Mieux communiquer avec sa clientèle : l’exemple australien - Le Point Vétérinaire n° 289 du 01/10/2008
Le Point Vétérinaire n° 289 du 01/10/2008

GESTION DE LA CLIENTÈLE CANINE

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FOCUS

Auteur(s) : Tu Khuc

Fonctions : 150, rue de Normandie, 92400 Courbevoie

Si les vétérinaires australiens ont compris l’enjeu des questions relatives à la communication dans la gestion de leur clientèle, les vétérinaires français y semblent moins sensibles.

Bien communiquer avec sa clientèle représente un moyen primordial de fidélisation et de valorisation du service vétérinaire. Cette notion s’appuie sur deux aspects : d’une part, la communication directe avec les clients, comprenant à la fois l’échange oral et des notions plus subtiles comme l’attitude, les expressions et les gestes ; d’autre part, la communication qualifiée d’indirecte, c’est-à-dire nécessitant des intermédiaires matériels. C’est cette dernière que cet article se propose d’étudier car elle est représentée par des variables aisément définissables et quantifiables. Ainsi, l’objectif de cette étude est de décrire et de comparer les moyens de communication utilisés par les vétérinaires français et australiens, dont l’activité est centrée sur les animaux de compagnie. Ces dispositifs sont essentiellement de deux sortes : l’information en salle d’attente et la communication par le personnel.

Contexte actuel

Peu de données sont disponibles concernant les moyens de communication utilisés par les vétérinaires. Roy a toutefois mis en évidence une certaine méconnaissance des souhaits des clients par les praticiens : par exemple, en 1991, 20 % des vétérinaires interrogés n’utilisaient aucune méthode de relance vaccinale, alors que 99 % des clients qui en bénéficiaient se disaient satisfaits [3]. De plus, 60 % des clients ne recevant pas de relance vaccinale auraient aimé en profiter.

L’enquête menée par Qualivet en 2007, notamment en France et au Royaume-Uni, a traduit le mécontentement de 34 à 45 % des clients interrogés vis-à-vis des conditions de confort en salle d’attente (absence d’un coin pour enfants, isolement, etc.) [2].

Or certains pays, comme l’Australie, bénéficient d’une excellente réputation concernant la communication vers la clientèle (encadré) [1]. Une étude comparative paraît ainsi particulièrement pertinente, d’une part, pour dresser un “état des lieux” des moyens de communication employés par les vétérinaires (l’enquête de Roy date de plus d’une quinzaine d’années), d’autre part, pour dresser des perspectives possibles en France, en se fondant sur l’exemple d’une autre nation.

Moyens d’information en salle d’attente

Aucune différence significative n’est mise en évidence en ce qui concerne l’utilisation des systèmes vidéo en salle d’attente (23 % des praticiens français, 17 % des australiens), ou la diffusion des brochures (respectivement pour 92 et 98 % des personnes sondées). En revanche, les confrères australiens proposent plus volontiers des livres spécialisés dans leurs salles d’attente (53 % contre 18 % des praticiens français), ainsi que des lettres d’information régulières (20 % contre 0 %) qui exposent à leur clientèle aussi bien les changements de personnel que les affections saisonnières. Près de 35 % des cabinets visités en région parisienne (où les contraintes spatiales sont élevées) ne disposent pas d’une véritable réception, qui représente pourtant un point crucial dans le premier contact avec le client.

De plus, les vétérinaires australiens semblent plus attentifs à l’image qu’ils offrent en salle d’attente, via notamment une harmonie graphique et un logo (62 % contre 5 % des confrères français), la présentation du personnel (60 % contre 3 %) et des services (42 % contre 10 %).

Enfin, l’affichage des prix apparaît malgré tout plus fréquent en France (48 % contre 7 % en Australie), mais il s’agit dans notre pays d’une obligation légale (figure 1).

Communication par le personnel

Les différences sont frappantes en ce qui concerne la communication émanant du personnel de la clinique. Tout d’abord, l’attention des vétérinaires australiens pour l’image qu’ils renvoient se trouve renforcée par l’utilisation des uniformes (92 % contre 78 %) et des badges (30 % contre 8 %).

