Conduite à tenir devant une thrombo-embolie aortique - Le Point Vétérinaire n° 289 du 01/10/2008
Le Point Vétérinaire n° 289 du 01/10/2008

Cardiologie féline

Mise à jour

CONDUITE À TENIR

Auteur(s) : Fabien Arnault*, Perrine Guillerey**, Jean-Luc Cadoré***, Isabelle Bublot****

Fonctions :
*Service de cardiologie
ENV de Lyon
1, avenue Bourgelat
69280 Marcy-L’Étoile
**Service de cardiologie
ENV de Lyon
1, avenue Bourgelat
69280 Marcy-L’Étoile
***Service de cardiologie
ENV de Lyon
1, avenue Bourgelat
69280 Marcy-L’Étoile
****Service de cardiologie
ENV de Lyon
1, avenue Bourgelat
69280 Marcy-L’Étoile

Même si le traitement d’un premier épisode de thrombo-embolie aortique est un succès, la prévention d’un second épisode est essentielle. Le clopidrogel serait prometteur dans cette indication.

Face à une thrombo-embolie aortique (TEA), le traitement consiste, en premier lieu, à stabiliser l’animal en luttant contre l’état de choc et la douleur, puis, dans un second temps, à assurer un traitement de support dans l’attente d’une récupération fonctionnelle du membre, à prévenir les récidives de thrombo-embolie et à contrôler l’affection sous-jacente à l’origine du thrombus, le plus souvent une affection myocardique.

Étape 1 : traitements d’urgence

1. Analgésie

L’obstruction brutale du courant circulatoire entraîne des lésions ischémiques et une lyse des tissus extrêmement douloureuses dans les 24 à 36 heures suivant l’embolisation. Il convient de contrôler la douleur et le stress car ils sont susceptibles de précipiter la décompensation d’une cardiopathie sous-jacente, fréquemment présente chez ces animaux. Actuellement, aucun consensus n’existe sur le choix de la molécule antalgique. Les opiacés apparaissent une bonne option en raison de leurs effets cardiovasculaires très limités. Une analgésie satisfaisante peut être obtenue par des injections de morphine, à la dose de 0,1 à 0,3 mg/kg, toutes les quatre heures après l’évaluation du score de douleur.

2. Lutte contre l’état de choc

Les animaux présentés pour TEA sont souvent en état de choc (hypovolémique, cardiogénique ou hypoxique). Le traitement, dont l’objectif principal est l’amélioration de l’oxygénation et de la perfusion tissulaire, consiste en l’instauration d’une perfusion intraveineuse, d’une oxygénothérapie, de mesures de réchauffement et en l’administration de diurétiques à action rapide dans de nombreux cas.

• La perfusion intraveineuse est utilisée avec prudence, compte tenu de la présence fréquente d’une cardiopathie sous-jacente chez les chats présentés pour une TEA. Le débit est adapté afin de limiter le risque de surcharge volumique. Une solution isotonique au débit de 1 ml/kg/h est préconisée.

• L’oxygénothérapie est essentielle et ne possède pas de contre-indication. L’utilisation d’une cage à oxygène est préférée afin de limiter le stress chez l’animal.

• L’hypothermie associée à l’état de choc et à la dégradation de la perfusion systémique est corrigée par des mesures classiques de réchauffement : réchauffement des liquides de perfusion, tapis chauffant, lampe chauffante, bouillotte. L’utilisation d’une couverture de survie, bruyante, donc souvent stressante, est à déconseiller chez le chat.

