Les caractéristiques du lait chez le chien et le chat - Le Point Vétérinaire n° 291 du 01/12/2008
Le Point Vétérinaire n° 291 du 01/12/2008

Néonatalogie canine et féline

Mise à jour

LE POINT SUR…

Auteur(s) : Vincent Segalini

Fonctions : 48, rue de la Côte-du-Nord
93100 Montreuil

Le lait est le seul apport nutritif et hydrique du nouveau-né. Son absence induit une déshydratation et des troubles cardiovasculaires. Le biberonnage ou le sondage gastrique est alors indispensable.

Le lait est le seul composé absorbé par les chiots et les chatons jusqu’ au sevrage. Il est leur unique source d’ énergie, de protéines, mais aussi de fluides. Son manque ou son absence peut avoir des conséquences importantes sur le bien-être des jeunes.

Composition du lait

Chez le chien, la composition du lait en protéines et en nutriments change tout au long de la lactation (probablement aussi en fonction de la race) (). Ainsi, la couleur du lait varie au cours du temps(1).

Lors de la mort d’ une mère ou d’ une lactation trop faible pour subvenir aux besoins de tous les chiots, il est fréquent d’ utiliser des substituts lactés. En général, ils reflètent la composition du lait de la chienne, qui représente la nutrition optimale du chiot. Toutefois, de nombreuses formulations contiennent des quantités inadéquates et insuffisantes en protéines, en graisses, en calcium et en phosphore. Certaines formules sont désignées comme “fortifiantes” pour les chiots, mais la “surnutrition” conduit à des troubles gastro-intestinaux en raison d’ un taux élevé de graisses et de lactose (encadré et ). La même problématique est rencontrée chez le chat ().

Allaitement artificiel

1. Fréquence et quantité

Pour les chatons, la dose recommandée est de 5 ml de lait pour 100 g de poids vif. La ration peut être augmentée de 1 à 2 ml par jour. Les repas doivent être pris à intervalles réguliers toutes les cinq à six heures. Le besoin énergétique d’ un chaton est de 25 kcal/100 g de poids corporel par jour [5].

Pour les chiots, quatre à huit repas quotidiens sont préconisés, en laissant le temps à l’ estomac de se vidanger (trois à quatre heures). Il convient de respecter le rythme des chiots, d’ essayer de les réveiller le moins souvent possible pour ne pas entraîner de stress. Leur besoin est de 22 à 26 kcal pour 100 g de poids vif, soit environ 20 ml d’ une préparation commerciale pour un jeune de 100 g.

2. Moyens d’ administration

Les préparations de lait ménagères à base de lait de divers animaux et d’œufs ne présentent aucun intérêt, car leur composition est très éloignée du lait maternel naturel canin ou félin. Les présentations du commerce, étudiées pour s’ en rapprocher au maximum, sont à préférer.

L’ aliment artificiel doit être préparé chaque jour et réchauffé à 37,8 °C pour les chatons et à 30 à 35 °C pour les chiots [4]. Le lait est reconstitué juste avant son utilisation, en suivant scrupuleusement les consignes de préparation, et homogénéisé. Il ne doit être ni trop fluide ni trop solide. Il est chauffé, puis distribué au biberon ou à la sonde, selon les risques et les besoins, dans le respect des normes de propreté (manipulation avec des gants, matériel et petits déposés sur un linge propre) ( , ). Entre chaque utilisation, la stérilisation par autoclave des ustensiles est très importante pour les chiots qui n’ ont pas reçu de colostrum. Il est aussi possible d’ utiliser des ustensiles stériles à usage unique. Lorsque les nouveau-nés l’ acceptent, le biberon est la solution idéale puisqu’ ils s’ arrêtent de téter une fois la quantité nécessaire ingérée, à la différence du sondage. Le réflexe de succion doit être présent pour biberonner, sinon le risque de fausses déglutitions est important ().

La sonde gastrique doit être réalisée dans un matériau souple : épijet ou sonde urétrale chez le chiot et sonde gastrique de 2,6 à 3,3 mm de diamètre ou sonde urétrale souple chez le chat. La longueur d’ intubation est égale à 75 % de la distance entre le nez et la dernière côte (soit la distance entre le bout du nez et la pointe du coude) (). Elle doit être réévaluée chaque semaine en fonction de la croissance. L’ intubation œsophagienne se pratique après une adaptation de la sonde à la seringue et un rejet de l’ air en excès. Toute résistance à l’ intubation doit être identifiée. La position de la sonde doit être vérifiée car le réflexe de toux n’ existe pas avant l’ âge de 10 jours. Le chiot est maintenu horizontalement, la tête en extension, la sonde est glissée sur le dos de la langue puis sur le plafond du larynx et doucement enfoncée jusqu’ au repère de distance ( ). L’ administration est lente pour laisser à l’ estomac le temps de se distendre [8].

Il convient de surveiller la température des nouveau-nés car une hypothermie est responsable d’ un arrêt du transit, donc d’ un iléus.