Ensuite, en comparaison avec leurs confrères français, ils distribuent plus volontiers à leurs clients des fiches informatives (88 % contre 43 %), des dossiers médicaux personnalisés (57 % contre 15 %), des factures détaillées (90 % contre 60 %), ou encore des devis avant les actes chirurgicaux ou les séries d’examens complémentaires (93 % contre 40 %). L’édition de ces moyens de communication est facilitée par une informatisation plus répandue (95 % contre 82 %).

Enfin, les vétérinaires australiens mettent en œuvre de véritables stratégies de communication, en allant à la rencontre de la clientèle : par des journées portes ouvertes (45 % contre 3 %), des enquêtes de satisfaction (32 % contre 7 %) et des modalités particulières de rencontres (78 % contre 0 %). Ces dernières sont principalement représentées par les “Puppy schools”, des séances de socialisation et d’éducation canines souvent organisées sur le site de la clinique par des éducateurs spécialisés ou des auxiliaires spécialisés vétérinaires. La volonté de communiquer vers les clients est illustrée également par l’instauration de relances vaccinales, par courrier (100 % contre 90 %) ou e-mail (17 % contre 3 %), l’envoi régulier de lettres d’information identiques à celles proposées en salle d’attente (18 % contre 0 %) et les sites Internet de structures vétérinaires (37 % contre 3 %) (figure 2).

Satisfaction des clients

Une enquête effectuée parmi les clients de deux cliniques australiennes prises comme modèles démontre que, concernant la communication en salle d’attente, l’opinion générale est bonne à très bonne pour 95 à 100 % des personnes interrogées. En outre, 75 à 90 % des clients sondés jugent les moyens de communication qui leur sont fournis en fin de consultation (fiches informatives, devis, factures détaillées, ordonnances personnalisées) très utiles, voire essentiels.

Les clients ne sont donc pas insensibles aux efforts de communication réalisés par les praticiens.

Perspectives

Cette étude a un caractère davantage exploratoire que véritablement descriptif, en raison notamment de la taille et du choix des échantillons. D’autres essais sur le même thème seraient intéressants pour étendre les populations étudiées, aussi bien pour le type d’activité (mixte ou rurale) que pour la zone géographique. L’intérêt des clients pour certains moyens de communication, comme les sites Internet ou les modalités de rencontres avec le personnel, mériterait également d’être évalué à grande échelle.

Les résultats permettent toutefois d’avancer que les vétérinaires australiens seraient un bon modèle pour inciter les vétérinaires français à développer certains moyens de communication, comme les fiches informatives, les informations financières (factures détaillées et devis) ou encore les sites Internet. Même si le lien exact entre les moyens entrepris et les bénéfices obtenus, notamment pour le chiffre d’affaires, mériterait d’être éclairci, l’enjeu est de taille puisqu’il vise à favoriser la fidélisation de la clientèle.

Encadré : Source de l’étude

• Les résultats proviennent d’une enquête réalisée dans le cadre d’une thèse de doctorat vétérinaire [1]. Soixante vétérinaires de région parisienne, 30 de la zone urbaine de Sydney et 30 de celle de Melbourne, ayant tous une activité canine, ont été tirés au sort par stratification et interrogés par entretiens directs sur leur lieu d’exercice. Le test de Ξ2 est utilisé avec un seuil de 5 % pour mettre en évidence des différences significatives, ou, à défaut, le test exact de Fisher lorsque l’un des effectifs est strictement inférieur à 5.

• De plus, deux cliniques australiennes ont été choisies afin d’y mettre en œuvre l’enquête clientèle. Ces structures mettent à disposition de leurs clients des moyens de communication variés et évolués : affichage par thèmes dans les salles d’attente, fiches informatives en fin de consultation, site Internet avec de nombreuses rubriques.

Elles sont également intéressées par les enquêtes de satisfaction, et 20 clients dans chacune d’entre elles ont ainsi été aléatoirement interrogés.

Remerciements aux Drs Colin et Jane Bindloss, Lindsay Hay et Yannick Poubanne.

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