3. Traitement de l’insuffisance cardiaque congestive

L’emploi d’un diurétique à action rapide peut s’avérer salvateur en présence d’une thrombo-embolie compliquée d’une insuffisance cardiaque congestive. Environ la moitié (de 40 à 66 % selon les auteurs) des chats présentent des signes d’insuffisance cardiaque congestive lors d’un épisode de thrombo-embolie [12, 14]. Le furosémide est classiquement administré à raison de 1 à 2 mg/kg renouvelable trois fois à 30 minutes d’intervalle, par voie intraveineuse idéalement (rapidité d’action et effet vasodilatateur du furosémide lors de son utilisation intraveineuse) [16]. Son emploi est contre-indiqué en l’absence de cardiopathie en phase congestive, car il participe à l’entretien d’un état de choc hypovolémique. Or la tachypnée et les modifications de la courbe respiratoire d’un chat qui présente une thrombo-embolie sont imputables, dans la moitié des cas, à une cardiopathie en phase congestive et, pour l’autre moitié, à des conséquences liées au stress et à la douleur. Des indices cliniques et radiographiques d’œdème aigu du poumon ou d’épanchement pleural doivent être recherchés avant la mise en place d’un traitement à base de furosémide.

Étape 2 : traitement de la thrombo-embolie

1. Vasodilatateurs périphériques

Lors d’un accident thrombo-embolique, les substances vasoactives libérées par le thrombus, la sérotonine et le thromboxane A2, entraînent une sévère vasoconstriction de la circulation sanguine collatérale, à l’origine de la neuromyopathie ischémique observée. La question de l’utilisation d’agents vasodilatateurs se pose alors chez ces animaux.

Acépromazine

L’acépromazine, aux propriétés anti-α-adrénergiques, a été recommandée à une dose de 0,05 à 0,2 mg/kg, deux fois par jour, pour ses effets vasodilatateurs périphériques afin de lutter contre la vasoconstriction des vaisseaux collatéraux. Elle serait en pratique peu efficace et doit être utilisée pour son action sédative. L’état de choc associé à une TEA et l’aggravation de l’hypotension engendrée par l’acépromazine nécessitent d’administrer cette molécule avec précaution. Les dernières publications contre-indiquent son emploi [20].

Inhibiteurs calciques

Le blocage des pompes calciques des cellules musculaires lisses des vaisseaux sanguins par les inhibiteurs calciques (flunarizine, diltiazem) entraîne une vasodilatation, ce qui rétablirait la circulation collatérale inhibée lors de thrombo-embolie. La flunarizine (Sibelium®(1)) est administrée à la dose de 1 mg/kg deux fois par jour par voie orale. Néanmoins, aucune efficacité de ce type de molécule n’a été démontrée [5].

Aspirine et clopidogrel

L’aspirine, par réaction d’acétylation, inhibe de façon irréversible les cyclo-oxygénases (COX 1 et COX 2) des enzymes participant à la production de prostaglandines et de thromboxanes, et s’oppose à la vasoconstriction induite par le thromboxaneA2, libéré par le thrombus lors d’accident thrombo-embolique (figure 1). Elle favorise ainsi la circulation collatérale. Cet effet n’est obtenu qu’à de fortes doses qui sont susceptibles d’induire des effets indésirables (gastro- intestinaux).

Le clopidogrel est un antiagrégant plaquettaire disponible sur le marché français depuis environ trois ans. Le clopidogrel inhibe également la production, par les plaquettes, de molécules vasoactives telles que la sérotonine (à l’origine d’une vasoconstriction), ce qui favoriserait la mise en place d’une circulation collatérale en cas de TEA [11]. Ses effets sont plus puissants que ceux de l’aspirine, et son action vasculaire directe améliorerait la circulation, mais cela doit être démontré chez le chat.

L’aspirine ainsi que le clopidogrel sont des antiagrégants plaquettaires qui, en théorie, limiteraient l’augmentation de la taille du thrombus.

2. Physiothérapie, balnéothérapie

Des applications répétées, durant quelques secondes, d’une bouillotte très chaude sur le membre atteint, en alternant vasodilatation et vasoconstriction, amélioreraient la perfusion du membre et accéléreraient la récupération. Réchauffer les membres postérieurs par des massages et des douches tièdes favoriserait la vasodilatation périphérique et la perfusion. Ces notions thérapeutiques restent controversées.

