaires (Crecs) (figure 2). Cet essai porte sur l’analyse du sérum chez 89 chiens. Ces derniers sont répartis en :

– 34 chiens atteints d’HBP (âge moyen = 9,25 ans, écart type = 2,57), diagnostiquée par échographie et analyses cytologiques ;

– 55 chiens sans HBP (45 chiens âgés de moins de 2 ans, 4 entre 2 et 6 ans, 5 de plus de 7 ans, et 1 dont l’âge n’est pas connu).

Un dosage de la CPSE sérique a été effectué chez chaque chien de l’étude (tableau).

Les résultats montrent que la mesure du taux de CPSE sérique permet de distinguer les chiens atteints d’HBP des autres chiens (la valeur seuil optimale est de 61 ng/ml) (figure 3)

Des études complémentaires réalisées à l’aide du même test Odelis® CPSE ont montré que :

– l’analyse est réalisable sur plasma (hépariné, EDTA) et sur sérum ;

– le taux de CPSE dans l’échantillon est stable 24 heures à température ambiante et 96 heures à + 4 °C. En pratique courante, un courrier express garantit la fiabilité du test ;

– les analyses réalisée à l’aide du test Elisa Odelis® CPSE sont répétables (coefficient de variation intra-essai inférieur à 3,1 %, coefficient de variation inter-essais inférieur à 6,7 %).

Si un chien est atteint d’un adénocarcinome ou d’une prostatite sans HBP associée, le test reste négatif (figure 4).Le test Elisa Odelis® CPSE est le premier commercialisé pour le diagnostic de l’HBP. Il permet au praticien d’envisager une nouvelle conduite diagnostique de l’HBP (figure 5). Le dosage du taux sanguin de CPSE n’exclut pas la réalisation d’une échographie et des autres examens (ponction, biopsie) en cas de test positif afin d’écarter toute autre affection associée (kyste, abcès, prostatite, etc.).

3. Dosage du taux sanguin de CPSE et suivi du traitement

Actuellement, le chien HBP est traité soit tous les cinq à six mois, soit en urgence dès la réapparition des signes cliniques. Une nouvelle approche dans le suivi du chien traité médicalement pour une HBP pourrait bientôt être permise grâce au test Odelis® CPSE.

L’HBP est une affection majeure chez le chien. Récemment, la mise sur le marché de nouvelles molécules dédiées comme l’osatérone (Ypozane®) a permis une évolution dans la conduite thérapeutique lors d’HBP. Cependant, le diagnostic de certitude et le suivi de cette maladie restent peu satisfaisants, voire incertain. Le recours au nouveau test sanguin Odelis® CPSE permet une nouvelle conduite diagnostique de l’HBP.

Celui-ci ouvre aussi des perspectives sur la gestion du suivi d’un chien traité médicalement pour une HBP.

Références

  • 1 - Atalan G, Holt PE, Barr FJ et coll. Ultrasonographic estimation of prostatic size in canine cadavers. Res. Vet. Sci. 1999;67:7-15.
  • 2 - Bell FW, Klausner JS, Hayden DW et coll. Evaluation of serum and seminal plasma markers in the diagnosis of canine prostatic disorders. J. Vet. Intern. Med. 1995;9:149-153.
  • 3 - Berry SJ, Coffey DS, Ewing LL et coll. Development of canine benign hyperplasia with age. Prostate 9. 1986:363-373.
  • 4 - Chapdelaine P, Dubé JY, Frenette G et coll. Identification of arginine esterase as the major androgen-dependent protein secreted by dog prostate and preliminary molecular characterization in seminal plasma. J. Androl. 1984;5:206-210.
  • 5 - Cooney JC, Cartee RE, Gray BW et coll. Ultrasonography of the canine prostate with histologic correlation. Theriogenology. 1992;38:877-895.
  • 6 - Feeney DA, Johnston GR, Klausner JS et coll. Canine prostatic disease-comparison of ultrasonographic appearance with morphologic and microbiologic findings : 30 cases (1981-1985). J. Am. Vet. Med. Assoc. 1987;190:1027-1034.
  • 7 - Johnston SD, Kustritz MVR, Olson PNS. Benign prostatic hypertrophy/ hyperplasia. In : Canine and feline theriogenology. WB Saunders, Philadelphia. 2001:340-341.
  • 8 - Ruel Y, Barthez PY, Mailles A, Begon D. Ultrasonographic evaluation of the prostate in healthy intact dogs. Vet. Radiol. Ultrasound. 1998;39:212-216.

POINTS FORTS

• L’hyperplasie bénigne de la prostate est une affection fréquente à l’origine de troubles divers : baisse de la fertilité, hématurie, etc.

• Le toucher rectal doit faire partie de l’examen clinique, mais sa fiabilité est limitée.

• La radiographie est actuellement un examen complémentaire dépassé.

L’échographie est utile pour le diagnostic de l’HBP et reste le meilleur examen pour évaluer le parenchyme prostatique.

• Un test sanguin fiable et simple de réalisation permet le dépistage et le suivi d’une HBP chez le chien.

Encadré 1 : Normes dimensionnelles d’une prostate normale

Formules :

L = (0,055 x P) + (0,143 x A) + 3,31

Hsag= (0,046 x P) + (0,069 x A) + 2,68

I = (0,047 x P) + (0,089 x A) + 3,45

Htr = (0,044 x P) + (0,083 x A) + 2,25

V = (0,0867 x P) + (1,885 x A) + 15,98

V : volume ; P : poids de l’animal ; A : âge.

Coupe longitudinale : L = longueur maximale le long de l’urètre / Hsag = hauteur maximale perpendiculaire à l’axe de la longueur.

Coupe transversale : Htr = hauteur maximale (droite séparant les deux lobes) / l = largeur (distance maximale perpendiculaire à l’axe de la hauteur). D’après [8].

Encadré 2 : Étapes de la ponction prostatique

• Positionner le chien en décubitus dorsal.

• Tondre la région antéscrotale.

• Nettoyer de façon chirurgicale la zone tondue.

• Positionner la sonde échographique en regard de la prostate en coupe transversale.

• Repérer l’urètre prostatique ainsi que les plexus vasculaires dorsaux à la prostate.

• Insérer l’aiguille lentement dans l’abdomen.

• Contrôler l’absence d’hémorragie.

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