3. Objectifs de croissance

Un chiot doit prendre 2 à 4 g par jour et par kg de poids adulte prévisible pendant les 5 premiers mois de vie [6]. La prise de poids d’ un chaton est similiaire, mais il existe de grandes variations interraciales. Les chiots et les chatons nourris artificiellement ont un taux de croissance plus faible (10 à 25 % de moins pour le chiot) que les animaux nourris naturellement. Dès le début du sevrage, les chiots rattrapent aisément leur retard en trois semaines [8].

Situations pathologiques

1. Chez le jeune

Syndrome du “lait toxique”

Même si le “lait toxique” a été associé à une mortalité ou à une morbidité néonatale, ce syndrome n’ est pas défini précisément. Il est incriminé dans les maladies des chiots de 3 à 14 jours, mais la composition ou le rôle exact de ce lait qui engendre des troubles reste inconnu. Les chiots, quelle que soit la raison, sont gênés, émettent des vocalises, gonflent. Des subinvolutions des zones placentaires ou des métrites pourraient être à l’ origine du syndrome du “lait toxique”.

Cependant, ces affections peuvent passer inaperçues et les chiots rester en bonne santé. Diverses affections provoquent des iléus digestifs, ce qui entraîne un gonflement postprandial. Une hypothermie peut, par exemple, provoquer un ralentissement du transit digestif [7].

Déficit d’ apport alimentaire

Un déficit d’ apport lacté chez le jeune (seul apport hydrique du chiot ou du chaton) peut entraîner une forte déshydratation. Des troubles cardiovasculaires suivent car les moyens de régulation de la pression artérielle sont encore immatures et que celle-ci dépend uniquement du volume circulatoire sanguin.

En cas de déshydratation, le propriétaire peut proposer de l’ eau sucrée dès qu’ une perte de 10 % est constatée. Si cette perte n’ est pas stoppée en 48 heures, le chiot doit être allaité artificiellement avec de l’ eau sucrée et perfusé à l’ aide d’ une solution isotonique de chlorure de sodium (NaCl) (1 ml toutes les 5 à 10 minutes, par voie intraveineuse jusqu’ au rétablissement de l’ hydratation ou 20 ml/100 g/j par voie sous-cutanée). Lorsque la voie intraveineuse n’ est pas disponible, un cathéter intra-osseux doit être placé dans les fûts osseux des os longs (le plus souvent dans le fût fémoral). Le rythme d’ administration peut alors atteindre 11 ml/min au maximum.

Le traitement d’ urgence des troubles cardiovasculaires comprend un apport en oxygène, une réhydratation à l’ aide d’ un sérum glucosé, un réchauffement lent et progressif, l’ administration d’ adrénaline (lutte contre la vasodilatation) ainsi que de plasma sanguin [3].

2. Chez la mère

Mammite

Si la mère présente une mammite traitée précocement et que les mamelles ne sont pas abcédées, il est possible de laisser téter les jeunes. Ils ingèrent des antibiotiques avec le lait et leur tétée aide à drainer les glandes atteintes en prévenant la galactostase. Si une abcédation est présente, les jeunes doivent être retirés de la mamelle et nourris artificiellement. La mère est traitée à part pour sa mammite. Parfois un drainage chirurgical de la mamelle est nécessaire [9].

Des antibiotiques non toxiques pour la mère et les chiots doivent être choisis. La décision de retirer les chiots de la mère dépend de la capacité de celle-ci à s’ occuper des petits et de l’ âge des chiots. Il est nécessaire de prendre en compte le côté pratique pour le propriétaire. En général, les chiots sont laissés avec la mère pendant les deux premières semaines. Si le lait est purulent, il convient d’ éviter que les chiots ne tètent les mamelles atteintes par la mise en place de bandages.

Agalactie

L’ agalactie est l’ absence de production ou de sécrétion lactée. L’ agalactie primaire est rare, et est liée à des anomalies anatomiques ou physiologiques. L’ agalactie secondaire peut survenir à la suite d’ une alimentation inadéquate, d’ un stress, d’ une mise bas prématurée, d’ un traitement aux progestagènes, d’ une mammite, d’ une métrite, de troubles psychologiques, d’ endotoxémie ou de maladie systémique. Pour l’ agalactie primaire, les traitements sont inefficaces si elle est due à des malformations anatomiques de la glande mammaire ou que cette dernière ne répond pas à une stimulation hormonale.

Pour traiter une agalactie secondaire, la cause prédisposante doit être gérée. Une jeune chienne ou une primipare peut être nerveuse et craintive de mettre bas. Pour l’ aider, il est parfois utile de la rassurer ou de lui donner des tranquillisants. Les phénothiaziniques entraînent une augmentation du relarguage de la prolactine par l’ hypophyse, donc de la lactation. La sécrétion de prolactine peut aussi être stimulée par une injection de métoclopramide (Primpérid®, 0,5 à 1 mg/kg par voie sous-cutanée, intramusculaire ou intraveineuse). Des sprays nasaux d’ ocytocine peuvent être efficaces chez les mères nerveuses pour provoquer la production lactée(1). Toutes les causes d’ agalactie ne sont pas identifiées ni identifiables.