3. Les thrombolytiques

Les thrombolytiques ont pour effet de dégrader le thrombus déjà formé. Ils favorisent la formation de plasmine à partir de plasminogène. La plasmine dégrade la fibrine et lyse le thrombus en produits de dégradation de la fibrine (figure 2). Les indications de ces molécules en médecine humaine sont les thrombo-embolies artérielles systémiques et pulmonaires, certaines thrombo-embolies veineuses et les thrombo-embolies coronariennes à l’origine d’un infarctus du myocarde. Lors de l’emploi de thrombolytiques, l’état de fibrinolyse systémique qui en découle se complique fréquemment d’une hémorragie. Ces molécules restent coûteuses et d’obtention difficile (réservées à l’usage hospitalier humain).

Les principaux thrombolytiques disponibles en médecine humaine sont la streptokinase, l’urokinase et certains activateurs tissulaires du plasminogène.

Les essais cliniques des thrombolytiques chez le chat se limitent à la streptokinase et à un activateur tissulaire du plasminogène (t-PA) [7, 13, 22].

Ni le taux de retour à la fonctionnalité du membre, ni celui de survie ne sont améliorés par l’utilisation de streptokinase (streptokinase, 90 000 UI perfusées sur 30 min puis 45 000 UI/h sur deux à six heures) [7, 12, 13, 17, 21].

De plus, une étude recense des hémorragies dans 24 % des cas, 6 % ayant nécessité une transfusion, une hyperkaliémie dans 35 % des cas et une acidose métabolique chez tous les chats, secondaires au phénomène de reperfusion [13].

Concernant le t-PA (préféré en médecine humaine), une seule étude menée sur six chats, à une dose de 1 à 10 mg/kg, a montré une récupération fonctionnelle du membre dans 64 % des cas et un taux de survie de 43 %. Cinquante pour cent des chats sont morts pendant l’administration du médicament en raison de troubles de reperfusion pour 70 % d’entre eux [14]. Cette étude n’est pas suffisante pour juger ou non de l’intérêt du t-PA dans les épisodes de TEA chez le chat.

Considérant les risques et les bénéfices très relatifs des thrombolytiques dans le traitement des TEA, l’utilisation de ces molécules est déconseillée.

4. Chirurgie vasculaire

Les descriptions de chirurgie vasculaire sont peu fréquentes en médecine vétérinaire [4]. Outre la difficulté technique du geste, cette intervention présente de nombreuses complications : risques anesthésiques majeurs, importants déséquilibres électrolytiques secondaires à la reperfusion rapide, récidive locale du thrombus sur le site chirurgical malgré la mise en place d’un traitement médical à base d’aspirine et d’héparine.

L’étude de Reimer en 2006 traite de la thrombectomie rhéolytique dans le cadre du traitement de la TEA chez le chat [15].

Cette méthode consiste en l’introduction grâce à une artérotomie d’un cathéter de type Angiojet dans la carotide. Le cathéter est approché à proximité du thrombus et un jet de solution physiologique de NaCl 0,9 % injecté à haute vitesse fragmente le caillot dont les particules sont aspirées par le même cathéter. Cette technique a permis la fragmentation du thrombus chez cinq chats sur six ; trois d’entre eux ont survécu [15]. Ces résultats sont comparables à ceux obtenus par les traitements conventionnels de la TEA [15]. Cependant, le nombre restreint de cas relativise l’intérêt de ce procédé.

Au vu des risques associés et des mauvais résultats obtenus, la chirurgie vasculaire est contre-indiquée lors de thrombo-embolie chez le chat.

Étape 3 : prévention

Il convient de distinguer la prévention primaire de la prévention secondaire [9]. La première consiste à prévenir la survenue d’un premier épisode de thrombo-embolie chez un animal qui présente un risque augmenté d’embole cardiogénique (cardiopathie sous-jacente).

En médecine vétérinaire, il n’existe actuellement aucune donnée objective sur l’efficacité des anticoagulants dans le cadre de la prévention primaire des TEA.

