Intervention précoce lors de hernie diaphragmatique traumatique ? - Le Point Vétérinaire n° 290 du 01/11/2008
Le Point Vétérinaire n° 290 du 01/11/2008

CHIRURGIE ABDOMINALE

Infos

ANALYSE D’ARTICLE

Auteur(s) : Jean-Guillaume Grand

Fonctions : Clinique vétérinaire
8, boulevard Godard
33300 Bordeaux

La hernie diaphragmatique correspond à une protrusion d’organes abdominaux dans le thorax au travers d’une solution de continuité du diaphragme. Le traitement repose invariablement sur la restauration de l’intégrité anatomique du diaphragme, seul garante du retour à une fonction ventilatoire normale. Le moment de l’intervention chirurgicale est un point critique, sujet à controverse.

Quand opérer ?

Avant les années 1980, les études publiées rapportent un pronostic réservé lors de HDT. Chez le chat, une étude rétrospective effectuée sur 56 cas entre 1972 et 1978 relève un taux de mortalité de 44,6 % [5]. Plus récemment, des taux de survie plus élevés de 82 à 92 % ont été mentionnés [1, 14]. Plusieurs facteurs ont contribué à améliorer le pronostic : une meilleure compréhension de la physiopathologie de la HDT, des progrès dans les domaines de l’anesthésie et de la réanimation. Une étude réalisée en 1987 met en évidence que les HDT traitées dans les 24 heures suivant l’admission ont un moins bon pronostic que celles opérées après 24heures (taux de mortalité de 33 versus 20 %) [2]. Les résultats de l’étude décrite montrent en revanche qu’une intervention chirurgicale précoce (avant 24 heures) reste associée à un bon pronostic (supérieur aux meilleurs résultats des séries avec un traitement différé). Ces données corroborent des résultats précédents qui ne rapportent aucune influence du moment de la chirurgie sur le pronostic postopératoire [1].

L’intervention doit toujours être envisagée le plus tôt possible à condition que l’animal soit stable sur les plans hémodynamique et ventilatoire. Un traitement chirurgical en urgence est indiqué lors de hernie gastrique avec tympanisme, de détérioration de l’état clinique malgré la réanimation médicale ou de douleur abdominale (signe d’appel d’une possible occlusion intestinale secondaire) [17].

Complications

Un œdème de réexpansion pulmonaire (ORP) est une complication souvent rencontrée en médecine humaine, survenant dans 14 % des cas de drainage de pneumothorax ; 83 % des ORP sont associés à cet acte [10, 11]. Un auteur a suggéré que l’ORP est plus fréquent lorsque des poumons en collapsus chronique sont rapidement réexpandus par une pression pleurale négative [15]. Il est cité comme une cause de mortalité postopératoire après correction chirurgicale des HDT, les chats semblant davantage à risque que les chiens [2, 5, 16]. Une étude portant sur 56 chiens traités pour HDT rapporte que 45 % (5 sur 11) des morts en phase postopératoire sont dues à un ORP [5]. Ce dernier est décrit pour la première fois chez le chien en 1965 par Walker et Hall [13]. Sa physiopathologie est complexe et probablement multifactorielle. Plusieurs mécanismes sont incriminés : une augmentation de la perméabilité vasculaire pleurale (favorisant la perte de la pression pleurale négative nécessaire à la réexpansion pulmonaire), des anomalies du surfactant, une augmentation de la pression dans les artères pulmonaires lors de la réexpansion des poumons, une migration des leucocytes dans les alvéoles pulmonaires et un phénomène d’ischémie de reperfusion (PIR) [7, 12]. La diminution de synthèse du surfactant survient lors d’hypoventilation et nécessite une pression inspiratoire plus élevée pour dilater les poumons, ce qui favorise des dommages sur les cellules épithéliales (effet “barotrauma”) [17]. Le PIR est un syndrome associé à une ischémie tissulaire temporaire. Le retour des organes dans la cavité abdominale lors de la réduction de la hernie génère une reperfusion tissulaire qui libère des produits métaboliques toxiques (potassium, enzymes lysosomiales et radicaux libres oxygénés) [3]. La libération massive de ces métabolites entraîne des dommages multi-organiques à hauteur des cellules endothéliales, favorisant l’apparition d’un œdème pulmonaire [17]. Les poumons atélectasiés sont aussi soumis au PIR. Pendant la herniorraphie, le collapsus pulmonaire est exacerbé par le pneumothorax induit par l’ouverture de la cavité abdominale, mais la mise en place d’une ventilation à pression positive intermittente (IPPV) maintient une ventilation effective. Cependant, l’IPPV joue un rôle central dans le développement de l’ORP [17].

Recommandations chirurgicales

Les signes cliniques d’ORP surviennent rapidement (dans les minutes) après le rétablissement d’une pression pleurale négative physiologique [17]. Le diagnostic est établi sur la base d’une auscultation pulmonaire et confirmé par un examen radiographique thoracique. Forcer la réexpansion des poumons en fin de chirurgie pour rétablir un “vide pleural” n’est pas une pratique recommandée. Une IPPV doit être maintenue pendant toute la durée de l’intervention en veillant au respect des “bonnes pratiques de ventilation”. L’IPPV se réalise avec un volume élevé et une pression faible (inférieure à 20 mmHg) [4, 8]. Une ventilation à pression élevée et à faible volume peut favoriser un effet “barotrauma” conduisant à une déchirure des alvéoles pulmonaires ou à une extravasation du liquide plasmatique dans la lumière des alvéoles [17]. Dans cette étude, l’utilisation d’un ventilateur pour assurer une IPPV explique probablement le faible pourcentage d’ORP (un chat et un chien tous deux morts). Les lobes atélectasiés qui ne se réexpandent pas avec une pression d’insufflation de 15 à 20 mmHg sont laissés collabés et un drain thoracique est mis en place. Le drainage du pneumothorax sur plusieurs heures en phase postopératoire assure le rétablissement progressif d’une pression pleurale négative favorisant une réexpansion pulmonaire lente [17]. Cependant, le rythme de drainage n’a pas été étudié.

Le traitement chirurgical doit être envisagé le plus rapidement possible une fois l’animal stabilisé sur les plans hémodynamique et ventilatoire. Le respect des bonnes pratiques de ventilation et le recours systématique à un drain thoracique postopératoire limiteraient la survenue de complications fatales comme l’ORP.

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