Le manque de lait peut être délétère pour les jeunes. Certaines techniques de sondage ou de perfusion permettent de subvenir à leurs besoins en complément ou en remplacement du lait de la mère. Les causes primaires d’ agalactie sont multiples et doivent être traitées en premier lieu pour que la production lactée soit relancée.

  • (1) Voir article “Le colostrum chez le chien et le chat”, du même auteur, dans ce numéro.

Remerciements aux différents laboratoires qui ont communiqué leurs données sur les laits commercialisés pour chiots et chatons.

Encadré : Comparaison de la composition des laits du commerce avec les laits de chienne et de chatte

Comme la composition réelle du lait varie au cours du temps, une moyenne des diverses valeurs sur la durée totale de la lactation a été établie. Cela ne perturbe pas la comparaison car les laits maternisés du commerce sont utilisés sur toute la durée de l’ allaitement.

Ces valeurs sont à comparer avec précaution car les notices indiquent une préparation de solutions à l’ aide de dosettes ou de cuillères à soupe. Un nombre de dosettes de poudre pour un nombre de dosettes d’ eau est ainsi préconisé. Toutefois, la masse d’ une dosette de poudre varie en fonction de la manière de la remplir (rase ou non), si elle est prélevée en haut du paquet ou au fond, où la poudre est plus tassée et donc plus concentrée. Toutes les valeurs suivantes varient donc en fonction de la préparation in situ.

La majeure partie des préparations du commerce ont un taux protéique, un taux de matières grasses et un taux énergétique inférieurs au lait naturel. En revanche, elles présentent parfois un taux de phosphore et de calcium supérieur aux laits naturels.

Certains laits du commerce possèdent de la taurine qui est un acide aminé important pour la croissance et le développement normal des chatons. Un apport en taurine de 150 à 197 mg/kg de poids corporel par jour permet de maintenir des taux plasmatiques normaux chez des chatons âgés de 12 à 18 semaines. Le lait de chatte contient environ 300 mg de taurine par litre. Un apport insuffisant peut causer des troubles de croissance et de développement. Le taux de taurine contenu dans le lait est fonction des apports alimentaires de la mère, ce qui explique que le lait de vache soit pauvre en taurine (1,3 mg/l). Si ce lait est à l’ origine de préparations commerciales pour chatons, il est alors préférable de le complémenter en cet acide aminé [5].

POINTS FORTS

• L’ aliment artificiel doit être préparé chaque jour en respectant les consignes de préparation et apporté à l’ aide d’ ustensiles stériles.

• Le biberonnage se rapproche le plus de la buvée naturelle. Le sondage gastrique permet de gagner du temps, mais il comporte des risques de fausses déglutitions.

• En cas de mammite, si la mamelle est abcédée, la mère doit être tarie et le nouveau-né nourri artificiellement.

• En cas d’ agalactie, l’ origine du trouble est à rechercher d’ afin d’ apporter une solution spécifique.

• Il est impératif de compenser un déficit d’ apport lacté sous peine d’ induire une déshydratation sévère chez le nouveau-né.

Références

  • 1 – Adkins Y, Lepine A, Lonnerdal BO. Changes in protein and nutrient composition of milk throughout lactation in dogs. J. Vet. Res. 2001 ; 62(8): 1266-1273.
  • 2 – Adkins Y, Zicker SC, Lepine A et coll. Changes in nutrient and protein composition of cat milk during lactation. J. Vet. Res. 1997 ; 58(4): 370-375.
  • 3 – Fischer EW. Diagnostic and therapeutic checklists. Neonatal diseases of dogs and cats. Br. Vet. J. 1982, 138, 277-284.
  • 4 – Gauclere BJP. Soins et pathologies dominantes du chaton nouveau né. Th. Méd. Vét.,Toulouse. 1993 ; 93 : 140p.
  • 5 – Hand MS, Thatcher CD, Remillard RL et coll. Chatons en croissance. In : Hand MS, Thatcher CD, Remillard RL, Roudebush P. Nutrition Clinique des animaux de compagnie. 4th ed. Mark Morris Institute, Topeka. 2000 : 356-359.
  • 6 – Hosgood G, Hoskins JD. Intensive care. In : Hosgood G, Davidson D, Hoskins JD. Small animal pediatrics medicine and surgery. Butterworth-heinemann, Oxford. 1998 : 41-43.
  • 7 – Johnston SD, Root Kustritz MV, Olson PNS. Preparturient disorder in the bitch. In : Johnston SD, Root Kustritz MV, Olson PNS, Canine and Feline Theriogenology. WB Saunders Company, Philadelphia. 2001 : 138.
  • 8 – Le Berre K. La mortalité néonatale du chiot. Th. Méd. Vét., Nantes. 1996 ; 35 : 136p.
  • 9 – Zentek J. Nutrition of the puppies and kittens : an overview. In : Iams Clinical Nutrition Symposium, Seville, Spain. 2005 : 7-14.
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