La prévention secondaire concerne les chats qui ont déjà présenté un épisode de TEA. Le taux élevé de récidives (de 24 à 75 % selon les auteurs) justifie l’intérêt porté aux différentes molécules anticoagulantes. Cependant, les résultats actuellement disponibles sont issus d’études rétrospectives, portant sur des nombres restreints de cas et ne permettent pas de conclure sur l’efficacité des différents anticoagulants. La première étude prospective sur l’intérêt du clopidogrel et de l’aspirine dans la prévention secondaire des TEA (essai “Fat Cat”) est en cours [9].

Bien qu’encore empirique dans le cadre de la prévention des TEA, une étude conseille l’utilisation des molécules anticoagulantes chez les chats qui présentent un ou plusieurs des critères échographiques suivants :

- un rapport diamètre de l’atrium gauche/diamètre de l’aorte égal ou supérieur à 1,7 (échocardiographie mode 2D) ;

- un diamètre en systole de l’atrium gauche égal ou supérieur à 2 cm (échocardiographie en mode TM) ;

- la présence de volutes préthrombiques au sein de l’atrium gauche (échocardiographie mode 2D) (photo) [9, 17].

Pour Schober et Maerz, une vitesse sanguine maximale dans l’atrium gauche inférieure à 0,20 m/s est le seul facteur échocardiographique prédictif d’apparition de volutes préthrombiques, ce qui justifie l’utilisation de molécules anticoagulantes [17].

Les anticoagulants sont également préconisés chez tous les chats qui ont présenté un épisode de TEA, indépendamment des critères échographiques précédemment cités [9].

1. Anticoagulants

Warfarine

La warfarine(2) est un anticoagulant qui inhibe les facteurs de coagulation vitamine K-dépendants (facteurs II, VII, IX, X) (figure 3). Cette molécule a été administrée à une dose comprise entre 0,06 à 0,09 mg/kg/j par voie orale en une prise (hors AMM) [14]. Les risques à utiliser cette molécule ne sont pas négligeables, et 11 à 17 % d’hémorragies et ayant entraîné la mort sont rapportés selon les auteurs (tableau) [12, 13]. La médiane de survie des chats traités avec de la warfarine à la suite d’un épisode de thrombo-embolie n’est pas significativement meilleure (51 jours) qu’avec un traitement à base d’aspirine (105 jours).

De plus, le taux de récurrence des thrombo-embolies traitées par de la warfarine (24 à 45 %) n’est pas significativement plus faible que celui obtenu par un traitement à base d’aspirine (25 à 30 %). Si la décision de traiter un chat avec de la warfarine est prise, un suivi du temps de Quick régulier est nécessaire [12]. Le prix du traitement, les suivis que cela impose et les risques encourus, sans avoir pu démontrer un intérêt de la warfarine dans le traitement des thrombo-embolies aortiques chez le chat, incitent à ne pas l’utiliser.

Héparine ou héparine de bas poids moléculaire

L’héparine(2) catalyse l’action de l’antithrombine III. L’antithrombine III inhibe l’action de certains facteurs de la coagulation (facteurs II, IX, X, XI et XII), empêchant ainsi la formation de thrombine indispensable à celle du thrombus. Comme l’aspirine et la warfarine, l’héparine limite la formation d’un nouveau thrombus ou l’augmentation de sa taille quand il est déjà installé. L’héparine sodique est utilisée à la dose de 250 à 300 UI/kg trois fois par jour par voie sous-cutanée [19].

Grâce à une action plus spécifique perturbant moins les temps de coagulation, les héparines de bas poids moléculaire entraînent rarement des saignements (2 %) [19]. Leur fréquence d’administration est moindre (demi-vie deux à quatre fois plus longue) et l’observance par les propriétaires meilleure.

Une étude récente portant sur une série de 57 chats atteints d’une cardiopathie et traités avec une héparine de bas poids moléculaire (daltéparine(2), à la dose de 99 UI/kg par voie sous-cutanée une ou deux fois par jour) a montré une médiane de survie de 172 jours [19]. Quatorze pour cent des chats présentent une TEA après instauration du traitement. En médecine humaine, les héparines de bas poids moléculaire sont très souvent utilisées dans la prévention de la survenue des thrombo-embolies (surtout les thromboses veineuses profondes) et leur efficacité est prouvée.

L’étude de Smith et coll. en 2004, en raison de l’absence de lot témoin et du nombre restreint de cas, ne permet pas de conclure sur l’efficacité de la daltéparine dans cette indication [19]. Une étude récente d’Alwood et coll. en 2007 souligne l’absence d’effet anticoagulant significatif chez le chat sain traité avec des doses de daltéparine similaires à celles de l’étude de Smith et coll. [1]. Cela relativise la notion d’efficacité avancée par ces derniers. Des travaux complémentaires (études randomisées, avec placebo, en double aveugle sur des échantillons de taille suffisante) sont nécessaires avant de recommander l’utilisation des héparines de bas poids moléculaire en prévention des thrombo-embolies aortiques chez le chat. Le coût de ces molécules demeure également un frein à leur prescription en médecine vétérinaire.

Aspirine

L’aspirine(2) est théoriquement intéressante en prévention des thrombo-embolies en raison de son effet antiagrégant plaquettaire. Par son déficit physiologique en glutathion transférase qui intervient dans le métabolisme de l’aspirine, le chat est particulièrement sensible à sa toxicité. Certains auteurs préconisent la dose de 75 mg par chat tous les trois jours [6]. Plus récemment, d’autres auteurs l’ont préconisée à faible dose, à savoir 5 mg par chat tous les trois jours, en se fondant sur le fait qu’une faible dose d’aspirine, tout en inhibant l’agrégation plaquettaire, pourrait épargner la production endothéliale de prostacycline (PGI : antagoniste de l’agrégation plaquettaire possédant des propriétés vasodilatatrices) [21]. De plus, les effets secondaires, notamment gastro-intestinaux, sont moindres à faible dose (4 % contre 22 % à forte dose). Néanmoins, d’après Smith et coll., cet intérêt ne semble pas se confirmer chez le chat, puisqu’il n’apparaît pas de différence significative de survie entre les deux groupes (faible et forte doses), et le taux de récidives de thrombo-embolie n’est pas significativement plus bas lors de l’emploi de la faible dose. Pour Hogan, le seul réel argument en faveur de l’utilisation de la faible dose d’aspirine est la diminution des effets secondaires, car 5 mg par chat tous les trois jours semble être suffisant pour limiter l’agrégation plaquettaire, tout en assurant une sécurité thérapeutique maximale. L’emploi de l’aspirine dans le cadre de la prévention de la TEA reste toujours empirique. La médiane de survie des chats sous traitement à base d’aspirine oscille entre 105 et 184 jours après le premier épisode de thrombo-embolie. Et le taux de récidives de thrombo-embolie est de 17 à 28 % [18, 21].

Clopidogrel

Le clopidogrel(2) (Plavix®(1)) est un inhibiteur des récepteurs à l’adénosyl-diphosphate (ADP) présents sur la membrane plaquettaire. L’association de l’ADP à la membrane plaquettaire est un élément indispensable à l’activation de la formation du clou plaquettaire par le facteur XII (facteur de Von Willebrand). Selon des études en médecine humaine, le clopidogrel est un meilleur antithrombotique que l’aspirine et il entraîne moins d’effets secondaires gastro-intestinaux [2, 8].

En revanche, des troubles hémorragiques et des désordres dermatologiques sont plus souvent observés avec le clopidogrel qu’avec l’aspirine. Chez le chat, peu d’études actuellement publiées sur des animaux sains objectivent une augmentation très significative du temps de saignement, une diminution de l’agrégation plaquettaire in vitro, ainsi qu’une diminution de la concentration en sérotonine.

Ces effets apparaissent trois jours après l’instauration du traitement et s’estompent une semaine après son arrêt. Les chats sains inclus dans ces tests cliniques n’ont présenté aucun effet secondaire à l’administration de clopidogrel [11]. Les doses efficaces sans effet secondaire varient entre 18,75 et 75 mg par chat et par jour [11]. C’est une molécule qui reste relativement chère (boîte de 28 comprimés pelliculés 75 mg, 57,02 €). Il n’existe à notre connaissance aucun essai clinique publié sur l’efficacité du clopidogrel lors de thrombo-embolie aortique chez le chat. Cette étude est en cours (étude “Fat Cat” par le Dr Hogan).

Des résultats préliminaires ont été présentés récemment [10]. Ils concernent deux groupes de 14 chats atteints d’une cardiopathie et qui ont présenté un épisode de thrombo-embolie dans les un à trois mois avant le début de l’étude. Afin de juger de l’efficacité d’agents antithrombotiques dans la prévention secondaire de thrombo-embolie, le premier groupe a été placé sous aspirine (à la dose de 81 mg per os toutes les 72 heures) et le second sous clopidogrel (à la dose de 18,75 mg per os toutes les 24 heures). Une réduction significative du taux de récurrences de thrombo-embolie semble apparaître dans le groupe traité au clopidogrel (7,1 %) par rapport au groupe traité à l’aspirine (42,9 %) [10].

Il est difficile de conclure sur la molécule la plus efficace dans la prévention des thrombo-embolies aortiques chez le chat. En se fondant sur des critères comme les complications, le prix, la facilité d’observance du traitement, l’aspirine 5 mg par chat deux fois par semaine semble actuellement le meilleur protocole. Les héparines de bas poids moléculaire et le clopidogrel sont probablement des molécules d’avenir.

2. Traitement de la cardiomyopathie

Aucune des molécules classiquement utilisées (inhibiteurs de l’enzyme de conversion, inhibiteurs calciques, Β-bloquants) dans le traitement des cardiomyopathies ne prévient spécifiquement le risque de thrombo-embolie. Cependant, étant donné que les modifications structurales cardiaques induisent un milieu propice à la formation d’un thrombus, l’intérêt d’un traitement qui réduirait ce remodelage dans la prévention des thrombo-embolies est évident. L’utilité du diltiazem(2) (à la dose de 5 à 10 mg/kg/j, par voie orale) montrée par Bright et Golden en 1991 dans le contrôle de l’évolution des myocardiopathies hypertrophiques (CMH) touchant, selon les auteurs, 35 à 75 % des chats présentés pour TEA n’a jamais été confirmée [3, 12, 18, 21].

La prise en charge en urgence d’une TEA chez le chat est celle combinée d’un état de choc et de la douleur. Les opiacés apparaissent comme un bon choix analgésique. La perfusion intraveineuse est réalisée avec prudence, compte tenu de la possibilité d’une cardiopathie sous-jacente. L’utilisation éventuelle d’un diurétique s’effectue après confirmation d’une cardiopathie en phase congestive. L’emploi de vasodilatateurs périphériques est controversé tout comme l’efficacité de la physiothérapie. Considérant les risques et les bénéfices très relatifs des thrombolytiques dans le succès thérapeutique lors de TEA, l’utilisation de ces molécules est déconseillée ainsi que la chirurgie vasculaire. Concernant la prévention des récidives, l’accessibilité, le faible coût, la facilité d’observance ainsi que les effets secondaires restreints à faible dose font de l’aspirine la molécule la plus prescrite, bien que sa réelle efficacité reste à démontrer. Les héparines de bas poids moléculaire et le clopidogrel sont probablement des molécules d’avenir, selon les résultats préliminaires de l’étude “Fat Cat” pour le clopidogrel. Il convient cependant d’être prudents quant à l’interprétation de ces résultats obtenus à partir d’un nombre restreint de chats, avec, pour certains, une durée d’étude très courte [10]. L’auteur précise une possible augmentation du taux de récidives au cours des mois à venir et souligne l’importance d’attendre les résultats définitifs [10].

Remerciements à Isabelle Goy-Thollot pour l’aide apportée à ce travail.

  • (1) Médicament humain.

  • Molécule sans AMM vétérinaire.

Références

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